La lumière astrale dans laquelle nous plonge le sommeil est comme un océan où flottent d'innombrables images, débris des existences naufragées, mirages et reflets de celles qui passent, pressentiments de celles qui vont naître.
Notre disposition nerveuse attire à nous celles de ces images qui correspondent à notre agitation, à notre fatigue spéciale, comme un aimant promené parmi des détritus métalliques attirerait et choisirait surtout la limaille de fer.
Les philosophes n'ont pas assez réfléchi au fait physiologique de la religion dans l'humanité : la religion, en effet, existe en dehors de toute discussion dogmatique. C'est une faculté de humaine, tout aussi bien que l'intelligence et l'amour. Tant qu'il y aura des hommes, la religion existera. Considérée ainsi, elle n'est autre chose que le besoin d'un idéalisme infini, besoin qui justifie toutes les aspirations au progrès, qui inspire tous les dévouements, qui seul empêche la vertu et l'honneur d'être uniquement des mots servant à leurrer la vanité des faibles et des sots au profit des forts et des habiles.
Quand le comte Joseph de Maistre, cette grande logique passionnée, a dit avec désespoir : Le monde est sans religion, il a ressemblé à ceux qui disent témérairement : Il n'y a pas de Dieu.
Le monde, en effet, est sans la religion du comte Joseph de Maistre, comme il est probable que Dieu, tel que le conçoivent la plupart des athées, n'existe pas.
La religion est une idée appuyée sur un fait constant et universel; l'humanité est religieuse : le mot religion a donc un sens nécessaire et absolu. La nature elle—même consacre l'idée que représente ce mot, et l'élève à la hauteur d'un principe.
Le sommeil est une mort incomplète; la mort est un sommeil parfait.
Croire au bonheur sur la terre, croire à l'amitié, croire à l'amour, croire à une Providence maternelle qui compte tous nos pas et récompensera toutes nos larmes, c'est être parfaitement dupe, dira le monde corrompu ; et il ne voit pas que le dupe, c'est lui, qui se croit fort en se privant de toutes les délices de l'âme.