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sur 978 notes
Deux mères hantent ce récit. Une qu'il n'a connue que trois mois et l'autre qui l'a aidé à vivre et à devenir quelqu'un. La jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée. Et comme pour se rapprocher de la première, il retrace sa vie, lui livre enfin un « tu » qu'il n'a jamais prononcé. Un « tu » qui dévoile les profondeurs de cette femme, solitaire, vaillante et ô combien malheureuse de sa condition de femme dans cette atmosphère paysanne. Elle qui rêvait de livres et de savoirs doit se contenter de travailler et d'abandonner ses rêves d'ailleurs. Elle qui est tombée amoureuse comme on peut l'être qu'une seule fois dans sa vie, ne se remettra pas du drame qui la touchera et sombrera peu à peu.

La deuxième partie s'ouvre de nouveau sur un « tu » mais ici c'est l'auteur qui se parle à lui-même. Ce « tu » qu'il n'aime pas et qu'il essaie de reconstruire avec des mots, des phrases qui le transformeraient, enfin. Ce « tu » qui grâce à l'amour de cette mère adoptive est un homme aimé et écouté. Mais ce n'est parfois pas assez pour se construire en tant que personne. Les cicatrices invisibles et tues sont douloureuses et il est difficile pour lui d'aller contre ses démons.

Deux récits qui abordent la solitude, celle de la mère et du fils. Ils dévoilent le poids du passé et les conséquences qui en découlent avec une force rarement lue.


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J'ai été émue par ce récit, un livre d'espoir.
Tout comme le lambeau de Philippe Lançon, j'y vois une ode à la vie.
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Dans la première partie de ce récit, Charles Juliet rend hommage à sa mère biologique qu'il n'a presque pas connue puisque, peu après sa naissance, épuisée par quatre grossesses trop rapprochées, elle fit une tentative de suicide et mourut en asile psychiatrique pendant la deuxième guerre mondiale. Ayant recueilli le témoignage d'une tante et d'amies de sa mère, l'auteur reconstitue le parcours de celle-ci. Fille de petits paysans, ayant à s'occuper de quatre soeurs cadettes, ainsi que des travaux du ménage et de la ferme, elle dut interrompre sa scolarité après le certificat d'études, en dépit de ses aptitudes et de ses goûts. Son père, très dur et autoritaire, lui refusa tout apprentissage. Elle n'avait qu'un seul livre, la Bible, dans laquelle elle se plongeait avec passion et dont elle recopiait les passages revêtant le plus de sens à ses yeux. Une brève mais intense histoire d'amour la délivra - pour un temps bien éphémère - de sa solitude. Après la mort de l'homme qui avait illuminé sa triste vie, dont elle ne semble pas avoir pu se remettre, elle épousa un voisin sans pouvoir créer d'union profonde avec lui.

Le portrait maternel ainsi dessiné par l'auteur est poignant. On peut se demander ce qu'il doit aux témoignages recueillis et ce qui est né d'une création du personnage par Charles Juliet, d'une projection par celui-ci de sa profonde tendance à l'ennui et à la mélancolie. Il n'est pas exclu qu'un fond dépressif ait été transmis de la mère au fils. La mort de faim de la mère en asile psychiatrique - même à l'époque et en temps de guerre - est-elle avérée ou fantasmée ?

La deuxième partie du récit est consacrée à l'itinéraire personnel de l'auteur. Recueilli par une famille aimante et dévouée, l'auteur connaît pourtant une enfance assez pénible marquée par des peurs irrationnelles et par la pauvreté. de Pâques à la Toussaint, occupé à garder les vaches, il ne fréquente pas l'école. Charles Juliet revient ensuite brièvement sur sa vie d'enfant de troupe à l'école militaire d'Aix-en-Provence, qu'il avait narrée plus longuement dans "L'année de l'éveil". Puis il évoque un début d'études de médecine et sa résolution de devenir écrivain. Une jeune femme accepte de partager sa vie et de gagner l'argent du ménage pour qu'il puisse se consacrer à cette vocation. Mais cela est loin d'aller tout seul. L'auteur connaît la crainte de la page blanche, le doute, la vacuité et même le désespoir et la tentation du suicide. Lorsque la tension est trop forte, il ressent le besoin irrésistible de se rendre chez sa mère adoptive qui lui a donné tant d'amour et dont le seul contact l'apaise.

On peut être agacé par cette deuxième partie de l'oeuvre où l'auteur se révèle très égocentré et estimer qu'il se complaît dans son marasme. Mais on est aussi admiratif devant le travail d'introspection accompli, la ténacité avec laquelle il a creusé en lui-même pour devenir un écrivain.
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Nous voici, à travers ce court roman, en pleine immersion dans le monde paysan du début du XXe siècle. Son esprit, sa rudesse. Jolie écriture qui retranscrit avec justesse un monde où les sentiments, l'émotion, l'individualisme, n'ont pas leur place.

Beaucoup moins convaincue, par contre, par le dernier quart du livre où l'auteur s'épanche dans une introspection, à mon sens passablement longuette et redondante, sur son désir et ses doutes quant à sa capacité à devenir écrivain.
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Magnifique et brillant hommage que rend ici Charles Juliet à ses deux mères.
« l'esseulée et la vaillante
l'étouffée et la valeureuse
la jetée-dans-la-fosse et la toute-
donnée. »
Sa mère biologique, femme esseulée, étouffée dans un profond désespoir existentiel s'est donnée la mort à l'asile psychiatrique, durant la seconde guerre mondiale. Charles Juliet s'attelle à un sensible portrait de femme. Une femme qui a tout donné à sa famille, s'est sacrifiée tout entière, errant dans un puits sans fond, elle qui était si douée pour l'école, sa famille de fermiers modestes ne juge pas l'intérêt de scolariser leurs enfants. Elle en gardera une profonde frustration. Tout autant que l'amour qui ne se dit et ne se montre pas d'où elle vient. Femme mélancolique, fantôme de la mort, elle ne parviendra jamais à s'extirper du malheur pour rejoindre la vie.
Quand cette première s'éteint, le père confie Charles à une autre femme qui deviendra pour Charles un « chef d'oeuvre d'humanité ».
Cette femme adoptante deviendra sa mère, lui qui sera comme né sous x. Elle l'élèvera comme son propre fils lui prodiguant sécurité, amour et éducation.
Charles devenu grand homme reconnaîtra combien cette deuxième mère lui aura sauvé sa vie.
Il écrit Lambeaux avec l'idée de tirer ces deux mères de la tombe, de leur donner la parole de ce qu'elles ont toujours tu. Il mesure la chance que cette deuxième mère lui a offerte, face à ces éclopés de l'absence.

« Lorsqu'elles se lèvent en toi, que tu leur parles, tu vois s'avancer à leur suite la cohorte des bâillonnés, des mutiques, des exilés des mots
ceux et celles qui ne se sont jamais remis de leur enfance
ceux et celles qui s'acharnent à se punir de n'avoir jamais été aimés
ceux et celles qui crèvent de se maipriser et se haïr
ceux et celles qui n'ont jamais pu parler parce qu'ils n'ont jamais été écoutés
ceux et celles qui ont été gravement humiliés et portent au flanc une plaie ouverte
ceux et celles qui étouffent de ces mots rentrés pourrissant dans leur gorge
ceux et celles qui n'ont jamais pu surmonter une fondamentale détresse »

Charles Juliet gagnera la vie dans les entrailles de son enfance heureuse. Nouant une farouche admiration pour les sympathiques professeurs, il rencontrera un professeur de français qu'il juge bon à admirer, faisant de lui un élève assidu au cours de français. La littérature et l'art seront ses béquilles, ses yeux, son énergie.

Lambeaux est un récit poignant, écrit d'une main de maître, par un homme qui a compris qu'il existait une frontière entre l'ombre et la lumière. Un homme qui a rencontré la résilience pour renaître du vide. Magistral et beau tout simplement.
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Un lambeau est une portion d'étoffe mise en pièce. C'est à dessein que Charles Juliet a recours à cette allégorie pour titrer ainsi son ouvrage.

Sa jeunesse a été mise en pièces, sans doute par héritage de celle d'une mère à la destinée tragique : amour interdit, mariage de résignation, grossesses non désirées et pour clore cette vie d'accablement, l'enfermement dans un asile et l'horrible mort dans la solitude, par privation. C'était l'époque au cours de laquelle la solution finale pouvait faire des émules. On ne s'embarrassait pas trop longtemps des dépressifs chroniques.

Lambeaux est un ouvrage autobiographique très intimiste que son auteur a organisé en deux parties. Une première faite de ce que Charles Juliet a pu reconstituer de la vie de sa mère biologique. Une seconde du souvenir de ses jeunes années. Placé dès ses premiers mois au sein d'une famille d'adoption, il n'a pourtant pas manqué d'amour. La reconnaissance qu'il aura en retour à l'égard de ses parents d'adoption sera faite du même sentiment, fort et sincère.

Puis il y a eu dès l'âge de onze ans le pensionnat au collège militaire d'Aix- en-Provence. Il en a fait le récit dans L'année de l'éveil. Parvenu à l'âge adulte il acquiert la certitude que sa vocation est d'écrire. Sa lucidité lui fait ne pas ignorer la difficulté qui l'attend pour vivre de ce penchant. Les débuts tiennent leur promesse. Longtemps doute, remise en question, tentation d'abandon sont au rendez-vous. le mal-être des origines brouillées fait surface. Mais la persévérance est là aussi. Elle se confirme lorsque dans sa quête de soi, à force de volonté, il s'affranchit de la culpabilité d'être la cause de la perdition de sa mère. Elle est partie à la dérive au moment de sa naissance. La maturité délivre l'homme. le succès se fait jour. Enfin. Il ne faut jamais désespérer.

Le point commun entre les deux parties de cet ouvrage, c'est le style adopté : le tutoiement de cette mère qu'il n'a pas connu d'abord et avec laquelle par ce procédé il se familiarise, l'apprivoise, la comprend : "Pour aimer, il faut avoir beaucoup à offrir, et tu ne sais que trop que tu es dépourvue de cette véritable richesse". Il découvre petit à petit le champ de ruine qu'a été sa vie. le tutoiement persiste dans la deuxième partie même quand il parle de lui. Une façon de se familiariser aussi avec cet enfant qu'il a été. Il s'extrait de sa vie, se place en observateur, s'adresse à lui-même : "Si ta mère n'avait pas sombré, qui aurais-tu été ?".

Et cet épilogue dans lequel il explique la démarche de celui qu'il a été : "Un jour, il te vient le désir d'entreprendre un récit où tu parlerais de tes deux mères, l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée. Leurs destins ne se sont jamais croisé, mais l'une par le vide créé, l'autre par son inlassable présence, elles n'ont cessé de t'entourer, te protéger, te tenir dans l'orbe de leur douce lumière."

Des paroles de naissance à la vie, lorsque l'espoir est venu s'installer dans son coeur.
C'est touchant et bien écrit, avec des mots simples, des mots vrais.
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Cet ouvrage vertigineux ôte le bâillon de la pudeur clandestine sur un véritable cri organique à travers lequel une fièvre familiale est mâtinée à la résilience d'un homme face aux affres qui l'incombent. La plume, profondément intime, prend la forme de soliloque où chaque mot est calibré favorisant l'éclosion d'une langue pénétrante et bouleversante. C’est au moyen de phrases courtes et nominales que l'auteur fait du·de la lecteur·rice un·e complice de sa vacuité généalogique et l'emporte dans sa quête identitaire vers un crépuscule empli d'espoir et d'étincelles. Ce formidable roman autobiographique, dont le titre est seyant, est l'histoire d'un phénix, d'un rescapé du silence par la littérature. Un véritable hommage aux figures maternelles, un bijou tendre et sans emphase.
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Enfin un livre marquant que je ne vais pas oublier tout de suite comme c'est assez souvent le cas hélas ces derniers temps.
Il s'agit d'une autobiographie de Charles Juliet dans laquelle il rend hommage à ses deux mères.
La première partie s'adresse à sa mère biologique qu'il n'a pas connue. C'est l'histoire qui m'a le plus touchée. Il évoque l'enfance de cette petite fille de paysans qui a adoré l'école et était très très bonne élève mais n'a pas pu poursuivre d'études car ses parents n'en voyaient pas l'intérêt et avaient besoin d'elle à la ferme et pour s'occuper de ses 3 petites soeurs.
Il imagine sa vie quotidienne consacrée aux travaux des champs, soins apporté aux vaches, préparation des repas, ménage ... etc... Et tout ça sans un remerciement des parents. Il imagine aussi son isolement, son immense solitude, le fait qu'elle crève de n'avoir personne à qui parler, à qui confier ses émotions, ses tourments. Il évoque son envie d'ailleurs, de prendre le petit chemin de terre qui s'éloigne du petit village et va vers la ville la plus proche et l'ailleurs. Il raconte son premier amour qui se termine mal.
Il évoque son père à lui, la création d'une famille à elle ; elle aura plusieurs enfants mais inexorablement elle sombre dans une immense tristesse et une grave dépression qui ne dit pas son nom. La fin de sa vie est atroce.

Suite à l'hospitalisation dans un hôpital psychiatrique de sa mère, le petit Charles sera placé dans une famille d'accueil.
Le second portrait est celui de la mère de famille et paysanne également qui l'a recueilli et élevé comme un de ses propres enfants, sans jamais faire de différence. Il évoque sa grande disponibilité, sa tendresse, son amour inconditionnel. Il raconte sa peur de l'abandon, son sentiment d'insécurité, comme il court à toute vitesse le soir après l'école pour la retrouver le plus vite possible et sa détresse si elle n'est pas dans la cuisine.
Les membres de cette famille ont changé son prénom de Charles en Jean.
Il raconte ensuite son parcours d'enfant de troupes (comme dans "l'année de l'éveil"), son travail de construction et reconstruction, ses réflexions, le temps qu'il lui a fallu pour apprendre à s'aimer et à aimer la vie.
L'écriture est très belle, entre la prose et la poésie. Il dit "tu" à chacune de ses mères, comme s'il leur écrivait une lettre magnifique pleine d'amour, de reconnaissance. J'ai été touchée par sa grande sincérité, son humanité.
Je recommande vivement ce texte et vais continuer la découverte de cet auteur.
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Un véritable coup de coeur, un bijou, magnifiquement écrit qui illustre le pouvoir des mots et de la littérature. Récit autobiographique et bouleversant. Difficile de choisir quelques citations car il faudrait reproduire le livre dans son intégralité.
Dans la première partie, l'auteur retrace la vie et imagine les pensées, l'état d'esprit de sa mère biologique, morte peu après sa naissance en hôpital psychiatrique. Une femme comme tant d'autres à l'époque dont la vie fut volée, confisquée par le travail. Une vie non vécue, sacrifiée, sacrifiée au service des autres. Un empêchement à vivre, à s'évader et à dire par manque de mots, d'éducation, de temps à soi. Quatre grossesses rapprochées auront raison d'elle en la faisant sombrer dans une grave dépression.
Dans la deuxième partie, l'auteur retrace son enfance et sa mère adoptive qui l'a recueilli malgré sa pauvreté, un nombre élevé d'enfants. Cette femme, submergée par le travail elle aussi mais ouverte, humaine, chaleureuse, solaire, l'a sauvé, l'a arraché à un destin funeste et entouré d'amour.
L'auteur mène une réflexion sur sa vie, ses hasards, l'écriture. Il a mis plus de dix ans à accoucher de ce récit à l'écriture suggestive, poétique et très travaillée.
Il se sauve lui-même par les livres et par l'écriture, ce que sa mère avait tenté en vain.
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Une merveille d'écriture
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