Une tendresse leur est commune, qu'ils n'ont pas apprise des Italiens. Ils aiment les petits, les humbles, les pauvres et jusqu'à leurs haillons pittoresques. Aussi, par quelque endroit, trouvent-ils toujours prétexte à les introduire en leurs compositions et celles-ci en prennent on ne sait quoi d'intime, de familier et de touchant. Et ces tendances naturalistes, allant parfois jusqu'à la trivialité, que l'on voit d'abord poindre chez les artistes appartenant aux deux premiers tiers du XVIe siècle et simultanément en Andalousie, à Valence et en Castille, grandissent et vont s'affirmant de plus
en plus jusqu'à devenir enfin, au XVIIe siècle, avec le goût inné des colorations sobres, saines et puissantes, les caractères les plus éminents et les plus typiques de la peinture espagnole.
Mais tout autre est sa philosophie de l'art : empreinte du mysticisme le plus étroit, elle n'est guère qu'aride et stérilisante. D'abord, il ne veut rien laisser à l'inspiration du peintre et prétend imposer des formules pour toutes les compositions sacrées, pour tous les sujets religieux, formules invariables, irréductibles, exclusives de toute liberté, de toute spontanéité. Puis, résumant sa thèse, il écrit que « l'art n'a pas d'autre mission que de porter les hommes à la piété et de les conduire vers Dieu », faisant ainsi de l'art l'auxiliaire soumis du sacerdoce.
Disciple d'élection de Cespedès, Francisco Pachebo (1571-1664) se fit le propagateur et le défenseur le plus zélé, en même temps que le plus intolérant, des pures doctrines italiennes du maître. Peintre, poète, écrivain érudit, mais plus fervent catholique qu'artiste, son livre de l'Arte de la pintura, qu'il publia à Séville en 1649, est le monument de sa vie. Homme de traditions, esprit froid et dogmatique, Pacheco, dans ce traité sur la peinture, telle qu'il la comprenait, s'est assurément montré écrivain didactique excellent.
Le maître contemporain, qui produisit la plus profonde impression sur Ribera, fut Michel-Ange Amerighi, surnommé le Caravage. Bien qu'il n'ait pas dû travailler longtemps sous sa direction, puisque Amerighi mourut dès 1609, Ribera n'en resta pas moins imprégné pour toute sa vie du réalisme et des méthodes de composition et d'éclairement dont le Caravage s'était fait l'initiateur. Il s'en faut, toutefois, que le jeune Espagnol soit demeuré un imitateur servile de la manière de son maître.
Si l'on pouvait mettre en doute l'importance du rôle que le Greco a tenu à Tolède et en Castille, il suffirait de l'examen des ouvrages de ses disciples pour comprendre que ceux-ci ont largement contribué à préparer, par leurs recherches du réel et du vrai en leurs compositions, désormais indépendantes de toute réminiscence florentine ou romaine, l'entière et prochaine émancipation de l'école.