"Ooh, that's why I'm easy, I'm easy like Sunday morning, yeah..."
(L. Richie)
Holy Frijole ! Il se passe des choses à Castle Rock... !
L'année dernière la jeune Gwendy est entrée en possession d'une mystérieuse boîte à boutons, et cette fois, cet indéfinissable je-ne-sais-quoi qui flotte dans l'atmosphère de la petite bourgade s'est emparé de Scott Carey.
Et le gentil gros balourd va commencer à perdre du poids... Sauf que c'est une perte invisible. En apparence, il fait toujours ses bons 110 kilos, mais peu à peu, il la sent arriver : l'insoutenable légèreté de l'être, qui ne peut que mal (?) se finir. Nous sommes en octobre, et selon les calculs de Scott, le "poids zéro" est pour mars, même avant. Et après ?
Par précaution, je ne m'attendais à rien, et c'est aussi à peu près ce que j'ai eu. Pas tout à fait... mais je vais y revenir plus tard.
L'idée de départ n'est pas mauvaise, mais l'histoire est simplissime, les dialogues aussi, et la fin terriblement prévisible à cause de ce malheureux titre (j'ai vérifié, c'est pareil en VO). D'autant plus que cette fois, Stephen nous a pondu un récit tellement "politiquement correct" que ça frôle la parodie. (Oui, Stephen, on sait tous que tu n'aimes pas Trump et que l'étroitesse d'esprit te gêne, mais ce n'était vraiment pas la peine d'en faire autant !)
Bref, deux lesbiennes mariées ouvrent un resto mexicain à Castle Rock; un resto qui ne marche pas, car les gens ont des préjugés. Ce n'est pas le cas de Scott. C'est un gars foncièrement gentil, et tout ce qu'il veut c'est la bonne entente entre voisins. Mais la jolie Deirdre a des préjugés contre Scott, car elle le croit comme tous les autres. La vie est souvent comme ça : on entend seulement ce qu'on s'imagine entendre, même si la réalité est tout autre. Heureusement, les choses s'arrangent comme par magie lors de la course à pied annuelle (un des meilleurs moments du livre), mais Scott continue à perdre du poids... jusqu'à la fin qui explose comme un feu d'artifice, et qui me fait réviser mon avis initial.
Il est certain que le lecteur habitué aux romans King-size de l'auteur va sans doute chercher autre chose (tension, terreur ?) et finira peut-être déçu. Mais j'ai l'impression que dans ses courtes nouvelles récentes (que ce soit "Gwendy" ou celle-ci), King reste exprès assez simple et économe pour nous livrer autre chose : une sorte de conte de fée philosophique pour adultes. Son talent de conteur est toujours là, mais le registre a changé.
On peut se demander pourquoi Scott ne fait rien, d'où lui vient cette étrange résilience ? Même ses amis acceptent les faits d'une façon presque automatique. Cela semble irréel... Tout se passe sans gravité, justement. Et le message de l'histoire n'est pas tant la lutte contre la "petitesse de l'esprit" dans une petite bourgade américaine, mais plutôt le fait de se rendre compte de la valeur de la vie au moment où on entend la mort frapper à la porte. Partir sans regrets...
King jongle assez bien avec les métaphores ("élévation", "s'alléger", "détachement", "apesanteur") et je suis contente que ses efforts ne sont pas "lost in translation", car cela ajoute une chouette dimension à son histoire. Sans parler des références intertextuelles, qui me plaisent toujours chez lui. Et si on ne cherche pas à tout prix les explications à la fin, l'ensemble reste aussi charmant que la chanson de Lionel Richie.
Donc, deux étoiles et demi pour moi. Je pourrais même en mettre trois, mais j'ai lu suffisamment de King pour voir que ce livret ne souffre pas la comparaison avec certains de ses romans. Mais mes "deux et demi" sont mises de bon coeur : j'ai passé un agréable après midi reposant avec ce...
... attendez, on parle bien d'un livre de
Stephen King ?