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sur 156 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comment familiariser un lectorat francophone à la culture ukrainienne sans commettre un ouvrage scolaire constitué de biographies et de chapitres historiques ?

C'est le défi relevé avec succès par Alexandra Koszelyk qui enferme K « L'archiviste » dans une bibliothèque dont les caves servent de refuge aux oeuvres d'art évacuées lors de l'opération spéciale visant l'Ukraine en février 2022.

Si K falsifie des chansons, des poèmes, des romans, des tableaux, l'envahisseur laissera la vie sauve à sa famille.

Que vont devenir K, Mila, sa soeur photographe de presse, et leur mère impotente dans leur pays envahi ?
Jusqu'où K va-t-elle collaborer, ou berner l'adversaire ?

Ainsi tenu en haleine le lecteur observe K modifier les chefs d'oeuvres fondateurs de la culture ukrainienne ; au fil des quarante-neuf chapitres, une petite vingtaine de créations cinématographiques, musicales, littéraires, d'événements historiques (Holodomor, Tchornobyl, Maïdan) sont revues et corrigées puis un détour par Odessa rappele l'origine homérique de ce port.

Chaque falsification blesse l'imagination de K qui se projette dans l'événement ou rejoint ses acteurs en s'incarnant à leurs cotés.

Alexandra Koszelyk alterne les points de vue. L'évocation du roman « Taras Boulba » permet de caracoler avec les cosaques et de chanter leurs hymnes puis « Les âmes mortes » du même (Mykola) Nicolas Gogol, nous enferment dans le modeste refuge de son exil parisien (1836-1837) d'où est sorti cette critique féroce de la Russie tsariste.

L'alternance entre le passé et le présent est structurée par une romancière qui maitrise parfaitement les cliffhangers et rédige d'une plume très visuelle des chapitres courts et percutants qui nourrissent l'imaginaire et la culture du lecteur.

Mais il est évident que ce mémorial ukrainien nous interpelle sur notre fidélité à la culture léguée par les générations qui nous ont précédé. Car les falsifications existent aussi chez nous et « L'archiviste » attribue fort justement « Maroussia » à Marko Vovtchok, pseudonyme masculin de l'écrivaine et traductrice Maria Aleksandrovna Vilinska. (1833-1907) l'une des premières femmes de lettres ukrainiennes. Cette nouvelle a été adaptée en français par l'éditeur Pierre-Jules Hetzel, alias Pierre-Jules Stahl, qui a publié l'adaptation française sous son pseudonyme en occultant totalement l'auteur qui avait le double handicap d'être femme et ukrainienne… et cent cinquante ans plus tard le moteur de recherche de Babelio attribue encore et toujours Maroussia à Pierre-Jules Stahl en relèguant Marko Vovtchok !

Quand on observe l'acharnement avec lequel des révisionnistes envisagent, par exemple, de supprimer la statue de Napoléon à Rouen ou les calvaires au bord de nos routes, quand on analyse les ouvrages scolaires de nos collèges qui effacent des pans entiers de l'histoire de France, on est obligé de constater que le combat de « L'archiviste » est le même que celui que nous menons pour que vive « l'espoir d'un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie ».

Merci à Babelio et Aux Forges de Vulcain pour cet envoi lors de l'opération « Masse critique meilleurs voeux » et bravo Alexandra Koszelyk pour ce trésor littéraire !
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Appréciez-vous l'art sous une ou plusieurs des formes multiples que ce terme peut désigner : musique, danse, littérature, peinture, sculpture … ?
Abominez-vous la dictature, surtout quand celle-ci non contente de s'exercer à l'intérieur d'un pays cherche à s'imposer par la force aux pays voisins et déclenche des guerres, et non une « opération militaire spéciale » ?
Alors ce livre est pour vous.

K. est archiviste. Les oeuvres d'art de sa ville, maintenant aux mains des assaillants, ont été entassées dans la bibliothèque où elle travaille. Et elle se délecte de les contempler, jouissant de la richesse culturelle de son peuple. Mais l'envahisseur ne se contentera pas de détruire le pays physiquement, Il exige la réécriture de l'histoire de l'Ukraine, par la falsification des oeuvres d'art originelles. C'est K. formée par sa mère à de nombreuses formes d'art qui est en charge de ce travail. Elle obéit ou sa soeur aux mains de l'ennemi est assassinée.

Et l'on parcourt ainsi avec K une partie de l'histoire de l'Ukraine, aux cotés des nombreux artistes qui y ont vécu, en ont été chassés, y ont été enfermés. A chaque demande de falsification, l'archiviste revit un épisode de la vie de l'artiste dont elle doit modifier l'oeuvre. Ce qui permet de constater que ce pays a vécu à de nombreuses reprises des heures sombres, et que son envahisseur actuel n'en est pas à son coup d'essai. C'est une façon originale de balayer la richesse culturelle de ce pays et pour moi de la découvrir, et si je ne dois retenir qu'une chose de cette lecture c'est ce poème magnifique :
« L'espérance
Je n'ai plus ni bonheur ni liberté,
Une seule espérance m'est restée :
Revenir un jour dans ma belle Ukraine,
Revoir une fois ma terre lointaine,
Contempler encore le Dniepr si bleu
- Y vivre ou mourir importe bien peu -,
Revoir une fois les tertres, les plaines,
Et brûler au feu des pensées anciennes...
Je n'ai plus ni bonheur ni liberté,
Une seule espérance m'est restée.

Loutsk 1880
Lessia Oukraïnka »

On redécouvre aussi avec elle des moments forts de l'histoire ukrainienne, tel l'Holomodor qui a vu plus de 5 millions de personnes mourir de faim sous Staline ou bien sûr Tchernobyl. Et là aussi, la version expurgée doit dédouaner la Russie de toute responsabilité.

Une analyse très intéressante est aussi faite sur l'importance de la langue, qui a été plusieurs fois interdite. Dans le début de ce roman, K. voit les soldats démonter les panneaux de signalisation. Ceux en Ukrainien seront remplacés par des russes. Mais cette langue reste celle du coeur.
« Il n'y avait qu'à voir comment une culture bafouée dormait en chacun des êtres, attendant d'être délivrée de son supplice et libre au grand jour. Dans chaque foyer, alors que la langue ukrainienne avait été interdite, on s'échangeait des histoires de cosaques, on riait en ukrainien, on rêvait en ukrainien. L'autre langue était celle de l'administration, l'officielle. On gardait l'officieuse pour les échanges importants, nos joies, l'intime. On faisait l'amour en ukrainien. Quand une langue permet à deux êtres de s'aimer, toutes celles qui n'ont pas reçu ce rôle peuvent s'en aller un jour. »

Mais cette femme va se montrer plus intelligente que l'homme qui exige ces mutilations, et introduira dans chaque oeuvre falsifiée des indices permettant de comprendre les changements effectués.

L'histoire d'un peuple est ce qui lui donne son identité, et ce livre nous le rappelle magnifiquement.
Merci à NetGalley et aux éditions Les forges de Vulcain pour ce partage #LArchivisteukraineartpatrimoine #NetGalleyFrance
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« Il faut que les gens d'ici se sentent étrangers chez eux. Déraciner les peuples conquis a toujours été, sera toujours la politique des conquérants. Il faut tuer la cité au point que les citoyens sentent qu'une insurrection, même si elle réussissait, ne pourrait la ressusciter ; alors ils se soumettent. »
Simone Weil, Venise sauvée (1943)

*
L'histoire de K se situe vraisemblablement en 2022, année tragique de l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe.
Le personnage principal de ce récit, K, est conservatrice dans une bibliothèque spécialisée dans les archives. Au commencement des bombardements, de nombreuses oeuvres d'art vont être mises à l'abri dans les sous-sols de cette ancienne abbatiale parcourue par de nombreux souterrains. C'est ainsi que K devient la gardienne des trésors culturels et artistiques de son pays, une façon pour elle de lutter contre l'envahisseur.

Un soir, elle reçoit la visite d'un homme austère, menaçant, portant un chapeau. Il se présente à elle pour lui demander un étrange travail : il ne désire pas que les oeuvres d'art qu'elle cache soigneusement soient détruites, il désire qu'elles soient modifiées de manière imperceptible, falsifiées pour en détourner les messages.
K a les compétences artistiques et les connaissances pour mener à bien ce projet. En contrepartie, sa soeur retenue prisonnière aura la vie sauve et sera libérée.

L'Homme au chapeau a compris que la destruction physique des oeuvres du patrimoine ukrainien desservirait sa cause, constituant au contraire un terreau propice à la nostalgie, à la colère voire à la révolte. Il veut au contraire utiliser la jeune femme pour déformer puis effacer peu à peu toutes les voix du passé et ainsi poser les bases d'une nouvelle culture.
La guerre prend ainsi une autre forme puisqu'il s'agit de dénaturer, mutiler puis effacer un patrimoine culturel, en adoptant comme armes, des plumes et des mots, des pinceaux et des oeuvres d'artistes.

Pour K, c'est un crève-coeur de dégrader des oeuvres inestimables auxquelles elle tient tant. K est habitée par la peur, mais elle doit trouver un moyen de duper l'Homme au chapeau.

« K se demandait ce qui constituait pour chacun l'attachement à un pays, si ce n'était pas ce legs des personnes décédées qui portent les suivantes et les animent de leur souffle souterrain. »

*
C'est un livre instructif qui traverse les époques et quelques tranches de vie, le temps d'un rêve, peut-être. Grâce à une structure narrative qui entremêle habilement présent et passé, Alexandra Koszelyk fait revivre l'Histoire de l'Ukraine à travers plusieurs chapitres douloureux de son histoire, comme la catastrophe nucléaire de Tchernobyl ou encore l'Holodomor, une famine à grande échelle orchestrée par le régime stalinien au début des années 30 qui coûta la vie à plus de 5 millions d'Ukrainiens.

A la frontière entre le fantastique et l'actualité, Alexandra Koszelyk met magnifiquement en lumière un pays riche d'un patrimoine, d'une culture et d'une identité qu'elle porte par ses racines ukrainiennes.

J'aime beaucoup la forme irréelle que prend le courant qui emmène K dans d'autres époques. Ici, la magie s'invite sous la forme d'ombres qui entourent K, qui se pressent autour d'elle et l'entraînent dans les méandres du temps. Réelles ou imaginaires, ces ombres venues du passé n'ont rien de menaçant, ni de maléfique, elles sont plutôt des anges protecteurs.

« le réel prendrait peu à peu la dimension d'un songe. »

L'autrice célèbre la mémoire de certains grands artistes et écrivains ukrainiens dont les pensées et la résistance ont traversé le temps et dont les messages sont encore présents dans les mémoires collectives. Des noms connus, Mykola Gogol, Alexandre Pouchkine, Sonia Delaunay, d'autres noms qui m'étaient inconnus, comme le poète Taras Chevtchenko ou les artistes peintres Alla Horska et Maria Primatchenko.

« Pour les Soviétiques, seul le réalisme socialiste a sa place : reproduire avec exactitude le réel est pour ces hommes le seul horizon valable … À leurs yeux, l'imaginaire est dangereux, car il peut conduire à un autre monde, une autre réalité qui échapperait alors au pouvoir. »

*
L'écriture est belle, poétique nous emportant dans le carrousel de vies passées dont les mouvements entremêlent l'intime à l'universel.

« Comment réduire ma patrie à quelques mots, elle, la changeante, l'ambiguë, comment mettre sur le papier ses coquelicots, ses cosaques dont chaque geste porte la liberté, comment dire l'étendue de ses jaunes, de ses dorés, sous un ciel sans nuage, et ses steppes que le soleil arrose ? »

Pour un récit assez court puisqu'il fait moins de 300 pages, je l'ai trouvé particulièrement profond et riche en réflexions sur la littérature et l'acte d'écrire, sur la guerre et la suppression impassible d'une nation en gommant ce qui fait sa richesse et son caractère unique : sa culture, son art et sa langue, sa mémoire et son passé.
Il est aussi question de liberté, de force morale, de combat, d'engagement.

« Pour avancer, il faut tenir entre ses mains la lampe de son passé. Sinon, aucun génie ne pourra en sortir. »

C'est aussi un magnifique hommage au peuple ukrainien, à leur courage, à leur incroyable capacité de résistance et de résilience, à leur attachement à leur terre, à leur culture et à leur patrimoine.

« La vérité règnera-t-elle
Et ce monde, parmi les hommes ?
Il faut que cela soit, sinon
Le soleil arrêtant sa course
Brûlera la terre souillée. »
Taras Chevtchenko

*
Entre rêve et réalité, « L'archiviste » est une lecture originale et émouvante, un voyage intime et tendre à travers les mots de l'auteur et son histoire familiale, à travers des rencontres inattendues, à travers la clameur du passé et la mémoire d'un pays.
Ce roman engagé est une vraie surprise, de celle qui m'autorise à vous le recommander tout particulièrement.
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Dans une ville d'Ukraine détruite par les troupes russes au tout début de la guerre, nous faisons la connaissance de K qui a dû rester sur place, sa mère étant gravement malade, tandis que sa soeur, journaliste est quelque part sur les lieux de combats. Elle est archiviste dans une bibliothèque dans les caves de laquelle ont été mis à l'abri des objets d'art, des tableaux et chefs-d'oeuvre en tout genre.

Un jour surgit devant elle celui qu'elle appellera « l'homme au chapeau », Russe, gradé, qui lui demande de modifier certains évènements historiques, oeuvres diverses : tableaux, vitraux… pour les rendre « conforme » à l'histoire révisée à la mode soviétique, moyennant quoi elle aura des nouvelles de soeur actuellement entre leurs mains (il n'est pas à un mensonge près !)

Pour commencer, il s'agit, ni plus ni moins que modifier les paroles de l'hymne national ukrainien en faisant l'apologie du grand-frère russe : « Il n'y aura plus qu'une vérité, celle que vous allez créer, grâce à vos connaissances et vos compétences artistiques ».

Comme à l'époque de Staline, on va modifier les photographies pour que certaines personnes n'y figurent plus, d'apporter un nouvel éclairage sur la grande famine (Holodomor), Tchernobyl et les évènements de la place Maïdan !!!!

L'auteure nous propose ainsi une alternance passé-présent dans le récit ainsi que des rencontres extraordinaires avec des artiste connus ou non : on croise Gogol, son séjour en France, « Les âmes mortes » ou Taras Boulba, Marko Vovcok née Mariya Vilinska femme de lettres ukrainienne traductrice (elle a traduit notamment les romans de Jules Verne), à qui l'on doit notamment « Maroussia », ou encore Sonia Delaunay.

On croise aussi des poètes comme Taras Chevtchneko ou Lessia Oukraïnka, des peintres Maria Primatchenko ou Vladimir Tatline ou encore un cinéaste Alexandre Dvojenko et tant d'autres… (j'espère avoir orthographié correctement tous les noms)

Alexandra Kozlelyk, à travers ce récit évoque le courage et la résilience du peuple ukrainien qui force l'admiration depuis le début de cette guerre immonde, initiée par un avatar de Staline. Elle montre également comment on falsifie des oeuvres pour modifier l'Histoire et faire un récit adapté à la négation d'un peuple, ce qui résonne particulièrement quand on voit grandir le révisionnisme, et son cortège de nationalismes.

Enfin, Alexandra Kozlelyk m'a permis de me rendre compte que je connais peu la culture ukrainienne, les auteurs très souvent rangés sous la bannière russe, la manière dont la langue a été « interdite » puisque tout l'administratif se faisait en russe, alors que comme elle le dit si bien, l'ukrainien était la langue intime.

La couverture illustre le propos de fort belle manière.

J'ai beaucoup aimé ce livre, dans lequel je reviens de temps en temps (ne serait-ce que pour mémoriser les noms des artistes) et pour réaliser une chronique à la hauteur. J'ai retrouvé un écrivain que j'aime beaucoup : Nicolas Gogol, (les personnes qui suivent mon blog peuvent en attester !) et j'ai chevauché avec plaisir avec les Cosaques…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Aux Forges de Vulcain qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure qui a déjà plusieurs titres à son actif.

#LArchivisteukraineartpatrimoine #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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K est archiviste dans une ville à proximité d'Odessa. Les souterrains de sa bibliothèque sont devenus le lieu dans lequel toutes les oeuvres ukrainiennes ont été apportées à l'évacuation du pays au début de la guerre. Peu de temps après, un homme au chapeau lui rend visite et lui donne une mission, qu'elle va accepter malgré elle - la raison en sera donnée dans le récit - : elle doit réécrire l'histoire du pays à travers ses oeuvres d'art, principalement ses oeuvres littéraires, en y gommant toute trace de spécificité, en gros en faisant disparaître l'idée même d'Ukraine. Histoire qui viendra, contre toute attente, lui donner des armes pour résister tant bien que mal à cette terrible mission...

Roman terriblement d'actualité, évidemment, à l'heure où Vladimir Poutine tente d'annihiler l'Ukraine pour lui redonner le statut de satellite russe dans un désir de nouvelle URSS, écrit ici avec une magistrale délicatesse évanescente et une touche de surnaturel par Alexandra Koszelyk, d'origine ukrainienne - et l'on sent, en effet, que le projet romanesque de L'archiviste est profondément personnel.

A travers l'histoire de K, archiviste qui verse dans la résistance passive contre l'ennemi, à défaut de pouvoir faire bien plus - enfin au début -, c'est toute l'histoire de l'Ukraine qui nous est contée, de sa fondation à la révolution de Maidan, dans toute sa résistance face à l'ennemi russe, et de fait c'est aussi l'histoire de tout.e.s celles et ceux qui ont résisté, et qui résisteront encore, pour sauvegarder sa littérature, son art, sa culture, plus généralement son identité qui nous est contée par l'intermédiaire d'une polyphonie narrative fluide, servant à la perfection le propos.

Je remercie les éditions Aux Forges de Vulcain et NetGalley de m'avoir permis de découvrir ce roman, que j'ai trouvé enchanteur, très émouvant, malgré la gravité du sujet et des circonstances qui en expliquent son intrigue.
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Voici mon retour de lecture sur L'Archiviste d'Alexandra Koszelyk.
K. est archiviste dans une ville détruite par la guerre, en Ukraine.
Le jour, elle veille sur sa mère mourante.
La nuit, elle veille sur les oeuvres d'art que, lors de l'évacuation, on a entassées dans la bibliothèque dont elle a la charge.
Un soir, elle reçoit la visite d'un des envahisseurs, qui lui demande d'aider les vainqueurs à détruire ce qu'il reste de son pays : ses romans, ses poèmes et ses chansons.
Il lui demande de falsifier les oeuvres sur lesquelles elle doit veiller. En échange, sa famille aura la vie sauve.
Commence alors un jeu de dupes entre le bourreau et sa victime, dont l'enjeu est l'espoir, espoir d'un peuple à survivre toujours, malgré la barbarie.
L'archiviste est un très bon roman qui m'a fait découvrir la culture ukrainienne, que je connais mal voir, pas du tout !
K est une archiviste travaillait dans une bibliothèque dont les caves servent de refuge aux oeuvres d'art. Celles ci ont été évacuées lors d'une opération spéciale en février 2022.
K s'occupe de sa mère la nuit et de ses oeuvres la journée.
Mais.. un jour.. on lui demande de falsifier les oeuvres si elle et sa famille veulent garder la vie sauve !
Commence alors un drôle de jeu entre K et celui qui la menace..
Nous avons là un roman poignant avec des personnages forts, intrigants, qui luttent pour leur vie.
Nous sommes de nos jours, pendant la guerre en Ukraine, et c'est poignant.
J'ai beaucoup aimé l'écriture, la façon de l'autrice de nous faire découvrir la culture ukrainienne.
Les sauts entre le présent et le passé ne m'ont perdus.
En fait, c'est simple, tout m'a plu dans ce roman, tout simplement :)
Je vous invite vraiment à découvrir L'archiviste, que je note cinq étoiles.
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Alexandra K est une passeuse de mots, d'âmes, d'histoires, celles d'un peuple qui refuse de plier face à l'envahisseur.

K vit avec une montre arrêtée à 19h06, l'heure de l'invasion, de la guerre, de la défaite. Elle s'occupe de sa mère malade. Mila, sa soeur jumelle, est partie photographier les combats.
K est archiviste. Elle a refusé de fuir. Les oeuvres d'art, livres, sculptures, tableaux majeurs du pays ont été mis à l'abri dans sa bibliothèque aux sous-sols infinis. Chaque jour elle protège ces richesses, accompagnée d'ombres invisibles et protectrices qui veillent avec elles.
Mais c'est sans compter sur la visite de l'homme au chapeau qui doit mener à bien un grand projet de révisionnisme. Il demande à K d'annihiler les traditions et la culture de son pays en falsifiant des oeuvres majeures.

De chapitre en chapitre, il indique les oeuvres à modifier. Prétexte à nous parler avec poésie et dans une atmosphère fantastique et envoûtante qui allège les douleurs, de la culture et des traditions de l'Ukraine, pays cher au coeur d'Alexandra Koszelyk.
J'y retrouve tout ce qui constitue un pays, ses traditions, son histoire, sa culture, et découvre ces artistes qui ont agit pour que vive et survive leur art.
Les soucis qui fleurissent dans les jardins et au bord des routes
L'hymne national créé par Mukhailo Verbytsky et les coutumes des cosaques
Mais aussi Kharkiv et les tentatives de faire taire les joueurs de bandoura, l'instrument de musique traditionnel de l'Ukraine
Les vitraux d'Alla Horska, la poésie de Taras Chevchenko ou de Lessia Oukraïnka
Les peintures naïves de Maria Primatchenko
La littérature de Mykola Gogol
L'artiste Sonia Delaunay
Chacun à sa manière donne sa force à K, lui montre le chemin, ombres bénéfiques qui veillent sur elle, sur la culture, les traditions d'un pays meurtri.
Sans oublier les événements dramatiques qui ont marqué le pays. L'Holodomor, Tchernobyl, Maïdan.

Merci Alexandra pour ce magnifique roman, l'écriture est vraiment la plus belle façon de prendre les armes.
https://domiclire.wordpress.com/2023/02/13/larchiviste-alexandra-koszelyk/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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« K regarda une nouvelle fois le lit de la rivière et se dit qu'il en allait de même pour les histoires, les contes et les légendes: elles pouvaient sortir de leur lit, être oubliées un temps et se faire marécages, voire asséchées par les fortes chaleurs, mais elles reviendraient toujours dans leur berceau.
Les textes sont ces tissus que les êtres portent, même quand ils sont nus. »
(L'Archiviste, pp.263-264)
Un roman qui emporte le lecteur dès les premières pages, avant même que l'on ne découvre toutes les résonances que l'histoire entretient avec notre actualité, un texte tissé de fantastique mais dont la part merveilleuse ne s'écarte jamais du plausible, une intrigue souvent proche du conte, dont la dimension magique, voire enfantine, pourtant ne dérange jamais, une ode à la résistance de l'esprit et du coeur contre la tyrannie et le totalitarisme, un livre qui, une fois refermé, laisse au lecteur tant d'échos qu'il n'a hâte que d'aller en savoir plus au sujet de tous les artistes et écrivains qu'il évoque avec tant de talent et de se procurer dès que possible les précédentes oeuvres d'Alexandra Koszelyk, oui, disons-le franchement d'emblée, L'Archiviste nous a ébloui !
K (un K qui rappelle Kafka et l'un de ses héros, et ce n'est sans doute pas sans intention, un K qui est aussi la première – et la dernière ! – lettre du nom de l'auteure…), K, donc, est archiviste dans une ville traumatisée par la guerre, en Ukraine. Dès le début du conflit, elle a participé au sauvetage des oeuvres d'art du pays, en les dissimulant dans un labyrinthe de caves sous le bâtiment de la bibliothèque où elle travaille. Un jour, un homme à l'allure inquiétante, officier de renseignements dans l'armée des envahisseurs, vient la trouver, pour lui demander de bien vouloir collaborer à son projet de falsification culturelle, en modifiant les oeuvres les plus symboliques du patrimoine de son pays. En échange, il lui garantit que sa soeur jumelle, Mila, une journaliste dont elle n'a plus de nouvelles depuis qu'elle est partie en reportage aux premiers jours de la guerre, restera saine et sauve… Jamais les Russes ne sont nommés en tant que tels dans le roman – ce qui contribue à conférer au texte sa valeur universelle, et c'est très bien ainsi !- mais l'on comprend bien qui se cache derrière cet odieux marché. Et K, toute entière habitée par l'espoir de sauver et pouvoir retrouver sa soeur, cède au chantage, acceptant de modifier les dessins, projets de vitraux, textes littéraires, les oeuvres les plus exemplaires du génie ukrainien, mais aussi les témoignages historiques concernant des événements cruciaux de l'histoire du pays, Holodomor – la grande famine instiguée par Staline, un terrifiant génocide-, Tchernobyl, Maïdan… Et c'est là, au creuset du livre, un trésor ! Alexandra Koszelyk nous offre, de l'artiste Alla Horska et de la poétesse Lessia Oukrainka à Gogol ou Isaac Babel, en passant par la romancière Marko Votchok et le grand poète national Taras Chevtchenko, un panorama de la culture ukrainienne - et même de ses défenseurs russes…-, des pages où, à travers des rencontres imaginés avec ces grands héros de l'esprit du pays, on est amené à mieux comprendre toute l'importance de la résistance spirituelle et de la lutte pour la survie de la langue ukrainienne… Et puis, le chapitre 43, magnifique hommage à Odessa l'aventureuse, et puis une superbe mise en abyme du roman... Allez, on ne vous en dit pas plus, mais on vous engage à vous plonger derechef dans cet ouvrage merveilleux, vous y incitant mieux encore peut-être avec une dernière citation :
« Plus les ombres permettaient à K de voyager à travers les époques et les arts, plus K s'apercevait qu'il était réducteur de rattacher un artiste aux seules frontières qui avaient déterminé sa naissance ou sa mort, qu'il pouvait rêver à l'écart, très loin quelquefois, des belles choses pour en parler, pour toucher le souvenir comme avec la main.
C'était bien plus que cela. Au-delà des frontières établies de façon artificielle par des hommes, il restait quelque chose de plus fondamental: une terre qui ne se préoccupait que très rarement des échelles supérieures de la géopolitique, et que personne, pas même des autocrates, ne pourrait enlever. Il n'y avait qu'à voir comment une culture bafouée dormait en chacun des êtres, attendant d'être délivrée de son supplice et libre au grand jour. Dans chaque foyer, alors que la langue ukrainienne avait été interdite, on s'échangeait des histoires de cosaques, on riait en ukrainien, on rêvait en ukrainien. L'autre langue était celle de l'administration, l'officielle. On gardait l'officieuse pour les échanges importants, nos joies, l'intime. On faisait l'amour en ukrainien. Quand une langue permet à deux êtres de s'aimer, toutes celles qui n'ont pas reçu ce rôle peuvent s'en aller un jour. »
(p.205)
Vous en faut-il plus, en ces temps de détresse pour l'Ukraine, pour rendre visite à deux de ses meilleures porte-paroles, Alexandra Koszelyk et son archiviste ?
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K est archiviste dans une ville ukrainienne dévastée par la guerre. Afin de préverser le patrimoine historique ukrainien, elle a mis à l'abri oeuvres d'art, manuscrits précieux et ouvrages littéraires et historiques dans les souterrains de la bibliothèque qu'elle dirige. C'est sans compter sur la présence d'un homme au chapeau melon, espion qui va la contraindre à poser des gestes inacceptables pour un.e archiviste : réécrire l'histoire, sous la menace de s'en prendre à sa famille. J'ai été particulièrement sensible à cet ouvrage après avoir exercé ce métier pendant 39 ans dans un service d'archives à Bruxelles.
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Engagé «  L'Archiviste » est un récit d'une contemporanéité implacable.
« La nuit était tombée sur l'Ukraine ». L'impression d'être en transmutation dans ce pays en proie à la guerre. L'Histoire nous frôle, vivante et expressive, tourmentée, douloureuse et nécessaire.
On ne lit plus. On retient notre souffle, en pleine écoute d'Alexandra Koszelyk, pudique, altière et honorable. La fiction s'efface. le symbole de la résistance prend place dans son summum. Ce livre est l'enjeu même du devoir de la littérature. Écrire pour signifier. Remettre d'équerre les faits. Dévoiler un roman, gémellaire de la réalité. Pouvoir hors norme, l'arme pacifique des bienfaiteurs de l'humanité. Ce livre est un témoignage au fronton des vérités.
K. c'est elle. L'héroïne de ce grand livre tremblant et ténébreux. Jeune femme archiviste, dévouée à la culture, à la rémanence, au mot à apprendre par coeur. Elle sait. Elle devine son implication en advenir. Dans les labyrinthes d'une bibliothèque, elle rassemble les textes, archiviste qui devine l'heure de protéger les livres, les cartographies, les myriades de mots, socle de l'Histoire de son pays dont elle devine être un mobile de destruction pour l'ennemi. le temps est à l'hiver, sa mère est vieillissante, malade et alitée. Sans soins, ni hospitalisation, elle est vulnérable et fragile. K. veille sur elle et retourne dans son appartement après le passage du crépuscule. Elle lui cache la guerre, la disparition de la soeur de K., sa jumelle, Mila. Où est-elle ?
Un jour certain un homme frappe à la porte chez elle, l'Homme au chapeau.
Il exige d'elle de bousculer L Histoire. de transformer les textes fondateurs, de détourner la littérature vouée à l'Ukraine. Déformer immanquablement les diktats et effacer la mémoire d'un peuple.
« Il ne s'agit pas de tout changer, vous l'aurez compris, mais seulement quelques parties, détourner quelques vers, mettre un mot à la place d'un autre, gommer un personnage sur un tableau, remplacer un chef d'État sur une photographie, détourner un objet folklorique de son usage premier. Vous voyez bien, ce n'est pas grand-chose ! Il ne s'agit même pas de destruction mais de réorganisation, voire de création ! de devenir l'autrice de cette nouveauté. »
« L'Homme au chapeau » glaçant et menaçant, puissant et lâche, va venir dans la bibliothèque sans y être convié, dans une démarche machiavélique et guerrière.
« Comment va votre pauvre mère ? »
K. pressent un homme de proie, vil et sans scrupules. Un homme machine, hideux et dangereux. « Depuis la venue de cet homme, le sommeil tardait à venir. »
K. va oeuvrer. Affronter son bourreau dont les visites sournoises sont de surveillance, de pressions et de soumissions. Abattre l'éveil de K., détruire sa noble intelligence. Mais K. est intuitive, courageuse et loyale. Ses peurs se mutent en résistances. Une bataille entre elle et le bourreau s'enclenche. Il devine sa ténacité à sauver la mémoire de son peuple envers et contre tout. Les rencontres sont des menaces, des pions qui avancent et reculent. K. ne cède rien. Archive le sceau de son pays, bouge une syllabe et , « le dernier des cavaliers arriva, les autres l'encerclèrent et ils formèrent une troupe unie où chacun était un héros anonyme, comme ces essaims d'abeilles qu'aucune main ne peut séparer. »
La bibliothèque est de souterrains, de voûtes et d'immobilité, comme figée dans ses douleurs. La trame est un drapeau ukrainien flottant au vent des aspérités.  Kolodomor, Tchornobyl, Maïdan, trois mots à défigurer qu'elle refuse mentalement. Torture et violence, l'Homme au chapeau, monstre froid et dont les ordres sont des barbaries latentes et douloureuses pour K. Les chantages du bourreau envers K. sont des blessures infinies. Elle doit combattre les paroles assassines et la haute intelligence de son bourreau. Malgré tout elle continue, ne quitte plus la bibliothèque de grilles et de serrures, de méandres et de silences. Elle est vouée à sa patrie envers et contre tout. le masque.
« K. regarde ses avant-bras : ses veines charriaient le mot liberté. »
Ce livre est un témoignage emblématique. Un devoir d'écriture, un hommage d'une beauté inouïe malgré ses souffrances. Il y a ici, dans ce roman (à peine), les larmes d'un pays : l'Ukraine. Et la preuve d'un peuple prêt à tous les défis et les sursauts pour survivre et ne rien céder aux envahisseurs. « L'Archiviste » est poignant, crucial, « comme une oeuvre totale dont la palette répond aux roulements du train, les deux se tiennent et se répondent. »
Le pouvoir de la littérature en apogée. Un livre des résistances. Publié par les majeures Éditions Aux forges de Vulcain.

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