Le Musée de La Tour, à Saint-Quentin, est mieux qu'un musée. C'est une demeure. On y va visiter l'un des plus expressifs et charmants génies du XVIIIe siècle. Il vous reçoit chez lui, dans son tranquille hôtel de province. Il y est seul. Rien ne distrait de lui.
Quelle intimité dans les trois petites salles, dont un gardien plein de dévotion ouvre les volets avec ménagement, soucieux des morsures de la
lumière. Le brave homme, — il s'appelle Anatole Camus, — aura désormais une ligne dans les monographies de La Tour. Son fanatisme, discret et respectueux comme il sied, se trahit même par son silence, à l'anxiété dont il suit l'impression sur le visiteur de ces portraits, pour lui vivants comme une famille illustre dont il serait le serviteur de confiance.
Une famille : c'est bien le mot, malgré la diversité des origines, des qualités et des visages.
Tout peintre d'une forte personnalité imprime une ressemblance à ses modèles. Il enfante à nouveau les êtres qu'il représente. Il les réunit par le lien de sa paternité d'artiste. Tous ont passé par lui avant de renaître à la vie immobile que leur donne son crayon ou son pinceau. Ils ont pris un peu de son âme. Si cette âme est très conforme à l'esprit de son siècle, elle trouvera et notera sur chaque physionomie l'empreinte spéciale de son temps. Instinctivement elle s'attachera aux types qui portent de la façon la plus marquée ce trait général. Elle l'y soulignera encore. Et l'expression d'une époque jaillira de quelques figures, devenues symboliques tout en restant individuelles.