AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Luca Casalanguida (Illustrateur)
EAN : 9781534318205
168 pages
Image Comics (16/02/2021)
5/5   1 notes
Résumé :
Vietnam, 1969. Juarez, forty years later. Three men tied by the war they left behind ― on collision course with a new one. As old grievances resurface, the bodies pile up. And as the fires on the border rage, a man's psyche falls apart, birthing a new understanding of himself.
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Que lire après Lost SoldiersVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Maltraitance patriarcale
-
Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 5 épisodes de la minisérie, initialement publiés en 2020, écrits par Aleš Kot, dessinés et encrés par Luca Casalanguida, mis en couleurs par Heather Marie Lawrence Moore, avec un design graphique de Tom Muller.

Il y a des souvenirs dans la boue. Il est possible de suivre une traînée de sang attestant du cheminement d'un individu blessé depuis des croix de bois, au travers d'un terrain vague, jusqu'à un individu affalé contre un mur, avec un fusil automatique sur les genoux, ayant perdu connaissance. le commentaire qui court tout du long évoque les morts, civils et militaires, la destruction des bâtiments, l'absence de signe pour matérialiser le moment quand un être humain devient un fantôme. En 1969, au Vietnam, les soldats Hawkins, un afro-américain, et Berg, un juif, sont de garde pour scruter la jungle derrière des sacs de sable, pendant la nuit. le sergent Kowalski passe les voir pour s'assurer qu'ils assurent bien leur mission. Ils reprennent leur discussion après son départ : Hawkins estime que John Wayne est l'épitomé du héros. Berg estime que Superman remplit mieux ce rôle, ce qui n'étonne pas son collègue car Superman est un héros juif. Quarante plus tard, Hawkins et Kowalski écoutent le commandant Santos expliquer les paramètres de leur mission, à un groupe d'une quinzaine de soldats. Il s'agit d'effectuer une mission officieuse à Ciudad Juárez, au Mexique, pour échanger des mallettes avec le parrain local. Il explique que la mission se déroulera en deux temps, et qu'il en choisira six d'entre eux pour aller jusqu'à Ciudad Juárez.

Quarante ans auparavant au Vietnam, le peloton de Kowalski se retrouve sous un feu nourri. Berg a encaissé plusieurs et balles, et il est mort dans les bras de Hawkins qui appelle désespérément un médecin au secours. Kowalski se tourne vers le sergent Burke, en continuant à répondre au feu de l'ennemi pour suggérer une retraite. Burke réfléchit et décide froidement qu'ils doivent continuer à pousser vers l'avant. Les soldats obéissent. Au temps présent, après le briefing, Hawkins et Kowalski se retrouvent dans les vestiaires. le premier demande au second quand a eu lieu son dernier examen de la prostate. Kowalski n'a pas l'air très attentif. Hawkins lui demande comment va son épouse Minnie. À nouveau son interlocuteur se montre évasif. Hawkins comprend que ça ne doit pas aller fort. Il demande si Kowalski va se porter volontaire pour la mission à Ciudad Juárez, parce que lui n'en a pas l'intention. La réponse est affirmative. En 1969, au Vietnam, Kowalski demande à Hawkins encore sous le choc du décès de Berg, s'il va bien. L'autre est ailleurs. Kowalski lui recommande de manger un peu, en lui tendant sa propre gamelle. Hawkins voit sans cesse le corps sans vie de Berg dans ses bras, le sang sur son visage.

Plonger dans une histoire de ce scénariste peut être un peu intimidant car ses récits ne sont pas toujours faciles d'accès, mais d'un autre côté, il comporte souvent une idée directrice très forte, et des personnages jamais fades. Il suffit au lecteur de lire les mots composant le lexique placé en fin d'épisode 2 pour avoir la confirmation du thème : obusite, trouble comportemental de guerre, stress de syndrome post traumatique, violence, guerre. Il est possible que le lecteur soit un peu désorienté au début : une voix désincarnée qui déroule un commentaire sur la guerre dans un mode d'expression avec des touches poétiques, et des touches oniriques, et des images montrant quelqu'un qui suit la trainée de sang en vue subjective, jusqu'au blessé. Les contours sont délimités par des traits encrés un peu secs, un peu épais parfois, pour une apparence qui ne fait pas forcément joli, qui ne cherche pas à séduire. Puis le premier épisode alterne des séquences au Vietnam en 1969, et une opération clandestine à Ciudad Juárez en 2009, avec deux militaires présents aux deux époques, ayant donc 40 ans de plus en 2009. Les dessins restent très crus, sans affèterie, évoquant par moment ceux de Goran Parlov, dessinateur ayant travaillé avec Garth Ennis sur plusieurs histoires de Nick Fury version MAX, et plusieurs histoires Punisher version MAX également. le rapprochement n'a rien de fortuit car le sergent Burke ressemble à Frank Castle comme un frère, et l'épisode 4 porte comme titre Punisher. Mais ce n'est pas une histoire du Punisher, cependant, il est possible d'y voir un hommage à l'oeuvre de Garth Ennis.

La trame de l'intrigue est facile à suivre : il s'est passé un événement dans l'unité du sergent Burke en 1969 pendant la guerre du Vietnam qui a traumatisé Hawkins (la mort d'un ami sous yeux dans la jungle), et un autre qui a généré une haine entre Burke et Kowalski. le scénariste entremêle les scènes de 1969 et celles de 2009, faisant progresser les deux fils narratifs, la curiosité du lecteur allant en grandissant pour découvrir ce qui oppose ainsi les deux militaires. Dans le même temps, il apprend à les connaître à travers leurs actes, se faisant une idée de leur caractère. Il a vite fait de s'habituer à l'apparence un brut des dessins, en cohérence totale avec la nature du récit, des affrontements sur le champ de bataille, des opérations militaires, des assassinats à l'arme à feu, à l'arme blanche. Comme le point de départ le laisse supposer, c'est un récit d'homme, des individus dont la guerre est le métier, et qui ont les compétences et la carrure de professionnels, avec quarante ans de métier en 2009. D'une certaine manière, la narration visuelle donne l'impression d'avoir été réalisée par un de ces soldats. La mise en couleurs apparaît simple : parfois des cases barbouillées d'une seule couleur, pas toujours appliquée de manière bien uniforme, parfois avec une couleur appliquée par endroit par-dessus à grand coup de pinceau, parfois en respectant bien les traits de contour, sans dépasser. Loin d'être chaotique, cette mise en couleurs protéiforme accompagne bien les états d'esprit des personnages, entre le calme d'une progression ordonnée, et la soudaineté d'un tir nourri.

L'artiste réalise des pages où tout semble aller de soi, un simple reportage d'un journaliste embarqué qui sait saisir les moments spectaculaires, mais aussi l'enchaînement des actions, les expressions qui en disent long, tout autant que les gestes machinaux qui attestent d'une longue pratique professionnelle. le lecteur éprouve la sensation de voir de vrais êtres humains, des hommes endurcis au combat, une ambiance virile, sans être exagérée de manière romantique ou spectaculaire. Il retient son souffle pendant la longue séquence d'action muette de 16 pages de l'épisode 3. Il se rend compte après coup, qu'il n'a pas prêté attention à la manière dont l'artiste procède. Ce n'est que s'il le souhaite qu'il refeuillète cette bande dessinée pour observer l'usage très régulier de cases de la largeur de la page, de quelques cases coupées en biais pour accompagner un mouvement soudain ou un choc, de quelques cases en insert pour montrer la quasi-simultanéité d'une action et d'une réaction, et des bandes de case pour suivre une action au cours de plusieurs moments. La narration visuelle coule de source, tellement naturelle que la bande dessinée semble avoir été réalisée une seule et même personne.

Le lecteur voit donc Hawkins et Kowalski lors de deux missions, agir en combattants professionnels, et pendant des moments de préparation et quelques moments en civils. S'il a lu les épisodes de la série Punisher MAX d'Ennis, il a parfois l'impression de retrouver cette forme de narration très particulière : sèche, entièrement dans l'efficacité, avec le poids d'une forme de fatalité, ces militaires vivant avec le souvenir de morts, leurs camarades tombés au combat, les individus qu'ils ont pu éliminer. En cela, le lecteur retrouve aussi le poids qui pèse sur les épaules de cette version de Frank Castle, version Ennis, mais sans l'humour outré et macabre, sans les moments Ennis. Alors que le scénariste s'en tient rigoureusement à cette version professionnelle de combattant aguerri, le récitatif apporte une touche teintée d'un jugement. le lecteur comprend rapidement que le récitatif en début de récit, est celui de la guerre personnifiée, évoquant le prix à payer, la réalité de la mort, des carnages, des massacres, des dommages collatéraux chez les civils, en vie humaine, en destruction de maisons, de foyers. le thème du traumatisme court tout du long du récit, que ce soit le premier éprouvé par Hawkins tenant le cadavre de son ami dans les bras, ou que ce soit l'effet cumulatif d'années, de décennies consacrées à neutraliser des ennemis, à les tuer. Aleš Kot met en scène le paradoxe d'une vocation qui consiste à sauver des êtres humains en en tuant d'autres. le lecteur se souvient alors de la première citation en ouverture du récit, de Bell Hooks. le premier acte de violence que le patriarcat exige des mâles n'est pas la violence à l'encontre des femmes. Au contraire, le patriarcat exige de tous les mâles qu'ils commettent des actes d'automutilation psychique, qu'ils tuent la partie émotionnelle de leur être. Bien plus que l'horreur des tueries, ces deux phrases explicitent l'intention de l'auteur et mettent à nu la force émotionnelle de son récit.

Après l'estomaquant Days of Hate avec Danijel Žeželj, Aleš Kot réalise un nouveau récit coupant le souffle du lecteur. La narration visuelle de Luca Casalanguida & Heather Marie Lawrence Moore prend le lecteur aux tripes, avec une évidence naturelle. S'il est familier des récits d'opérations spéciales, le lecteur en retrouve tous les codes mis en oeuvre avec pertinence et intelligence, et un malaise présent du début à la fin, généré par le mal être intérieur de ces hommes d'action, sans qu'ils ne le verbalisent jamais.
Commenter  J’apprécie          50


Videos de Ales Kot (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ales Kot
LOST SOLDIERS #1 by Ales Kot, Luca Casalanguida & Heather Moore video trailer | Image Comics
autres livres classés : guerreVoir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3179 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}