J'ai relu tout King dernièrement. Il faut dire que c'est un peu avec cet auteur que j'ai appris à lire, tout petit, ce qui explique probablement pas mal de choses au niveau de mon développement.
Simetierre est pour moi son oeuvre la plus noire. Ceux qui aiment King y découvriront ses habituelles qualités : un imaginaire riche et original, des personnages crédibles et attachants, du suspense… et quelques-uns de ses défauts.
Les livres de King convoquent généralement les terreurs enfantines et, à l'âge mûr, on sourit davantage que l'on frissonne à l'évocation des croquemitaines, bien plus terrifiés par des choses plus terre-à-terre comme la gueule de bois ou les impôts. C'est là où
Simetierre se démarque.
Car le livre évoque la mort, du point de vue des vivants, de ceux qui restent. le deuil, l'absence, le vide.
Après tout, on peut se rappeler Épicure quand il s'agit de son propre trépas, mais rester philosophe quand il s'agit de la mort d'un proche est un exercice autrement plus difficile.
Par certains côtés,
Simetierre reste du
Stephen King pur jus : une violence outrée, des « monstres », des sortilèges. Mais sans son habituel humour grinçant, sans aucune lueur d'espoir. En outre, King est inhabituellement nuancé dans sa description du mal, ceux qui reviennent ne sont pas « mauvais » mais « changés ».
De longs passages évoquent une famille dépassée par le deuil, plongée dans un quotidien qu'il faut réapprendre, dans une maison pleine de vide. La description de cette lente descente aux enfers est crédible, viscérale, elle pue le vécu. Les pires fantômes sont ceux qui hantent l'esprit, pas ceux qui arpentent les cimetières et King ici l'a bien compris.
On reproche souvent à cet auteur deux défauts majeurs : ne pas laisser assez d'espace à l'imaginaire du lecteur et rater ses fins. Je suis honnêtement généralement d'accord avec ces allégations. Ici, King ne peut pas s'empêcher d'en montrer un peu trop – faire parler sa créature est pour moi une erreur qui désamorce l'horreur - mais je ne vois pas d'autres écrits où il laisse autant de place à l'imaginaire, ce qui est une excellente chose. En outre, il a parfaitement réussi sa fin.
Habité, sombre, sans espoir,
Simetierre nous plonge dans des terreurs bien adultes, dans un registre dépressif inhabituel pour un écrivain qui laisse ici, une fois n'est pas coutume, suinter son mal-être. Pour moi, s'il faut ne retenir qu'un ouvrage du Maestro dans le registre horrifique, ça serait celui-là.
« Sa voix était rauque, pleine de terre. -Mon chéri - , disait-elle. »