Un gros coup de poing, ce bouquin. La question abordée est celle des prêtres pédophiles. le personnage principal est la mère de ce prêtre. Car on y songe rarement, mais dans une telle situation, face à une pareille abjection, les proches du salaud sont aussi des victimes.
Gabrielle de Miremont, nonagénaire, fait partie de la très haute aristocratie, du genre qui vouvoie parents et enfants, qui met tout son avenir dans la lignée des mâles et prétend tirer toute sa force de Dieu. Elle est une maîtresse femme. Autoritaire par naissance, noble jusqu'au fond de ses tripes, elle n'a jamais, au grand jamais montré la moindre émotion devant autrui, ni manifesté le moindre sentiment. Par-dessus tout, elle place Dieu. Et juste en dessous, son fils
Pierre-Marie.
Elle a tout sacrifié pour lui, même ses deux filles, dont elle ne s'est jamais vraiment occupée. Dès son plus jeune âge, elle a « dressé » son fils à être croyant, à adhérer à ses certitudes, à devenir une créature de Dieu, dans tous les sens du terme. Lorsque
Pierre-Marie est ordonné prêtre, c'est le plus beau jour de la vie de Gabrielle.
Le roman commence lorsqu'elle apprend que ce fils a été retrouvé mort. Que s'est-il passé dans les journées précédant ce drame ?
Petit à petit, le lecteur découvre les détails d'une situation qu'il connaît dès le début. Un journaliste, Cédric Lautet, publie le premier d'une série d'articles qui donne la parole, enfin libérée, à des victimes de prêtres pédophiles. Pour Gabrielle, c'est grave, car de tels témoignages pourraient nuire à l'image de l'Église, qui est déjà malmenée. Elle intervient pour faire cesser ces chroniques, et se trouve confrontée à celui qui est le principal témoin, la principale victime du monstre, Hadrien Dumas. C'est de lui qu'elle apprend l'identité du coupable.
Tout s'écroule. Toutes ses certitudes, tout ce monde qu'elle pensait parfait, qu'elle voudrait sacré et immuable, plus rien n'a de sens. « le temple qu'elle a bâti n'en finit plus de s'effondrer. »
L'écriture de
David Lelait-Helo est ciselée dans ses moindres détails. Chaque mot est choisi avec soin pour correspondre à l'exact sentiment qu'il veut communiquer au lecteur. On sent, on touche presque, les certitudes surannées de cette femme qui, malgré tout, impose le respect et l'admiration par la force de son caractère. Avec elle, on reçoit de plein fouet les révélations qui lui font mettre un genou à terre. Cesser de lire est impossible, à ce stade. Une plume emplie de tant de délicatesse, face à une situation qui contient tant de violence…
Comment Gabrielle de Miremont va-t-elle réagir ? Que va-t-elle dire à Hadrien, dont l'existence est ruinée et qui vit dans la honte et l'horreur de son propre corps ? Et à son fils ?