Hervé le Corre, maître incontesté du roman noir, nous livre ici une dystopie particulièrement anxiogène. Ames sensibles, passez votre chemin !
Ce n'est pas si éloigné de notre époque puisque l'histoire débute dans les années 2040 où tout bascule soudain dans le chaos. L'humanité le savait, pourtant, qu'elle allait droit dans le mur.
« Un compte à rebours est enclenché, depuis des années, depuis que le point de non-retour climatique a été officiellement franchi en 2032, annoncé par une adresse solennelle du secrétaire général de l'ONU aux peuples du monde ».
Tous se sont illusionnés jusqu'à cette terrible épidémie qui provoque tant de morts. Impuissants, Martin et Rebecca, avec leur bébé Alice, assistent à cette dégringolade. Les pauvres sont parqués dans des camps tandis que les forêts brûlent. Bientôt, il n'y aura plus d'eau ni d'électricité. Pour Rebecca et Alice, restées seules, s'ouvre un long et douloureux chemin vers la survie dans un monde de plus en plus hostile.
Hervé le Corre passe d'un personnage à l'autre, avec de nombreux retours en arrière sans trop se préoccuper du déroulement chronologique. Pas toujours facile à suivre. L'objectif affiché, c'est de suivre Rebecca, puis sa fille Alice qui aura aussi une fille Nour, laquelle donnera naissance à Clara. Quatre générations de femmes qui vont devoir survivre dans un monde de plus en plus violent et en récession. Face aux hordes sauvages qui pillent et violent, en butte aux gourous autocratiques, elles devront survivre tout en gardant leur humanité.
L'action s'étend sur un siècle mais les violences et les épisodes de résistance s'enchainent. Les héroïnes, elles, ne baissent pas les bras, elles résistent et continuent à avancer. On ressent empathie et admiration pour elles.
« Ils dirent plutôt les bonheurs minuscules, et les petits matins, la vie opiniâtre, l'entêtement du jour, le courage d'y croire, de se lever, de rester debout, de tenir peut-être parce que les femmes et les hommes sont aussi fiats comme ça, pour ça. Tenir. Penser au lendemain en remettant le futur à plus tard »
Dès les premières pages, j'ai retrouvé l'ambiance angoissante du roman de
Cormac McCarthy «
La route » ou encore «
Et toujours les forêts » de
Sandrine Collette, avec, la même errance et la même violence post-apocalyptique. Bon, me direz-vous, il est normal de retrouver ces thèmes récurrents dans toute dystopie. Ce qui change dans «
Qui après nous vivrez », c'est la place que l'auteur donne aux femmes. Dans ce monde terrible et saccagé par les maladies et le dérèglement climatique et où la société s'est écroulée, elles deviennent la proie des hommes. Il leur faudra faire preuve de résilience et de courage, apprendre à se battre, résister pour survivre et garder leur part d'humanité.
Les personnages sont denses et tous apportent leur eau au moulin de l'histoire.
Si, parfois, le récit lasse parce que trop répétitif dans les scènes de violence et d'horreur, si la vision manichéenne de l'humanité peut aussi agacer, il y a, fort heureusement, l'écriture précise, inventive d'Hervé le Corre. Et puis, même si on croise quelques personnages masculins sympathiques, il donne le beau rôle aux femmes, et je pense que ce n'est pas si mal !