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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
°°° Rentrée littéraire #18 °°°

Bien sûr, il y a cette photographie iconique d'Arthur Rimbaud, prise en 1871, il a 17 ans, « l'enfant sublime », lorsqu'Etienne Carjat l'immortalise à jamais, le regard clair perdu au loin dans ses pensées. Et puis, il y en a une autre, très connu aussi, de Rimbaud en tenue de communiant, le regard franc et légèrement insolent. Cette photographie là, prise en 1866, a été grossièrement " retouchée" ou plutôt recadrée en 1910 pour ne faire apparaître que le seul Arthur, effaçant un bras qui était celui, initialement, de son frère aîné d'un an, Frédéric, effaçant la totalité du frère. Un frère maudit, déchu, renié, ostracisé de la légende rimbaldienne réécrite par sa mère puis sa soeur Isabelle aidée de son mari Patterne Berrichon.

Pourquoi avoir effacé ce frère, cet autre Rimbaud dont le poète a été si proche durant son enfance ? C'est ce mystère qu'entend lever David le Bailly dans ce récit passionnant et très documenté, oscillant de façon très fluide entre fiction et enquête, mais profondément romanesque dans sa construction.

De l'enquête, on retient toute la rigueur de l'auteur qui a ingéré une masse importante de documents sur la famille Rimbaud, pour en faire un rendu clair, net, aisé à assimiler pour le lecteur. Son récit est régulièrement émaillé de citations ou d'extraits de lettres, notamment une, absolument étonnante, où la terrible mère de Rimbaud écrit à un Verlaine au bord du suicide, des mots consolateurs.

C'est pour redonner visage, voix, chair et émotion à ce frère paria que la forme romanesque prend tout son sens et son ampleur, comme une réhabilitation profonde de l'injustice qu'il a subi de son vivant . Il faut dire que le portrait ici dressé de la famille Rimbaud tient du grand roman dix-neuvièmiste. Une mère, Vitalie Cuif, acariâtre, castratrice et dictatoriale, d'une méchanceté hargneuse telle qu'elle fit tout pour empêcher son fils aîné de se marier avec une femme jugé indigne du clan : il dut oser s'opposer à elle lors d'une longue bataille juridique qui se soldat par une victoire, l'arrêt Rimbaud vs Rimbaud. Une soeur, Isabelle, façonnée par la mère dans la haine de son frère aîné et dans l'idolâtrie du génial Arthur jusqu'aux mensonges et l'hypocrisie .

Arthur Rimbaud y apparait très loin des clichés positifs l'entourant : antipathique, embourgeoisé, prétentieux, bien loin du mythe : l'autre Rimbaud, c'est également lui, décrit sous sa face sombre. Bien sûr, on parvient à comprendre les ressorts qui ont poussé toute une famille à effacer un de leur membre faisant tâche avec sa femme paysanne et sa condition modeste de conducteur de coche ; et puis Frédéric était surtout celui qui pouvait contredire la légende rimbaldienne réécrite après la mort du poète à 37 ans.

L'auteur livre là une belle réflexion sur la mécanique des secrets de famille et offre une juste réhabilitation à cet inconnu au patronyme illustre.
Il s'appelait Frédéric. Frédéric Rimbaud.



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Bonsoir chers amis, une question comme cela me vient ce soir à l'esprit, au bord du crépuscule, où J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques : connaissez-vous Rimbaud ?
- Rimbaud ? Bien sûr, quelle question ?
- Certes, mais quel Rimbaud connaissez-vous ?
- Rimbaud, le seul, l'unique, le poète... Arthur Rimbaud !
- Ah oui je vois... Mais je vous parlais de l'autre Rimbaud, son frère, Frédéric, ainé d'un an. L'inconnu.
- ... ?
- Bon je vois. Alors je vais vous en parler car moi non plus je ne connaissais pas le fin mot de cette histoire avant de découvrir cette passionnante biographie romanesque proposée par David le Bailly...
L'autre Rimbaud, c'est justement l'inconnu qui figure à l'âge d'enfant sur une photo au côté de son frère au moment de leur communion. Ils s'appellent Frédéric et Arthur. Un an seulement les sépare. D'ailleurs, peu de choses les sépare encore, ils sont complices sur bien des terrains, à commencer par la peur de leur mère et presque la haine à son égard, l'envie de fuir ensemble son autorité matriarcale, une mère déjà castratrice, mais aussi l'amour des fugues alentours.
Ah ! Cette fameuse photo !... Rien que l'histoire de cette photo, retouchée plusieurs fois par la famille pour qu'elle entre dans le cadre idéal de l'image parfaite, qu'elle corresponde à ce que la famille prône comme valeurs.
L'autre, dès lors, n'existe plus.
" C'est bien vous l'autre Rimbaud ? le frère du poète ? "
Tandis que je descends les fleuves impassibles, je suis entré dans ce livre comme dans une enquête policière. Je savais déjà qu'Arthur Rimbaud avait seulement existé entre l'âge de quatorze et de dix-huit ans en tant que poète, qu'il avait renié plus tard ce parcours d'artiste, lors de son expérience africaine dans son engagement dans les affaires commerciales. Je savais qu'il n'avait publié de son vivant qu'une seule oeuvre, et laquelle ! Une saison en enfer... Sa célébrité en tant que poète vint longtemps après sa mort...
Voilà pour le décor...
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais. Je suis entré en terre inconnue lorsqu'il s'est agi de poser le doigt sur l'autre, celui qui reste toujours dans l'ombre, le poids d'un frère ou d'une soeur célèbre, que devient l'autre alors. C'est le propos de David le Bailly, au ton parfois personnel que j'ai trouvé juste, sensible, qui n'enlève rien au génie d'Arthur Rimbaud, j'ai presque envie ici de désigner ce dernier comme l'autre, tant le personnage principal du récit ici n'est peut-être pas l'autre, celui qu'on croit l'autre, celui qui n'était pas l'autre devient peu à peu l'autre sous les mots justes de David le Bailly, enfin vous me suivez toujours j'espère...
Une mère castratrice, une fille qui le devint sous sa coupe, on fait dire ce qu'on veut à un mort, en plus lorsqu'il est célèbre et ne peut plus s'exprimer. On retouche sa statue tant qu'à faire. Arthur Rimbaud, poète maudit, devient pendant quelques années, par la manipulation d'une caste familiale effroyable, presque un saint, un dévot, un monarchiste, un garant de l'ordre et du respect. Certains y ont cru un instant...
La tragédie dans cette histoire est celle d'un homme bafoué, banni, oublié, effacé, au sens propre comme au sens figuré.
Le propos de l'auteur ainsi que sa démarche sont emplis d'humilité, c'est ce qui m'a touché. Pourquoi tant de gens célèbres, Paul Claudel, André Gide, Victor Segalen, plus tard Yves Bonnefoy que j'apprécie tant, ont eu tant de mots pour dire l'idiotie de ce frère qui ne méritait pas de figurer sur la photo.
Certes Frédéric était moins doué qu'Arthur à l'école, certes Frédéric exerça un métier peu considéré au regard de sa mère, domestique, conducteur d'omnibus (entendez là chers amis avec des chevaux !).
Frédéric eut cependant le cran de résister à cette tyrannie familiale...
Alors, il y a quelque chose de sidérant que j'ai découvert dans la mort d'Arthur Rimbaud et de son frère Frédéric... Je n'en dirai pas plus, mais pour ceux qui seraient un peu attentifs aux choses un peu irrationnels et sensibles aux malédictions, cela vaut l'étonnement tout de même...
Dans les clapotements furieux des marées, ce récit est une réhabilitation d'un être effacé à tort, un laissé pour compte, pas forcément l'idiot de famille, plutôt écrasé par un poids énorme, il était une tâche et on voulait l'effacer...
D'ailleurs pendant longtemps Arthur Rimbaud était aussi une tâche dans la façon bien-pensante et conformiste de la famille, jusqu'au jour où, mort, puis devenant célèbre, la famille au travers de cette satanée soeur Isabelle, sentit l'intérêt financier qu'il y avait à réveiller le mort et sut s'en servir au détriment de son frère, qui lui demeura toujours sincère vis-à-vis de lui et des autres, ce fut cette sincérité qui le perdit...
La tempête a béni mes éveils maritimes. J'ai aimé ici cette tirade de Ruy Blas à Don Salluste cité par l'auteur et qui porte le sens du récit : « J'ai l'habit d'un laquais, vous en avez l'âme ! »
Bref ! Au-delà du cas Rimbaud, l'auteur nous propulse dans une véritable réflexion sur le poids de la célébrité et les déflagrations collatérales parfois tragiques. Génial !
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A lire les critiques très positives sur ce roman de David le Bailly, j'ai eu très envie de le découvrir et bien m'en a pris.
Il s'agit bien d'un roman, même si l'auteur, parti sur les traces de l'autre Rimbaud, a entrepris une enquête minutieuse. Frédéric Rimbaud, frère aîné d'Arthur a été gommé de l'histoire familiale jusqu'à être effacé de cette photo de communion en compagnie de son frère. Il était donc difficile de construire une biographie avec si peu d'éléments et c'est là qu'intervient la fiction, nourrie de documents sur l'époque et d'étude minutieuse des courriers de plusieurs membres de la famille. Et c'est d'après ces quelques documents que David le Bailly a su donner vie aux personnages, et plus particulièrement Frédéric, le rejeté, l'ostracisé de la famille Ribaud.
Ces dialogues imaginés entre la mère Vitalie, et son fils Frédéric qu'elle n'a pas cessé d'humilier, donnent le ton à cette histoire familiale. Rimbaud, le poète, ne sort pas grandi de ce récit. La mère et sa fille Isabelle avec l'époux de celle-ci, Paterne Berrichon, ont réalisé un travail de faussaire à peine croyable. Arthur Rimbaud l'impie mourut comme un saint. On le présenta comme un homme d'affaire prospère, passant sous silence ses actions peu glorieuses, tandis que ses lettres furent réécrites. Isabelle et Berrichon, un « couple de faussaire qui prospérait sur une oeuvre, sur un mythe, trompant le public sur l'homme véritable qu'avait été Arthur »
Quant à Frédéric, cet homme simple, fier de n'être qu'un conducteur d'omnibus n'aspirait qu'à vivre heureux avec Blanche que Vitalie refusait qu'il épouse. Il fut humilié et maudit et ses enfants après lui qu'on priva de l'héritage littéraire d'Arthur Rimbaud.
En prologue et en fin de volume, la photo de communion des deux frères puis celle, retouchée par Isabelle, ou Arthur se retrouve seul, voilà qui en dit long sur la disparition de ce frère gênant et sur les secrets de famille.
L'auteur rétablit une vérité sur l'autre Rimbaud injustement effacé et cette biographie romancée où réalité et fiction se mêlent sans fausse note est passionnante.

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David le Bailly invite le lecteur à le suivre dans sa quête pour faire connaissance avec l'Autre Rimbaud. Pourquoi cette attirance pour Frédéric Rimbaud ? Cet invisible, et si souvent nommé "le raté" ? Peut-être pour relever le défi abandonné par Pierre Michon mais peut-être surtout parce que " la relation entre Frédéric et sa mère évoquait celle que j'avais eu avec la mienne faite d'espoirs déçus, de pardons jamais accordés. Comme mon héros je n'avais pas eu de père et je mettais battu avec une mère autoritaire..."
Il s'agit d'une rencontre avec une famille sous le joug d'une mère castratrice autoritaire ,froide et sans amour et sur le poid de l'absence du père. Ce livre a changé mon regard sur Arthur Rimbaud. Il l'a rendu plus humain parce qu'il est tombé de son piédestal pour devenir un homme de chair mais paradoxalement il m'est aussi devenu inhumain parce que chez lui rien ne parle d'amour. Tout est égoïsme , trahison et calcul vénal. Son frère n'est pas un héros,il tente d'exister dans l'ombre d'un frère qu'il a profondément aimé et sous la poigne de fer de sa mère puis sa soeur. Pourtant, s'il a raté sa vie il est tout sauf un raté . Il a un coeur qui palpite , qui aime, qui tremble, qui s'essouffle, qui ose s'affirmer malgré le prix qui lui en coûte. Sans renier le poète,je me suis éloignée d'Arthur par compassion et admiration pour Frédéric.
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Une enquête passionnante sur le frère du poète Arthur Rimbaud, l'autre Rimbaud, donc. On découvre cette famille pour le moins dysfonctionnelle. On est stupéfait de la façon dont le frère aîné d'Arthur est peu à peu mis au ban de la famille, exclu de la légende rimbaldienne qui se construit à la mort du poète, de son héritage (au propre comme au figuré), et qu'on a fini par effacer purement et simplement des photos de famille car il gênait la mise en place du mythe.

On en vient à mieux comprendre l'Arthur Rimbaud d'après la poésie, celui du commerce en Abyssinie, guère flamboyant, qui ne fait pas rêver, et on en vient à se demander comment, au sein d'une telle famille, la grâce du génie a pu toucher Arthur. Car si l'autre Rimbaud de ce livre étonnant est bien le frère du poète, on découvre aussi un autre Arthur Rimbaud, loin du mythe et pour tout dire pas franchement aimable.

J'ai vraiment beaucoup aimé ce récit captivant : histoire étonnante, style efficace, quelques petits chapitres intercalaires qui éclairent sur la démarche de l'auteur-enquêteur, c'est très bien fait, ça se lit d'une traite.
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Dans ce roman, il est question de l'autre Rimbaud. Non pas Arthur Rimbaud, ce poète français, excellent élève, raflant les premiers prix à l'école. Complice à sa jeunesse, de son frère presque jumeau Frédéric de un an son aîné.
Tous deux en relation assez tumultueuse avec une mère stricte, dure, tyrannique et perfide mais qui néanmoins préfére l'un à l'autre.
L'autre, celui qui lui rapelle l'époux militaire, le déserteur du foyer conjugal, Frédéric le raté.
Lui, l'autre à qui on a tout fait pour l'exclure de la famille, de l'héritage et d'une place dans le caveau familial.
Pas assez de documentation, pas de trace du frère. Les recherches sont laborieuses mais
David le Bailly arrive à nous tracer le parcours de vie de cet autre Rimbaud, ce frère trahi, haï et banni des siens.
Il faut dire que j'imaginais un secret autour de Frédéric. J'ai même pensé que lui aussi écrivait, avait la plume facile mais non pas du tout. Donc petite déception quand même mais vite dissipée par la découverte de l'autre face du grand poète, l'autre Arthur Rimbaud.
Plusieurs fugues, un comportement indécent, des relations sulfureuses, un aventurier qui fait plusieurs voyages en afrique, en abyssinie, qui termine sa vie en vagabond, sans le sou.
Bien que tout ça ne soit pas du goût de sa mère et sa soeur Isabelle, elles font tout pour l'élever à la sainteté, au rang d'archange.

Dans son poème ''mauvais sang'' du recueil ''une saison en enfer'' il écrit :
Les gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d'herbes les plus ineptes de leur temps.
D'eux, j'ai: l'idolâtrie et l'amour du sacrilège;-oh! Tous les vices, colère, luxure, -magnifique, la luxure ;- surtout mensonge et paresse.

Un personnage torturé qu'était cet Arthur. Sa vie n'était elle pas finalement aussi ratée ?
Qui des deux frères a finalement réussi ?
Pourquoi cette répugnance familiale envers Frédéric ? Mystère !
On a pas toutes les réponses à nos questions mais j'ai trouvé ce roman riche en informations. Une très belle découverte pour moi.
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/LE FRÈRE EFFACÉ DE LA LÉGENDE RIMBAUD//

L'autre Rimbaud c'est celui qu'on gomme de la photo de communion, geste participant à une entreprise de disparition menée par Isabelle Rimbaud (une soeur) et son mari.

L'autre Rimbaud, Frédéric, c'est celui qui doit grandir dans l'ombre d'un frère avec qui il a été si complice enfant. Est-il aussi raté que lui répète sa mère autoritaire et malveillante, lui qui a eu le courage de lui tenir tête plutôt que de fuir à l'autre bout du monde comme l'a fait Arthur ?

" Pourquoi s'était-il accroché à cette famille qui maintenant l'accablait ? A quoi s'attendait-il ? Arthur avait eu raison : quitter cette maison, quitter ce pays, ce continent, s'en aller le plus loin possible, sur les terres les plus sauvages, dans les climats les plus hostiles."

✨L'autre Rimbaud dénigré, déchu, renié, dépossédé, effacé pour reprendre les titres des chapitres de ce livre c'est celui dans lequel l'auteur, David le Bailly, se reconnait.

✨Même si le style est différent, impossible de ne pas penser à Jaenada dans cette enquête sur ce frère assimilé à un idiot par de nombreux biographes. J'y ai lu la même détermination à redonner une existence et une épaisseur à celui qu'on a rayé de la légende Rimbaud. J'ai découvert aussi un autre visage d'Arthur Rimbaud qui a consacré une grande partie de sa (courte) vie au négoce dans d'autres contrées.

✨Peut-on mener une vie heureuse quand notre famille nous hait autant ? Peut-on trouver sa place quand on grandit dans l'ombre d'une soeur ou d'un frère qui attire tous les éloges ? Ces questions me sont venues en tête en refermant ce livre.

✨A lire si vous cherchez une biographie en forme d'enquête où page après page vous tenterez de comprendre pourquoi Frédéric Rimbaud a été éjecté de l'histoire familiale avec autant de constance et d'obstination !
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Sur sa photo de communiant, Arthur Rimbaud affiche sa gueule d'ange. le futur grand poète est magnifique, droit sur sa chaise, dans son costume sombre, la coiffure impeccable.
Cette photo célèbre cache pourtant un secret. C'est une photo trafiquée. A l'origine Arthur n'est pas seul sur ce cliché, son frère Frédéric se tient à ses côtés. Pourquoi et comment Frédéric Rimbaud a disparu?

Entre enquête journalistique et biographie, David le Bailly nous révèle qui était l'autre Rimbaud. En fouillant les archives il tente de reconstituer l'existence d'un homme haï par sa mère et sa soeur au point de le rayer des mémoires. Ces femmes vont le déposséder de tout, notamment de son statut d'ayant droit, jusqu'à ce que l'histoire l'oublie.

Intelligemment, l'auteur met en parallèle sa propre expérience de fils. le cas des Rimbaud évoque le mystères des fratries, des secrets de familles, des non-dits.

Sans être une grande rimbaldienne, j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre cette enquête minutieuse qui éclaire sur la fabrication du mythe Rimbaud et réhabilite un homme mal aimé, écornant au passage l'image du poète qui se révèle moins poète maudit que fils profiteur, moins poète romantique que frère sans coeur.
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L'autre Rimbaud, c'est Frédéric, ce frère commodément oublié par les biographes et rayé des photos de famille, dont David le Bailly tente tant bien que mal de reconstituer la vie. Qu'a-t-il fait, ou pas d'ailleurs, ce pauvre homme pour être ainsi renié par les siens, condamné à l'oubli le plus profond, alors même que c'est avec lui qu'Arthur Rimbaud a partagé ses premiers écrits, lus à haute de voix dans leur chambre commune du Quai de la Madeleine ? Inlassablement, l'auteur questionne, tente de combler les zones d'ombre en épluchant les dernières ressources documentaires disponibles, en rencontrant les derniers descendants encore en vie, frappé par leur indifférence quant au sort de leur aïeul.

Choisissant un axe plus documentaire que romanesque, David le Bailly intercale, au milieu des morceaux de vie de la famille Rimbaud, ses propres réflexions, ses tâtonnements, ses découvertes d'enquêteur. Il nous offre ainsi un aperçu du processus de création littéraire demandé par un livre de ce type, biographie non-officielle d'un homme qui n'a rien fait pour qu'on écrive un jour sa vie, mais aussi ses idées sur ce parcours atypique, sur cette homme taiseux et soumis, sur cette fratrie décidément dysfonctionnelle. Explorant le passé et la psychologie des personnages de manière poussée, il nous offre une vision nuancée de chacun d'entre eux, évitant de réduire la mère Rimbaud à une simple marâtre, Frédéric à un simplet, Isabelle à une vieille fille aigrie, Arthur à un génie incompris. Chacun révèle une complexité unique, où plusieurs facettes de sa personnalité ou de son histoire d'affrontent, laissant les autres membres de la famille indécis parfois face à ces multiples personnages qui habitent l'un ou l'autre.

Finalement, plus que l'histoire d'Arthur et de Frédéric Rimbaud, ces deux frères que tout oppose, ce roman est également un portrait sans pitié d'une époque, celle de la fin du XIXème siècle, où ambition et enrichissement devaient être les priorités de chacun dans les classes aisées des campagnes françaises, un portrait vivace et indispensable pour comprendre le destin des frères Rimbaud. L'un, génie ingrat et imbu de sa personne, a gagné les faveurs de la mère en dédiant sa vie au négoce, faisant ainsi oublier ses frasques adolescentes, quand l'autre, honnête et gentil, s'est aliéné sa famille en essayant simplement d'être heureux à sa manière.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Voici un titre bien intrigant. Un titre qui attire immanquablement l'attention.

Quoi ? Il y aurait donc un autre Rimbaud, un autre homme de talent (ou une femme, d'ailleurs, pourquoi songe-t-on d'emblée à un homme ?) que le génie du grand Arthur aurait éclipsé ? Forcément, on s'imagine tout de suite le destin contrarié et tragique de celui qui a souffert d'être dans l'ombre de l'enfant terrible de la poésie française, et l'on n'a qu'une envie : en savoir plus…

Le Rimbaud en question n'est autre que le frère aîné du poète. Dans la famille Rimbaud, vous aviez bien entendu parler de la mère, sèche et acariâtre ; de la jeune soeur aussi, peut-être, Vitalie, dont Arthur se sentait proche. Et si vous êtes vraiment un amoureux du poète, il se peut même que vous connaissiez l'aînée des deux soeurs, Isabelle, qui hérita du caractère opiniâtre de la mère. Mais Frédéric, non, vraiment, ça ne vous dit rien. A vrai dire, j'en ignorais moi-même l'existence. Mais j'ajouterais que les grands prêtres de l'oeuvre rimbaldienne en savent à peine plus que vous et moi.

Et c'est bien ce qui a intrigué David le Bailly. Alors qu'on connaît à peu près de tout de la vie d'Arthur, que le moindre détail de son existence a été révélé, scruté, que sa correspondance a été soigneusement glosée, que, comme tous les grands auteurs classiques, il a fait l'objet d'innombrables études, thèses et autres biographies, on ne sait quasiment rien de Frédéric.

Et pour cause : il a été résolument écarté de la famille, escamoté des photographies, privé du droit d'approcher de sa maison natale, empêché de renouer un dialogue que madame Rimbaud mère avait tout fait pour rompre définitivement. Pour quelle raison ? Et comment la relation qu'entretenaient les deux frères dont l'écart d'âge n'était que d'un an a-t-elle pu se distendre au point qu'Arthur finisse par se désintéresser de son aîné ? C'est tout l'objet de ce récit.

L'auteur a mené une enquête scrupuleuse, lu les ouvrages qui pouvaient l'éclairer, interroger les descendants, ouvert les archives... Et l'on apprend que Frédéric était infiniment moins brillant qu'Arthur, qui raflait les premiers prix de latin et que ses professeurs portaient aux nues, qu'il embrassa d'abord la carrière militaire pour marcher dans les pas de son père avant de devenir cocher, qu'il dut quémander pour se marier l'autorisation maternelle qui lui fut refusée jusque devant les tribunaux, qu'il finit miséreux sans jamais pouvoir profiter du confortable patrimoine familial et qu'il fut dépossédé de tout droit sur l'oeuvre de son glorieux cadet.

Mais sur Arthur, me demanderez-vous ? Que découvre-t-on ?

Eh bien, peu de chose, ma foi. Si ce portrait de l'aîné produit bien un portrait en creux du cadet, il n'en ressort rien de bien neuf. Mais ce n'est peut-être pas là que se loge la clé de ce récit, qui ne se révèle pourtant dénué ni d'intérêt ni de charme.

Car la question qui tarabuste Le Bailly, c'est celle de la nature du lien fraternel, de la manière dont celui-ci se construit… et peut se briser. C'est la question de savoir comment deux enfants recevant exactement la même éducation, partageant tout – chambre, jeux, secrets – peuvent être à ce point dissemblables que l'un soit frappé du sceau du génie quand l'autre est perçu comme un incapable. C'est aussi le rôle joué par la mère au sein de cette étonnante fratrie qui est au coeur de ce livre. L'auteur qui fut enfant unique et souffrit, semble-t-il, d'une relation conflictuelle avec sa propre mère fait preuve d'une émouvante empathie à l'égard du personnage auquel il a décidé de rendre une place et un nom. Il en ressort un récit d'une très grande sensibilité qui nous immerge en outre dans la petite bourgeoisie provinciale de la fin du XIXe siècle. Avarice, mesquinerie, commérages, formes et espaces de sociabilité, Le Bailly restitue cela avec un tel réalisme que plus d'une fois au cours de ma lecture, je me suis crû plongée dans une nouvelle De Maupassant. C'est vous dire si j'ai pu prendre plaisir à lecture de ce texte que j'ai littéralement dévoré…


Lien : https://delphine-olympe.blog..
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