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3,83

sur 269 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Notre Maison brûle, la couverture ne ment pas.

Hervé le Corre est l'une des grandes figures du roman noir francophone. Qu'il décide de se frotter à l'anticipation pourrait surprendre, mais qu'y a-t-il de plus noir que l'avenir ? Qui après nous vivrez évoque notre futur, proche et plus lointain, à la manière de cette littérature de genre qui dessine les maladies de notre société.

« J'étais là quand tout a commencé à finir ». Une phrase prononcée par l'un des personnages. Elle pourrait être mienne, pourrait être vôtre. A force de parler du point de bascule sans que rien ne soit réellement fait pour l'éviter, plutôt tôt que tard il adviendra.

« Elle avait lu qu'au début du siècle dernier les humains avaient commencé à apercevoir le danger mortel qui les menaçait, mais les puissants et les riches avaient choisi d'ignorer les alarmes et continué de jouir de leur domination comme un soudard cannibale se serait exaspéré dans un corps éreinté tout en le dévorant vivant ».

Ce roman marque, frappe. Dur. C'est un peu le livre des illusions perdues. Qui raconte des pans de vies de personnages du quotidien, en survivance.

Plusieurs choses marquent rapidement à cette lecture. La noirceur crépusculaire. La construction audacieuse. L'écriture puissante au possible.

L'auteur fait appel à l'intelligence du lecteur, à sa capacité à comprendre et à ressentir. Jamais il ne lui facilite la tâche, à lui de trouver le chemin à travers les méandres d'une temporalité déconstruite.

Le Corre présente une lignée de femmes, sur plusieurs générations, en alternance, sans expliquer plus avant. Une vraie attention est de mise pour ce texte, pour bien le sentir, bien l'appréhender, et surtout profiter de l'exceptionnelle qualité d'écriture. Cette plume magnifique, sans doute la seule pointe de beauté du récit.

A parler de la crise, des crises, de nos sociétés capitalistes dans ses précédents romans, il y a une certaine logique à montrer ce qu'il adviendra bientôt si rien ne change. L'écrivain ne se place pas en tant que moralisateur, mais raconte au plus proche des personnages.

Des protagonistes qui n'ont que le présent à vivre, à des périodes de l'avenir, version post-apocalyptique, où les notions de passé et de futur n'ont plus aucun sens.

« le temps était un pont de corde et de bois aux planches pourries s'effondrant derrière elles, jeté entre un bord du vide et une falaise noyée dans le brouillard ». Une phrase caractéristique de ce texte, dans la forme comme dans le fond. Écriture sublime, ténébreux propos.

Plusieurs périodes, entre celle d'une cité qui s'effondre, et celle d'une sorte rural noir se déroulant d'ici un siècle. Une atmosphère qui se prête totalement à ce genre de roman noir, proche de la nature. Par obligation, dans un monde de régression.

Un nouvel âge d'obscurantisme et de violence, où l'instinct de survie et le combat sont le quotidien. Une sorte de chemin généalogique à travers les âges et la désolation. Sur une terre qui crèvera bien après les hommes.

« La planète tournait sur son axe comme une volaille desséchée empalée sur sa broche, mue par un increvable moteur ».

Le roman n'est en rien un pamphlet, l'auteur raconte des personnages, avec éloquence mais sans surjouer, sans édulcorer ces existences qui se résument à tenir, juste tenir.

Après un temps d'adaptation, le roman se révèle dense et de plus en plus poignant au fil de ces destins qui prennent forme au fil des pages.

L'écrivain balaye tout ; noirceur abyssale perlée de quelques moments de répit ; la violence prenant le pas sur les bribes d'humanité, renvoyant dos à dos les religions. Jusqu'à rayer le mot espoir ?

Ce qui est dit concerne autant notre futur que celui des prochaines générations. Enfanter a-t-il encore un sens ? Vivre à travers ses enfants est au centre.

Qui après nous vivrez, dans une violence sans fin, héros du quotidien et instinct de conservation. Hervé le Corre, si noir, si juste, humainement déchirant. Un texte d'une puissance narrative qui laisse de profondes traces. Sublimé par ce talent, terriblement évocateur, qui a trouvé là le terrain pour aller encore plus loin dans sa vision du monde. Effrayant mais remarquable.
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« Frères humains qui après nous vivrez » :vers de la ballade des pendus de F.Villon.
Notre monde n'existe plus, plusieurs décennies sont passées , c'est la fin du XXI siècle et au travers de Rebecca, Alice, Nour et Clara H. le Corre n'a pas bâti seulement un roman noir, mais un roman post-apocalyptique .
Dans cette dystopie violente, seules ces femmes vont de mère en fille fuir la barbarie et la violence des hommes. Cette barbarie , jamais éteinte s'est décuplée au fil des dérèglements climatiques, des pandémies, des catastrophes dites naturelles , et des dangers de la géo-politique. Les hommes ne sont plus que violence et en particulier à l'égard des femmes qui subissent mais luttent aussi, toujours à l'affût de la moindre lumière, ultime témoignage de notre humanité.
L'histoire de ces femmes, (mère et fille) est contée dans le désordre,dans un « no future » bien acté et non situé.
C'est un roman anxiogène parce qu'on peut y croire, terrifiant, au rythme pourtant soutenu que j'ai du laisser parfois pour mieux respirer Il restera dans mon souvenir avec « La Route » et Mad Max. Un chef-d'oeuvre je crois.
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C'est la Grande panne qui va tout déclencher.
Ce n'est déjà pas trop top sur la planète : canicules, migrations massives et parcage des humains dans des camps, épidémies… Mais quand l'électricité est coupée, qu'il n'y a tout à coup plus d'énergie, plus de réseaux, en quelques jours c'est le chaos.
Par bond sur trois générations, par allers et retours, ce sont trois générations de femmes d'une même lignée que nous suivrons : Rebecca, Alice, Nour, Clara…
On entre dans le récit avec Nour et Clara et leurs compagnons de voyage et ainsi on prend la mesure du monde tel qu'il est devenu sur un siècle puis on découvrira avec Rebecca et le bébé Alice, la naissance de ce monde chaotique.
La chronologie peut sembler elle aussi chaotique mais Hervé le Corre ne nous perd jamais. Chaque personnage féminin est bien campé, dans un univers particulier en fonction de l'organisation ou plutôt la non-organisation des sociétés humaines survivantes.
Tout est-il que le monde d'après imaginé par l'auteur tient tout à la fois de la route, de Walking dead, de le fils de l'homme. C'est brutal, c'est violent, c'est angoissant… et c'est malaisant notamment quand Rebecca explique que la catastrophe était annoncée mais que l'humanité indifférente, inconsciente, a préféré faire l'autruche et garder son mode de vie confortable…. consumériste.
Vous aurez compris que cette lignée de femmes est avant tout une lignée de mères. Quand l'une ou l'autre, au bout du désespoir, de la peur, incapables de se projeter au lendemain, est tentée d'abandonner, la présence de sa fille est toujours là pour lui redonner le courage de continuer.
Et dans toute cette noirceur, les seuls rayons de soleil sont bien les enfants : « Les enfants, cette part de nous qui après nous vivra » jetés dans un monde abominable.
L'avertissement de le Corre est clair, en tout cas il l'est pour moi.
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Chronique de Serial Lectrice : le petit avis de Kris pour Collectif Polar
A la fin du XXIe siècle, la succession de crises de natures différentes a presque eu raison de l'humanité.
Dans une grande ville de province, Rebecca doit survivre avec sa fille Alice quand son compagnon Martin ne revient pas
Trois générations plus tard, dans un monde où toute technologie avancée a disparu, un petit groupe de gens a trouvé un abri de fortune dans une maison campagnarde qui a échappé à la destruction. Pas pour longtemps. Des pillards vont bientôt l'incendier et les survivants vont devoir fuir sur les routes avec leur carriole et leur cheval.
Commence une épopée proche du western, où chaque jour l'enjeu est de survivre…
Dans ce roman qui prend aux tripes, on ne peut s'empêcher de penser a « 1984 ».. L'auteur a bien su capturer le lecteur dans ses filets.
Glaçant, émouvant ou violent, on ne peut s'empêcher de penser … « et si » …. Trois générations se succèdent (dans un désordre voulu et qui rend très bien les situations) et chacune porte son lot de peines et de petites joies. Visionnaire ? Souhaitons que non …
Un livre qui laisse des traces.
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Service de presse.

Il y a eu la pandémie, il y a les affres du changement climatique, les inondations, les sécheresses et les incendies, il y a la crise énergétique et les guerres qui résonnent dans un lointain pas si éloigné que ça. Autant d'éléments qui nous interpellent et qui nous interrogent comme on l'observe d'ailleurs dans la littérature avec une résurgence de la science-fiction et plus particulièrement du sous-genre de l'anticipation qui puise dans l'actualité de notre environnement pour se projeter dans un futur plus ou moins proche en extrapolant sur les dérives de notre époque et des conséquences qui en découleront.

En lien avec ces interrogations de notre espace et de notre temps, la littérature noire n'est pas en reste avec notamment Emily St. John Mandell et son fameux roman Station Eleven (Rivages 2019) nous dévoilant un monde ravagé par une pandémie tout comme d'ailleurs La Mer de la Tranquillité {Rivages 2023) où ces fameuses épidémies se succèdent à un rythme régulier. Pour Laurent Petitmangin, on évoluera dans une région complètement irradiée suite à une catastrophe nucléaire où un groupe d'amis décident de rester sur Les Terres Animales (La Manufacture de livres 2023) en dépit du danger qui rôde, invisible et silencieux.

Après s'être penché sur le passé au gré d'une fresque historique extrêmement sombre de l'époque tumultueuse du Second Empire avec L'Homme Aux Lèvres de Saphir (Rivages/Noir 2004) et de la Commune de Paris avec Dans L'Ombre du Brasier (Rivages/Noir 2021), après avoir décliné les dysfonctionnements de notre monde contemporain autour de romans noirs emblématiques tels que Après La Guerre (Rivages/Noir 2014), du Sable Dans La Bouche (Rivages/Noir 2016), Prendre Les Loups Pour Des Chiens (Rivages/Noir 2017), ou Traverser La Nuit (Rivages/Noir 2021), pour n'en citer que quelques-uns, Hervé le Corre s'interroge également sur notre devenir et signe son grand retour au gré d'une dystopie dont le titre, Qui Après Nous Vivrez, s'inspire du premier vers du célèbre poème La Ballade Des Pendus de François Villon, pour nous entraîner dans l'obscurantisme des reliquats d'un monde agonisant que l'on reconnaît comme étant le nôtre.

En 2051, dans une grande ville de France, Rebecca se terre dans son appartement en berçant sa fille Alice qui vient de naître. Depuis quelques jours, elle est sans nouvelle de son compagnon Martin alors que les émeutes font rage à l'extérieur. Il faut dire que les crises se succèdent à une cadences infernale avec son lot de pénuries et de pandémies sur fond d'effondrement inéluctable. Puis soudainement tout s'éteint et ce qui apparaissait comme une énième coupure d'électricité provisoire, devient un fait immuable. le courant ne revient pas et l'inquiétude devient plus prégnante.
En 2121, les générations se sont succédé sur une terre dévastée et c'est désormais Nour et sa fille Clara qui doivent survivre en surmontant les tourments de la faim, des intempéries et de la violence en se lançant à la poursuite d'une bande de pillards qui ont attaqué leur campement. Accompagnées de Marceau et de son fils Léo, les deux femmes cheminent bon gré mal gré dans un environnement hostile en faisant face aux aléas d'un monde sans foi ni loi où l'espoir s'estompe dans l'obscurantisme d'une époque agonisante.

Qui Après Nous Vivrez se décline autour de trois générations de femmes pour incarner cette dystopie en trois actes s'articulant autour du déclin, du chaos et de l'errance au gré d'une temporalité fragmentée de manière habile nous permettant de découvrir peu à peu la trajectoire de Rebecca et de sa fille Alice évoluant dans une ville en perdition, puis celle d'Alice désormais asservie au sein d'une communauté autocrate à laquelle elle tente d'échapper avec son enfant prénommée Nour, et pour finir celle de Nour et de la jeune Clara entamant un long et dangereux périple en compagnie de Marceau et de Léo, les deux figures masculines de cette galerie de personnages composée essentiellement de femmes.

En nous projetant ainsi d'une époque à l'autre, sur le fil d'une construction narrative complexe, Hervé le Corre instille une tension latente qui prend davantage d'envergure au fur et à mesure de l'avancée d'un récit prenant l'allure d'une fresque post apocalyptique d'une puissance peu commune en s'inscrivant dans un réalisme sans fard ne faisant que renforcer la noirceur et le désespoir qui imprègne ce texte lumineux. C'est plus particulièrement dans l'environnement de Rebecca que l'on perçoit ce réalisme au gré de la perception de cette jeune mère faisant face au chaos qui, peu à peu, prend possession d'une ville ravagée par la pandémie alors que le système hospitalier s'effondre et que l'autorité policière se renforce pour réprimer, dans le sang, les émeutes qui se succèdent tandis que les zones de non-droit prolifèrent avec leur cortège de règlements de compte avant que la défaillance définitive du réseau électrique ne sonne le glas de cette société en décomposition qui nous coupe le souffle. Sans grandiloquence, sans forcer le trait, autour de la vision d'une femme ordinaire, on frémit d'effroi à la lecture de la description de cette ville sans nom qui se désagrège, parce que ce monde de 2052, qu'Hervé le Corre dépeint avec une redoutable vraisemblance, ressemble furieusement, sur bien des aspects, à celui dans lequel nous évoluons actuellement.

S'ensuit une cavalcade sans fin où les instants de répit ne sont que provisoires et de courte durée à l'instar de ce hameau où Rebecca et sa fille trouvent refuge ou de la Cecilia, cette communauté libertaire s'inspirant d'un concept développé au Brésil par des anarchistes italiens qui accueille Alice et sa fille Nour ou même de cette maison perdue, plantée au milieu d'une forêt morte, abritant Nour et ses compagnons d'infortune. Une succession d'espoirs menus, d'instants de clarté dans un monde obscur, bien vite balayés par la violence des pillages, des viols et des traques qui s'enchaînent en remettant en question l'existence de chacun.

Mais la particularité de Qui Après Nous Vivrez réside dans l'attachement que l'auteur porte aux personnages qui traversent le récit et plus particulièrement dans ces portraits intergénérationnels de Rebecca, d'Alice et de Nour dont les traits de caractères évoluent en fonction des événements auxquels elles font face tout en révélant leurs failles, leurs craintes et même certains aspects de leurs parts d'ombre en s'éloignant ainsi radicalement de l'archétype de l'héroïne infaillible que l'on serait tenté de dépeindre au gré de ce contexte apocalyptique. Et puis de manière sous-jacente, au rythme de l'errance de ces trois femmes accompagnées de leurs filles respectives, on devine ce questionnement lancinant quant à la transmission de valeurs dans un univers dévasté où il faut survivre tandis que l'avenir se conjugue au lendemain. Ainsi Qui Après Nous Vivrez s'inscrit dans la lignée de ces romans exceptionnels tels que Station Eleven d'Emily St. John Mandell ou que La Route de Cormac Mc Carthy, dont Hervé le Corre glisse l'un de ses ouvrages dans les mains de Rebecca en rendant hommage à l'un des maîtres de la littérature dont il devient l'égal, ceci de manière indiscutable.



Hervé le Corre : Qui Après Nous Vivrez. Editions Rivages/Noir 2024.

A lire en écoutant : Palabras Para Julia interprété par Ismael Serrano. Album : Todavía (Acústico en Directo). 2018 Sony Music Entertainment España, S.L.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Au milieu du XXI° siècle, la France, comme tous les pays de la planète, supporte les effets dévastateurs et conjugués du réchauffement climatiques, des émeutes et guerres civiles, et surtout d'un terrible virus qui a déjà tué près de cent millions de personnes dans le monde. Une coupure totale d'électricité plonge le pays et ses habitants dans une profonde crise que le gouvernement réprime avec la violence d'une dictature qui ne dit pas son nom. Jetées à la rue, Rebecca et sa fille Alice tracent une route improbable et croisent le destin de compagnons de malheur et d'illuminés dangereux.
Mais Hervé le Corre ne s'arrête pas à ce premier groupe de personnages et distille, chapitre par chapitre, l'histoire de plus en plus dramatique de la descendance de Rebecca et Alice jusqu'en 2150, où le chaos est devenu total, quand chacun doit se battre contre la peur, la souffrance, la faim et le découragement.
Dans ce décor de fin du monde où règnent la mort, la violence et la folie, l'écriture aussi sensible que puissante d'Hervé le Corre transcende ce récit apocalyptique et permet surtout au lecteur de s'identifier à ces survivants magnifiques.
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Que la découverte de ce roman fut difficile ! Mais ça, Hervé le Corre devait s'en douter en proposant ce début si pessimiste dans Qui après nous vivrez. Cette dystopie, qui se situe au milieu de notre XXIème siècle, raconte le monde d'après, après le point critique écologique, par le récit de trois générations de femmes qui parcourt le siècle sous différentes époques. Rapidement, j'ai retrouvé la patte sociale de l'écrivain et le roman devint une ode à la solidarité sur fond de ténèbres. Lumineux !

Brins d'histoire
Celle qui ouvre le roman noir est la génération la plus proche de nous. Au cours de cette année 2032, le seuil irréversible de l'environnement est franchi ! Martin et Rebecca sont des jeunes parents ébahis devant Alice, encore tout bébé, qui s'apprête à grandir dans un monde incertain. D'ailleurs la nuit précédente, une nouvelle panne d'électricité est apparue pendant le couvre-feu et n'a toujours pas été réparée lorsque Martin rejoint son travail.

Pourtant, tous les jours, Martin accueille les allocataires et distribue, selon son évaluation, les aides gouvernementales. Rebecca est dessinatrice et illustratrice et profite de ce qu'Alice soit enfin apaisée pour finir le dernier chapitre à rendre le soir même. Seulement un soir, Martin ne rentre pas…

Raconter comme cela, rien de dérangeant ! Seulement Hervé le Corre décrit par le menu ce nouveau monde, tellement proche de nous. Les policiers ont le droit de tirer sans sommation. La chaleur y est intenable. Les magasins sont pillés. Une épidémie fait encore plus de morts que celle que nous avons connue (200 ou 300 millions de morts en 2 ans). La natalité mondiale est au plus bas. Etc. Ainsi, la naissance de la petite Alice est un défi dans ce monde incertain.

Se présente une autre génération. Dans une forêt calcinée, près d'un village abandonné, Léo découvre une maison restée intacte, ce qui lui rappelle des souvenirs. Nour, la mère de Clara, que Marceau a trouvée, toutes les deux blotties dans un fossé, collées à un mort. Marceau, le père de Léo, est blessé par des hordes incendiaires qui ont attaqué la maison. Ils vont fuir pour trouver un ailleurs pour vivre !

Puis, Hervé le Corre raconte la génération d'Alice adulte. Et ainsi de suite, l'écrivain reprend certains de ses récits, les laisse, les enchevêtre et au lecteur de s'y débrouiller !

Une lumière dans les ténèbres
Ce sont les femmes qui pour Hervé le Corre assurent le fil conducteur de son récit. Des portraits de femmes courageuses, combatives et déterminées qui se chargent de la survie de leur clan. de plus, elles témoignent de la transmission pour ne pas oublier le monde d'avant ou celui que chacun a envie de retrouver, ou de trouver simplement.

Seulement, Qui après nous vivrez est un puzzle où il faut retrouver les liens. L'écrivain embrouille avec plaisir, déstabilise et pousse vers l'overdose, créant un climat littéraire sombre et désespérant. Comme une punition de ne pas avoir incité plus fortement au changement alors qu'il était encore temps !

Évidemment, les oppressions sont de retour dans ce récit avec la fin de la démocratie et le retour des dictatures. Et Hervé le Corre met en situation les plus terribles comme toutes les violences que les femmes subissent. Néanmoins, de génération en génération, il leur fait porter l'espoir d'une ode poétique, comme le titre le suggère :

Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis…

En conclusion,
Hervé le Corre, en choisissant cet extrait du poète François Villon, illustre une traversée du futur, évoquant un espoir porté par les femmes malgré le chaos, les violences et l'oppression, tel un retour à un Moyen-Âge sombre, mais dans un autre temps.

Et, la narration d'Hervé le Corre, malgré ce roman du futur obscur, redevient sociale et politique, comme elle a toujours été dans tous ses romans. Car, “Qui après nous” est un hymne à la puissance du collectif, à la solidarité et à la fraternité qui nous permettent de résister et de nous unir contre l'horreur. C'est même la seule façon pour ne pas être atteint par la violence ravageuse, par la destruction massive et par l'oppression aveugle.

Car dans toutes les époques racontées, ce qui permet à chaque groupe de durer et d'enfanter pour permettre la survie de l'espèce, c'est ce qui fonde notre profonde singularité, notre humanité. Alors, dans des ténèbres, Hervé le Corre ressuscite la lumière qui brûle en nous, la chaleur qui nous relie et la solidarité qui assurera notre survie. Un excellent roman noir et social, à la fois !
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« Il s'étonnait toujours de ce prodige : le soleil continuait de se lever sur ce monde finissant qui n'en finissait plus. » Dans la nuit noire du couvre-feu de « Qui après nous vivrez », un bébé dort entre ses deux parents. Après un virus qui a tué cent millions de personnes, un taux de natalité qui s'est effondré partout, même en Afrique, même en Inde, au milieu des coups de feu qui éclatent partout dans la ville, des bruits de blindés légers et des drones, des combats urbains, trois êtres, un homme, une femme et un bébé vivent dans la bulle de leur appartement. Rebecca, Martin et Alice survivent dans ce chaos qui est devenu le monde. Alice, cet « accident miraculeux » est née alors qu'on ne l'attendait plus… après le point de non-retour climatique officiellement franchi en 2032, un monde où règnent pénuries, épidémies, émeutes de la faim et de la soif, populations poussées à l'exode, chaleur omniprésente, ils surnagent « comme les autres dans ce bain toxique ». Malgré cette situation catastrophique, « ils sont des millions et des millions à nourrir cette illusion ou cette espérance » d'un monde qui peut toujours/encore devenir meilleur. Lorsque l'électricité est définitivement coupée, les difficultés sont encore décuplées. Les hôpitaux fonctionnent au ralenti, grâce à des générateurs à l'espérance de vie très limitée, les frigos des morgues se réchauffent, l'odeur des cadavres devient prégnante…

« Et ce compte à rebours, ce sablier se vidant qu'on ne retournera pas, s'effondrant en un tas de ruines pulvérisées, ils refusent d'en envisager le terme, puisque le temps, lui, ne finira pas. En eux, comme les éclats enfouis d'un diamant dans un trou, réside l'espoir qu'ils s'en sortiront, qu'une bifurcation inattendue se produira dans leur vie et rendra possible une évasion, et leur permettra de vivre le reste de leur temps à l'abri du désastre, discrets et frugaux comme des fugitifs. »

Photographie d'une époque qui tient place bien après nous, bien loin de nous, mais dont nous n'avons aucune peine à imaginer les troubles. le chaos devient une norme, toutes les nouvelles technologies dont nous avons été les esclaves ne sont plus d'aucune utilité. Bienvenue dans le monde d'après imaginé par Hervé le Corre, la nuit de l'être humain et la nuit de l'humanité.

« Qui après nous vivrez » est un roman noir aux ténèbres absolues, où l'on retient son souffle, où l'on se rassure en essayant de se convaincre qu'il s'agit là d'un roman, sauf que nous savons bien que l'essence même de ce qui nous attend se trouve entre ces pages. Hervé le Corre à imaginé un récit ambitieux dans lequel il considère le lecteur comme son égal. J'entends par-là que le récit est volontairement déstructuré, qu'il ose de nombreux sauts temporels et a l'audace d'utiliser des interconnexions générationnelles, que le lecteur attentif doit dénicher. Des destins sont à fouiller, à déterrer et à relier. Plusieurs générations de femmes se succèdent sans mention de temporalité, sans récurrence dans la narration, seuls des prénoms demeurent des lumières dans la nuit et permettent de retracer un semblant d'arbre généalogique, quelques indices sont abandonnés çà et là pour mentionner une époque. À charge à chacun de refaire le puzzle. L'auteur ne prend pas son lecteur pour un imbécile, il le challenge, il brouille les cartes grâce à une puissance narrative ambitieuse.

« Qui après nous vivrez » est l'histoire d'une humanité qui n'a d'humanité que le nom. Les épreuves du quotidien, les challenges auxquels sont confrontés les personnages reposent majoritairement sur les épaules des femmes. Ces femmes, dont on a outragé le corps, volé les hommes, kidnappé les enfants. Des femmes fortes qui tentent tout pour subsister, qui bataillent sans cesse pour sauvegarder leur honneur et leur famille quand le monde s'effondre, leur ténacité et leur volonté n'ont jamais été aussi fortes, ni aussi inspirantes. Dans « Qui après nous vivrez », la femme est l'avenir de l'homme dans ce monde où les hommes faillissent à leur devoir de protection, malgré de très bonnes intentions, et où d'autres profitent de la situation pour asservir et soumettre.

Nous avions dans nos mains le moyen de changer les choses et d'éviter ces effondrements en cascade qu'Hervé le Corre dissèque sans attendrissement dans son roman. Il utilise de nombreuses références littéraires, les ouvrages de Cormac McCarty par exemple, l'ambiance de certains romans de Margaret Atwood pour démontrer, si besoin en est, de la présence de cartes que nous avions entre les mains. Les directeurs de conscience chargés de formater les jeunes esprits, le travail comme vertu morale et sociale, les supplices (comme la condamnation au pilori) dignes du Moyen Âge pour calmer les contrevenants, un système politique qui s'apparente au communisme (la croix frappée du croissant) et, bien, évidemment, la toute-puissance des prêcheurs qui placent la religion au centre de la vie quotidienne. Somme toute, un retour à des temps ressemblant au Moyen Âge puisque l'homme n'a pas été capable de faire bon usage, ni de l'amélioration de son niveau de vie, ni des technologies qu'il a eues entre les mains, ni des clés de la Terre qui lui avaient été implicitement confiées.

« Toute la fin du siècle dernier et au début de celui-ci les alertes ont été données, sonnées, gueulées. Il fallait changer de logique, cesser la fuite en avant de l'avidité, de la rapacité des puissants de ce monde qui saccageaient la planète et les peuples par tous les moyens possibles. Catastrophes climatiques, famines, pandémies, guerres. La misère et la barbarie partout. On voyait chaque jour le monde imploser mais on était trop peu nombreux à se rebeller. Les gens s'imaginaient qu'ils échapperaient au pire. (…) pendant ce temps perdu, les maîtres de ce monde-là conduisaient à pleine vitesse vers le bord de la falaise et nous demandaient à nous, pauvres cons, de retenir le bolide pour l'empêcher de basculer. Ils pensaient peut-être qu'ils parviendraient à sauter en marche et quelques-uns ont dû le faire… »

Ce n'est pas un hasard, si « Qui après nous vivrez » suit plusieurs générations de femmes. Dans ce monde proche de l'apocalypse, la femme devient un enjeu. Lorsque la natalité baisse, son corps devient primordial à la survie de la nation. le système peut les répudier si elles ne produisent pas d'enfants ou au contraire, les empiler au sein du foyer lorsqu'elles sont fécondes. L'homme est un loup pour l'homme, mais surtout pour la femme. « Elle ne connaissait pas aux hommes qu'elle avait vus, croisés, subis, d'autres fonctions, sinon celle de la violence, du combat et de la guerre, est n'éprouvait à leur égard, mâles dominants et prédateurs, qu'un sentiment, mais les de crainte et de haine. » Rebecca, Alice, Nour, Clara vont chacune l'apprendre à des degrés différents, selon l'époque et ses défis. Hervé le Corre fait la part belle aux femmes, qui au-delà des souffrances endurées portent le monde sur leurs épaules, et avec lui, une forme d'espérance qui ne peut s'éteindre qu'avec elles.

« Cette obstination à vivre, cette force animale qui fait qu'on se relève même éreinté, même en larmes, quand on voudrait rester couché, avec les morts, cette persistance d'herbe folle germant après le feu ou brisant les macadams et les bétons pour trouver la lumière. Ça. Cette énergie des enfants, le courage qu'ils ont de jouer et de rire, au coeur des tragédies, affrontant leur malheur dans des nuits sans sommeil. »

Il faudra bien vivre, même après eux, même après tout ça, après la mort de la démocratie, la mort de la liberté, la mort de l'innocence. Quand tout est d'une noirceur sans fond, le roman s'illumine grâce aux descriptions magistrales que fait le Corre de la nature. C'est sans doute grâce à ses peintures, « Le bleuissement de la nuit », « l'aube jaunit le ciel », « Le feuillage frissonne », « Ils cahotèrent sur le chemin qu'ils avaient pris en venant, maintenant plein d'ornières remplies d'eau, et rejoignirent la route rectiligne sur laquelle débordait une végétation en train de la digérer. La forêt fumait en séchant sous le soleil déjà brûlant. Des fumeroles s'attardaient au-dessus des cimes puis s'envolaient soudain, chassées par le souffle même des arbres. », « Pas de lune. Seulement la voûte incalculable des étoiles et la vapeur bleutée qu'elle dispense autour d'eux. » que mon espérance en l'humanité ne s'est pas éteinte tout à fait, que je suis encore capable de croire à un potentiel sursaut, pour ne pas laisser s'agoniser cette beauté-là.

Aussi, entre ombre et lumière, espoir et désespoir, conscience et opacité de la pensée, « Qui après nous vivrez » libère une poésie absolue dans l'écriture, délicate, fine et élégante qui fait de ce texte une broderie littéraire digne des plus grandes dentellières. La précision des émotions humaines se transmet par les mots que le lecteur savoure avec une lenteur délicieuse, pour ne pas en venir à bout, et garder encore cette prose de haute volée. Une rafale d'émotions, une caresse d'écriture, un roman absolument brillant.
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L'humanité peut-elle survivre au chaos ?

Hervé le Corre nous embarque dans un monde en train de s'écrouler. Dans les années 2050, une coupure totale et définitive d'électricité comme des réseaux chamboule la vie de milliards d'habitants .Déjà bien abîmée par les épidémies mortelles à répétition comme les dévastations climatiques ou les émeutes guerrières qui se succèdent de manière incontrôlable, l'humanité va progressivement tomber dans un abîme sans fond.

Rebecca et Martin vont être les premiers témoins de cette descente aux enfers : Martin pris dans une manifestation brutale ne pourra regagner le logis protecteur, laissant Rebecca et leur bébé Alice sans ressources. Sa voisine Aïssa, médecin dans un hôpital débordé par les victimes des épidémies et des morts qui s'accumulent faute de machines pour les sauver , convainc Rebecca de quitter la ville pour avoir une chance de survivre au chaos ambiant. La route sera longue et semée d'embûches avant peut-être d'espérer un peu de paix ou du tout du moins avoir l'espoir que demain sera meilleur qu'aujourd'hui.

Rebecca n'est pas naïve, c'est sa parcelle d'humanité qui reste profondément ancrée en elle et qui lui donne cette espérance. Comme Alice après elle, Nour ou Clara. Trois générations d'enfants devenus femmes partageant un seul objectif : survivre coûte que coûte malgré les malheurs et les horreurs qui l'entourent, malgré cette civilisation qui retourne peu à peu au Moyen ge, à la barbarie la plus infâme, à une animalité que l'on croyait profondément enfouie en chaque homme. Quatre femmes qui résistent avec leurs moyens et une volonté exacerbée de pouvoir protéger leurs enfants, afin de continuer à regarder la beauté dans leurs yeux innocents.


Difficile de faire plus noir que ce roman apocalyptique. Hervé le Corre a l'imagination fertile mais il suffit de regarder les infos pour se rendre compte que ce scénario n'est pas nécessairement que de la science -fiction : guerres à répétition, gouvernements totalitaires aux lois liberticides, pandémies, dérèglements climatiques avec ses conséquences qui se lisent au jour le jour : incendies de plus en dévastatrices, inondations à répétition, tremblements de terre , etc..la liste serait trop longue à énumérer ici. Des gouvernements qui semblent dépassés par les évènements à moins qu'ils soient totalement inconscients.

L'auteur bordelais nous immerge donc dans ce monde qui vient de faire un bond en arrière dans le temps où les technologies n'existaient pas, où la loi du plus fort prévalait. Retour à la débrouille, au monde des prédateurs quand la faim et la soif guettent. Retour à des communautés guerrières basées sur un paternalisme exacerbé et sur un retour à la chose religieuse de manière forcée : les femmes aux travaux des enfants, à engendrer des enfants dès le plus jeune âge alors que leurs maris défendent leur territoire.

Via une écriture toujours aussi incisive, l'auteur nous plonge dans cette atmosphère angoissante et délétère qui façonne l'ensemble du roman. Une prose jamais gratuite mais qui sonne plutôt comme une alerte ou un énième rappel qu'une prise de conscience est nécessaire : sauver nos démocraties contre ces vents totalitaires qui soufflent sur nos pays, sauver notre Planète en défendant notre Environnement au jour le jour sans renoncer.
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« Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis »
François Villon

Coupure d'électricité.
Pas pour une heure, pas pour quelques jours, pour toujours.
En ce milieu de 21eme siècle, tout bascule.
On le sentait arriver depuis longtemps.
Il y avait eu les épidémies, le changement climatique.
On le savait, on n'a rien fait.
Nos frères, et nos soeurs surtout, se retrouvent désormais dans un monde d'une hostilité radicale.
Celles nées après la grande panne ne connaîtront de la vie qu'une version désespérante où le seul enjeu est de survivre à chaque journée.
Rebecca, Alice, Nour et Clara, quatre générations qui vivent après nous dans le KO que l'on a créé.

Anticipation, uchronie ou simplement clairvoyance, Hervé le Corre nous plonge dans un monde affreusement crédible. Je ne pense pas que l'auteur ait la moindre vocation de prédicateur ni même de moralisateur mais le lecteur un temps soit peu sensé ne pourra s'empêcher de réfléchir. Dommage que les politiques et les financiers ne lisent pas ce bouquin même si je pense que ça leur en toucherait une sans faire bouger l'autre (j'ai toujours rêvé de citer Chirac).

Si le Corre n'est ni prédicateur ni moralisateur, je pense fermement qu'il est humaniste et dans toute cette noirceur, il parvient à nous faire croire au collectif, à des notions totalement dévalorisées qu'il serait vraiment temps de remettre au goût du jour avant la grande panne.
Il parsème cette tragédie du futur de moments de douceur, nimbe la désolation de lumière avec ces générations de femmes héritières depuis la nuit des temps de la douleur et gardiennes de l'espérance.

Comme souvent, le Corre surprend. Comme toujours son écriture est sans faille. Comme toujours, il me donne le vertige et l'élan.
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