Ce livre m'est précieux, car à travers ses
chants poétiques ( elle est aussi mélodiste),
Andrée Levesque Sioui exalte son appartenance à la communauté amérindienne des Wendats, au Québec, que j'ai découverte avec intérêt et émotion. Elle apprend également la langue de leurs ancêtres aux adultes et aux jeunes.
Ce recueil comporte trois parties: traces, corps, paroles. Les traces sont cette recherche difficile des racines , du passé, d'une langue perdue:
" Remonter la piste
Retracer le geste
L'appel manqué
La loyauté ignorée
L'histoire trompée "
Dès les premiers textes, j'ai été sensible aux mots lancinants et évocateurs de l'auteure:
" Un chant
Dans la gorge des rivières de nos rêves
Celles que rien n'arrête
Que tout célèbre "
Et j'ai apprécié aussi les jeux de sonorité, les expressions détournées, l'inventivité verbale qui se dégagent des poèmes. En voici un exemple:
" Peau d'âme
Sa veine et son eau
La joute du jour
Sur la voûte "
Mais ce qui est le plus touchant, le plus intense, c'est ce désir de préserver le lien ancestral, de retrouver les paroles premières, de les transmettre. Dans le magnifique poème du 23 octobre 2020, commémorant l'anniversaire de son père décédé,
Andrée Levesque Sioui rapporte une question qu'on lui pose souvent:" pourquoi réanimer une langue morte?" et essaie d'y répondre. Ses mots sont alors fervents, inspirés:
" Des mots fléchés d'un doigt à l'autre
Nos mains porte-parole
Muettes depuis 150 ans tissaient nos histoires
Que personne encore n'a déchiffrées vraiment"
On sent l'auteure investie d'une mission , celle d'empêcher l'extinction d'une langue, d'un peuple, qui, selon la constitution canadienne, est considéré comme mineur jusqu'à 99 ans, donc les Wendats et les autres communautés autochtones ne sont pas des citoyens à part entière...C'est fou, indigne.
Les poèmes d'
Andrée Levesque Sioui sont puissants car ils témoignent d'un attachement vivifiant et sincère à ses origines. Chantonner, entonner, lever le chant: karihoakoan.