Le mardi 8 octobre, les toutes jeunes éditions du Typhon, installées à Marseille, présentaient leur nouvelle parution,
La Mort à Rome de Wolfang Koeppen, au cinéma Lumière de Bellecour.
Une soirée spéciale au cours de laquelle ce roman allemand, oublié après sa sortie scandaleuse en 1954, résonnait avec le chef d'oeuvre de
Roberto Rossellini, Allemagne année zéro.
Berlin, Rome. Deux villes meurtries par la guerre et peuplées de fantômes. Deux capitales, symboles de puissance et de violence, de pays qui voulurent se réinventer au prix du sang et dont les peuples furent hypnotisés par des bergers qui se révélèrent être des bouchers. Deux cités marquées, depuis la défaite, par le sceau de l'infamie. Berlin éventrée chez Rossellini, Rome hantée chez Koeppen.
Presque dix ans séparent le Berlin encore en ruine filmé par Rossellini de la cité éternelle que dépeint Koeppen, mais une même interrogation parcourt les deux oeuvres : comment continuer à vivre ?
Comment continuer à vivre, quand vous et vos compatriotes avez été dévorés par un nihilisme fou, quand même vos proches se sont complu dans le meurtre et que d'autres l'ont accepté par lâcheté, quand il y a eu les jeunesses hitlériennes, les camps et la fin de toute humanité ?Dans les années 50, Siegfried, jeune compositeur allemand, a répondu par la fuite. Dégoûté par leur bassesse morale et l'horreur dont ils ont été capables, il a rompu avec son pays et les siens : un père, maire de sa petite ville, aussi à l'aise avec les concepts du IIIe Reich que ceux de la démocratie ouest-allemande, une mère effacée et un frère ambitieux étudiant en droit. Venu à Rome pour la première de sa symphonie, Siegfried apprend que sa famille s'y trouve aussi, tout comme son pire cauchemar : Judejahn, son oncle, dignitaire nazi et seigneur de guerre que tout le monde croyait mort, y compris sa femme Éva, pasionaria du IIIe Reich, et son fils Adolf, devenu diacre, également présents à Rome. Un fantôme qui laisse planer son ombre funeste sur le jeune Siegfried, sa famille et sur la ville entière.
Koeppen fait entendre les voix de toutes ces Allemagne qui semblent irréconciliables, chaque personnage représentant l'un des caractères d'un pays qui n'a pas disparu avec la guerre et qui doit vivre avec le souvenir terrible de ce qui a été commis en son nom. La famille de Siegfried, comme les autres, est une famille de survivants, et c'est bien là son malheur, car elle doit se souvenir. Certains, comme le père de Siegfried, dont les nuits sont paisibles, font semblant. Il pense « Ceux qui s'en étaient tirés pouvaient continuer à vivre. ».
Son inconscience et son opportunisme réside dans cette notion de possibilité, comme si on s'échappait de la guerre comme d'un mauvais rêve. Pour d'autres, Siegfried, Judenjahn et sa femme Éva, vivre est au contraire une pénible obligation, parce que le IIIe Reich n'est plus, ou parce qu'a contrario, il a laissé des stigmates trop douloureux... suite de la chronique sur le blog
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