Ce tome contient les épisodes 1 à 6 de la série Animal Man, parus en 2011/2012. Il s'agit du redémarrage à zéro de ce personnage dans le cadre du projet New 52 qui a consisté pour l'éditeur DC Comics à redémarrer toutes ces séries à zéro, suite aux événements de Flashpoint.
L'histoire commence avec un article de magazine qui apprend au lecteur que Buddy Baker a arrêté de jouer au superhéros depuis plusieurs années, qu'il s'est engagé dans la défense des droits des animaux et qu'il vient de tourner un film où il joue le rôle d'un vieux superhéros sur le retour. Il fait part de ses impressions à sa femme sur le ton de l'article alors qu'elle prépare le repas du soir pour eux et leurs 2 enfants, Maxine (4 ans) et Cliff (9 ans). Ce dernier lui apprend qu'une prise d'otages est en train de se dérouler à l'hôpital voisin. Buddy Baker s'y rend et participe à la résolution du conflit. Il prend conscience de son plaisir à être un superhéros. La nuit suivante il est la proie d'un terrible cauchemar prémonitoire. Il en est tiré par sa femme qui l'appelle car les pouvoirs de Maxine viennent de se manifester.
Animal Man est un superhéros créé en 1965 par Dave Wood et
Carmine Infantino. Il est surtout resté dans les esprits grâce aux 26 épisodes écrits par
Grant Morrison (3 tomes en anglais, 1988 à 1990). Il a eu droit à un retour peu remarquable en 2009 dans The last days of Animal Man (en anglais) de
Gerry Conway.
Cette fois-ci, ses aventures sont écrites par
Jeff Lemire et illustrées par
Travel Foreman, sauf pour l'épisode 6 dessiné par
John Paul Leon.
Jeff Lemire utilise le premier épisode pour présenter le héros, sa famille et ses superpouvoirs, en terminant sur la menace qui remet en cause le fragile équilibre qu'il vient de décrire. Les 4 épisodes suivants sont consacrés à la découverte de ce que recouvre la dénomination sibylline de "champ morphogénique", aux pouvoirs de Maxine, et à la nature des ennemis aux aguets. Lemire incorpore à son récit des éléments horrifiques et il joue avec la nourriture, la notion de viande et sa dégradation au fur et à mesure qu'elle se décompose et pourrit.
Cet aspect horrifique du récit est bien rendu par
Travel Foreman qui sait trouver une visualisation dérangeante des idées du scénario. Dès la couverture, Foreman trouve une image mêlant le sang en train de couler à l'organe qui donne la vie au règne animal, à savoir le coeur. Tout au long des épisodes, il insiste sur le sang en tant que fluide vital, et sur la malléabilité des chairs. Sans que les dessins ne deviennent gores, ils présentent un caractère fortement incarné qui met régulièrement mal à l'aise, que ce soit lorsque du sang coule des orbites de Buddy Baker, ou quand les organes d'un individu sont exposés pour être réarrangés.
Le style de Foreman repose essentiellement sur des traits fins, sans variation d'épaisseur. Ce parti pris esthétique aère les cases dont les détails se perçoivent rapidement. Il mélange à la fois des éléments de la vie courante immédiatement identifiables (modèle de voiture, agencement de la cuisine des Baker, établissement de restauration, etc.), et des représentations mettant en avant le sang et les chairs. La faible importance des aplats de noir contribue à l'immédiateté de la lisibilité, mais son corollaire est un manque de substance, d'ombres et de texture des illustrations. Paradoxalement, alors que Foreman met autant d'informations visuelles dans chaque case que les autres dessinateurs, elles apparaissent un peu falotes, trop diaphanes. Heureusement il bénéficie de la mise en couleurs de
Lovern Kindzierski qui choisit une palette peu commune pour renforcer les ambiances.
Le scénario de Lemire est à l'avenant des illustrations. Il confère lui aussi une personnalité forte à cette série en s'attachant à l'aspect ordinaire et "monsieur tout le monde" de Buddy Baker, en insérant quelques légères touches de sitcom dans les relations entre Buddy et sa femme. Il ne rentre pas dans le schéma classique de superhéros échangeant des horions avec le supercriminel durant le temps d'un épisode. Il a tôt fait de prendre une bifurcation pour plonger au coeur du sujet : le Rouge. Animal Man tire ses capacités morphogéniques de l'incarnation de la vie animale baptisée du nom de Rouge (Red, un peu comme Swamp Thing fait partie du Green). Buddy entraîne Maxine puisqu'elle a également fait montre de capacités hors du commun. Et c'est parti pour un récit alternant les séquences dans le Rouge, et les scènes de la vie plus si ordinaire que ça. le fait est que Lemire expose adroitement les prémices de la série en peu d'épisodes, et qu'il met en branle la course-poursuite entre Buddy et Maxine d'un coté, les ennemis surnaturels de l'autre. Mais à la fin des 5 premiers épisodes, il ne reste pas grand-chose de plus. Cette impression sera d'autant plus vive si vous connaissez déjà le personnage et une partie de ses histoires antérieures.
L'épisode 6 est consacré au film tourné par Buddy Baker en tant qu'acteur, que le lecteur a l'occasion de visionner. C'est l'occasion pour Lemire de faire ressortir les originalités de Buddy Baker par rapport à un superhéros désabusé à la mode Vertigo. C'est également la raison pour laquelle la majeure partie de cet épisode est illustrée par
John Paul Leon, pour donner un aspect graphique différent au film qui insiste sur le contraste avec les "vraies" aventures d'Animal Man. Cet épisode fonctionne bien et permet d'accentuer les particularités de Buddy Baker et sa famille par rapport à la production habituelle des comics.
Pour un premier tome, la relance de ce personnage constitue un bon départ, mais le lecteur aurait été en droit d'attendre un peu plus de consistance dans le scénario. Les illustrations tiennent le pari risqué d'un équilibre entre réalisme, lisibilité et visuels horrifiques. Foreman fait preuve d'un bon sens de l'horreur visuel, même si ses illustrations donnent une impression de manque de profondeur. Il constituera certainement une lecture plus satisfaisante pour ceux qui ne connaissent pas Animal Man, un peu moins originale pour ceux qui se souviennent de son passage chez Vertigo.