Le lit, plus encore que la grande table de la salle à manger qui pourtant en a vu, est l'indispensable compagnon fidèle, qui sait mais ne dit mot.
Il connaît la fatigue, les tristes soirs et les petits matins pleins d'espoir, toutes sortes d'amours même les plus fous, les rêves les plus secrets et les confidences faites sur son oreiller ...
"Je ne comprends pas qu'on n'ait pas encore songé à écrire un petit bouquin là-dessus.
Il y aurait des masses de choses à dire".
En 1894, un drôle de petit livre paraît aux éditions Calmann Lévy.
Il a pour titre "
Le lit".
Il est signé par
Henri Lavedan, un grand nom du théâtre de l'entre-deux siècles.
"
Le lit" contient vingt courtes scènes, jouées et dialoguées :
"On va les mettre pensionnaires" - Deux fillettes vont échanger leurs jolis petits lits de la maison contre ceux, laids et sales, du pensionnat ...
"Je compte sur toi pour me réveiller" - Tous les jours, le baron de Plomby demande, comme un service, à être réveillé par un ami ...
"Ca, c'est mon lit à moi" - Gabrielle est entretenue par un prince de Russie, et dort dans
le lit où a dormi la Pompadour ...
"Ca n'est pas la première fois" - Après vingt-neuf ans de mariage, Mr et Mme Mollinet se couchent dans leurs deux petits lits jumeaux ...
"Nous serons très bien par terre" - Mr et Mme Langlet de Montpellier débarquent chez les Renard pour visiter Paris durant cinq jours ...
"On dit que l'Empereur y a couché" - Ils sont bien dans ce pieu. Elle est femme de chambre, lui cocher ...
"C'est purement physique" - Il va falloir éteindre bientôt ...
"Une mouche me réveille" - Quand il dort, jamais rien ne réveille Mr Lebrun. C'est une merveille pour les amants qu'un mari comme lui ...
"Suis au plus mal" - Venez avant six heures, si vous voulez me trouver vivant ...
"Fais-le pour moi" - le docteur Moulin passera ausculter madame vers huit heures et demie ...
"Ca dépend des positions" - Tu ne dors pas, parce que tu ne sais pas t'y prendre ...
"Mets-moi sur la voie" - Parlons de tout ça, du mariage, des enfants ...
"Il y est" - Quand je te le disais, il n'oserait pas découcher ...
"Nous vendons le n°34" - Un magnifique lit ayant appartenu à la reine
Marie-Antoinette ...
"Encore cinq minutes" - Marius, du courage, votre pourvoi a été rejeté, c'est le moment de prouver que vous êtes un homme ...
"Il est retenu par le colonel" - Monsieur le curé, je voudrais un lit, un lit pour dormir, avec un traversin, un oreiller, et puis des draps, des bons draps ...
"Tu devrais t'y mettre" - La nuit, c'est pour dormir. Quand on dort, on ne jouit pas de son lit. Tandis que le jour ...
"Ca me rappelle l'Orient" - Allumer la lampe arabe ! -Je ne peux plus fermer l'oeil, dès qu'elle est allumée. -Et moi, je ne peux pas dormir dans l'obscurité ...
"Je l'ai promis à Gertrude" - Je tiens à vous regarder couchés tous deux. Je ne veux point mourir sans avoir vu ça ...
"Nous marcherons" - Sais-tu ce qui me coûte à moi ? C'est pas de crever de faim. Non. C'est de mal dormir ...
Bien sûr, ce livre a un peu vieilli, dans sa forme comme dans le style de son écriture.
Mais l'on y ressent encore aujourd'hui toute l'humanité qui y est restée accrochée.
La fine plume de Lavedan, en quelques traits rapides, installe la scène et donne vie à ses personnages.
Les sentiments et les émotions, du sourire à la mélancolie, vont et viennent, se succédant doucement.
Le livre est un de ces véritables petits plaisirs de lecture que l'on aime à déposer sur sa table de nuit ...