Oh ! merci
Nicolai Gogol de nous avoir écrit cette agréable petite comédie, si rafraîchissante, si plaisante, si drôle et si truculente. Que ça fait du bien de lire ça !
Quel est le sujet de cette petite pièce en un acte ? le jeu, l'argent et la triche.
Ce thème, (notamment la folie du jeu), a été copieusement exploité par les écrivains, notamment par
Dostoïevski ou Zweig (mais c'est bien sûr loin d'être les seuls). Ici, l'auteur choisit un angle quelque peu insolite ; l'envers du décor, ou disons simplement, les préparatifs d'une arnaque minutieusement montée. En ce sens,
Gogol se rapproche plus du traitement qu'aurait pu y conférer un
Balzac plutôt qu'un
Dostoïevski ou un Zweig.
Le synopsis, le voici : un fameux roublard, en la personne d'Ikhariev, arrive dans une petite ville de province avec pour dessein de plumer quelques pigeons grâce à sa savante technique de triche aux cartes, laquelle technique, éprouvée dans une province voisine, lui a rapporté quatre vingt mille roubles le mois précédent.
Dans la petite auberge où il échoue, il tombe sur trois clients, Chvokhniev, Krougel et Outièchitelny, qui s'avèrent être d'aussi tristes sires que lui-même, eux aussi en quête de gogos à détrousser. Éprouvant leurs savoir-faire respectifs, ceux-ci décident finalement de s'associer pour écumer le moindre rouble qui décidera de se présenter à eux dans les prochains jours.
C'est alors que Chvokhniev et Krougel exhortent vivement Outièchitelny de tenter une nouvelle fois de débaucher le vieux Glov, un gros propriétaire malheureusement réputé pour sa sobriété et son aversion pour le jeu. Je ne vous en dis pas davantage afin de ne pas vous gâcher le plaisir de découvrir cette pièce, si vous ne la connaissez pas.
Un peu à la façon des
Nouvelles de Pétersbourg, la comédie est truffée de piques à l'adresse des fonctionnaires, et regorge de second degré et de sous-entendus.
À ce jeu du plus fin, qui sera le plus fin ? L'arroseur arrosé ou l'arnaqueur arnaqué ? Qui sera le plus malin, qui saura déjouer les filouteries des filous et jouer
les joueurs ?
Il est à noter que
Gogol nous donne des indices et comme souvent avec les pièces russes, la traduction échoue à restituer cette dimension. Ainsi Krougel (nom traduit en français) est d'origine allemande, ce qui évoque (n'oublions pas que
Nicolai Gogol est parfaitement polyglotte) pour les germanophones « der Krug », la cruche. Il en va de même pour Glov, qui veut dire en russe « le gant » et que penser de Outièchitelny qui signifie littéralement « réconfortant » ou du moins l'idée de consolation.
En guise de conclusion, je dirais que cette comédie est écrite tout en finesse, avec drôlerie et également une bonne dose d'ironie caustique comme l'auteur sait si bien le faire. Je la conseille donc très volontiers, cependant rappelez-vous que cela n'est que mon avis, certes je ne triche pas mais sait-on jamais, cela ne vaut peut-être pas grand-chose...