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sur 709 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Milan Kundera a fait la douloureuse expérience de l'exil lorsqu'il a quitté son pays natal, la Tchécoslovaquie, pour la France en 1975. le roman « L'ignorance » raconte à travers une brochette de personnages ce déracinement et les conséquences du retour aux sources vingt ans après. le contexte politique a changé, la société a muté, leurs familles et amis les ont oubliés. Cette idée qu'ils se faisaient de leur Odyssée, la nostalgie des temps anciens qui les a poussés dans ce pèlerinage décevant les laissera sur leur faim. Ils se pensaient des héros regagnant ce qui avait été un foyer pour eux, accueillis en vainqueur. L'action corrosive du temps a eu raison du souvenir qu'ils pensaient avoir laissé. Ils ne trouvent que rancoeur ou ignorance.
« Mais quand les gens se voient souvent, ils supposent qu'ils se connaissent. Ils ne se posent pas de questions et n'en sont pas frustrés. S'ils ne s'intéressent pas les uns aux autres, c'est en toute innocence… Les gens ne s'intéressent pas les uns aux autres et c'est normal. »
le retour après l'exil ne fait qu'exacerber cet état de fait, que nous ne sommes que spectres.
Milan Kundera a cette phrase magique :
« Et puis un jour on sait et on comprend beaucoup de choses, mais il est trop tard, car toute la vie aura été décidée à une époque où on ne savait rien. »
« L'ignorance » est un petit roman par la taille, mais immensément riche par les idées qu'il véhicule sur le rapport des uns aux autres, la valeur toute relative de chacun et sur l'oubli.
Postface de François Ricard.
Editions Gallimard, Folio, 237 pages.
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Le premier roman me donnant envie d'y revenir, encore et encore, de revenir tout court. Par le biais des pérégrinations (avant tout psychologiques) d'Irena et de tous les protagonistes qu'il construit, Kundera touche l'intimité de chacun lorsqu'il évoque avec tant de justesse l'expérience de l'exil, et sa sensation. Si la nostalgie s'avère être la saveur omniprésente dans les mots de l'auteur, jusque dans ses virgules, l'on comprend d'autant mieux pourquoi l'Ignorance porte ce nom, et l'incarne à merveille. En effet, que serait l'élan nostalgique sinon la conscience de ne pas savoir, de ne plus voir, et d'en souffrir ? Quand Irena revient à Prague, ce ne sont pas seulement les traces de sa jeunesse qu'elle retrouve mais bien celles des possibilités qu'elle n'aura plus jamais et que Kundera nous souffle avec une étonnante intensité. Une tristesse également. Pourtant, l'on ne peut s'empêcher d'admirer avec quelle lucidité l'auteur nous parle du thème de l'émigration (et de l'immigration) alors même qu'il doit susciter en lui bon nombre d'implications morales et sentimentales. Voilà donc les raisons de ce retour sur cet ouvrage, il exhorte au retour (sinon chez soi, vers soi) et dans le cas présent, vers l'expérience d'une (re)lecture réconciliatrice.
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Je relis par épisodes toute l'oeuvre de Milan Kundera, romans, théâtre, essais. Une oeuvre peu abondante, mais d'une exceptionnelle qualité.

Quand je reviens à un texte de lui, j'ai le sentiment de retrouver un ami; peu d'autrices et d'auteurs me donnent cette sensation, Duras, Woolf, Auster, Modiano, et plus loin dans le passé Tolstoï.

Mais avec Kundera, c'est encore différent, chacun de ses romans me touche au plus profond de moi-même, comme c'est le cas dans d'autres domaines, par exemple avec Brel, ou avec Rembrandt.
Comment l'expliquer? Je ne sais, et celles et ceux qui n'aiment pas Kundera ne pourraient pas comprendre, pourraient se moquer de cet attachement à cet auteur. Si Proust nous dit, et je suis d'accord,
« Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même », cela doit être cela, chacun des livres de Kundera me permet d'explorer un peu de moi-même, de me révéler à moi-même, comme font les chansons de Brel et les tableaux de Rembrandt.

Ce court roman, L'ignorance, n'a pas pourtant la complexité de construction de L'insoutenable légèreté de l'être ou de l'immortalité, la virtuosité implacable de la valse aux adieux, la puissance de la plaisanterie ou de la vie est ailleurs.
Mais sa beauté bouleversante est autre, et ressentie plus fortement dans cette deuxième lecture, les années ont passé et changé ma perception.

Dans les premiers pages, l'auteur nous évoque l'histoire d'Ulysse, et ce faisant, en vient à cette notion de nostalgie, mot dont la racine en espagnol est l'ignorance. Ainsi, la nostalgie est elle la souffrance de ne pas savoir ce qu'est l'autre, ce que devient l'autre, qu'il s'agisse de son pays, de sa région, sa famille, et même de ses chers disparus.

C'est par les histoires d'Irina et de Josef, deux tchèques qui ont émigré, l'une en France et l'autre au Danemark, et qui font un séjour dans leur pays d'origine après 1989, que le thème du retour de l'exilé sera le prélude à un grand développement sur la mémoire, l'incommunicabilité et la solitude.

De l'injonction des amies françaises d'Irina à retourner dans sa patrie, de l'indifférence des familles et amis d'Irina et Josef à ce qu'ils sont devenus en exil, du sentiment de ne plus exister aux yeux des autres autrement que comme l'exilé(e) qui revient, qui doit revenir, du sentiment que celles et ceux que vous avez connus il y a vingt ans ne sont plus que des étrangers pour vous, du temps qui efface progressivement de la mémoire le souvenir de l'être cher (la femme décédée de Josef), que l'on n'arrive à maintenir en soi que par la présence d'objets, de rituels du quotidien, de l'histoire de Milada qui tenta autrefois de se suicider par amour pour Josef et qui vit dans la solitude, c'est l'ignorance, voulue ou subie, l'incommunicabilité, ce thème si cher à Kundera, et la désolation du monde, comme le dit si bien François Ricard dans sa postface.
Mais ce tableau pessimiste se termine pourtant par la rencontre sentimentale et intime d'Irina et de Josef, et malgré la découverte par Irina de « l'ignorance » de Josef (il a feint de se souvenir de leur amitié passée, alors qu'il ne se souvient pas du tout d'elle), c'est la rencontre de deux êtres qui se comprennent profondément, qui se découvrent partager la même vision de la vie, de l'âme soeur, « ma soeur » comme l'écrit Josef dans son petit mot. Et donc sur l'idée que, oui, c'est possible de partager avec quelqu'une ou quelqu'un, et d'envisager de vivre le même chemin.

En conclusion, ce roman va bien au-delà du propos de l'histoire de l'exil et du retour au pays.
Et puis, je trouve que c'est un vrai roman , et non comme le trouvent certains, le prétexte à une digression philosophique.
Et enfin, il y a, comme toujours, cette écriture si fluide, si belle.
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Tel Ulysse revenant à Ithaque, 20 ans après l'avoir quittée, Irena et Josef reviennent à Prague après avoir émigré, elle à Paris, lui au Danemark.
Et s'ils se sont connus autrefois, il n'y a de commun entre eux que ce déracinement assumé, qui en fait des « frères et soeurs » d'immigration.
L'ignorance, c'est celle de la vie qu'ils n'ont pas vécue dans leur pays d'origine, avec leurs amis d'enfance et leurs parents.
Mais c'est aussi celle de la vie qu'ils ont vécue pendant 20 ans, dont personne au pays ne se soucie ; comme si en partant, ils disparaissaient aux yeux de ceux qu'ils ont quittés.
C'est à la fois un roman racontant l'histoire des retrouvailles de deux êtres que tout a séparé ; et c'est aussi un essai sur le malaise de l'émigré qui ressent de la nostalgie pour son pays d'origine, mais qui oublie en même temps la plupart des souvenirs de son ancienne vie.
J'ai été très touchée par ces personnages qui se sentent à la fois heureux des choix qu'ils ont faits , mais qui gardent en eux la blessure de l'exil.
Kundera sait nous atteindre par sa façon si profonde de voir les choses simples de la vie et d'y apporter un autre regard, et c'est superbe.
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Milan Kundera, c'est ma récompense.
Que je vous explique.
Après un temps plus ou moins long de découvertes, de services presse, d'auteurs inconnus..., je m'octroie une valeur sûre, une friandise, un opéra, un tour de magie ou de manège... appelez-le comme vous voudrez 🙂

L'ignorance.
Irena est Tchèque, exilée en France.
Josef est Tchèque, exilée au Danemark.
Tous deux reviennent à Prague pour un court séjour, après avoir fui le régime communiste. Un séjour qui va remettre pas mal de choses en perspective pour eux, notamment leur condition d'immigrés.

C'est un livre sur la nostalgie. En espagnol, la racine de nostalgie est souffrance.
La souffrance de ne pas savoir ce que devient l'autre, ou son pays, sa ville natale. Nostalgie de ce qui aurait pu être et ne deviendra jamais.
C'est un livre sur l'exil, et sur les racines bien sûr.

Et comme d'habitude, avec Monsieur Kundera, on se laisse porter par cette écriture si belle, si musicale. Pas un détail qui ne romp le rythme, dénote ou denature.
Même les occasions de digressions philosophiques sont un régal de littérature.
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Magnifique roman, vraiment, intense, ciblé, signé d'une plume incomparable!
Les questions du déracinement, de la mémoire, de l'attente, et de la fraternité y sont traitées avec un style très abordable, faisant des détours par la musique, la peinture, l'écriture et une revisite du mythe d'Ulysse très juste sous la lumière de nos sociétés, un regard perçant sur la politique qui a défiguré la République Tchèque...
A lire donc, à relire aussi!
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Un livre sur le temps et sur la mémoire.
Un livre sur le temps humain de la vie.

Comme souvent maître Milan joue avec ses personnages de roman et les observe en bon entomologiste. Et là, depuis le point de vue de Sirius, il digresse, raconte, explique, construit l'intelligence.
On pourrait craindre le pire en matière de discours pontifiant. Mais voici Kundera: même quand il parle de deuil, creuse les questions existentielles, son propos n'assomme pas. Les très courts chapitres s'appellent l'un l'autre sans lasser. La lecture est fluide, agréable. Même en citant Arthur Schönberg le propos de Kundera n'assomme pas. C'est dire.
Ainsi Kundera ne pontifie pas plus que nécessaire.

Ceci dit, voilà une forme romanesque (de l'intimité surplombée ?) qui a ses détracteurs. Il me semble qu'il passent à côté d'une très bonne expérience de lecture. D'autant que ce volume est bien bref, contrairement aux tous meilleurs Kundera qui le sont moins.

Reste un livre sur le temps et sur la mémoire.
Un livre sur le temps humain de la vie, entre Paris et Prague, via l'île des Phéaciens.
Et toujours pas de prix Nobel en vue....
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Comme je ne lis pas la quatrième de couverture, je ne savais pas de quoi parlait le roman. En ces temps le titre m'a attiré et l'a fait sortir de ma longue PAL.
Je découvre que Kundera traite ici un sujet cher à son coeur. L'exile, l'immigration et la nostalgie qui en découle.
Le roman est concis, précis, sans longueurs ni fioritures. Kundera sait nous amener à l'essentiel, il sait nous livrer ses pensées philosophiques.
Il le fait avec brio dans cette succession de chapitres où on découvre des exilés dont le chemin finit par se croiser:
Irena qui vit en France.
Josef exilé au Danemarque.
Milada exilée dans son propre pays, à sa propre histoire.
Des personnages ayant quitté leur pays, laissant tout derrière eux, ignorant cet avenir dans le pays laissé, tous torturés par cette ignorance, par cette nostalgie forte, celle de leur ithaque.
Un plaisir renouvelé à chaque lecture des oeuvres de kundera.
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Les auteurs publiés dans la collection Pléiade de leur vivant ne sont pas nombreux.
Kundera est l'un d'eux.
C'est une consécration, et je trouve que ce n'est que la justice.
Je ne lis pas les critiques dans les journaux , "objectives" et professionnelles: celle que j'ai lu aujourd'hui sur un livre de Kundera n'a fait que renforcer mon aversion pour ce genre de textes. En effet, quel intérêt de savoir l'opinion de quelqu'un qu'on ne connaît même pas ,sur l'oeuvre que l'on connais bien et qu'on aime ? Sur Kundera je ne veux lire que les posfaces de François Ricard.

Je n'ai pas de bibliothèque personnelle, mai les livres de Kundera je les ai tous.
J'en prends l'un, le feuillète: c'est "L'ignorance"..
Je relis quelques chapitres , vers la fin.
La solitude, d'après Milan Kundera, c'est traverser la vie sans intéresser personne, parler sans être écouté, souffrir sans inspirer la compassion.
Sa vision de la condition humaine:
Tout ce qui vit sur la terre mange et peut être mangé.
Un homme peut être mangé, mastiqué, avalé, transmué en excréments.
L'effroi d'être mangé n'est que la conséquence d'un autre effroi plus général, celuid'exister sur la forme d' un corps vivant.
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Entre essai et roman, Kundera, qui connaît bien le sujet, revient dans un texte court, mais concis sur la nostalgie qu'engendre l'exil.
Il nous parle des « émigrés »et non pas « immigrés » subtile nuance s'il en est.
L'exilé modèle est Ulysse et Homère dans son Odyssée évoque le besoin de retour au pays, aux racines .
Pourtant , après quelques années (pas si malheureuses) passées avec la nymphe Callypso, Ulysse revient chez lui, mais hormis par son chien, il n'est pas accueilli à bras ouverts, et c'est ce que retranscrit Kundera par le truchement de ses deux personnages, Irena et Josef .
Ces deux là ne se croisent d'ailleurs que sur un temps assez court ; ils se sont exilés lors du changement de régime, l'une en France, l'autre au Danemark et 20 ans plus tard tentent de retrouver Prague avec certes une légère appréhension, qui sera justifiée parce que l'accueil qui leur est réservé par chaque famille ou amis est froid, et leur absence ou plutôt ce qu'ils en ont fait n'intéresse personne.
L'exil quand il est forcé ou choisi finit par connaître une fatigue de l'âme, un sentiment de perdition ; ce texte si court est si profond qu'il mérite d'être lu et relu comme je l'ai fait avec un vrai plaisir ; de l'intelligence et du coeur à chaque page.
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