Lorsque ses modèles ne lui offraient que des formes communes, il sut rarement les ennoblir; mais il a pris sans effort un plus grand style lorsque la nature s'est présentée à ses yeux sous un plus noble aspect. Son fameux tableau de Saint Pierre le martyr, qui dans l'origine ornait l'église de St.-Pierre et St.-Paul à Ferrare, et que l'on a vu quelque temps au Musée du Louvre, suffirait pour démontrer que le Titien joignit quelquefois à un dessin fier et savant la force et la grandeur de l'expression.
Léonard demeura à Florence jusqu'en 1515, et y travailla pour plusieurs particuliers. Il peignit pour un gentilhomme du duc de Florence, nommé Camille de gli Albizzi, une tête de Saint Jean-Baptiste,qui depuis a appartenu au prince de Condé. Après la mort de Jules II Léonard , accompagna le duc Julien de Médicis à Rome. Le nouveau pontife Léon X lui commanda un tableau. On raconte que, voyant le peintre distiller des huiles pour composer le vernis au lieu de se mettre au travail, il eut mauvaise idée du talent d'un homme qui songeait à finir son ouvrage avant de le commencer. En effet, Léonard n'a guère terminé de tableau, il y laissait toujours quelque chose d'imparfait: ces incertitudes ne venaient que de l'excellence de son goût qui tendait sans cesse vers la perfection, et ne pouvait se contenter.
Cependant l'émulation qui régnait toujours entre Léonard et Michel-Ange, engagea ce dernier à quitter Florence pour se rendre, ainsi que son rival, à la cour du pape. Mais comme leur inimitié amenait chaque jour de nouveaux différents, et que les élèves de l'un et de l'autre travaillaient sans cesse à diminuer la réputation de deux hommes que devait unir constamment la gloire, Léonard de Vinci, fatigué de ces querelles toujours renaissantes, céda aux sollicitations de François Ier, et vint en France, quoique âgé de plus de soixante ans, jouir de l'amitié de ce prince, et, si l'on peut le dire ainsi, terminer une vie honorable par une mort dont les arts doivent garder le souvenir.
Léonard de Vinci fut un de ces génies rares, singulièrement favorisés de la nature, et pour qui tout est facile. Il est le premier peintre florentin qui ait assujéti à des règles certaines l'art de la peinture que Cimabué avait rétabli en 1260. Né en 1452, de parents nobles, dans le château de Vinci, près de Florence, il ne crut pas que ce fut un motif pour négliger de développer tous les dons qu'il avait reçus en naissant. Les armes, la musique, la poésie, l'architecture, la sculpture, l'anatomie et la géométrie, lui furent aussi familières que la peinture,à laquelle cependant il donna toujours la préférence.
Sa réputation fut alors à son comble; mais son désintéressement extrême et son goût pour la magnificence mirent quelque temps obstacle à sa fortune. Dans ses travaux il n'envisageait que la gloire; et l'on sait que l'immense tableau des Noces de Cana, son chef-d'oeuvre et peut-être celui de la peinture, comme on l'a dit plusieurs fois, ne lui fut guère payé que la valeur de la toile et des couleurs. Il en fut de même de plusieurs morceaux presque aussi considérables qu'il exécuta pour les couvents, où il trouvait un refuge quand le mauvais état de ses affaires le contraignait à s'éloigner de Venise.