Pourquoi autant de commentaires sur ce merveilleux roman, font-ils état d'un "narrateur sans nom" ? Mais le narrateur, c'est l'auteur lui-même, c'est clair, il n'a pas besoin de s'identifier, et surtout, il l'écrit quand Patricia lui demande qu'est-ce qu'il fait dans le vie, il répond qu'il voyage et qu'il ra
conte ses voyages "pour ceux qui ne peuvent pas voyager". Et KIESSEL y parvient, comme un grand maître du roman, mais ça a été tellement écrit dans les commentaires, ici et ailleurs,, qu'il est préférable de s'intéresser plutôt à un aspect bien délaissé par tous les commentateurs : "de la complexité de l'âme humaine". Qui a raison ? La vraie vie pour une petite fille est-elle dans la brousse ou en ville parmi les humains ? La jeune Patricia est-elle une horrible chipie qui se fait obéir de tout le monde, humain et animal, et qui est très heureuse ainsi, ou n'a-t-elle seulement, jamais eu l'occasion d'être confrontée aux réalités de la société humaine, et en particulier à ce qu'est la mort d'un être aimé ? Lequel des 2 parents veut vraiment son bonheur ? Les 2, ou aucun des 2 ? Aux yeux de certains, à la fin du livre, le père n'apparaît plus que comme une brute insensible, ce qui donnerait raison à sa femme. Puisque cette fin est, malheureusement, si souvent dévoilée sur INTERNET et c'est bien dommage, on ne peut plus la cacher. On lit si souvent que ce père aurait tué
le lion de sa fille "par devoir". C'est en partie vrai sauf que son "devoir" lui interdisait aussi d'avoir une arme, et quelle vision simpliste d'un comportement humain ! En se rappelant qu'il était chasseur professionnel avant d'être directeur de la réserve, que fait-on du plaisir de tuer, pourtant si courant chez tant de chasseurs ? Et sa femme, qui paraît pourtant si soucieuse de sa fille, ne lui avait-elle pas demandé elle-même auparavant, de tuer ce lion ? On peut lire aussi que le mythe du Massaï qui doit tuer un lion pour passer dans le monde des adultes ne serait qu'une légende qu'aurait utilisé
KESSEL. Il connaissait suffisamment l'Afrique pour savoir ce qu'il en est, il fait raconter au père, l'une de ces chasses rituelles, et quand Patricia, qui a déjà sa petite idée derrière la tête, lui demande s'il a déjà vu un seul Morane ( jeune homme chez les Massaï ) s'attaquer à un lion, il répond que non, bien évidemment. Et quand le Morane vient seul au combat contre son lion King, ça n'a rien à voir avec quelque rite que ce soit, tout le monde devrait pourtant le comprendre, c'est Patricia qui a provoqué ce combat en utilisant la fierté et le courage des Massaî, et là c'est elle qui devrait passer pour sans coeur, même à 10 ans. Mais le narrateur nous avait conduits, peu de temps auparavant, avec Patricia, vers le vieux chef Massaï abandonné mourant dans la nature, avec la réaction d'Européen du narrateur, et celle de Patricia : "il est déjà mort puisqu'il ne peut plus vivre". le narrateur avait pourtant bien expliqué qu'il ne pouvait en être autrement, de la part d'une fillette qui n'avait toujours vu mourir, que des Noirs et des animaux et que c'était à ses yeux, la chose la plus naturelle qui soit.
En conclusion, ne nous bornons pas à des analyses trop simplistes des personnages, il y a en chaque humain, du bon et du méchant, du bien et du mal, comme dans la vraie vie, quoi ! Et c'est bien l'exploit de
KESSEL que d'être parvenu, de façon aussi magistrale, à mettre en valeur cette complexité ! Je ne serais pas surpris d'ailleurs, que ce soit là, avec les descriptions de l'Afrique, l'un des buts de l'auteur. J'en veux pour preuve, la dernière phrase, que je ne vais surtout pas citer, mais j'ai la conviction qu'elle est là pour nous dire : "tout est tellement plus simple, dans ce monde animal que Patricia est en train de perdre !"