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Les jeux innocents et à la fois pervers d'une petite fille élevée au Kenya, et qui toute petite a sauvé/élevé/recueilli un lionceau abandonné, King.
Patricia est innocente, elle suit les inspirations primitives de l'instinct, sans se demander pourquoi, et regarde les luttes des fauves entre eux sans en chercher le sens.
Elle a appris les codes de la vie africaine, le respect dû aux animaux sauvages, et, par ailleurs, elle entend se faire obéir, par son père,( il fait ce que je veux, il m'appartient et à moi seule), par celui qui veille sur elle, le vieux rabatteur blessé Kihoro, et aussi par King, le roi des animaux, qu'elle prend dans ses bras, renverse, provoque, et manipule, en lui faisant attaquer l auteur du roman ( Kessel ?), puis en calmant le fauve au dernier moment.
Là, la perversité entre.

Les africains croient qu'elle est la fille de KIng, d'ailleurs son père réel ressemble à un lion, il en a le mufle, la crinière rousse et la force royale, et elle les assaille l'un comme l'autre, l'un et l'autre se laissant faire par ce petit bout de nez.

C'est donc un récit oedipien dont il est question, dans le triangle père, mère et enfant, tous trois s'aimant mais ayant des goûts dissemblables, des exigences opposées, car la mère est un peu exclue, car son angoisse de voir sa fille jouer ces jeux dangereux (avec le lion) ou excitant sa jalousie (avec son mari) va croissant lorsque ces jeux contre nature se multiplient, car, surtout, comme son nom l'indique, Sybil, elle a le don de divination et le tourment corrélatif.
Ce triangle oedipien se déplace en effet depuis le père jusqu'au lion, dont Patricia se sent à la fois mère, puisqu'elle l'a nourri, fille vu leur taille respective, et femme. D'ou la jalousie qu'elle essaie d'endormir vis à vis de sa mère, par une sorte de pitié puisqu'elle sait que son père et elle forment couple, mais qui se révèle, forte, passionnée, haineuse, irrémédiable vis à vis des femelles du lion.
Car les femelles apparaissent, avec leur progéniture, et elles aussi veulent défendre leur bien, leur mâle, il est à elles.

Triangle qui se déplace aussi jusqu'à lui, le narrateur, quand il trouve la petite un peu dénudée dans son lit à lui, lui, dit il, un homme qui depuis longtemps, avait cessé de l'être. Elle lui susurre que les Massai croient qu'il est son mari, puisque les petites filles masaï peuvent se retrouver mariées avec des vieillards.
Triangle qui se déplace encore lorsque le plus beau des Masaï, tribu guerrière de seigneurs, beau comme un demi dieu, la demande en mariage. Or les moranes, selon la coutume Massai, doivent tuer un lion, avec leurs seules lances, la plupart du temps en se mettant à plusieurs pour mener à bien l'exploit, puis le plus valeureux revêt la peau du lion vaincu.

Chant sur l'Afrique, sur la force de ses habitants, sur leur intelligence liée à l'extrême pauvreté, sur leur dignité et l'orgueil de faire partie de tribus adaptées à la faune des grands fauves, et sur la splendeur de ces terres du début du monde, le brasier blanc des neiges du Kilimandjaro, les fleurs, « averses d'or qui éclataient en buissons d'écarlate » l'abondance, l'exubérance sans limite de la nature.

Roman aussi sur la peur, celle qui s'empare de la mère, qui la dévore jusqu'à la moelle, jusqu'à l'âme, qui la dévore et jamais ne peut se calmer. (Oui, la petite fille se croit toute puissante, mais elle joue sans doute un peu trop, et nous, lecteurs, avons peur comme la mère). La peur n'a pourtant pas toujours à voir avec le danger, et Kessel connaît une peur mêlée du plus grand bonheur, lorsque Patricia le présente au lion.
La peur cède lorsque le lion le regarde, dans le moment où il voit des expressions lisibles, « qui appartenaient à mon espèce, que je pouvais nommer une à une : la curiosité, la bonhomie, la bienveillance, la générosité du puissant. ».

Kessel juge aussi rapidement le sentiment des colons blancs qui se croient supérieurs. Je ne partageais pas ces conceptions, dit il. « Elles avaient été valables tant que les indigènes y avaient cru. Maintenant, c'était fini. » D'autant que les Kikuyou qui s'étaient rebellés avaient réussi à mettre Jomo Kenyatta à leur tête comme président. Et que les Massai, ces seigneurs, ignorent la servitude, ils sont fiers et jamais ne s'abaissent, ce sont eux les puissants, pas les victimes.

« Il y avait cette démarche princière, paresseuse et cependant ailée, cette façon superbe de porter la tête et la lance et le morceau d'étoffe qui, jeté sur une épaule, drapait et dénudait le corps à la fois. Il y avait cette beauté mystérieuse des hommes noirs venus du Nil en des temps et par des chemins inconnus. Il y avait dans les mouvements et les traits cette bravoure insensée, inspirée. Et surtout, cette liberté orgueilleuse, absolue, indicible d'un peuple qui n'envie rien ni personne parce que les solitudes hérissées de ronces, un bétail misérable et les armes primitives qu'il façonne dans le métal tiré du lit sec des rivières comblent tous ses soins et qu'il est assez fier pour ne point laisser sur la terre des hommes ni maison ni tombeau. »

Peut on parler mieux de cette partie d'Afrique ?( à part dire que les étoffes sont rouges , comme le sang que les Massai boivent. Kessel note chaque jour la couleur de la salopette de Patricia, mais jamais le rouge inoubliable des pagnes des Massai.)
Tout est dans ce roman : la violence des paysages, la droiture des Massai, les rivalités entre tribus, les duels mortels des grands fauves, l'obsession de Patricia, le Kenya des parcs naturels, là où les animaux continuent leurs « jeux, luttes, migrations, amours ».
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Que de tendresse, d'intensité, d'émotions et de sensibilité y a-t-il dans cet ouvrage... Je ne m'attendais pas à être aussi bouleversée que je ne l'ai été. Comme quoi, chaque livre regorge de secrets desseins.

L'histoire est assez connue - la quatrième de couverture dénote "plus de deux millions d'exemplaires vendus en France", ainsi donc je ne pense pas qu'un résumé sera nécessaire. de plus, la seule petite phrase qui suit raconte en gros ce que le livre contient ; "l'histoire d'un amour fou entre une petite fille et un lion" (c'est également à cause d'elle que mon attention s'est porté sur ce bouquin : elle est la cause de mon achat).

L'atmosphère dans laquelle nous plonge Joseph Kessel chamboule notre vie, nos habitudes, le quotidien dans lequel nous vivons pour nous dépayser radicalement. Dans une savane sauvage, en plein coeur d'un parc animal, dit le Parc Royal, le narrateur voyage et visualise l'entièreté de ce parc pour s'imprégner au mieux des bêtes sauvages qui y vivent. Mieux qu'un safari animalier, les animaux sont lâchés dans la nature, ils ont tout l'espace qui leur convient, maîtres de leurs droits, de leurs gestes. Pour renforcer cet original espace naturel, l'auteur implante de nombreuses tribus indigènes, des Noirs, avec leurs rituels, leurs traditions, leurs origines. Ainsi, les scènes admirées par le narrateur sortent complètement de l'ordinaire - la construction de la manyatta, les danses rituelles... Tel un spectacle ambulant, un film en grandeur nature, le quotidien particulier de ces gens, dans la faune profonde de ce Kenya inconnu, dénote la créativité artistique de l'auteur.

Grâce à un style d'écriture fluide, simple à la compréhension, ouverte à toutes les générations et imprégnée des termes sauvages et propres au contexte dans lequel il veut nous plonger, Joseph Kessel réussit haut la main son pari syntaxique. Certains mots-clés permettent de s'évader dans la jungle animalière, d'autres nous rapprochent de la petite protagoniste, ou permettent de découvrir d'autres cultures jusque là inconnues du grand public.

Pour en revenir à l'histoire en elle-même et aux nombreux liens qui unissent la petite fille aux animaux sauvages, on peut qualifier ce récit d'émotionnellement chamboulant. Ayant grandie au coeur de cette réserve naturelle, Patricia, l'enfant, en connaît tous les recoins. Elle a appris, au fil du temps, à dompter ses peurs en même temps que les animaux, à respecter, apprivoiser, comprendre et apprend au contact de ceux-la. On peut aisément faire un parallèle avec sa maman, venant d'un milieu urbain et endimanché, européenne dès sa plus tendre enfance, elle ne marque pas le même entrain au contact des bêtes et ne réagit pas de la même façon que sa fille - peur, sueurs froides, sentiment d'isolement, d'inutilité...

En tout cas, le lion rapproche les hommes et les bêtes et prouve le sentiment inextricable, invisible et ténu qui existe entre eux tous. L'amitié que Patricia a su créer entre elle et King (le lion), est spectaculairement singulière, agréablement touchante. Rien que d'y repenser, les frissons me gagnent. Je parle en connaissance de cause, notamment du dénouement final, l'apothéose émotionnelle, le déchirement sanglant, qui va brutalement mettre fin à la féerie de l'histoire pour retrouver les gestes primitifs... je n'en dis pas plus, pour ne pas gâcher la découverte des futurs lecteurs.

Joseph Kessel dans une écriture époustouflante, narre l'histoire émouvante d'une amitié incommensurable entre une petite fille et le roi de la savane. Ce récit montre un autre visage de ce prédateur sauvage, et délivre de nombreuses valeurs humanistes, qui entraînent dans leur sillage larmes, tristesse, émotions et tendresse. Je recommande fortement ce livre, qui est pour ma part une révélation, un dépaysement, une ouverte passionnante sur le monde et la nature qui nous entoure. A écouter, sentir, apprécier, pour s'imprégner au mieux de l'atmosphère sauvage et hors normes que nous offre l'auteur. Splendide.
Lien : http://addictbooks.skyrock.c..
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Histoire de bêtes, de relations familiales, de rêves et de déception, dans un décor majestueux, ce livre m'a impressionné à divers titres. Bien sûr, le personnage de Patricia est en soi marquant, non seulement par cet étrange et magnifique don qu'elle possède, mais également par sa farouche détermination et son incroyable flair quant aux états d'âme de ses parents qu'elle décode aussi facilement que la faune africaine. Face à la complexité de ce triangle familial atypique, où chacun est à la fois prisonnier et éperdument amoureux des deux autres, on ne peut que se demander si une issue sereine est possible ou, à défaut, si un drame pourrait au moins être bénéfique à l'un comme à l'autre. Là-dessus, le dénouement laisse place à l'interprétation.

L'aspect aventure sauvage du récit en est une force évidente. Non seulement l'auteur nous immerge dans une nature omniprésente, envoûtante, enchanteresse malgré ses dangers et ses lois impitoyables, mais il réussit en plus à nous transmettre très clairement les relations des divers acteurs avec cet univers particulier. On apprend des bribes sur les tribus africaines et leurs moeurs, particulièrement les Masai, ce qui ajoute au plaisir de la lecture. La disparition des rêves de tout un chacun m'a touché, mais, à l'instar de ce qui se passe dans ce bouquin, c'est aussi ça la vie. le style baroudeur de l'écriture m'a plu, le récit également, certainement assez pour récidiver avec cet auteur que je découvrais ici.
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On ne peut qu'aimer l'écriture poétique, l'intensité dramatique qui ombre le récit et l'immersion dans la belle et sauvage Afrique du Lion de Kessel. A tel point que ces éléments ont pris le pas, pour moi, sur les personnages que je n'ai pas aimés. Pas aimés pourquoi, parce qu'ils dominent tant la nature – les animaux – que les hommes (les Africains qui ne sont que des boys soumis aux coloniaux).

Le lion King est une possession pour Patricia, la petite fille mi-sauvage mi-apprivoisée (personnage dont j'ai particulièrement détesté l'arrogance et la violence larvée). Et pour moi ceux qui aiment la nature comme ça n'ont rien compris. Pour moi, la faune et la flore s'aiment avec respect, humilité ou en tout cas sans supériorité sur elles ou ce n'est pas l'aimer. Mais qu'importe disais-je, le talent surpasse tout cela.

Moi qui ai, pour une raison qui m'échappe à moitié, une partie de mon coeur en Afrique (une vie antérieure qui sait !) et un amour certain pour les animaux, j'ai totalement voyagé en elle et avec eux.

L'histoire est terrible et sublime. On le sait, on le sent, ça ne peut que mal finir. Alors on se laisser emporter par la beauté de la lecture et on veut connaitre « comment » ça se finira mal… et on redoute en même temps de le savoir…
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Un beau roman sur la savane africaine, ses populations autochtones et sa faune extraordinaire. Kessel ressent les lieux et sa fascination est contagieuse.
Ce roman est avant tout sur l'Afrique, et il est à placer, au plan du succès populaire, au niveau de celui de "Tintin au Congo". Je vais tenter la comparaison de ces deux oeuvres.

Si on se remet le contexte de chaque oeuvre en tête. L'un sert en gros de propagande à la colonisation belge et l'autre se situe, 25 ans plus tard, juste avant la décolonisation.

Concernant le point du racisme, "Tintin" a récemment défrayé la chronique à cause de la représentation des populations noires qu'en faisait Hergé. Il est vrai qu'elle n'était pas flatteuse mais lire "Tintin au Congo" depuis plus de trente ans ne m'a pas fait raciste pour autant et avec du recul on peut aussi se moquer de la façon stéréotypée dont l'homme blanc envisageait l'homme noir.

Alors si Hergé a choqué sur le sujet du racisme que dire de Kessel?

Dans "Le lion", le paternalisme blanc y est moins visible, les autochtones sont moins naïfs, moins spectateurs et plus actifs dans le récit. On sent même un respect pour le peuple Masaï même si on y déplore qu'un jeune guerrier puisse tuer un lion pour prouver sa bravoure alors que la chasse à outrance par l'homme blanc de la faune africaine est un fait à cette époque.

Cela dit cette exploitation de la faune est à de nombreuses reprises dénoncée. le patron de la réserve, Bullit, est un chasseur repenti. Dans ce roman, l'Afrique et ses habitants semblent y être plus représentés et respectés.

Mais il y a un passage qui gâche cet ensemble pourtant en progrès. Celui-ci:

"Et, bien que cet homme fut un Noir, c'est à dire une peau abjecte sur une chair sans valeur et que ce Noir eut lui-même voulu et poursuivi sa perte[...]" (page 233, Ed Folio)

Il faut resituer le passage dans le contexte d'un combat crucial entre un homme noir et une bête mais il y a quand même quelque chose dans les mots choisis par Kessel d'au moins... troublant.
Toutefois, cette oeuvre de Kessel n'a pas eu le procès que l'on a fait à celle d'Hergé.

Dans ce décor idyllique où le Kilimandjaro demeure, vie et mort se succèdent selon un rythme immuable. Seuls éléments du désordre de cet écosystème quasiment stable: certains représentants de l'espèce humaine.

Au premier rang desquelles j'ai choisi l'héroïne: la capricieuse Patricia, onze ans environ. On lui a offert un lion. Elle a grandit avec lui. Elle est le personnage de premier plan, une personnalité forte à qui rien ne résiste. Il est son terrible jouet.
Patricia ne m'a pas semblé très sympathique. Elle provoque et attise les êtres qui l'entourent jusqu'au drame final. C'est ce que l'on appelle aujourd'hui un enfant-roi.
Si la fin est prenante et soulève le coeur, les 100 pages d'introduction donne bien le temps de s'impatienter, pour ne pas dire s'ennuyer, avec les états d'âme de Sybil (la mère de Patricia).

Un incontournable malgré tout.


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Avec Joseph Kessel, j'ai voyagé au coeur de l'Afrique coloniale, dans un des parcs royaux du Kenya à la rencontre de la faune et des peuples indigènes.
L'auteur écrit comme s'il peignait, avec minutie, avec un charme touchant. J'ai été saisie dès les premiers mots de l'auteur qui nous emmène avec lui dans ce monde plein de beauté, de magie et de violence. Les émotions, les sensations, les sentiments sont si merveilleusement bien décrits que le lecteur est au coeur des tensions, pénétrant l'intimité des personnages.
*
Le narrateur achève son voyage en Afrique orientale par un court séjour dans la réserve d'Ambolesi, gérée par un John Bullit, ancien chasseur de renom et sa femme Sybil, dépressive et inquiète pour sa fille Patricia, petite fille solitaire, amie d'un lion.

Arrivé la veille au soir, il découvre au matin le paysage et s'émerveille à la vue de l'étendue brumeuse qui se dévoile peu à peu, laissant apparaître les animaux sauvages s'abreuvant dans la mare, et au loin, les neiges éternelles du Kilimandjaro.
En s'approchant des animaux, il rencontre Patricia, la fille de l'administrateur du parc, âgée d'une petite dizaine d'années. Malicieuse et vive, elle fascine le voyageur par sa compréhension instinctive des animaux et sa force de caractère.
« Ces bêtes ne sont à personne. Elles ne savent pas obéir. Même quand elles vous accueillent, elles restent libres. Pour jouer avec elles, vous devez connaître le vent, le soleil, les pâturages, le goût des herbes, les points d'eau. Et deviner leur humeur. Et prendre garde au temps des mariages, à la sécurité des petits. On doit se taire, s'amuser, courir, respirer avec elles. »
*
Se laissant guider par cette petite fille singulière et dominatrice, le narrateur la suit dans la brousse à la rencontre des animaux dont elle a une connaissance intime. Elle partage avec lui son savoir sur les nombreuses ethnies, leur culture, leurs coutumes étranges et mystérieuses, leurs rites. On ne peut que ressentir l'admiration du narrateur pour le peuple des Masaï, tueurs de lions.
*
Il va découvrir l'amitié qui la lie au plus majestueux des animaux de la savane. King, un magnifique lion, aux « larges yeux d'or », qu'elle a élevé depuis qu'elle est toute petite.
Cette petite fille, vive et intelligente, a des paroles très sensées sur la beauté du monde sauvage, monde qui mérite notre respect et notre rôle de spectateur discret et non intrusif. Mais très étonnamment, elle possède un petit singe et une jolie gazelle, elle se lie dans une relation unique et fusionnelle avec un animal sauvage pour qui elle éprouve un sentiment de possession, d'admiration et de jalousie. Elle a une emprise sur cet animal avec qui elle « joue », en totale contradiction avec sa vision de la vie animale à l'état sauvage.
Un autre point m'a aussi gêné chez cette petite fille, sa trop grande maturité à mon goût et son rôle dans la tragédie qui se joue et dont elle n'aura conscience que trop tard.
*
Le narrateur, témoin du lien étonnant et unique qui lit la petite fille au grand lion, est lui conscient de la fragilité des relations, de l'orgueil des hommes, de la morgue de Patricia, trop sûre d'elle, trop manipulatrice. Il pressent un drame imminent, ne sait pas encore lequel, mais ne peut détacher son regard de ces lieux, de ce lion, de Patricia.
La tension monte au fil des pages, et tout comme le narrateur, le lecteur pressent l'inévitable, et se tend fébrilement vers un dénouement poignant et triste. A trop vouloir jouer, le lion va-t-il se retourner contre Patricia et la tuer ? Les tribus vont-elles s'entre-déchirer ? Un masaï va-t-il tenter d'abattre King pour montrer sa force et son courage à la petite fille qui n'en est plus une à ses yeux ?
J'ai refermé ce livre, abasourdie et malheureuse.
*
Ce roman n'est pas un roman qui s'adresse uniquement aux adolescents. Il est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Au delà de l'amitié d'une fillette et d'un animal sauvage, le roman décrit la complexité des relations dans la structure familiale de l'enfant, les rapports entre l'Europe et l'Afrique, le colonialisme, l'opposition entre la civilisation et la vie sauvage, le rapport à la nature, à la mort, l'enfance.
A cela s'ajoute le cheminement initiatique de cette fillette qui joue avec les sentiments humains et la tendresse du grand félin pour elle, conduisant au drame. La fin du roman, intense et bouleversante, sera pour Patricia, un rite de passage éprouvant qui la fera passer de l'enfance à l'âge adulte.
*
« le lion » est une histoire d'amitié, d'amour, tendre, belle, mais aussi dure et cruelle. La magnificence de la nature et des bêtes est mise en valeur par l'écriture de Joseph Kessel, sensuelle et poétique, ses longues phrases au style classique, peut-être pompeux diront certains, la justesse des mots.
Cette magnifique fresque a également une valeur historique, je la vois comme un témoignage intéressant sur l'Afrique colonialiste, même si on ne peut que regretter le regard européen du narrateur imprégné de racisme. Mais il ne faut pas oublier que ce grand classique a été écrit en 1958, au tout début de la décolonisation, le Kenya obtenant son indépendance qu'en 1963.
*
Un très grand classique de la littérature française. Un roman d'une rare beauté, un très agréable moment de lecture, un lion inoubliable.
*
Je remercie au passage LabiblidOnee pour son beau billet qui m'a donné envie de relire ce magnifique roman rangé au fin fond de ma bibliothèque.
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Un des premiers livres lus dans ma jeunesse.
Quel plaisir d'y revenir autant d'années plus tard !

Si je me souvenais bel et bien du prénom de l'héroïne ( il ne saurait en être autrement..) et des grandes lignes de l'intrigue, beaucoup de détails m'avaient échappé dont, notamment, le rôle prépondérant des Masaïs dans le dénouement.
Cette relecture m'a aussi permis d'apprécier la plume très classique de l'auteur à laquelle je n'avais alors attaché aucune importance.
En ce qui concerne l'histoire, il faut bien entendu l'envisager dans le contexte de l'époque.
Le colonialisme véhiculait alors une image réductrice de l'Afrique, ainsi qu'une série de clichés plutôt racistes sur les africains.
En cela, je trouve que Patricia est un personnage plutôt moderne puisqu'elle refuse de rester si elle ne peut s'intégrer totalement à la vie sauvage de la Réserve.
Si un auteur s'essayait à ce genre d'histoire aujourd'hui, il l'aborderait sans doute d'une tout autre façon.

Un bond dans le passé bien sympathique et un livre, souvenir d'une escapade à Namur en agréable compagnie !
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Lu il y a fort fort longtemps et pourtant je m'en souviens comme si c'était hier. Une lecture poignante et intense qui restera un merveilleux souvenir.
Au risque de briser mon image de vieil ours mal léché je dois avouer avoir versé une larme à la lecture de ce bouquin. Même avec le recul et les années je reste 100% favorable à King plutôt qu'à l'autre andouille à la fierté mal placée...
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Au milieu de la nature, dans le parc royal du Kenya, Patricia, une petite fille vit au milieu des animaux. le narrateur est émerveillé par sa présence au milieu des singes, éléphants...lions. Surtout un lion, King, l'ami de Patricia depuis sa tendre enfance. Malheureusement, cette nature dangereuse effraie sa mère et les relations familiales sont difficiles. Il y a aussi les Masaïs, un peuple kenyan très fier et chasseurs de lions...
Un très beau livre sur une amitié entre un lion et une petite fillette. J'ai aimé le portrait du lion par Joseph Kessel : un rugissement qui ressemble à un rire, des pattes qui bougent pour jouer avec la fillette, j'ai les images dans ma tête et ça me parait d'autant plus fou. En même temps, les relations sont assez conflictuelles entre Patricia et ses parents et aucun d'eux n'est réellement franc même si tout cela est guidé par l'amour. Les Masaïs sont également bien présents dans la nature kenyan surtout avec son rôle avec les lions. Un très beau roman jeunesse qui mériterait seulement d'être un plus concis, le début pose les bases mais est beaucoup trop lent, il faut attendre la moitié pour mieux l'apprécier.
Roman que j'ai lu presqu'en même temps qu'Entre fauves de Colin Niel, j'avais vraiment l'impression d'être pleinement dans la nature sauvage africaine, même si les époques sont différentes.
Très belle découverte !
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J'avais une revanche à prendre sur ce livre, qu'un adulte cher m'avait offert enfant en insistant sur sa qualité et son caractère initiatique, mais que je n'avais pas aimé.
Je ne sais pas si c'est sa violence brute, son animalité primale et une certaine forme d'amoralité qui avaient rebuté l'enfant d'alors, toujours est-il qu'elles ont cinglé avec bonheur l'adulte d'aujourd'hui, en même temps que la grâce et la vive lumière qui se dégagent de ces pages.
Plus que l'ode à la nature éternelle et la relation unique et improbable de la sauvage petite Patricia au lion King, c'est l'évocation fascinée et empreinte de respect du peuple Masaï qui marque cette relecture, et par ailleurs m'ouvre une porte sur l'oeuvre de Kessel qui reste pour moi à découvrir.
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