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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Agnès Laurent, pour écrire son premier roman Rendors-toi, tout va bien a utilisé une démarche non conventionnelle. Elle commence par nous décrire une femme au volant d'une vieille voiture sur l'autoroute A31. C'est un vendredi soir, à la fin du mois de juin, titre d'ailleurs de ce premier chapitre. Elle roule, « les autres ne comptent pas ». Malgré les appels de phares, les pare-chocs qui se frôlent, elle s'en fout quand soudain, après s'être déportée sans s'en apercevoir sur la voie de gauche et tenter de freiner pour se rabattre, c'est l'accident !
L'auteure va alors reprendre cette journée par le début, soit « le matin du même jour, 6h 45, café du port, Sète ». On apprend alors dans ce deuxième chapitre, que Guillaume, son mari, a été arrêté par les gendarmes en ce début de matinée alors qu'il venait prendre un café au bistrot de Gilbert où il passe chaque matin avant d'aller bosser, son entreprise se trouvant juste en face du café.
Guillaume et Christelle Dumont ont deux filles Noémie et Sophie. Guillaume est directeur financier dans une conserverie de poissons et la petite famille est propriétaire d'une villa à Sète.
Les chapitres vont ensuite se succéder avec le temps qui avance et nous permettre ainsi de faire connaissance avec cette femme, savoir qui elle était et ce qu'elle a fait durant les heures qui ont précédé l'accident. La question étant : qui était cette femme, cette mère, cette épouse ?
Quant à son mari, depuis sa cellule de garde à vue, il ne comprend rien à cette interpellation et les questions se bousculent dans sa tête. Au fil des heures qui défilent, il tente de comprendre ce qu'il n'a peut-être pas vu, ce qui lui a échappé quand la nuit, elle pouvait être souffrante et répondait à ses questions en lui disant de ne pas s'inquiéter.
Des voisins, des amis, des parents vont tour à tour donner quelques éléments et raconter ce qu'ils savent de ce couple sans histoires ou plutôt ce qu'ils pensent en savoir, car difficile à cerner, notamment Christelle.
L'analyse de l'enfance, de l'adolescence, de leur rencontre, de leur début de vie de jeunes mariés puis de jeunes parents est adroitement et délicatement exprimée par toutes ces voix. C'est un régal !
Mais, quel est ce mystère que l'auteure sait superbement et savamment entretenir jusqu'à la fin de son récit ?
Les gendarmes savent, tout le monde sait car les médias relayent en continu ce terrible fait divers. Seuls le mari et le lecteur ne savent pas et avancent pourtant, pas à pas mais inexorablement vers une vérité horrible, dans un sentiment de malaise et d'incompréhension, Guillaume prenant peu à peu une part de culpabilité. J'ai d'ailleurs beaucoup souffert avec lui.
Et quand, enfin, après tout ce suspense, nous avons la réponse, nous sommes scotchés, abasourdis par l'horreur que nous découvrons.
Ce roman-thriller est écrit avec une finesse psychologique remarquable et nous interroge durablement sur la connaissance que nous avons de nos proches et des vies que nous côtoyons.
Agnès Laurent est grand reporter au magazine L'Express et elle a puisé son inspiration dans les faits divers et de société pour écrire ce livre bouleversant qui nous fait basculer vers des choses inimaginables et glaçantes.
Rendors-toi, tout va bien est un superbe thriller qui m'a tenue en haleine jusqu'à la dernière page, et dans lequel la psychologie a une place prépondérante : une belle réussite
Je remercie Les éditions Plon et Babelio pour m'avoir permis de découvrir cette auteure pleine de talent.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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J'ai cru ne jamais recevoir ce livre, l'éditeur a même du me le renvoyer au bout d'un mois d'attente, mais cette attente en valait la peine ! C'est le quatrième que je critique dans le cadre de l'opération "expert polar", et je remercie une fois de plus Babelio de m'avoir permis d'y participer, ainsi que l'éditeur Plon de l'avoir organisée.
L'histoire débute par le récit laconique et presque photo-journalistique d'un accident de voiture sur l'autoroute de Dijon, un soir de juin. On n'en connait pas les circonstances exactes, mais un gendarme s'apprête à devoir passer un angoissant coup de fil...
Et on remonte le temps, on rembobine l'histoire jusqu'à la genèse de cette journée qui va faire exploser la petite vie en apparence si tranquille de la famille Dumont. Pourquoi Christelle a-t-elle pris la décision de partir de bon matin, juste après le départ de son mari Guillaume au travail, laissant leurs deux filles seules, mais prenant soin de préparer leur petit déjeuner ? Pourquoi Guillaume est-il appréhendé par les gendarmes de Sète à son arrivée à la conserverie de poisson où il exerce la fonction de comptable ? Les chapitres, courts et précis, s'enchaînent, on suit tour à tour la progression de Christelle, les témoignages des voisins et connaissances des Dumont, et les pensées de Guillaume qui ne comprend rien, pourquoi l'a-t-on arrêté, est-ce en rapport avec son travail, pourquoi sa femme est-elle injoignable, qui s'occupe des enfants ? Quelle angoisse ! Et nous pauvres lecteurs, on ne comprend pas non plus, alors que toutes les chaînes de télé ne parlent que de "ça", et d'une descente de police au port de Sète. Et les autres protagonistes ne nous aident pas beaucoup, ils pensaient bien connaître Christelle ou Guillaume, mais en fait n'ont pas grand-chose à en dire, ils ne se livraient guère... Guillaume semblait très amoureux, mais à présent il s'interroge : a-t-il été assez présent, assez attentif pour sa famille ? N'a-t-il pas négligé la fatigue ou les signaux d'alerte que sa femme lui aurait envoyés ? Pourquoi les gendarmes ne veulent-ils pas comprendre qu'il ne sait rien, alors qu'il est au bord du malaise ?
On est complètement immergé dans le récit, et l'écriture nerveuse, phrases courtes, découpage minute par minute au présent, n'y est pas pour rien. J'étais en cellule avec Guillaume, et sur la route avec Christelle, je m'inquiétais pour les filles, je m'interrogeais avec les voisins.
Et l'auteure m'a gardée en haleine jusqu'au bout, je n'ai pas vu venir le pourquoi avant qu'elle ne le dévoile, chapeau pour le suspense ! elle est journaliste, ça se ressent dans sa façon d'écrire (et ce n'est pas un reproche !), mais elle a toutes les qualités d'une bonne romancière. Les questions qu'on se pose au sein d'un couple même quand on pense que tout va bien, l'analyse psychologique des personnages, le point de vue extérieur des connaissances, tout est finement présenté, ça sonne vrai, la crédibilité est là.
Je n'ai qu'une seule petite critique à émettre, un point qui a d'ailleurs été soulevé par @Giraud_mm dans sa critique également : le début de l'enquête me semble un peu chaotique, dans ce genre de cas on "chope" les personnes ensemble, au saut du lit, à mon avis. Mais cela n'enlève rien à mon plaisir de lecture ! Un de mes préférés parmi les envois de cette sélection, pour l'instant, je suis vraiment ravie d'y participer.
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Lu d'une traite, ce livre m'a scotchée. Chapitres courts, rythme soutenu, écriture fluide, on peut difficilement le lâcher.
Christelle s'enfuit un matin à l'insu de son mari parti au travail, en plantant là ses deux enfants sur lesquelles elle veillait, pour ne pas dire "qu'elle couvait", jour après jour. Que lui a-t-il pris ? Pourquoi prendre le volant de cette vieille voiture et filer à toute allure vers une destination qu'elle était loin d'avoir prévue, contrairement au lecteur qui est mis de suite dans le bain, puisque l'histoire démarre sur la perte de contrôle du véhicule et l'accident ?
C'est un récit peu banal qui nous est conté, du moins dans une certaine mesure, parce que dans un couple, combien de personnes ne se regardent plus ? ne se parlent plus ? s'ignorent ? s'évitent ? préférant imaginer des réponses aux questions qu'ils se posent plutôt que d'engager le dialogue.
Est-ce pour cette raison que l'horreur que l'on découvre en toute fin de roman peut se produire ? Dans cette histoire-là, probablement un peu, voire plus qu'un peu.
Je ne dis pas que ce qui s'est passé est excusable, ce roman nous tient en haleine tout du long, distillant le suspense en laissant percer très peu d'indices, et si par endroits j'ai pu en deviner la chute, le doute planait néanmoins et je n'avais aucune certitude. Donc rassurez-vous, la fin n'est pas "téléphonée".
Vraiment un très bon premier livre. J'ai déjà hâte de lire à nouveau cette auteure.
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Qui est cette femme victime d'un accident sur l'autoroute au sud de Dijon ?
Pourquoi les gendarmes sont-ils venus arrêter Guillaume, directeur financier d'une entreprise du port de Sète, lors de son arrivée au travail ce jour-là ? Parce qu'il a couvert quelques malversations de faible envergure pour maintenir la boite à flot ?
Pourquoi Christelle, l'épouse de Guillaume, semble t'elle envahie par un sentiment d'urgence ce matin-là, au point de délaisser ses filles qui partent en pique-nique scolaire ? Que cherche t'elle à fuir ?

Grand reporter à L'Express, Agnès Laurent utilise les ficelles du journalisme dans ce premier roman, que l'on peut qualifier de noir. Tout au long de la journée que dure le drame, elle accumule les témoignages de proches du couple pour éclairer leur vécu, leur psychologie. On sent qu'elle cherche à faire découvrir ce qui se cache derrière le fait-divers.
Elle se comporte davantage en romancière quand elle se glisse dans la tête de Christelle et Guillaume pour exprimer leur ressenti conscient. L'inconscient, le non-dit, le mal-vécu, ne s'éclaireront qu'à la toute fin du récit...
Si l'on met de coté la naïveté des gendarmes (personne ne peut comprendre qu'ils n'aient pas interpellé simultanément Christelle et Guillaume...), l'histoire est totalement crédible ; l'actualité nous en a offert quelques unes du même acabit au cours des dix dernières années.
Les personnages ressemblent à ceux de notre quotidien, quand l'envie de paraître de l'un se heurte à l'indifférence du regard de l'autre, quand les envies de l'un buttent contre les refus de l'autre. le drame de la non-communication veille !
On retrouve la pate de la journaliste dans la forme de l'écriture : des chapitres courts, plutôt factuels, rapportant le point de vue des "proches" et des principaux protagonistes ; un style simple et direct, cherchant à être compréhensible plus qu'à multiplier les effets de manche ; un suspense entretenu jusqu'à la fin.
Un excellent roman noir, reposant sur une intrigue glaçante mais pas si improbable, et des partis-pris de narration qui entretiennent l'intérêt du lecteur jusqu'au dernières pages.
Merci à Babelio et aux éditions Plon de m'avoir fait découvrir cette auteure et ce livre.
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Alerte : COUP DE COEUR !

Savamment construit, ce thriller, lu dans le cadre des experts du polar en collaboration avec les Editions Plon et le site Babelio, m'a plu de la première à la dernière page. C'est peut-être le premier bouquin d'Agnès Laurent mais j'espère vraiment que ça ne sera pas son dernier. Je vous explique pourquoi…

La grande originalité de ce livre est d'en dévoiler le moins possible, tout au long du livre, avant son dernier quart. On sait qu'il y a eu des faits graves mais on ne connaît ni le suspect, ni la ou les victime(s), ni le mobile, ni la substance de ces faits. Rien de rien ! Et pourtant, il vous scotche dès le début. de petits indices ne sont distillés qu'au compte-gouttes.

Mais alors que savons-nous de l'histoire? Rien ou très peu finalement. En vivant la journée du dénouement de cette affaire policière, nous évoluons petit à petit, au fil des heures, avec de nombreux protagonistes différents. Bien entendu, il y a les principaux personnages (un couple) mais aussi leurs familles, leurs voisins, leurs amis, de simples connaissances.

En plus de la grande qualité de cette originalité quant au fait de ne pas dévoiler les faits dans les premières pages de son livre, l'auteure a un certain talent afin de se mettre elle-même dans la peau de ses personnages pour que ce soient eux qui racontent leur point de vue. Chacun des chapitres est consacré à l'un ou l'autre en particulier et écrit à la première personne du singulier comme si ce dernier nous racontait lui-même l'histoire. Selon le ou la protagoniste, la façon de s'exprimer, d'évoquer les événements changent radicalement pour une immersion totale comme si nous les rencontrions tous dans la vraie vie.

Ce style d'écriture atypique permet une lecture intensément fluide et très addictive. Les chapitres ne sont jamais très longs et font monter le suspens. Si vous êtes un tantinet curieux, cette forme singulière du récit vous hantera car vous ne pourrez pas lâcher ce livre tant que vous ne serez pas au courant des tenants et aboutissants. Cela a été une vraie torture pour moi d'être laissée ainsi dans le flou mais en même temps, j'ai trouvé cette façon de faire très osée et cela m'a beaucoup plu !

Quel dommage de l'avoir déjà terminé !

J'attends de pieds fermes que le prochain thriller d'Agnès Laurent sorte !
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Avec des mots simples, Agnès Laurent, raconte l'histoire banale de ce couple Guillaume et Christelle Dumont, de leurs filles Noémie et Sophie, vie ordinaire ? Non car un drame va se jouer.
J'avoue qu'avant que l'auteur ne donne plus d'indices, j'ai évoqué plusieurs scénarii, plusieurs tragédies pouvant affecter cette famille tranquille de Province. Un sujet qui a fait et qui fait la une de l'actualité. Une histoire terrible, bien narrée, une mise en scène originale, avec une progression intelligente.
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On dit souvent que la réalité dépasse la fiction.
Je ne sais pas si les faits divers de ce genre sont courants, ils existent bel et bien en tout cas, et aussi inconcevable et suffocante que soit l'histoire relatée par Agnès Laurent, elle n'est pas le fruit de l'imagination détraquée d'une auteure voulant choquer.
Une version bien pire encore est au moins arrivée dans le Nord en 2010, dans la commune de Villers-au-Tertre. Je me souviens d'avoir été effaré par ce scandale défiant l'imagination, jugeant et condamnant sans chercher à les comprendre l'atrocité des faits.
Ne vous intéressez-y bien sûr que si vous avez déjà lu le roman.
Je ne me suis souvenu de cette histoire bien réelle qu'une fois la révélation finale faite dans le roman. Je ne l'avais vraiment pas vue arriver, et ça n'est pas faute de m'être interrogé et d'avoir envisagé de très nombreuses possibilités.

Agnès Laurent ne se contente pas d'écrire un roman noir en réécrivant à sa façon une affaire hors-norme. Au contraire elle cherche des raisons, elle explique la vie passée et présente de ce couple mal assorti mais amoureux que forment Christelle et Guillaume Dumont, parents de deux petites filles. Elle creuse dans leur vie pour en extraire leurs personnalités, leur quotidien, toute leur psychologie.
Ce sont vos voisins.
Lui est comptable, il a de longues journées professionnelles et a besoin de retrouver un peu de calme quand il rentre chez eux. Elle tient la maison, s'occupe des enfants, du ménage. Elle s'ennuie parfois et serait plus heureuse si son conjoint lui accordait davantage d'attention en rentrant.
"Longtemps, elle a trouvé confortable cette vie à deux sans dispute. Aujourd'hui, elle en perçoit les limites. Ils se sont perdus dans le silence."

Rien de bien méchant en apparence donc et pourtant je me suis tout de suite senti oppressé. C'est un lecture que j'ai faite en apnée, en suffoquant, en prenant souvent des pauses. Je suis pourtant peu impressionnable, et rien ne fait peur à proprement parler.
Si le roman est aussi glaçant, c'est parce que plusieurs facteurs ont cependant joué : Celui de me retrouver dans la peau d'un voyeur d'abord. La finesse des points de vue, le caractère travaillé de Christelle et de Guillaume : ces personnages sont devenus très réels à mes yeux et même si j'avais envie de savoir ce qui s'était passé j'avais aussi le sentiment que ça ne me regardait pas, que ma curiosité avait quelque chose de malsain.
D'emblée, on sait que ce récit concentré sur douze heures va mal se terminer. Christelle aura un très grave accident de la route alors que, partie de Sète, elle tentait de rejoindre Paris. Elle ne commence pas non plus sous les meilleures auspices pour Guillaume, arrêté avant de se rendre au travail par les gendarmes. Il ne sait absolument pas pour quel motif, il n'a rien fait de bien répréhensible, et de toute évidence il est sincère.
"Je ne sais pas quoi vous dire. Je suis perdu."
"Il s'agit juste d'une épouvantable erreur."
Le lecteur comprend qu'il s'agit d'évènements très graves, d'une tragédie dont se délectent les médias, mais de quoi peut-il bien s'agir ? N'y a-t-il pas erreur sur la personne ? Difficile d'imaginer les Dumont, tellement effacés, impliqués dans le grand banditisme ou torturer de jeunes gens dans leur cave.
Mais la plus grande cause de mon angoisse, c'est indéniablement le choix de la narration. C'est un roman choral à l'impressionnante multiplicité de points de vue. Suivant un déroulé chronologique des évènements, l'auteure nous fait notamment vivre l'interrogatoire acharné d'un Guillaume plus que déboussolé. Christelle ne sera longtemps regardée que d'un oeil extérieur : La voisine, la banquière, le garagiste, les femmes de ménage, la belle-soeur. A ces personnes qu'elle rencontre pour la première fois, qui ont un regard totalement neutre sur cette femme se mêlent ainsi celui de vagues connaissances qui ont tous leur point de vue approximatif, vrai ou faux, mais qui ne peuvent s'empêcher d'avoir leur opinion, leurs déductions. Les proches de Christelle sont du même acabit. Ils ont leur avis, ils l'ont côtoyée, ils ne la connaissent pourtant pas. Et au fur et à mesure de ces chapitres où parallèlement on vit la fuite de cette maman, prête à abandonner ses filles, le portrait de cette mère en apparence insignifiante s'épaissit et l'on s'aperçoit qu'elle est bien plus complexe que ce que les apparences pouvaient laisser penser. Que même un mariage relativement heureux ne suffit pas à combler la solitude.
"Elle n'était rien qu'une mère, une épouse, une voisine serviable."
Et puis Rendors-toi, tout va bien prend aussi à la gorge par son écriture d'une autre façon : Par son absence de dialogues. A l'exception de deux ou trois chapitres où, le temps d'une page, les gendarmes tentent de faire cracher le morceau à Guillaume au travers de questions intimes et gênantes, tout est intériorisé. Les chapitres sont courts mais on n'est pas dans un thriller, on veut savoir autant qu'on a peur de connaître la vérité alors on ingurgite doucement chaque nouvelle ombre dansant autour de ce couple, chaque parcelle de vie, chaque avis. Ce ne sont pas des révélations, ce sont des coups de pinceaux sur la toile qui nous dévoilent une vue d'ensemble de plus en plus étoffée.
Et sombre, bien entendu.
Les phrases sont souvent brèves et percutantes, laissant un instant songeur avant d'attaquer la suite.

Quand vous connaîtrez la fin de l'histoire, il sera trop tard pour faire marche arrière. Les personnages n'ont pas un charisme fou mais ils souffrent, et on a partagé cette douleur et cette incompréhension le long de leur vie, le long de cette journée sur l'autoroute. L'empathie est là désormais. Et même le plus révolté comprendra mieux comment on peut en arriver à de telles extrémités. Pas question d'accepter mais de suivre les méandres de l'esprit humain et de ses raisonnements les plus fous.

Rendors-toi, tout va bien.
Ce doux titre prendra toute sa signification à la fin du livre.
Moins quand vous aurez des insomnies tant cette lecture vous hantera.
Style impeccable, histoire implacable à la fin inexorable, rares sont les auteurs qui m'auront laissé avec une telle impression de suffoquer. de me lacérer mes entrailles.
Pas parce qu'il se complaît dans la monstruosité, c'est même tout le contraire, mais parce qu'il est profondément ancré dans une réalité qui dépasse l'entendement, bien plus que d'autres romans noirs que j'ai pu lire par le passé.
Par contre, ce malaise, je ne le rejette pas. Il est au contraire tout ce que je recherche en tant que lecteur.
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Agnès LAURENT. Rendors-toi, tout va bien.

Bonjour à vous tous, amis lecteurs, éditeurs, 2021, sera un bon crû littéraire. En effet depuis le premier janvier, j'ai découvert de véritables pépites. Et ce livre que je pose à l'instant fait partie de mes coups de coeur. En fin de critique, je vous citerai les précédents. Mais avant de vous parler de ce roman, je veux remercier très sincèrement, Babelio et les éditions Plon de m'avoir adresser cette publication en avant-première. J'ignore encore dans quelle catégorie je vais le classer : roman psychologique, roman-policier, thriller,etc, … Peu importe, j'ai été bluffé par le suspense qui se dégage de cet écrit, ravie par la qualité de l'écriture, le choix du sujet, la thématique et la présentation générale originale. L'auteure est grand reporter à l'Express. Elle a donc l'habitude d'écrire, de façon concise, précise et là, elle nous déroule le scénario d'un film, avec ses travellings, ses avant-plans, ses retours en arrière. Avec la précision d'un chirurgien et son scalpel, elle décortique les scènes brûlantes de vérité. Ce roman peut faire l'objet d'un film : le script est tout prêt. Il ne manque plus que les vedettes pour les rôles phares et le metteur en scène. Les lieux du tournage sont déjà scrupuleusement décrits. Mais je dois cesser de divaguer et revenir au livre et vous exprimer mon ressenti.

La famille Dumont réside à Sète,riche ville portuaire. Cette famille est composée du père, Guillaume, responsable financier d'une grande entreprise, de la mère Christelle, femme au foyer et de deux fillettes, Noémie et Sophie, âgées d'une dizaine d'années. Première page du roman, nous sommes un vendredi soir, fin juin. Une alerte accident est donnée aux auditeurs de France Bleu Bourgogne, signalant un grave accident sur l'autoroute A 31, direction Paris, à hauteur de Dijon. Un véhicule a traversé deux voies et a fait des tonneaux avant de s'immobiliser sur le toit. Il est18h 58.

Vendredi matin, ce même jour, à 6h 45, à Sète, Guillaume Dumont se gare sur la place principale et se dirige vers le Café du Port pour prendre un café comme tous les matins, c'est un rituel. Il est intercepté par la gendarmerie et conduit au poste. Il ignore le motif de cette arrestation et va subir un long interrogatoire. Il se pose un nombre invraisemblable de questions et ne peut y répondre. Où est le problème ? Que se passe-t-il ? Il lui est interdit de joindre son épouse. Au même instant, Christelle rédige un mot à l'attention de ses filles. Elle écrit, jette la missive, recommence maintes fois et leur laisse un mot laconique. Elle quitte le domicile conjugal, fuit en abandonnant ses filles. Mais enfin, que se passe-t-il au sein de cette famille banale, bien intégrée dans la vie locale, serviable pour les uns et les autres ? Pourquoi fuir si ou a la conscience est tranquille? le passé de Christelle se dresse devant elle et elle ne peut y faire face.Elle est acculée et n'a plus qu'une seule issue. Cette femme , un peu rustre, toujours mal vêtue, peu coquette, cache un terrible secret. ( J'ai deviné la cause de sa cavale dès les pages 140-150, mais je n'ai pas abandonné ma lecture. Je ne vous en dirais pas plus. Je vous conseille de filer chez votre libraire ou à la bibliothèque ou médiathèque et de vous emparer de ce trésor.

Les phrases sont courtes, incisives, piquantes. Peut-on qualifier ce livre de roman psychologique, de thriller? A partir d'un fait divers, Agnès LAURENT trace le portrait réaliste d'une femme désespérée qui a caché ses problèmes à tout son entourage, a sa famille et même à son époux. C'est un récit angoissant, et l'angoisse va crescendo au fur et à mesure de la lecture. Une très bonne analyse du désarroi, de la solitude au sein même d'un couple apparemment uni. Tous ces non-dits qui peuvent empoisonner la vie. Quel sera le devenir de ces deux fillettes, qui du fait de l'incarcération du père seront recueillies par leur tante, Bernadette. Quand au choix de la couverture, les plume évoquent la légèreté alors que le thème est angoissant et tragique. Toutes mes félicitations à Agnès. J'attends avec impatience un prochain livre . Bravo et merci.

Je vous ai promis mes coups de coeur découverts depuis janvier 2021. Je me permets donc de vous les donner par ordre alphabétique et nous pourrons en reparler prochainement. Voici ma petite liste :
- Jean-Baptiste ANDREA : Des diables et des Saints
- Jerôme LOUBRY : de soleil et de sang
- Edouard LOUIS : Combats et métamorphoses d'une femme.
- Colunn McCANN : Apeirogon.
- Mathieu MENEGAUX/ Femmes en colère.
- Jean-Luc SEIGLE : L'enfant travesti.

Très bonne lecture à tous. Ce mois de mai pluvieux nous incite à lire. Nous ne pouvons pas jardiner. Tant pis, nous lisons. (26/05/2021)
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Le roman commence ainsi : Christelle roule à tombeau ouvert sur une autoroute. Soudain l'accident. Qui est-elle ? Qu'a t-elle voulu fuir? On apprend que le matin même, elle a quitté son domicile, laissant ses deux fillettes se préparer seules pour l'école. Cela ne ressemble absolument pas à la réputation de cette mère aimante et attentionnée… Dans la même matinée, son époux Guillaume, directeur financier d'une entreprise est arrêté sur son lieu de travail par la gendarmerie. En garde à vue, il cherche à comprendre ce qu'on lui reproche. La vérité est au-delà de tout ce qu'il peut soupçonner.

Qu'est-ce qui peut pousser une mère aimante à quitter définitivement le foyer familial en abandonnant ses filles chéries et un mari avec qui elle n'a pas de problème particulier ? Quel secret appartenant à son passé peut avoir un poids tel qu'elle est obligée de fuir le présent? La construction de ce récit est brillante : l'accident de voiture survenu en soirée est le point de départ d'une trame vertigineuse. L'auteure remonte le fil de cette terrible journée en donnant tour à tour la parole aux proches et au voisinage du couple. Chaque témoignage, égrené au fil des chapitres permet d'en savoir plus sur eux, sur leurs habitudes et leurs personnalités. On entre également dans leur intimité par les questions que se pose Guillaume durant sa garde-à-vue. Car lui même, connait-il vraiment sa propre épouse ?

Avant de commencer à lire ce roman, je n'ai pas cherché à en savoir plus. le synopsis a suffit à m'attirer et c'est donc avec un regard neutre que j'ai abordé ce livre. Pour ne pas gâcher votre lecture, je ne divulgue pas le véritable sujet du roman bien qu'il se devine facilement. En dépit du mal que Christelle a causé, de la souffrance qu'elle a imposé à ses proches et à ses deux filles qui vont devoir vivre avec ce drame, je ne peux m'empêcher d'éprouver de la compassion pour elle. On se demande comment cette femme a pu en arriver là. L'auteure propose des éléments de réponses, par des retours en arrière dans l'enfance de Christelle. Je n'ai par contre ressenti aucune empathie vis-à-vis de son mari, y compris durant son mea culpea, car il a tout de même une très grande part de responsabilité dans ce drame. Comme si le fait d'avoir une vie sociale plus importante que celle de son épouse, être cadre dans une grande entreprise, le dégageait de toute responsabilité familiale hormis financière. Il ne s'est pas rendu compte de ce qu'il se passait sous son propre toit: « je refusais de m'encombrer du quotidien » reconnait-il dans les dernière pages où il réalise l'ampleur du désastre de sa vie de couple et avoue vivre depuis des années à côté d'une personne comme s'il ne la connaissait pas.

Les questions sont nombreuses et les réponses qui arrivent au compte-goutte sont glaçantes. Inspiré d'un fait divers qui a terriblement marqué l'opinion publique, Rendors-toi, tout va bien est un excellent roman où l'auteure parvient à cerner ce qui semble incompréhensible pour beaucoup. C'est aussi une réflexion sur le jugement que l'on porte parfois trop rapidement sur autrui.

Je remercie NetGalley et les Editions Plon pour cette lecture que je vous recommande.
Lien : https://loeilnoir.wordpress...
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Ce récit choral commence par presque la fin : un accident sur l'autoroute en fin de journée, une conductrice incarcérée dans sa voiture. Puis nous revenons au matin de cette journée dont nous allons suivre le déroulé presque minute par minute, via des petites séquences aux cours desquels parents, amis, connaissances, voisins ou autres protagonistes de l'histoire vont apporter chacun un éclairage intime.

La femme accidentée c'est Christelle, femme au foyer, maman de deux petites filles. Son mari Guillaume est arrêté par les gendarmes alors qu'il arrive à son travail ce matin-là. Cette journée particulière nous allons la vivre pas à pas, comme une enquête vue par ceux qui gravitent autour du couple. Comme Guillaume on ne comprend pas ce que veulent les policiers, pourquoi la mère et épouse parfaite qu'est Christelle a disparu sans rien dire à Guillaume, à ses filles. Quel est son terrible secret dont la révélation imminente la pousse à fuir, elle qui a pourtant une vie si rangée ? Et puis au fil des témoignages, des réflexions intimes des uns et des autres, la vérité, une vérité, commence à se dessiner.

Agnès Laurent réussit à capter rapidement l'attention de son lecteur. On veut savoir, pas par voyeurisme mais par empathie avec ce couple si discret. Et lorsqu'on commence à comprendre on plonge encore plus dans le récit avec l'envie de croire que l'on se trompe.
Les chapitres courts donnent au récit un suspense assez prenant. Tout semble se passer doucement et pourtant le drame couve. Les minutes, les heures se succèdent menant le lecteur vers la révélation finale. Chaque chapitre est l'expression d'une réflexion intérieure et l'auteure décrit avec justesse, efficacité et sobriété l'esprit d'une petite ville de province, d'une communauté où chacun croit connaître l'autre. Mais même au sein du couple connait-on vraiment son conjoint, sait-on tout de ce voisin, de cette belle-soeur, de ce collègue, de cette maman attentive et toujours prête à aider ?

Un roman haletant, stressant, et une étude assez fine de la psychologie portée par une écriture claire et précise. On entre dans la psyché de chacun de protagonistes, découvrant progressivement l'histoire de Guillaume et surtout de Christelle. Même si certains livrent peu de choses, chaque récit, chaque ressenti est une pièce du puzzle qui se prend forme sous nos yeux.

Un premier roman très maîtrisé

Merci à mon amie @Sylviedoc pour cette belle découverte.
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