C'est à la suite d'un séjour au Kénya que
Joseph Kessel a écrit «
le lion », s'inspirant d'une histoire que son hôte lui avait racontée.
« on aime les bêtes pour les voir vivre et non plus pour les faire mourir » dit le chasseur repenti, gardien du Parc Royal où les animaux vivent en liberté.
Le narrateur prend son temps pour présenter la famille perturbée et perturbante dans laquelle il va séjourner et il faut attendre la moitié de l'ouvrage pour enfin combler l'attente du lecteur, c'est à dire découvrir, savoir et comprendre le lien charnel qui unit la jeune Patricia au lion King,
le lionceau abandonné qu'elle a nourri, aimé, caressé dès sa naissance et qui est devenu, magnifique adulte, son compagnon de jeu, son ami, son protecteur.
Alors, le lecteur émerveillé pénètre dans une autre dimension, celle de l'enchantement, qui lui permet de percevoir et envier la fusion exceptionnelle existant entre la gamine intrépide, humaine faible et apparemment sans défense, face à un lion magnifique, splendide et dangereux animal en pleine force de l'âge qui pourrait d'un coup de dent la mettre en pièces.
Joseph Kessel éblouit le lecteur grâce au souffle puissant d'une prose inspirée, ardente, sauvage et incandescente qui pétrifie d'admiration le lecteur fasciné, et l'emporte aux confins d'un rêve éveillé où l'animal et l'humain, ayant tissé de profonds liens affectifs, ne forment plus qu'un seul être, dans une savane magnifiquement mise à sa portée et dans laquelle il a envie de se plonger avec terreur et ravissement.
Et l'auteur de mettre subtilement en place tous les éléments qui vont conduire inéluctablement à la tragédie.
C'est cela qui rend ce livre inoubliable, cela avec, en outre, l'évocation précise que fait
Kessel du mode de vie de la tribu des Masaï et de certaines de leurs coutumes.
Car, pour le reste …. eh bien, nous sommes dans les années cinquante, époque où « l'homme blanc » tient toujours le haut du pavé dans une Afrique où le noir est considéré comme le boy destiné au service du maître, ou comme le simplet qu'il convient de diriger, et ce relent de colonialisme donne à ce roman un parfum quelque peu écoeurant, mais il ne pouvait évidemment en être autrement,
Kessel n'allant pas s'amuser à déformer la sinistre réalité de l'époque coloniale, d'autant qu'en tant que reporter il a toujours eu à coeur de capter la vérité des choses et de la restituer sans fard !
Ce qu'ici il fait avec maestria.