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Il est probable que Demon Copperhead rejoindra, dans l'imaginaire des lecteurs, la cohorte des gamins maltraités, gouailleurs et incroyablement résilients comme David Copperfield, Gavroche et autres Poil de Carotte.
D'autant plus que Barbara Kingsolver revendique la paternité de Dickens dans la transposition de son David Copperfield à une autre époque et sur un autre continent. Comme si il y avait une continuité entre les bas-fonds londoniens à l'époque victorienne jusqu'aux campements de mobil-homes dans les Appalaches.

Dans ses remerciements elle déclare : "Je suis reconnaissante à Charles Dickens d'avoir écrit David Copperfield, critique fervente de la pauvreté systémique et de ses effets dévastateurs sur les enfants de la société de son temps. Ces problèmes n'ont pas disparu. En adaptant son roman à ma propre région et ma propre époque, en travaillant des années durant accompagnée par son indignation, son inventivité et son empathie, j'en suis venue à le considérer comme un génie ami. "

Il faudrait sans nul doute relire David Copperfield pour percevoir toute la saveur et la justesse de cette réécriture, mais on peut reconnaître, outre le jeune orphelin et ses terribles mésaventures, des personnages comme M. Dick qui écrit des textes sur des cerfs-volants ou Tommy qui passe son temps à dessiner de petits squelettes.
Mais le roman n'est pas qu'un jeu de piste brillant pour amateurs éclairés, il est avant tout un excellent page-turner, un roman pétulant et débridé sur la pauvreté dont les enfants sont les premières victimes, une gigantesque galerie de portraits qui provoquent successivement effroi et éclats de rire.

Barbara Kingsolver nous lâche au plus près de la conscience d'un enfant de onze ans au bagout étonnant qui va être le narrateur sans complaisance de son enfance malheureuse pendant plus de 600 pages.
" Déjà je me suis mis au monde tout seul. Ils étaient trois ou quatre à assister à l'événement, et ils m'ont toujours accordé une chose : c'est moi qui ai dû me taper le plus dur, vu que ma mère était, disons, hors du coup."
Le ton est donné d'emblée et révèle le talent d'une autrice capable de façonner une telle voix, une voix percutante du début à la fin et toujours authentique.

L'autrice souhaitait évoquer à la fois la crise des opioides et comment la région des Appalaches a été particulièrement affectée par cette épidémie. Elle décrit certaines parties du Kentucky, de la Virginie et du Tennessee qui ont été sur-exploitées par les industries charbonnières puis laissées à l'abandon, sans possibilité de travail ni d'éducation. Elle dénonce les compagnies pharmaceutiques qui ont particulièrement ciblé cette région en raison de l'incidence élevée de blessures chroniques parmi les mineurs qui y vivaient et du faible accès aux soins de santé.
Rapidement la dépendance aux analgésiques a décimé la population des Appalaches et de nombreux enfants sont devenus orphelins en raison d'overdose des parents ou ont été placés dans des structures d'accueil parce que la famille ne pouvait pas être maintenue.

Elle veut également défendre les habitants de cette région qui ont façonné leur identité sur l'image négative que le reste de l'Amérique leur renvoyait. Demon raconte les séries télé, les sketchs d'humoristes qui les présentent constamment comme des péquenauds et font rire à leurs dépens.
"Y en a pas mal finalement de ce genre de mots. Au fil du temps ils ont été balancés comme du fumier, avant de se retrouver collés avec fierté sur un pare-chocs de pick-up genre Va te faire foutre. Rednecks, pedzouilles, bouseux, ploucs, péquenauds. En bref, les Déplorables. "

Avec cette allusion à la déclaration d'Hilary Clinton qui déclarait les" hillbillies" ( électorat de Trump) " racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes ", Barbara Kingsolver veut aller plus loin dans l'analyse et tenter de comprendre l'immense sentiment d'humiliation de ces américains qui pensent qu'être" blanc est la dernière chose qui leur reste".

La narration accorde une large part à la force de résilience d'une partie de ces populations. On découvre des personnages qui échouent, qui s'effondrent puis rebondissent et parfois s'effondrent à nouveau. Demon Copperhead appartient à cette catégorie. Devenu orphelin, il est placé dans des familles d'accueil qui l'affament et l'exploitent sans la moindre compassion. Alors qu'il pourrait s'en sortir grâce au football, il se blesse et tombe dans la dépendance aux opioides.

Si on peut parfois avoir l'impression que l'autrice tombe dans la surenchère niveau catastrophes, on comprend néanmoins que le contexte socio-économique autorise cette escalade et que le personnage hors du commun qu'elle a choisi de représenter lui permet de saturer son récit en rebondissements.
" Je suis né comme ça, j'en veux toujours plus. Pas de petit coin de pêche pour Demon, il veut l'océan tout entier. Et sauter par dessus bord. J'en ai mis du temps à comprendre ce qui tournait pas rond chez moi, et peut-être que j'y suis pas encore vraiment arrivé. Cette histoire que je raconte, c'est pour y voir plus clair. "

Ce roman audacieux et militant qui se soucie de justice sociale, qui porte des accusations fondées contre les laboratoires pharmaceutiques, qui accuse les États-Unis d'institutionnaliser la pauvreté est aussi un magnifique roman, de ceux qui génèrent des personnages inoubliables.
A lui donc de conclure par cet hommage à Dickens :
“Pareil pour le bouquin de Charles Dickens, un type hyper vieux, mort depuis un bail et étranger en plus de ça, mais putain, il les connaissait, les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne avait rien à branler. T'aurais cru qu'il était d'ici.”
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Tu es prof, tu es éduc spé : tu le connais, ce môme.
C'est celui, tantôt agité, tantôt éteint, avec lequel tu as du mal à créer du lien.
C'est celui qui est habillé de bric et de broc, dont les vêtements sentent toujours un peu bizarre. Parfois, les autres enfants ne veulent pas s'asseoir à côté de lui.
C'est celui dont les cheveux ne sont jamais bien coiffés, ni même bien lavés.
C'est celui qui réclame du rab à la cantine, qui vide volontiers les assiettes que les autres ont laissées, celui qui a "toujours un boyau de vide" comme on disait chez moi.
Tu sais que chez lui, ça ne se passe pas bien.
Demon Copperhead cumule tout ça.
L'immense talent de Barbara Kingsolver est d'incarner cet enfant malheureux, cette universalité de la misère sociale, dans un lieu et un temps qui résonnent avec l'actualité.
Le lieu : la Virginie des montagnes, rurale, paumée, celle des rednecks, des armes et des bullshit jobs, celle des filles enceintes à 15 ans.
Le temps : des années 80 à nos jours, en parallèle avec l'affaire de l'Oxycontin qui a fait un demi-million de morts aux États-Unis.
(Si tu ne connais pas, je te recommande de voir "Toute la beauté et le sang versé", le film qui retrace le combat de Nan Goldin contre les fabricants de cette saloperie.)
Kingsolver aborde aussi les thèmes de l'accès aux soins et de l'aide sociale à l'enfance, des domaines ravagés par l'absence de financement.
Mais parce qu'elle est une merveilleuse conteuse, elle nous offre également des moments de grâce dans la Nature, dans l'amour et dans l'amitié, elle nous fait rire parfois, elle nous attache si fort à Demon Copperhead, à la famille Peggot, à la grand-mère Melungeon (non, je ne connaissais pas moi non plus)… qu'il est impossible de reposer ce pavé avant d'avoir lu la fin.
Quelle grande, quelle immense autrice.

La traduction de Martine Aubert est inégale, souvent excellente mais par endroits elle aurait mérité une petite relecture.

Challenge USA : un livre, un État (Virginie)
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«C'est nous le chien de l'Amérique », c'est ce qu'on dit à Demon Copperhead, adolescent, en cours de roman. Pas le genre chienchien à sa mémère, plutôt le clebs décharné par la faim qu'on roue de coups de pied et qui encaisse, jusqu'à ne plus pouvoir.

Tout un monde tient dans ce petit bout de phrase. le passé, le présent et l'hypothétique avenir. Les douleurs, les rabaissements, la survie du quotidien. La manière dont on voit les gens des Appalaches.

Prix Pulitzer, ça en jette. Ou ça peut faire peur. Pourtant, le roman de Barbara Kingsolver est tout sauf clinquant, et encore moins effarouchant. Ce livre est une putain de leçon de vie, pardonnez-moi l'expression.

Cette histoire est dense et pesante, 600 pages lourdes de sens qui vont vous faire vivre aux côtés de Demon Copperhead. Evidemment un surnom, tout le monde en possède un dans ce coin des USA. Ou pour être plus exact, dans la tête du bonhomme, dans ses pensées les plus intimes, ses doutes, ses colères, ses souffrances, ses (quelques) joies.

Le récit est écrit à la première personne et en langage parlé, celui d'un gars sortant à peine de l'adolescence, peu instruit. le style étonne et demande un temps d'adaptation pour se caler à son mode de pensée, à son phrasé. Une fois bien collé à lui, on a du mal à le sortir de notre propre tête.

J'aime beaucoup étudier l'incipit d'un livre. C'est souvent banal, mais parfois tellement signifiant. Rarement quelques phrases n'auront ainsi aussi bien enfermé l'âme même de l'histoire et de son personnage principal, et résumé avec force l'horreur de la condition et la rage de vivre d'une personne.

« Déjà, je me suis mis au monde tout seul. Ils étaient trois ou quatre à assister à l'événement, et ils m'ont toujours accordé une chose : c'est moi qui ai dû me taper le plus dur, vu que ma mère était, disons, hors du coup ».

Une mère toxico, évanouie, et un bébé qui sort seul, voulant naître coûte que coûte. Les premières scènes du livre sont d'une puissance incroyable. Et ce ne sont que les premières d'une longue série de passages marquants.

Qu'aurait pensé bébé Damon « Demon » si on lui avait raconté sa vie future, la longue litanie d'épreuves qu'il devra surmonter ? Heureusement qu'on ne sait pas à l'avance ce qui nous attend… Surtout que le jeune Damon va vivre mille vies en moins de deux décennies, accumuler les expériences douloureuses au quotidien.

Le roman est noir, dur, terrible, hommage appuyé et assumé à David Copperfield de Charles Dickens. Une accumulation d'histoires personnelles, qui vont pourtant faire sens.

On regarde le monde à travers des yeux d'enfants, à qui on a volé cette enfance. Un narrateur omniscient qui partage ses moments de vie et ses malheurs. N'attendez-pas de folles tribulations et un souffle romanesque échevelé. Non, c'est la vie sans fard, d'un jeune homme qui a tiré la mauvaise carte à la naissance et qui ensuite accumule les mauvaises mains.

En cours de lecture, on pourrait parfois se dire que Barbara Kingsolver tire sur l'ambulance et qu'un tel lot d'infortunes est trop. Mais non, non, Demon Copperhead est l'image même d'une partie de l'Amérique.

D'autant plus que l'acharnement de Demon à survivre, à ne pas se laisser couler par les malheurs, force vite le respect. Pourtant, lui se voit bien négativement, se juge durement. Alors qu'il a de l'or dans les mains, un talent de dessinateur inné.

Dans toute cette noirceur, l'autrice fait émerger des bribes d'espoir, des stries de lumière. En grande partie parce que Demon est un chic type. Qui commet des erreurs et des mauvais choix, mais qui a vraiment bon fond malgré son environnement, et ce qu'il traverse. Des mauvaises rencontres, il va en faire des tonnes. Mais quelques belles personnes du quotidien vont jouer un rôle majeur dans son existence.

Damon va crever la dalle, être malmené, exploité, abandonné, terrifié. Et pourtant, il se bat, parfois même sans le vouloir, c'est sa nature.

Le livre est l'occasion de dessiner une peinture d'une certaine Amérique, celle des campagnes, celle de la misère. Dans les années 90 et 2000 alors que les opioïdes, oxycodone en tête, font des ravages. Un scandale d'Etat que l'écrivaine raconte sans artifice.

C'est l'Amérique des Rednecks qu'elle réhabilite ici, eux qui sont toujours si moqués et décriés dans les oeuvres de fiction. Loin des caricatures, leurs vies difficiles sont ici racontées avec justesse et naturel. Tout comme cette entraide qu'on ne rencontre plus dans les grandes villes.

Ce livre, certes difficile, irradie pourtant d'une profonde humanité, par la grâce d'une puissance narrative et d'une force émotionnelle rare. Une lecture qui demande un réel investissement et du temps, pas le genre à se lire à la va-vite, qui se mérite. Qui au final récompense le lecteur au centuple.

On m'appelle Demon Copperhead est une expérience de lecture déchirante mais si humainement enrichissante. Un livre rare, dans lequel Barbara Kingsolver se voue corps et âme à son personnage principal. le genre de roman dont la rémanence perdure longtemps après la dernière page.
Lien : https://gruznamur.com/2024/0..
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Quel remarquable tour de force littéraire ! A près de deux siècles de distance, Barbara Kingsolver offre une réécriture contemporaine du David Copperfield de Dickens et par-là même une peinture dramatique et stupéfiante de la réalité de la misère systémique dans une région délaissée du Sud-Est des États-Unis. Sa région natale, dont elle fait le décor d'une société aveugle, engagée dans une course qui laisse sur le bas-côté ceux qui n'ont pas les moyens de suivre, une société qui n'a pas de temps à perdre avec les "péquenauds" ou autres appellations tout aussi sympathiques. Son Demon est de tous les plans, normal, c'est lui qui raconte avec un ton qui embarque aussitôt par sa lucidité, sa force et son humour à toute épreuve. Né Damon Fields sur le plancher du mobile-home où sa très jeune mère a trouvé à se loger après la mort accidentelle du père, il doit justement son surnom aux légendes qui entourent le passé de celui qu'il n'a pas connu. Ceux qui ont lu David Copperfield pourront s'amuser à reconnaître les grandes lignes du parcours du héros - arrivée d'un beau-père, décès de la mère, début de la dégringolade... - , les figures qui l'entourent d'une rare affection, celles qui au contraire ignorent ses souffrances et se moquent de son sort ; mais si ce n'est pas le cas, l'histoire de Demon Copperhead existe par elle-même, ancrée dans un contexte contemporain malheureusement très réaliste. L'incurie des services sociaux dans la prise en charge des orphelins, le trafic intéressé et sans pitié des familles d'accueil, les ravages du trafic des anti-douleurs le plus gros scandale sanitaire des années 2000. Barbara Kingsolver installe ses personnages sur cette toile de fond et ose un ou deux clins d'oeil à Dickens faisant dire à Damon qui découvre ses livres "un type hyper vieux, mort depuis un bail et étranger en plus de ça, mais putain, il les connaissait, les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne avait rien à branler. T'aurais cru qu'il était d'ici." L'autrice en profite pour explorer le passé, remonter aux sources et remuer un peu la boue sans jamais perdre son héros de vue. Son Damon est d'une loyauté à toute épreuve et révèle une certaine fraîcheur malgré les épreuves. Comme son célèbre modèle c'est un talent artistique qui sera sa bouée de sauvetage ; avant cela il nous aura tenu en haleine, avec l'envie de le réconforter les jours de désespérance - même s'il n'est pas du genre à s'apitoyer sur son sort - et de l'encourager face à son peu d'estime pour lui-même. Tout au long des 600 pages on ne veut qu'une chose : que Demon réalise enfin son rêve de voir l'océan, et si possible bien accompagné.

Soufflée par la performance, totalement conquise par Demon et enchantée par ma lecture.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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« Pour les survivants »
Nous voilà prévenus. La claque est monumentale digne du prix Pulitzer.
«  On m'appelle Demon copperhead », c'est l'Amérique, celle de la ruralité et des rêves en miettes.

A peine né et déjà condamné par une mère toxicomane et un statut de pèquenaud et de miséreux dans un comté où la population vit sous perfusion, ne reste plus qu'à s'accrocher à un surnom qui en jette et à des espoirs lointains d'évasion et d'océan pour Damon. le chemin sera tortueux, semé de détresses et de morts mais aussi éclairé par des personnages lumineux plein de bonnes volontés, percutés à leur tour par l'indicible. Damon, narrateur, jeune héros imparfait, nous bouleverse par son incroyable lucidité et par sa volonté de sortir du gouffre malgré son impuissance face à un monde qui écrase tout et donne envie de s'évader autrement, parfois pour toujours.

Agriculteurs harassés soumis à la loi des lobbys du tabac, mineurs ou ouvriers bouffés par la maladie ou estropiés, services sociaux débordés, scandale des antalgiques distribués comme des bonbons à une population ou des sportifs au bout du rouleau, racisme, le portrait de l'Amérique est au vitriol mais terriblement réaliste et instructif.

Un roman qui questionne jusqu'au bout. Peux-t-on réellement s'en sortir quand tout est perdu d'avance? Brillant!
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Dans cette réécriture de David Copperfield, Barbara Kingsolver donne la parole à Demon, garçon qui représente les déclassés de l'Amérique. Les Appalaches en toile de fond, l'autrice suit le parcours de cet orphelin résilient et gouailleur, à la voix franche et familière finalement touchante. En filigrane, la romancière évoque le dénuement, l'assistance sociale, et surtout l'épidémie des opioïdes, fléau plus que jamais d'actualité (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2024/03/03/on-mappelle-demon-copperhead-barbara-kingsolver/)

Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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"Tout le monde vous le dira, les enfants de ce monde sont marqués dès la sortie, tu gagnes ou tu perds."
Un déterminisme auquel le jeune Demon Copperhead, a bien du mal à échapper : une mère de 18 ans accro à la drogue, un père mort avant la naissance, il vit dans un mobil-home, au fin fond de la Virginie. C'est lui, de sa voix originale et pleine de verve, qui prend en charge le récit de sa jeune existence misérable, porte-parole des oubliés de l'Amérique rurale, qu'ils se noient dans la misère, la violence, le racisme ou les opiacés.

Comme la très grande majorité des personnages qui l'entourent, Demon s'en prend plein les dents, mais dans les mots de Barbara Kingsolver, il ne renonce jamais, s'entête et parvient même à vivre des moments pas trop moches.
Ce David Copperfield au pays des Rednecks n'a rien à envier à son illustre cousin anglais : il est balotté de malheurs en tragédies, de traversées du désert en victoires éphémères, croisant sur sa route des personnages aussi cruels que misérables, et quelques belles âmes aussi.

Avec cette histoire extrêmement touchante, incarnée par une tripotée de personnages parfaitement campés, B. Kingsolver compose un grand roman américain, une fresque sociale d'un réalisme poignant sur l'Amérique, revenant notamment sur le scandale de l'Oxycontin, cet antidouleur dérivé de l'opium, distribué très largement, à grand renfort de marketing et de dissimulations, qui a provoqué la mort par overdose de près d'un demi-million d'Américains. L'autrice dénonce également le poids du déterminisme social, aggravé par des services sociaux défaillants et l'échec du système scolaire.

Un très beau roman qu'on dévore, avec appréhension souvent, tendresse toujours et fébrilité à chaque rebondissement, et qu'on referme avec l'impression d'avoir rencontré un personnage magnifique. Inoubliable Demon Copperhead, son carnet à dessin, sa tignasse rousse et son envie irrépressible de voir l'océan.

Une première rencontre très réussie avec cette autrice et un Pulitzer amplement mérité !
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Un nouveau livre magnifique de Barbara Kingsolver. Une réécriture de "David Copperfield", située dans les Appalaches dans les années 1990. Les dégâts de la pauvreté générée par le système minier et la crise des opiacés nouent le ventre. Mais l'élan de vie de Demon et l'humanité immense de certaines des personnes qu'il rencontre nous emportent. Et contrairement à toutes attentes c'est une lecture pendant laquelle on rit !
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Depuis son premier roman, L'arbre aux haricots paru chez Rivages en 1994, Barbara Kingsolver n'aura eu de cess de bâtir une oeuvre où résonnent les thèmes qui lui sont chers : la défense de l'environnement, la place des femmes, les luttes sociales...

Son nouveau livre, sorti en février dernier , a été salué comme son chef-d'oeuvre absolu.

Couronné par le prix Pulitzer, le Women's Fiction Prize, et le Prix des libraires britanniques, ce roman a suscité un engouement exceptionnel chez les lecteurs aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne, et ailleurs dans le monde.

Dans ce livre, elle fustige la façon dont l'Amérique, et plus largement nos démocraties, ont abandonné le combat contre la pauvreté, et délaissé une grande partie de la population l'exposant ainsi aux pires fléaux.

Inspiré de David Copperfield, mais retranscrit dans les Appalaches, "On m'appelle Demon Copperhead" de Barbara Kingsolver a été couronné du Prix Pulitzer 2023.

Et la lecture du roman est réellement marquante. On suit le parcours du jeune Demon, depuis la naissance dans le mobil-home de sa mère, jeune junkie vivant dans les Appalaches. le père, un Melungeon, est mort et Demon passe les premières années de sa vie avec sa mère, paumée.

Le jeune Demon est le narrateur de l'histoire. On suit son évolution jusqu'à l'âge adulte et toutes les épreuves qu'il doit affronter.

Avec son parcours, on voit aussi qu'on peut partir de rien, arriver à se sortir de ce schéma sombre, puis tout perdre. Ce roman noir évoque l'enfance dans cette région des Appalaches, une des plus pauvres des États-Unis, sinistrée et ravagée par les opioïdes, où les enfants se retrouvent placés en familles d'accueil.

Une lecture profondément marquante qui semble hélas tellement réaliste et proche du quotidien de certains habitants de cette région.


Lien : http://www.baz-art.org/2024/..
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Ce qui frappe, c'est la tendresse de la plume et la rudesse du propos. Damon Fields se raconte au fil de 600 pages, que l'on ne voit pas défiler, pour devenir Demon Copperhead.

S'il y a du Charles Dickens ou du Steinbeck dans la trame du roman de Barbara Kingsolver, l'existence de Demon dévoile une réalité contemporaine de la vie dans la magnifique région des Appalaches. Désindustrialisation, misère sociale, manque d'accès aux soins, facilité d'accès aux opioïdes. Un cocktail d'injustices dévastateur pour un jeune homme prometteur.

Tant de courage et de résilience face à l'adversité nous accroche au destin de Demon forgé à l'Oxy et l'amitié de Tommy, Maggot, Angus et des personnages solaires, June, M. Dick, Mrs Peggot qui réchauffent son chemin chaotique.

Aucun temps mort dans la narration de l'auteure, du concret, du réalisme à outrance dans cette Amérique rurale mais pas d'overdose, la magie opère, au bout de la route, il y a le bleu océan.

Merci à Babelio et son opération Mass Critique pour cette belle découverte.
Lien : https://mespetitesetagerespa..
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