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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
°°° Rentrée littéraire 2023 #6 °°°

Janvier 1627, suite à une tempête dantesque, les sept navires d'une armada portugaise coulèrent au large des côtes du Médoc, dont deux caraques revenant des Indes chargées de toutes les richesses de l'Orient : le plus terrible naufrage de l'histoire de la marine portugaise. Yan Lespoux est parti de ce fait historique présenté en ouverture pour construire un formidable récit fictionnel qui ravira les amateurs de romans d'aventures et d'épopées maritimes.

Le lecteur est embarqué sur les pas de trois personnages enthousiasmants qui emportent immédiatement l'adhésion : Fernando, jeune homme pauvre de l'Alentejo enrôlé de force à quinze ans dans l'armée portugaise pour renforcer ses garnisons de Goa ou d'autres comptoirs coloniaux indiens ; Marie, fille des landes et des dunes battus par le vent, obligée de se cacher dans une communauté de résiniers et de costejaires, pilleurs d'épaves qui arpentent les côtes du Médoc à la recherche de biens échoués ; et Diogo, qui assiste à la chute de São Salvador da Bahia prise par les Hollandais aux Portugais en 1624, puis entre en résistance.

Leur point commun : ils sont très jeunes et décidés à vivre une autre vie que celle qui leur était dévolue, décidés d'échapper à un destin trop étriqué pour aller au-delà des cases de l'échiquier sans attendre leur tour pour jouer er déjouer la fatalité poisseuse qui devait les enchainer.

« Un lopin de terre pour naître ; la Terre entière pour mourir. Pour naître le Portugal ; pour mourir, le Monde. » L'impeccable titre illustre parfaitement leur état d'esprit, extrait d'une citation d'un certain Antonio Vieira, prêtre jésuite, écrivain et prédicateur du XVIIème siècle.

Yan Lespoux est un historien-écrivain. Il déploie avec maestria tout l'arrière-plan historique, remarquablement reconstitué, prenant le temps de développer de longues descriptions qui donnent à voir, sentir, ressentir tous les lieux visités, du Portugal au Brésil en passant par les Indes, des villages miteux des costejaires avec leur auberge repaire jusqu'au palais du sultan de Bijapur ou les cales des galions et caraques portugais. L'immersion est totale, dépaysante en diable, avec un sens de l'action très excitant, notamment lorsqu'il s'agit de décrire le tourbillon des batailles navales que se livrent Anglais, Portugais et Hollandais.

Il y a donc beaucoup de personnages, beaucoup de décors, beaucoup de péripéties, répartis sur les trois arcs narratifs consacrés respectivement aux trois principaux protagonistes. C'est extrêmement dense et pourtant jamais on ne se perd tant l'auteur sait où il va, jusqu'à un croisement des destins en mode feu d'artifices dans les cinquante dernières pages. On savoure d'autant plus qu'on est porté par une écriture de grande qualité, ample, déliée, classique mais avec des accents modernes pour accompagner des personnages du XVIIème siècle aux caractéristiques très contemporaines.

Un régal de roman d'aventures qui porte haut le souffle romanesque allié à la rigueur historique. Epoustouflant !

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Jack Sparrow peut aller se rhabiller !
Ici pas d'aventure de pacotille ni de chaine en or qui brille …
L'aventure, la vraie, pour ceux à qui le dernier livre de David Grann, Les naufragés du Wager a fait de l'oeil, voire qui ont déjà embarqué à bord …
Roulis, tangage, mal de mer, tempêtes, corps passés par-dessus bord, amputations de membres, naufrage, boulets de canon, remugles divers et avariés, corps en décomposition, meurtres crapuleux, hardes puantes et crasseuses, diamants, pirates, honneur, tout est là, avec cette fois la dimension romanesque qui m'avait fait défaut dans le livre très documenté de David Grann.
L'imagination navigue au gré des vents et accoste en terres inconnues aux parfums épicés, poivrés, exotiques et enchanteurs. Cependant, la vie se révèle nettement moins facile dans le paysage de carte de postale, surtout pour des marins ou des soldats sans grade.
C'est un véritable tour du monde que nous propose Yan Lespoux : Médoc, Mozambique, Goa, São Salvador de Bahia, Bijapur, Cap Vert, Lisbonne, Cascais, La Corogne, …
Les personnages sont nombreux, mais Yan Lespoux tient bon la barre et je ne me suis jamais noyée dans la multitude de péripéties, de personnages, de lieux. Bien au contraire, j'ai vogué avec plaisir entre les 3 arcs narratifs m'emmenant à la rencontre ; des soldats et marins portugais Fernando Teixeira et son ami Simão, Marie la Gasconne, Diogo et son ami Tupinamba Ignacio arrachés à leur terre natale brésilienne pour se retrouver nommés gardes du corps du redoutable capitaine-mor dom Manuel de Meneses.
C'est d'ailleurs le récit de tempête de ce dernier, qui a fracassé un des plus gros bateaux de l'armada portugaise sur les côtes landaises qui a grandement inspiré l'auteur.
Malgré la longueur du récit, la plume fluide aide à faire tourner les pages à toute vitesse, dans le désir de découvrir le sort réservé à nos pauvres héros. Les descriptions vivantes permettent de reconstituer à merveille la bande-son, les images et les odeurs des différents décors, au Brésil, en Inde, dans les landes ou sur le pont des bateaux.
Du grand art qui m'a permis de sortir de ma zone de confort de lecture avec délectation. Me voilà prête pour embarque à bord du prochain Yan Lespoux ! (et je vous confie que je vois de loin la grande Dora l'exploratrice continuer à opiner du chef) …
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"Un lopin de terre pour naitre; la Terre entière pour mourir "...

et surtout l'océan, roi des tempêtes , véritable personnage de ce magnifique roman d'aventures qui nous transporte de 1623 à 1688 des côtes dangereuses du Golfe de Gascogne , aux ports de Lisbonne et de Goa, des landes malsaines du Médoc à la jungle brésilienne à travers l'histoire mouvementée de trois jeunes gens .

Fernando Teixera, 15 ans, portugais , alors qu'il fuit sa famille , se fait enrôler contre son gré comme soldat de l'Armée des Indes . La devise qui le représente le mieux est : "toujours au mauvais endroit au mauvais moment depuis qu'il est né " Il est accompagné de Simao qui veut écrire leur histoire et a un sempiternel petit sourire ironique .

Marie, une jeune fille née dans une famille pauvre du Médoc, doit fuir car elle a , pour se défendre , gravement blessé un fils de famille. Elle se réfugie chez son oncle Louis, un pilleur d'épaves et un assassin sans foi ni loi hors la sienne au milieu d'un campement de résiniers et de costejaires .

Diogo Silva, un habitant de Salvador de Bahia fuit après l'incendie de sa maison lors de l'invasion des hollandais et se réfugie dans la forêt où il fait la connaissance de l'indien Ignacio. Faits prisonniers , ils sont finalement embarqués à bord 'un navire portugais en partance vers l'Europe.

Leurs péripéties s'entrecroisent au milieu des luttes de pouvoir entre Espagne et Portugal , entre capitaines, gouverneurs et autres hommes puissants qui ne cherchent que gloire ou richesse , entre attaques des anglais ou des hollandais que ce soit en Europe, en Inde ou au Brésil avec comme constante la traversée des océans sur des navires qui se veulent de plus en plus gros à l'image de l'appétit de profits de cette route des Indes et au dépens de leur maniabilité et du bien-être de leurs occupants , les images des cales des bateaux sont terrifiantes !

Un entassement d'hommes, soldats, marins et marchands dont la vie tient à peu de choses au milieu des mers déchainées .

Yan Lespoux décrit avec un luxe de détails à la fois les batailles inégales entre les bateaux et les éléments maritimes furieux qui finissent généralement par le naufrage des navires , comme les palais luxueux de Bijapur , ou le camp misérable des résiniers landais .

C'est épique, vivant , avec une écriture précise, souvent magnifique malgré la dureté des descriptions .

Les aventures des jeunes héros , tous attachants, que le lecteur suit avec angoisse sont trépidantes , on ne s'ennuie pas même lors des longues pages sur les mers . On s'y croit presque ...

Si je devais donner un prix littéraire pour cette rentrée très riche en excellentes lectures, ce roman serait à coup sur dans le peloton de tête .

Je remercie Masse Critique et Agullo Éditions pour cette belle découverte avec une mention spéciale également pour la couverture très bien choisie !
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« Ils avaient voulu voir le monde. Elle espérait que pour quelques instants au moins, le voyage avait été beau. »

Il est malin Yan Lespoux, débarquant là où on ne l'attendait pas. Loin de poursuivre avec ses nouvelles à succès, sans même verser dans le noir qu'il affectionne, ni s'appuyer sur l'histoire occitane dont il a fait son métier, il surprend avec Pour mourir, le monde, son premier roman.

Dans une ambitieuse fresque historique et épique, nous voilà projetés au début du XVIIe siècle au Brésil dans les pas de Simāo et Fernando, en Inde dans ceux de Diogo et Ignacio, au Portugal dont les navires disputent aux Anglais et Hollandais la suprématie des mers. Et dans le Médoc aussi (quand même !), avec la fière Marie.

Pour mourir, le monde est un livre de marins, d'aventure, de bandits, de guerre, de trahisons… Mais c'est surtout un livre de destins, ceux de personnages nés pour être « un des milliers de bras armés qui maintiennent en vie des empires qui ne le méritent pas ».

Des femmes et hommes qui se cherchent et n'attendent qu'un coup du destin, une aide ou un bateau en partance pour prendre leur vie en main. « Il faut que je meure ici ou que je vive enfin ailleurs. »

Le livre s'ouvre et se ferme sur des chapitres d'une folle puissance. Entre les deux, il y a la fluidité d'un style qui vous emporte au gré des vents et des naufrages, des ambitions et des revers, d'un joli travail impressionniste des personnages, par touches successives.

Peu adepte des livres historiques, j'ai apprécié l'habileté de Lespoux à surfer sur le chemin de crête étroit qui sépare dans un savant équilibre, faits avérés et trame romancée, sans jamais verser dans le trop-plein de l'un ou de l'autre. Idem pour les dialogues, dont il use avec parcimonie. Habile, je vous dis !

L'ensemble donne un livre enlevé, difficile à lâcher, où affleure ci-et-là quelques clins d'oeils espiègle, via ce titre à la James Bond ou ce énième coup de pied de l'âne à ses meilleurs ennemis girondins : « Oh, tu sais, la famille, c'est sacré. Et puis j'aime bien l'idée qu'elle ait tué un Bordelais. »

On savait Lespoux doué. C'est confirmé ! Alors on se précipite.
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Déjà ce beau titre un peu mystérieux, puis cette couverture très réussie avec une vieille carte maritime, et enfin la critique enthousiaste de Kirzy. Il n'en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité et me voilà partie dans l'aventure ! Car de l'aventure, il y en a autour des trois personnages principaux :

Fernando, un jeune portugais enrôlé de force dans la marine. Il va vivre mille péripéties avec son ami Simao, et le voyage va l'amener jusqu'à Goa.
Marie, une jeune landaise qui doit fuir la maison familiale et se réfugier dans un camp de résiniers où les conditions de vie sont difficiles.
Diogo, un jeune brésilien qui se retrouve embarqué dans la résistance contre les hollandais à Bahia puis sur un immense navire de guerre.

Il y a aussi Meneses, le capitaine de la marine portugaise, impénétrable dans son manteau noir et amateur de poésie, ou Ignacio, le jeune autochtone brésilien champion de tir à l'arc qui va être entraîné dans l'aventure avec Diogo.

Les trois héros vont se retrouver dans les 50 dernières pages après que l'auteur nous ait fait faire le tour du monde. Tempêtes, scorbut, naufrages, pilleurs d'épaves, guerres et affrontements les plus variés ; Goa, le Portugal, le Brésil, les landes, c'est un véritable tumulte d'événements, de voyages et de violence aussi auquel nous convie l'auteur, pendant une dizaine d'années au début du 17ème siècle.

J'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture étonnante et tourbillonnante. L'auteur nous emmène bien loin des habituels romans de la rentrée littéraire.

Certains lui ont reproché des longueurs et certes il y a en a parfois, mais elles n'ont pas gâché mon plaisir. Lespoux a beaucoup de talent pour nous faire ressentir les ambiances sur les bateaux ou nous faire vivre les batailles et les tempêtes. J'ai eu aussi l'impression d'un récit solidement documenté avec une toile de fond historique sérieuse, ce qui est pour moi une valeur ajoutée (l'auteur est historien).

Certains lui ont reproché des allers/retours dans le temps ou entre les personnages mais j'ai trouvé que le récit était suffisamment habile et bien mené pour ne jamais nous perdre.

Une chouette découverte d'un nouvel auteur.
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Après plus d'une décennie à décortiquer la littérature noire au sein des pages du blog Encore du Noir qui fait référence dans le domaine, une multitude d'articles pour diverses revues telles que 813, Marianne, Alibi et Sang Froid ainsi que plusieurs animations pour des festivals dédiés au genre, il n'était pas étonnant que Yan Lespoux se lance dans l'écriture en nous proposant tout d'abord Presqu'îles (Agullo 2021), recueil de nouvelles autour d'une partie plus méconnue de la région du Médoc avec quelques récits imprégnés d'une certaine noirceur, propre au genre qu'il affectionne. Plus surprenant, son premier roman Pour Mourir, le Monde s'inscrit dans le registre de l'aventure avec un récit historique passionnant se déroulant au début du XVIIème siècle où l'on traverse les océans à bord de gigantesques nefs pour se rendre à Bahia et à Goa avant d'échouer sur les plages sauvages du Médoc. On pouvait pourtant déjà trouver quelques indices dans Presqu'îles avec notamment cette citation de Claude Masse, un ingénieur géographe au service du roi Louis XIV qui dépeint les médocains en disant d'eux « qu'ils étoient plus barbares et inhumains que les plus grands barbares » et qui figurera parmi les personnages historiques jalonnant l'intrigue de Pour Mourir, le Monde. Et puis, toujours dans Presqu'îles, il y a cette nouvelle où un vieillard arpente la plage pour contempler l'épave du navire échoué qui l'a conduit en France pour fuir l'Espagne fasciste de l'époque. Déjà une histoire de naufrage. Avec Pour Mourir, le Monde, il en est justement question car Yan Lespoux s'est librement inspiré du récit de l'écrivain dom Francisco Manuel de Melo, publié en 1660 et de celui du capitaine des galions,
dom Manuel de Meneses, paru en 1627 et dont on peut découvrir les péripéties dans le Grand Naufrage de l'Armada des Indes yan lespoux,éditions agullo,pour mourir le mondesur les côtes d'Arcachon et de Saint-Jean-de-Luz (1627) publié aux éditions Chandeigne. C'est donc autour de cet événement historique et du parcours de ces nobles portugais que Yan Lespoux décline, avec un indéniable talent, la destinée de deux hommes et d'une femme de peu dont on suit les pérégrinations que ce soit sur les océans bien sûr, mais également en Inde et en Amérique du Sud pour converger, dans un final époustouflant, sur les plages désolées d'un Médoc éblouissant que l'auteur dépeint avec l'affection qui le caractérise. Roman épique et tonitruant, Pour Mourir, le Monde nous rappelle des récits d'aventure tels que Trois Mille Chevaux Vapeur (Albin Michel 2014) d'Antonin Varenne et pour l'aspect maritime, des séries telles que les Aubreyades (J'ai Lu) de Patrick O'Brian ou Les Passagers du Vent (Glenat) de François Bourgeon nous permettant de ressentir notamment cette promiscuité étouffante au sein de ces formidables vaisseaux de bois bravant les tempêtes pour conquérir le monde tout en livrant des combats d'une intensité extrême.

En 1616, Fernando Texeira quitte Lisbonne en embarquant à bord du São Julião pour incorporer la garnison de Goa en tant que soldat au service du roi. C'est l'esprit d'aventure qui l'anime avec cette envie tenace de s'extraire de sa condition, tout en ayant la sensation de n'être jamais présent au bon endroit au bon moment.
En 1623, Marie fuit Bordeaux, où elle travaillait dans une taverne, après frappé un homme qui tentait de s'en prendre à elle. Certaine de l'avoir tué, elle se place sous la protection de son oncle Louis qui est à la tête de toute une bande de pilleurs d'épave écumant les plages désolées et inaccessibles de la région du Médoc.
En mai 1624, Diogo Silva voit ses parents disparaitre sous le bombardements des navires hollandais s'emparant de la ville de Saõ Salvador de Bahia. Fuyant le fracas d'un combat perdu d'avance, il trouve refuge dans la forêt environnante et se lie d'amitié avec Ignacio, un indien mutique, se joignant à ces soldats de fortune pour se lancer dans une guérilla sans relâche, tout en comptant sur les renforts d'une armada de caraques portugaises prête à tout pour reprendre la cité perdue.
Trois destins disparates, évoluant dans un monde de fureur en plein bouleversement, qu'une tempête dantesque et qu'un naufrage dramatique vont réunir pour les projeter dans les dédales infernaux de marais et de dunes sauvages où ils seront contraints de se livrer à des combats sans merci afin de survivre dans un environnement cruel et sans pitié.

Sans nul doute, livre de la rentrée, on pourra aisément estimer, sans exagération, que Pour Mourir, le Monde figurera parmi les romans marquants de l'année 2023 pour finalement intégrer la courte liste des ouvrages imprégnant durablement l'esprit des lecteurs les plus assidus et les plus exigeants. On saluera tout d'abord l'extraordinaire travail des éditions Agullo nous proposant un ouvrage d'une beauté décoiffante avec cette impressionnante carte de la ville de Goa datant de 1526 qui orne la jaquette tandis que l'on découvre sur la couverture et le quatrième de couverture, deux gravures illustrant l'histoire de la colonisation portugaise au Brésil, permettant ainsi de mettre en valeur un texte d'une intensité peu commune. Un écrin somptueux nous donnant l'occasion de nous immerger encore plus aisément dans l'atmosphère foisonnante d'une intrigue conciliant, dans un équilibre remarquable, les hauts faits de l'histoire de ce début du XVIIème siècle, tels que la succession de conquêtes de comptoir, de combats navals et de naufrages, avec le parcours de Fernando, de Diogo et de Marie nous conduisant à percevoir, à la hauteur de ces deux hommes et de cette femme du peuple, tous les aspects d'une succession d'aventures époustouflantes se déclinant sur un rythme étourdissant. On appréciera d'ailleurs le caractère nuancé de ces personnages au comportement parfois ambivalent qui tente de trouver leur place au sein d'un monde en plein bouleversement avec le déclin des colonies lusophones tandis qu'émerge, de manière sous-jacente, la puissance des anglais et des hollandais. Et c'est plus particulièrement avec Fernando que l'on ressent cette volonté de s'approprier quelques ersatz de cette richesse convoitée avec tout l'épuisement qui en résulte en s'achevant sur les côtes désolées du Médoc dont on perçoit toute la beauté mais également toute la dureté par le prisme du regard de Marie parcourant ces territoires sauvages en compagnie des vagants et des costejaires dépouillant naufragés et pèlerins égarés tout en récupérant les reliquats d'épaves échouées. Sur un registre à la fois dynamique et érudit, sans être ostentatoire d'ailleurs, empruntant parfois quelques codes propre à la littérature noire, on chemine ainsi dans les rues de Goa et de Bahia de l'époque, on partage le terrible quotidien de ces marins et passagers parcourant les océans et l'on découvre bien évidemment les turpitudes de ces pilleurs d'épaves dans un foisonnement de détails passionnants mettant en exergue toute une succession de confrontations fracassantes s'achevant sur les rivages de cette rude région du Médoc et dont on découvrira l'épilogue au terme d'une scène à la fois grandiose et surprenante. Et puis, au-delà de l'aventure et de l'histoire, il faut prendre en considération tout l'aspect de cette lutte des classes émergeant dans le basculement d'un monde dont la cruauté et la dureté nous ramène à la mondialisation de notre époque qui sacrifie sur l'autel du profit celles et ceux qui n'ont rien. Outre la richesse d'une aventure aux contours historiques, c'est peut-être cette mise en abîme vertigineuse qui fait de Pour Mourir, le Monde un roman époustouflant qui vous foudroie sur place.


Yan Lespoux : Pour Mourir, le Monde. Éditions Agullo 2023.

A lire en écoutant : I Don't Belong de Fontaines D.C. Album : A Hero's Death. 2020 Partisan Records.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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De l'Alentejo à Goa, de la côte aquitaine à Salvador de Bahia, au-delà des mers et des océans, entre ambition et complot, suivez l'épopée de Marie, Diogo et Fernando. Tous sont bien décidés à tordre le cou au destin, à ne plus courber l'échine et à trouver leur place dans le vaste monde du 17ème siècle.

Parce que ce livre est différent de tout ce qui sort en cette rentrée,
parce que découvrir cette histoire, c'est revenir aux sources du plaisir de la lecture,
parce que c'est une grande aventure,
parce que l'expression « souffle romanesque » prend tout son sens ici,
parce qu'il y a un travail de fou derrière (travail historique, travail d'écriture, travail d'édition),
vous allez voir ce livre partout et ce sera amplement mérité.
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Entre 1616 et 1628, de Lisbonne à Goa, de San Salvador de Bahia à la côte landaise, sur terre, mais surtout sur les océans, trois destins se croisent dans ce grand roman de marine et d'aventures : Fernando, jeune portugais qui s'enrôle tout jeune dans l'armée des Indes avec son ami Simão et embarque pour Goa. de son côté, Marie rêve d'échapper aux marais du Médoc et à la pauvreté. Elle quitte sa famille pour Bordeaux, où elle fera la preuve de son fort caractère, et devra fuir encore. Quant à Diogo, les combats pour la conquête de San Salvador de Bahia font de ce jeune homme un orphelin. Il va avoir pour seul ami et soutien Ignacio, un Tupinamba toujours armé de son arc et de son casse-tête, mais plutôt pacifique, somme toute. Et tous deux finiront par prendre aussi la mer…
La conquête des océans, des terres qui les bordent et de leurs richesses, donne lieu à de nombreuses escarmouches et batailles entre Hollandais, Espagnols et Portugais, mais c'est encore contre les éléments que le combat est le plus rude.
La rencontre entre les trois personnages principaux n'intervient qu'au terme de nombreuses péripéties. Il y sera question de vengeance, d'amour et d'argent, de fraternité et de violence, le tout dressant le riche tableau du monde à cette époque.

Le roman, Yan Lespoux étant historien, repose sur des faits avérés comme la prise de San Salvador de Bahia aux Hollandais ou la perte spectaculaire de navires portugais dans le golfe de Gascogne. Plus remarquable que la documentation est encore la parfaite immersion dans le XVIIème siècle. Aucun détail ne semble anachronique, les paroles, les comportements, et les manières de penser de chaque personnage sonnent tout à fait juste.
Les protagonistes sont nombreux, beaucoup plus que les trois que j'ai cités, et il est assez amusant de remarquer que les vrais « sauvages » de ce roman sont les habitants de la côte du Médoc, pilleurs d'épaves qui n'hésitent pas à tuer pour quelques possessions des naufragés. Par comparaison, Ignacio le Tupinamba paraît beaucoup plus civilisé. Il semble que ce siècle se montre plus favorable aux voleurs, aux menteurs, aux fripouilles qu'aux honnêtes gens, ou à ceux qui comptent essentiellement sur la chance. Seule la peur de la justice divine, et de l'Inquisition, maintient un semblant d'ordre.
En dépit de quelques descriptions un peu répétitives des lacs, dunes et forêts landaises, le style est plaisant à lire, solide mais sans effets inutiles. J'ai beaucoup aimé le réalisme des traversées à bord des caraques, ces gros navires marchands aussi trapus que patauds lorsque la mer est forte. Les marins, marchands et soldats à bord de la flotte menée par dom Manuel de Meneses de retour vers Lisbonne, en feront les frais.
Nul besoin d'avoir le pied marin pour aimer ce roman historique prenant dont le très beau titre est emprunté au poète Antonio Vieira :
« Un lopin de terre pour naitre ; la Terre entière pour mourir.
Pour naitre, le Portugal ; pour mourir, le monde. »
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Mille sabords…Mais quel roman!…en voilà un vrai bon roman historique d'aventures , avec pour décor le XVIIè siècle, ses aventuriers et ses miséreux, sa violence et ses morts, le tout servi avec brio dans le monde maritime du Portugal aux Indes.

Les trois héros, aux destins géographiquement éloignés mais si proches finalement dans leurs épreuves, chemineront chacun de leur côté pour converger bien malgré eux au même endroit au décours d'une tempête.

Extrêmement bien documenté et écrit, ce livre m'a enchantée et je l'ai littéralement savouré tant il m'a plu,… et sachant aussi que je ne retrouverai pas de sitôt un aussi bon roman du genre.

Laissez vous tenter et partez à l'aventure avec ces incroyables personnages de Marie, Fernando et Diogo.

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En ce jour de janvier 1627, alors que la côte du Médoc est frappée par une tempête terrible, Fernando Teixeira tente de rester en vie, rescapé du naufrage du Sao Bartolomeu. Alors que, caché dans les dunes, il tente d'échapper à l'accueil plutôt violent des autochtones, il rencontre une jeune femme... Quel autre choix a-t-il que de mettre son avenir entre ses mains ?
Il faut revenir en 1616 pour comprendre ce qui a amené Fernando sur ces plages inhospitalières. Comprendre ce qui a fait de ce jeune portugais un soldat de l'Inde, comprendre qu'il ne désire rien d'autre que dépasser sa condition, trouver sa place, être celui qu'il rêve d'être. Lui mais aussi Simao, Sandra, Diogo, Marie avec qui il découvrira l'amitié, l'amour, la violence et les voyages en caraques à l'autre bout du monde.
Pour son premier roman, (après le recueil de nouvelles "Presqu'iles" Yan Lespoux signe un coup de maître. Il nous livre un récit picaresque au souffle incontestable autour de trois personnages qui veulent changer leur destin. Impossible de lâcher ces pages où, que l'on ait le pied marin ou pas, l'on est ballotté, enivré, secoué, ému, amusé, et surtout impressionné par le travail de l'auteur qui s'est inspiré des récits de navigateurs portugais pour construire sa fiction.
C'est un gros coup de coeur pour ce très beau livre (bravo aux éditions Agullo !), un livre rare qui laisse le lecteur heureux et conscient d'avoir partagé un moment privilégié ! A ne pas manquer !
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