L'année dernière encore je n'avais jamais lu cet auteur de romans fantastiques, car je fuyais ce genre littéraire... Grâce à mes échanges avec vous, je vous présente aujourd'hui mon quatrième roman de
Stephen King :
Louis et Rachel, jeunes parents d'Ellie, 5 ans, et Gage, 2 ans, emménagent dans le Maine en bord d'une grande route. le lieu est mystique car situé près d'un ancien cimetière des Indiens Micmacs, propices aux légendes et rumeurs ; Mais Louis est médecin et rationnel. Alors quand leur chat Church meurt écrasé par un camion, et que le vieux voisin Jud amène Louis l'enterrer en cachette dans le «
Simetierre » indien, afin d'épargner le chagrin de sa mort à Ellie, Louis ne s'attend pas du tout à retrouver son chat dans son salon dès le lendemain matin.
Pourtant Church est là. Un peu différent peut-être : Quelque chose dans son regard, une puanteur certaine, ou encore cette façon de surgir d'absolument partout, laissant des tas de cadavres d'animaux sur son passage… Mais Louis assume d'avoir joué un peu malgré lui à l'apprenti sorcier, en se convainquant que le chat n'était pas vraiment mort lorsqu'il l'a enterré... D'ailleurs, Jud refuse d'en dire beaucoup plus sur ce tour de passe-passe, sur ce cimetière caché dont tous les anciens du village connaissent l'existence pour l'avoir testé sur leurs animaux chéris ou indispensables, avec plus ou moins de succès et de transformation de leurs personnalités.
Seulement sur leurs animaux ? Ne serait-il pas tentant de l'avoir testé sur des êtres chers décédés ? A cette question de Louis, Jud répond évidemment que c'est idiot et impensable au vu du résultat imparfait ; que les animaux qui en reviennent épargnent certes une grande peine à leurs propriétaires, mais ne leur reviennent pas entièrement eux-mêmes ; Qu'il ne faut pas jouer avec la mort, les esprits. Pourtant, il lui dit également qu'une fois que l'on y a goûté, on ne peut plus s'arrêter… Alors que se passera-t-il lorsque l'un des leurs succombera ? Louis voudra-t-il le ramener à tout prix, ou acceptera-t-il sa mort, et de le laisser reposer en paix ? Vous ne le saurez qu'à la toute fin de ce roman…
*****
En premier lieu, cette histoire ressemble à un roman d'apprentissage sur la mort, son acceptation, la peur que l'on peut en avoir. Il pose la question du renoncement aux êtres aimés, celle du deuil, des moyens que l'on est prêt à mettre en oeuvre pour échapper à cette épreuve, des croyances desquelles on tente de s'aider, etc…
Très vite, il s'y ajoute une dimension fantastique, c'est-à-dire que l'auteur insère dans ce récit réaliste des éléments nous faisant hésiter entre explications plausibles, et intrusions surnaturelles. Etant très terre à terre, j'ai toujours eu peur que les romans de
Stephen King ne prennent pas avec moi pour cette raison. Mais le secret de l'auteur est de distiller subtilement ces éléments surnaturels dans la masse d'explications réalistes. du coup nous ne sommes pas immergés brutalement dans un monde auquel on ne croit pas, mais l'auteur instille petit à petit le doute, puis nous amène à accepter le fait que son récit tienne la route. L'auteur est tellement doué pour poser lentement (630 pages au total), mais sûrement, les bases de son récit, que l'histoire finit par convaincre.
Et puis pour les plus cartésiens comme moi, il y a ce message sous-jascent qui finit par percer, une sorte d'apologue. Comme les Evangiles utilisent les paraboles ou
La Fontaine se sert des animaux de ses fables pour transmettre des messages,
Stephen King use du fantastique pour nous permettre de nous questionner sur les sujets précités. du coup, même si littéralement ce roman parle de Zombies, j'y ai aperçu une parabole de l'acharnement thérapeutique.
« Peut-être que ça lui apprendra quelque chose au sujet de la mort, quelque chose dont la plupart des gens ne sont pas conscients, et qui est que la mort n'est pas seulement la fin de la vie, mais aussi le lieu ou la souffrance cesse et où les bons souvenirs prennent racine. (…) Elle continuera d'aimer son chat [ressuscité] malgré tout. Il ne sera pas devenu méchant, il ne mordra pas, ni rien de ce genre, alors elle continuera à l'aimer… mais elle tirera ses propres conclusions… et quand il se décidera enfin à mourir, elle se sentira bien soulagée. »
La promenade au cimetière des animaux au début de l'histoire est l'occasion de parler de la mort à Ellie, de lui apprendre à l'accepter en constatant qu'il y a des états pires que la mort : Quand le corps est là mais plus l'âme de l'être aimé. le surnaturel remplace le médical, les animaux servent tout d'abord à faire passer le message, puis l'histoire s'élargit aux hommes. D'ailleurs Louis, est médecin ; Il sera tenté de ramener à la vie un proche décédé - tout en sachant qu'il sera tellement diminué que ça risque de n'être plus vraiment lui, et qu'il serait sûrement plus raisonnable de le laisser partir en paix que de le maintenir dans cet état intermédiaire de Zombie.
« Vous vous inventez des raisons qui paraissent valables, mais ce qui vous pousse vraiment à faire ça, c'est que vous en avez envie… »
L'être humain tentant de se prendre pour Dieu… L'auteur maintient d'ailleurs ce parallèle avec Dieu tout au long du roman : « Lazare, sors ! », a dit Jésus avant de le faire ressusciter. La lutte contre la mort, ou plutôt sa fuite en avant, n'a plus de limite.
« Ca n'est pas la bêtise qui t'a fait agir ainsi, Louis, c'est l'excès de douleur. Apparemment, ça ne change pas grand-chose, mais en réalité c'est l'infime différence sur laquelle tout se fonde. C'est de cela que ce cimetière tire toute sa subsistance. (…) Il ne se nourrit pas seulement de ta douleur. Il a aussi dévoré ta raison. Ta seule déficience, c'est ton refus d'accepter l'inévitable, mais après tout c'est une faiblesse bien humaine. »
Malgré mes doutes,
Stephen King a réussi à capter mon attention au cours du récit alors même que je me demandais comment il voulait arriver à me faire croire à une histoire de cimetière qui ressuscite les morts… Lentement, mais sûrement, il plante son décor et ancre les peurs, questionnements, réflexions et secrets qui prennent racine au fil du récit pour finir par devenir acceptables, plausibles, voire même se faire nôtres. L'apologue séduit avant de faire réfléchir, en cela l'auteur signe encore un bon roman. C'est pourquoi je dirais en conclusion : A tous les lecteurs qui pensent, comme je le faisais, que l'univers de King n'est pas pour eux, je vous encourage à sauter le pas et essayer un titre qui vous parle : Il y a finalement peu de risques que vous le trouviez indigeste.
En revanche, alors que beaucoup me disaient avoir été terrorisés par cette histoire, je n'ai pas été effrayée du tout par son côté clairement fantastique, mais plutôt séduite par son côté métaphorique.
Lien :
http://onee-chan-a-lu.public..