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Je referme le dernier roman de Barbara Kingsolver après trois jours d'une lecture vive et frénétique. Je quitte des amis; Damon et Angus, je quitte un Papé et une Mamée et autant de ploucs que je ne pourrais jamais oublier… J'ai versé ma petite larme à la 605ème page, non pas parce que cette dernière est triste mais parce que j'ai dit adieu à un monde si réel et si touchant!

J'ai rencontré Barbara Kingsolver il y a plus de vingt ans; par son Arbre aux Haricots et je vous jure que la petite Turtle est restée gravée dans ma mémoire depuis tout ce temps. Parce que là est la force de Barbara, elle donne vie à des personnages d'une réalité à la fois fine et puissante. Des personnages d'une subtilité folle qui ne peuvent que prendre vie dans votre coeur. Damon Fields alias Demon Copperhead est de ceux là; des amis de papier, pour l'éternité.
La vie de Demon est atroce, de bout en bout. Pas spécialement sa vie, non: la vie de la majorité des habitants de Lee County, comme celle des habitants de Virginie, comme celle de toute la classe pauvre des États-Unis. On en a déjà noirci des pages et des pages sur ces ploucs, ces Redneck, bouseux du Sud. On en rigole, moqueur ou sympathisant mais, toujours, on en rigole. Et là, soit vous prenez en pleine face la réalité crasse de leur (sur)vie, soit vous lâchez tous vos apriori pour accueillir une empathie sincère envers ces laissés-pour-compte. A aucun moment vous ne vous apitoyez; parce que la force de Barbara Kingsolver est de conter la misère sans faire de misérabilisme. Elle parle de pauvreté, de drogue, d'alcoolisme, de solitude, d'ignorance, de violence, d'abandon, de détresse, d'échec sans jamais, ô grand jamais, tomber dans les clichés, le jugement et la commisération. Parce que Demon est d'une lucidité incroyable, qu'il a un coeur gros comme l'océan et qu'il ne se cherche même pas d'excuse; il vit sa vie avec son lot de misère comme toute cette classe sociale de la débrouille.
Toutes les critiques littéraires vous parlerons de Dickens et Barbara Kingslover elle-même le remercie en fin d'ouvrage. Moi je ne l'ai pas lu alors je m'abstiens de comparer mais je vous assure qu'on vibre à chacune des pages de Demon Copperhead sans connaitre David Copperfield. Parce que si Charles sait conter et défendre les miséreux, Barbara n'est pas en reste. Grace à la lucidité et l'âme d'enfant de son Demon, elle ajoute une humanité, une tendresse, une force vive à toute une population ravagée par la dureté injuste de la vie!

Barbara Kingsolver réussit autre chose dans son roman; elle souligne qu'on peut être fier d'être un bouseux, un cassos, un plouc. Demon Copperhoad est le roman des gens du Sud, le roman des Appalaches, le roman des petites gens qui n'ont pas à rougir de leur culture, leur solidarité, leur savoir et qu'ils sont bien plus que la caricature qu'on s'acharne à faire d'eux. Peux-être parce que je suis Valaisanne, j'ai été profondément touchée par cet aspect. Là encore, Barbara est d'un subtilité folle; elle ne brandit pas d'étendard, elle souligne simplement les faiblesses et les forces de toute une communauté.
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Damon n'est pas entré dans la vie avec les meilleurs cartes en main. Fils d'une mère toxicomane et alcoolique, il grandit dans un mobilhome perdu dans l'Amérique profonde, celle du charbon et de la drogue – celle des pèquenauds, et fiers de l'être. Malgré l'aide bienvenue de la famille Peggot, le petit Damon, vite surnommé Demon Copperhead, grandit dans une instabilité chronique, d'autant plus problématique quand sa mère se remarie avec un type imbuvable qui commence rapidement à la battre. Sans vous dévoiler toute l'intrigue, largement calquée sur celle de David Copperfield dont ce livre est une réécriture, disons que Damon va continuer à aller de galère en galère, tentant régulièrement de prendre son destin en main mais ne récupérant que des claques en retour. Un bon gamin, somme toute, qui essaie globalement de s'en sortir, mais qui devra fournir trois fois plus d'effort que n'importe qui, vu comme il part de loin.

Je n'avais jamais entendu parler de Barbara Kingsolver avant de lire ce roman, et je dois dire que maintenant, j'ai bien envie de découvrir d'autres titres de cette autrice. Incroyablement bien écrit, Demon Copperhead nous transporte totalement dans l'univers très particulier de ces zones oubliées des Etats-Unis où le rêve américain est allé mourir au fond d'une mine et tout le monde essaie de l'oublier à coup d'opioïdes plus ou moins légaux. Malgré tout, c'est un petit pays de Cocagne pour un gamin qui grandit libre comme l'air, à aller patauger dans la boue avec son copain Maggot, à courir dans les bois et à faire des bêtises en pleine nature. Qui voudrait quitter cet eldorado ? Alors Damon reste, revient, s'accroche à cette contrée qu'il aime malgré tout, et essaie de tirer son épingle du jeu.

Il y arrive presque à un moment donné, il prend sa revanche sur la vie mais finalement rien ne dure jamais, il se retrouve de nouveau au fond du trou, et la dégringolade n'en est que plus violente. C'est finalement ça l'histoire de Demon Copperhead, que Barbara Kingsolver nous raconte magnifiquement bien : un gamin qui se casse la gueule et qui se relève, encore et encore, grâce à quelques personnes bien intentionnées dans son entourage, un gamin qui, malgré toute la merde qu'on lui a déversé sur la tête toute sa vie, tente d'être quelqu'un de bien, autant qu'il le peut. C'est assez beau, même si c'est triste la plupart du temps, et ça fait un roman incroyable.
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Demon Copperhead ou Damon. Petit garçon né sur le sol crasseux d'un mobil-home d'une mère junkie et d'un père, décédé. Demon est très tôt balloté de familles d'accueil en familles d'accueil. Ce roman aurait pu être larmoyant, rentré dans une certaine forme de pathos, mais il ne l'est pas. Et c'est cela aussi qui fait la force de ce roman. Demon est un petit garçon qui, très vite, va apprendre ce qu'est la résilience, le courage. Confronté à la mort et à la violence des gens qu'il aime le plus. Tout cela va le faire grandir plus vite, lui faire prendre conscience de l'âpreté de la vie. Sur sa route, des rencontres aussi lumineuses que ténébreuses, des hommes et des femmes qui vont lui tendre la main ou malheureusement le pousser à faire des choix qui n'auraient pas eu lieu d'être. Critique d'une société américaine et de ses grands groupes pharmaceutiques. Vendre la mort en cachet. Pourtant, ici, dans ce livre, tout repose sur l'espoir, l'espoir d'avoir une vie meilleure, l'espoir que les choses soient meilleures. Être quelqu'un d'autre que ce que l'on nous a assigné à la naissance, ne pas faire cas de notre passé, si douloureux soit-il, pour évoluer, être tout autre. Tomber pour mieux se relever. Gravir les échelons. Toujours plus haut, toujours plus loin. 
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Tu es prof, tu es éduc spé : tu le connais, ce môme.
C'est celui, tantôt agité, tantôt éteint, avec lequel tu as du mal à créer du lien.
C'est celui qui est habillé de bric et de broc, dont les vêtements sentent toujours un peu bizarre. Parfois, les autres enfants ne veulent pas s'asseoir à côté de lui.
C'est celui dont les cheveux ne sont jamais bien coiffés, ni même bien lavés.
C'est celui qui réclame du rab à la cantine, qui vide volontiers les assiettes que les autres ont laissées, celui qui a "toujours un boyau de vide" comme on disait chez moi.
Tu sais que chez lui, ça ne se passe pas bien.
Demon Copperhead cumule tout ça.
L'immense talent de Barbara Kingsolver est d'incarner cet enfant malheureux, cette universalité de la misère sociale, dans un lieu et un temps qui résonnent avec l'actualité.
Le lieu : la Virginie des montagnes, rurale, paumée, celle des rednecks, des armes et des bullshit jobs, celle des filles enceintes à 15 ans.
Le temps : des années 80 à nos jours, en parallèle avec l'affaire de l'Oxycontin qui a fait un demi-million de morts aux États-Unis.
(Si tu ne connais pas, je te recommande de voir "Toute la beauté et le sang versé", le film qui retrace le combat de Nan Goldin contre les fabricants de cette saloperie.)
Kingsolver aborde aussi les thèmes de l'accès aux soins et de l'aide sociale à l'enfance, des domaines ravagés par l'absence de financement.
Mais parce qu'elle est une merveilleuse conteuse, elle nous offre également des moments de grâce dans la Nature, dans l'amour et dans l'amitié, elle nous fait rire parfois, elle nous attache si fort à Demon Copperhead, à la famille Peggot, à la grand-mère Melungeon (non, je ne connaissais pas moi non plus)… qu'il est impossible de reposer ce pavé avant d'avoir lu la fin.
Quelle grande, quelle immense autrice.

La traduction de Martine Aubert est inégale, souvent excellente mais par endroits elle aurait mérité une petite relecture.

Challenge USA : un livre, un État (Virginie)
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Version moderne du roman de Charles Dickens, David Copperfiled, l'histoire de Demon Copperhead se situe dans les Appalaches et nous plonge dans l'histoire miséreuse d'un garçon né sur le sol d'un mobile home d'une mère junkie et d'un père décédé. La vie ne se montrera pas très clémente. Malgré des personnes proches et aimantes dans son enfance, il enchaînera les situations faisant de son existence une voie paraissant sans issue. Ballotté entre les familles d'accueil il garde malgré tout l'espoir que la vie va lui sourire.

L'histoire se déroule dans un contexte contemporain et de misère sociale. Kingsolver ne recule devant aucun sujet et nous confronte à la dure réalité de la vie dans les Appalaches et d'un de ses thèmes de prédilection : l'injustice sociale. Elle nous plonge aussi dans l'enfer des opioïdes et des ravages que cette crise a entraînés. J'ai été marquée par les mots, le vocabulaire, à la hauteur de la pauvreté omniprésente et de l'injustice sociale. le langage est cru, horrifiant, et surtout réaliste. L'auteure est sans tabou et n'a pas peur de parler de violence, de drogue, de sexe avec un réalisme impressionnant. Ses mots traduisent la tristesse et la violence. La vérité que nous livre le narrateur traduit sa lucidité sur sa situation et ses perspectives d'avenir malgré la volonté du narrateur d'échapper à son destin.

« Je voulais raconter l'histoire de mon lieu et de mon peuple : les habitants des Appalaches du Sud » dit Barbara Kingsolver ((interview pour ActuaLitté 21 janvier 2023) et pour cela elle a obtenu le prix Pulitzer de fiction 2023 et a remporté le prix féminin de fiction 2023.
J'ai beaucoup aimé ce livre, j'ai rarement lu un livre qui ose mettre des mots sur une vérité de façon aussi poignante aussi bien sur la pauvreté que les opioïdes. Cela aurait été un véritable coup de coeur si le deuxième tiers du livre avait été moins long.
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Inspiré de David Copperfield, mais retranscrit dans les Appalaches, "On m'appelle Demon Copperhead" de Barbara Kingsolver a été couronné du Prix Pulitzer 2023.

Et la lecture du roman est réellement marquante. On suit le parcours du jeune Demon, depuis la naissance dans le mobil-home de sa mère, jeune junkie vivant dans les Appalaches. le père, un Melungeon, est mort et Demon passe les premières années de sa vie avec sa mère, paumée.

Le jeune Demon est le narrateur de l'histoire. Ce qui nous permet de mieux ressentir ses émotions, l'impression de se glisser dans la peau du personnage.

On suit son évolution jusqu'à l'âge adulte et toutes les épreuves qu'il doit affronter. Ce roman noir met en scène le courage et la ténacité du garçon face à la dureté de la vie. On suit tous ses malheurs, la misère, la violence. Puis, lorsqu'il se retrouve orphelin, ce sont les placements, via les services sociaux, dans différentes familles, parfois pour le meilleur ou pour le pire.

Le jeune Demon rêve de voir l'océan, mais au quotidien, il doit faire face à la misère, au travail ingrat, et ensuite les mauvaises fréquentations. Malgré tout, il essaie de faire face. Il s'accroche, quand c'est possible et tant que ça dure, à quelques bouées de secours. C'est d'abord la famille Peggot, les voisins de son enfance, puis la grand-mère paternelle et son frère, aussi Coach et sa fille, et Miss Annie et son mari. Un refuge ou un apaisement qu'il trouve aussi dans le sport et le dessin.

Avec son parcours, on voit aussi qu'on peut partir de rien, arriver à se sortir de ce schéma sombre, puis tout perdre. Ce roman noir évoque l'enfance dans cette région des Appalaches, une des plus pauvres des États-Unis, sinistrée et ravagée par les opioïdes, où les enfants se retrouvent placés en familles d'accueil.

Une lecture profondément marquante qui semble hélas tellement réaliste et proche du quotidien de certains habitants de cette région.

À lire sans hésitation ! Une de mes meilleures lectures ! On accroche dès les premières lignes et il sera difficile d'oublier Demon par la suite.

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Tout a été dit : le parcours d'un enfant perdu des Appalaches, un redneck victime de la misère et de la drogue (les ravages inouïs de l'oxycontin, délivré à flots par les lobby pharmaceutiques). Un enfant intelligent et résilient comme le lui dit un docteur (et quelle force vitale et dignité innée ne faut-il pas pour ne pas finir complètement bousillé par ce parcours !), auquel on s'attache d'emblée. C'est lui qui raconte, le ton est frais, à la fois drôle et touchant. Mais ce sont également de belles rencontres, des personnes comme des repères (des femmes la plupart), qui vont permettre à Demon de ne pas se perdre complètement, et qui tempèrent la tonalité sombre du récit. La narration est impeccablement maîtrisée et entraîne le lecteur tout au long de ces 600 pages. Un récit d'apprentissage à la fois assez classique dans sa forme et contemporain dans son décor qui procure une bonne tranche de lecture immersive.
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Dans le sud des Appalaches, en Virginie, la vie n'est pas tendre avec Demon Copperhead, entre échec scolaire, addiction et amours désastreuses. Outre sa beauté, il peut compter sur son courage et sa combativité pour survivre et se forger un destin.

J'ai énormément aimé ce roman et particulièrement la lumière qui s'en dégage. Demon est loin d'avoir une vie facile mais c'est un battant et il a autour de lui des gens bons (et aussi des jambons lol ) . Ce roman aborde des sujets difficiles comme les violences faites aux femmes, les abus de certaines familles d'accueils qui ne prennent des enfants que pour le chèque et les laissent dans le dénuement le plus total, la crise des opioïdes qui font des ravages aux US, mais Barbara Kingsolver ne tombe pas dans le misérabilisme, il y a toujours une lueur d'espoir, un instant de douceur dans son récit. Nous ne sommes pas dans un énième roman glauque, avec une famille dysfonctionnelle sans possibilité d'évolution.

J'ai adoré le personnage de Demon même si parfois il fait des choix qui m'ont donné envie de le secouer, les personnages secondaires sont également très importants et touchant, mentions spéciales à Tommy, June et Angus.

Bref, si vous voulez lire un roman qui deviendra j'en suis sure un grand roman américain et si vous voulez rentrer un sacré bonhomme, lisez On m'appelle Demon Copperhead !
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Demon Copperhead est le David Copperfield de notre époque, un gamin né dans un environnement plus que difficile, ou l'on survit plus que l'on ne vit. Il est très vite confronté à deux fléaux : des familles d'accueil qui ne voient dans la prise en charge d'un enfant que le bénéfice qu'ils peuvent en tirer (en espèces sonnantes et trébuchantes ou en le transformant en bête de somme) et la drogue, omniprésente tant chez les adultes que les enfants.
Changer de famille d'accueil n'est que changer de galère et la drogue en est le fil rouge. le livre ne serait qu'une source de déprime si Demon n'avait une gouaille d'enfer, des réparties à toute épreuve qui en font quelqu'un de terriblement attachant et une capacité de résilience hors du commun. Si le destin semble s'acharner sur Demon, son chemin croisera aussi celui de belles personnes qui croiront en lui, l'aideront à relever la tête et avancer.
J'avais entendu parler de la crise des opioïdes aux Etats-Unis sans prendre conscience de l'ampleur des ravages qu'elle a causés et à quel point il était alors difficile aux victimes de s'en sortir.
Ce livre est une belle leçon de vie et de courage, qui se dévore même si relativement imposant.
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Le Pulitzer n'aura pas été volé pour Barbara Kingsolver qui nous propose une réécriture incroyable de Dickens transposée dans l'Amérique des Appalaches avec un héros inoubliable à la gouaille inégalée.

C'est assurément le plus beau roman que j'ai pu lire cette année, l'écriture et la traduction sont incroyables, le ton est fou, solaire, drôle et terrible à la fois. Sur les laissés pour compte, sur la crise des opioïdes, sur l'adolescence et ce que c'est de crever la dalle... Ça c'est une histoire. Ça c'est ce qu'on appelle raconter.
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