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sur 2559 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Plongée, sans filtre, dans l'horreur du nazisme et des massacres du front de l'Est, au travers du point de vue officier SS. J'ai particulièrement apprécié les éléments historiques de la seconde guerre mondiale, rappelés notamment au travers d'une introduction très pertinente. J'ai un peu moins aimé tous les éléments se rapportant à la jeunesse du personnage principal et à sa vie de famille (homosexualité refoulée et relation incestueuse avec sa soeur), car je ne les trouve pas nécessairement utiles au propos du livre.
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Assez peu enclin à la lecture des livres ayant pour trame des faits historiques, force est de reconnaître que celui-ci bouscule quelque peu le genre par sa force, l'ingéniosité du scénario (eh oui, il faut arriver à la fin pour se dire qu'il pourrait s'agir d'un film!) et l'absence de discours larmoyant (malgré l'horreur des faits, présente mais non érigée en leitmotiv).
Bref, un bon livre lu rapidement tant il était captivant.

Quand vous l'aurez lu et si vous l'avez aimé, alors lisez aussi "la mort est mon métier" de Robert Merle, moins fort mais veine identique.
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En fait, l'horreur réaliste de ce livre me l'a fait abandonner au milieu. Dans son genre, il s'agit d'un chef-d'oeuvre, mais les situations sont insoutenables. le style étincelant. Mais il faut s'accrocher !
Lien : http://www.bigmammy.fr
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Que penser d'une telle somme d'horreurs? Que penser de la sympathie (relative parce qu'à la fin, il est odieux) que nous inspire cet officier SS quiveut jouer le bon rôle, qui voit et vit tout, la Shoah par balles, Stalingrad, Auschwitz, la chute de Reich? Un certain malaise s'insinue. L'Histoire par l'autre bout de la lorgnette n'est pas belle à voir. Elle n'est pas inhumaine, elle se trouve des excuses, elle se refuse au sentimentalisme. Petit à petit, le lecteur, comme le Dr Aue, se blinde. Les ignominies pleuvent et - c'est cela qui crée le malaise - lassent. de la grande ou de la petite histoire, laquelle est-elle la plus insupportable? Celle de ces millions d'ennemis du Volk allemand dont on se débarasse pour une illusoire race ou une impossible sécurité? ou celle de cet homme perdu, amoureux de sa soeur jumelle, peut-être assassin de sa mère, qui se vautre dans le glauque de ses perversions tout en cherchant à rendre le travail des détenus des camps moins pénible, par pur calcul économique? Où sont les monstres? Où sont les victimes? Comme la plupart des livres importants, Les Bienveillantes ne répond pas à ces questions, et le lecteur, assomé, les voit circuler devant son esprit fatigué.
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Ma lecture de cette oeuvre est tout à fait une exception, en contradiction flagrante, je le sais bien, avec la majorité des principes exprimés en préface : voici une oeuvre contemporaine, populaire, et – primée !

D'ordinaire, je ne lis jamais un Goncourt : cette récompense, qui procède de copinages scandaleux – scandaleux, du moins, s'ils étaient révélés –, est presque inévitablement le gage d'une oeuvre estimée « accessible » c'est-à-dire indigne et racoleuse, jugée « en correspondance avec son époque » c'est-à-dire éphémère et bête, et considérée comme relevant d'une certaine importance éthique c'est-à-dire d'une dégoulinante mièvrerie.

Et je passe encore sur le « Goncourt De rattrapage », je veux dire celui qui, au fond, est chargé de récompenser un auteur plutôt qu'une oeuvre parce qu'on a trouvé, après coup, qu'il était injuste que ledit auteur n'eût pas obtenu le trophée l'année précédente : on le récompense alors pour un texte – qu'on sait évidemment inférieur à des textes antérieurs.

Je l'ai déjà dit ailleurs : ne lisez pas les Goncourt, ne les achetez pas. Un auteur qui a obtenu ce prix ne se croira plus jamais le devoir d'écrire avec soin, ou bien il n'en aura plus le temps, et vous lui gâcherez les quelques compétences qui lui restent et que vous lui reconnaissez en dépit de sa publication (c'est qu'il faut, en pratique, bien des turpitudes pour être aujourd'hui édité !).

Du reste, Les Bienveillantes a également reçu le Grand Prix du roman de l'Académie française, ce qui devrait signifier quelque chose quant au style. Mais après avoir lu La Vérité sur l'Affaire Harry Québert qui a aussi reçu cette distinction et qui est, sans nulle exagération je le jure, le roman « policier » le plus mal écrit que j'ai jamais lu, il faut admettre qu'il existe pour le moins une grande relativité d'appréciation dans les critères d'une écriture non pas même réussie, mais seulement appliquée, soignée, attentive.

Mais ni mon éclectisme ni ma curiosité ne souffre de cette exception, et je n'ai pas honte, au contraire, d'entamer mes critiques par cet ouvrage quelque peu inhabituel, me concernant. Exception supplémentaire, j'ai lu ce roman parce qu'il m'a été recommandé par des lecteurs de Wattpad, mais il s'agissait là de lecteurs éprouvés et estimables, et c'est par cette compétence reconnue par moi que j'ai eu assez confiance en leur jugement pour les suivre.

J'ignorais, en achetant ce roman, sa longueur : 1400 pages en poche qui, dans certains cas, suffisent à vous valoir une récompense (c'est que vous paraissez, par la quantité même, avoir « suffisamment travaillé » – et on aime toujours, notamment quand on ignore ce qu'est une qualité et par souci d'égalité sans doute, à récompenser des auteurs laborieux plutôt que talentueux). Par ailleurs, pas de paragraphes, ou tout comme, deux par page tout au plus : je dois dire que cette manie, y compris dans ce Littell, m'irrite assez ; c'est une mode qui resurgit régulièrement, comme de placer sur les scènes de théâtre et sans aucune utilité des comédiens entièrement nus ; ces « révolutions », semble-t-il, donnent du plaisir aux amateurs d'avant-gardisme. Mais fausse audace, pour moi, contrainte nulle, originalité faible depuis Dujardin, Joyce ou Kerouac ; j'y sens toujours comme une incapacité à se plier à des règles simples, en l'occurrence l'identification et la séparation de thèmes, d'autant que, dans ce roman, on peut aisément rassembler les idées et rétablir les alinéas ; je n'entends pas du tout ce qu'on gagne à de tels « amas ». N'importe, c'est un détail de toute façon, mais je n'aime pas que quelque chose, même de purement formel, soit inutile dans un livre.

Le roman est le récit à la première personne d'un SS, Maximilian Aue (j'ignore si ce nom a existé, je ne veux pas encore me laisser détourner de mes impressions spontanées par des recherches ; mais je garantis bien que je les mènerai après, et que j'en rendrai compte). Ce personnage, d'une stricte obéissance et d'une grande foi dans la légitimité de sa hiérarchie, est dès le départ, on le devine, promu à quelque place au rang des officiers : ce n'est pas, d'ailleurs, qu'il soit particulièrement zélé ou absolument imprégné de doctrine nazie, mais c'est un être instruit, pensant, méthodique, et généralement attentif à être efficace.

L'oeuvre entière se construit, à travers lui et ses diverses missions sur de nombreuses zones de conflit, comme l'exploration rigoureuse de toutes les caractéristiques essentielles de la Seconde Guerre Mondiale, à peu près des premières conquêtes jusqu'aux derniers instants de la capitulation allemande : imprégnation idéologique, processus opportuniste et conflictuel des carrières, extermination des Juifs « à l'extérieur » ou dans des camps, batailles significatives dont celle de Stalingrad, retraite de Russie, bombardements de Berlin, etc. Il y a, et c'est certes un défaut, un aspect par trop systématique, pour ne pas dire invraisemblable, à promener le narrateur précisément sur tous les lieux et dans toutes les situations les plus symboliques du conflit, mais c'est un parti pris qui se défend par le souhait d'une certaine édification, convention qui rencontre, en tous cas, la merveilleuse difficulté de l'érudition ; or, il faut bien admettre que l'oeuvre est d'une remarquable précision, d'une rigueur presque tranchante et monstrueuse, d'une probable exactitude jusque dans les descriptions minutieuses des décors et qui donne le sentiment que l'auteur lui-même a visité les plaines hivernales de Pologne ou les grands monuments d'architecture berlinois qui furent détruits et sont aujourd'hui remplacés. Et c'est sans parler, encore, de toute cette véritable « démence » de vérifications chronologiques qu'il a fallu faire, de tout ce travail minutieux, infinitésimal, de recherche sur les noms, les grades, les faits et leurs circonstances ou même sur leurs simples « probabilités de réalité » (dans mon édition, un lexique final explique les abréviations des différents services militaires et paramilitaires allemands cités). Il se dégage de ces pages, pour le moins, une sensation de vérité historique qui passe tout ce que j'ai personnellement lu sur ce conflit, et qui ne tient pas seulement à la longueur de l'ouvrage : c'est qu'il a fallu, de toute évidence, déployer une prodigieuse fouille de données ainsi qu'une mémoire colossale pour porter jusqu'à ce point de détails – sans que, visiblement, rien ne soit, par négligence ou par paresse, laissé de côté, comme il arrive pourtant souvent et assez innocemment quand un auteur cache une formalité qu'il ne veut pas, ou n'a pas besoin, d'indiquer dans son livre – le récit méthodique d'une guerre. En cela, l'oeuvre est impressionnante d'informations et de crédibilité, c'est presque davantage, si l'on veut, un documentaire qu'un récit, bien que, je l'assure, sans toutes les listes rébarbatives et fastidieuses ni toutes les conventions de pédantisme qu'on rencontre parfois dans les oeuvres d'histoire. J'ai même, à quelques moments du livre, ressentit la façon dont, par le luxe de situations et de détails significatifs, le roman peut s'analyser comme une somme, une véritable synthèse, de tout ce que j'ai personnellement lu sur le sujet.

Et c'est là une autre qualité du livre : il est écrit avec un style infiniment rigoureux, certes un peu sec comme son personnage – je veux dire par là que Aue n'étant un contemplatif qu'à de rares occasions, c'est surtout par la fermeté de son caractère et par son souci pointilleux de vérité que le mot, toujours, tombe juste, retentit nettement, sans approximation de tournure ni proverbe imbécile –, mais travaillé, ciselé, consciencieux, et épargnant au lecteur toutes les facilités à la mode – c'est probablement en cela, et par comparaison (mais je n'en suis pas sûr) ce que le vulgaire appellerait un « roman difficile ». le labeur de l'écrivain se mesure ici à des virgules devenues aujourd'hui un peu antiques, à des licences d'énumération capables de lasser les gros amateurs de zapping, à des atermoiements sur des infimités simples – comme certaines descriptions – et en vérité nécessaires à l'esprit de nuances mais que le grossier jugerait dérisoires sans doute et rédhibitoires. On distingue, dans ce style, tous les signes d'une recherche de l'efficacité à rendre une idée subtile et à transmettre des images très exactes.

En cela, Jonathan Littell, dans un monde d'amateurs et de dilettantes, est un écrivain.

Il est seulement dommage que, par moments rares et plutôt vers la fin, l'auteur paraisse se lasser de cette rigueur et explore soudain des manières disparates et plus désordonnées – phrases à peine ponctuées, interminables sans nécessité, accumulation de vulgarités écoeurantes – comme si, pour rendre secrètement hommage à quelque écrivain de son admiration, l'auteur avait cru devoir travestir son style et instaurer des pastiches contrastant singulièrement avec le reste de son style.

Le choix du point de vue allemand dans le roman lui donne fondamentalement plus qu'un intérêt historique, documentaire, ou même littéraire : philosophique, bien souvent. Il ne s'agit pas du tout, ici, d'une convention mièvre, d'une façon de pardon, d'un tour affecté de bonne compréhension humaine et pleine de délicatesse touchante à l'égard des perdants de cette guerre, ni même encore d'une façon d'exagération manichéenne, d'un froid regard de dédain et d'horreur porté sur des coupables monstrueux et conspués, d'une accusation de principe établie d'emblée contre Hitler et toute son effroyable bande. À l'instar du Rudolph Lang de Robert Merle, Aue n'est pas un monstre ou une victime. Il ne se définit lui-même ni comme l'instigateur d'un crime, ni comme une obéissance passive ou contrainte : il a fait son travail généralement avec conviction mais sans plaisir, lucide, souvent dégoûté et même sceptique quant aux méthodes mises en oeuvre pour atteindre efficacement aux rêves de puissance du Führer, ne tolérant pas ce qu'il pourrait appeler « l'indiscipline » ou « l'indignité » des cruautés dont il est pourtant témoin. Et c'est précisément cette ambivalence réaliste, loin de toutes les simplifications d'usage et des grossières manipulations de la vérité, qui fait de cette oeuvre un roman audacieux, inquiétant et risqué, où le Bien et le Mal apparaissent avec une rare relativité, et où l'instabilité des certitudes morales crée, chez le lecteur, un certain vertige et, probablement chez le plus veule et frêle, un désir de scandale.

Avec cette oeuvre, Littell se trouve au seuil de l'immonde, le seul endroit qui, pour parler de quelque méfait de petite ou de vaste ampleur, mène la pensée véritable à quelque chose de profond.

Ce roman ne nous épargne aucune réflexion troublante, aucune délibération impossible, aucune description impitoyable de la réalité crue. Des Juifs, surtout, sont exterminés de bien des manières sous les yeux de Aue – et les nôtres –, et c'est comme s'ils étaient effectivement là, devant nous, à mourir ignominieusement, comme s'il n'y avait qu'à réfléchir à la bonne façon d'abréger cela, notre SS n'étant pas foncièrement autre chose qu'un humain qui répugne aux carnages et qui, continuellement et sans complaisance, « recherche des améliorations ».

Cette alternance, d'ailleurs, de faits pratiques et brutaux et d'effets d'intériorité troublée, crée quelquefois de ces déséquilibres, du moins des longueurs, que le lecteur habitué à un peu plus de sélection n'est pas loin de trouver inutiles. Je veux dire que le souci constant de Littell (ou de Aue) de rapporter les moindres détails réels, y compris les moins nécessaires, les moins éloquents, les plus évidemment dérisoires – comme cette manie systématique de décrire des espaces naturels prétextes à maintes brèves envolées lyriques plutôt vaines mais de bon aloi ; comme la narration pointilleuse des déplacements nombreux enchaînés sans ménagement sur une même page (le narrateur lui-même, à la fin, s'en exaspère infiniment et non sans une certain insolence, on le sent excédé de cette habitude au point qu'il malmène le lecteur comme si c'était sa faute et en disant à peu près : bon, je ne vais pas toujours tout vous raconter comme cela, il faut que ça finisse ! C'est, à mon avis, le symptôme que Littell lui-même s'est fatigué à son propre procédé) ; ou, surtout, comme le récit récurrent des cauchemars de Aue, cauchemars dont le lecteur devine évidemment l'artifice narratif, celui qui consiste à transmettre le sentiment d'un gouffre mental par l'invention et la représentation tout arbitraires d'une imagerie en acte, d'une psychanalyse appauvrissante, bête et affreusement symboliste, procédé fréquent qui non seulement interrompt le récit mais quelquefois sur des dizaines de pages, après quoi on ne se retrouve pas foncièrement renseigné sur l'état de santé mentale du protagoniste – ce souci de tout dire, en somme, ce refus de choisir et qui fait à la fin un livre si épais, est peut-être ce qu'il y a le plus à reprocher à Littell : c'est qu'un écrivain doit élire, et que ce livre ne nous épargne ni les « ça va ? » de certains dialogues ni les anodines urines de son protagoniste.

Et puis, parmi ces détails, on trouve, par effet de mode je pense, toutes les volontaires et complaisantes mentions du bas corps, légitimes certes à dire les vérités patentes de la mort, mais si délibérément exposées que même le lecteur se blase à de pareils outrages : il n'est pas un rêve de Aue, par exemple, ou des femmes n'aient de la merde sur les jambes, les rapports sexuels du personnage sont tous anormaux – et je ne parle pas de son homosexualité – : son goût est à décrire la façon dont il aime à être le receveur de toutes les sodomies de prostitution, et le lecteur doit admettre, assez tôt dans le livre, qu'Aue, qui est en fait hétérosexuel, refuse de coucher avec une femme parce qu'il souhaite conserver le souvenir exclusif d'avoir maintes fois, enfant, couché avec sa soeur jumelle ! Tous ces turpitudes sont, à ce qu'il me semble, inutiles et outrées, proprement superfétatoires, rendant moins scabreuses, par accoutumance du lecteur, les scènes où des « opposants » sont exécutés ; et, chose moins pardonnable selon moi, elles ont surtout pour rôle, à ce qu'il me semble, de créer une sorte de fascination pour l'horreur, non sans se servir de cette vague contemporaine, de cet engouement, sans nul autre avantage que publicitaire, pour la baise et le choquant.

Cela m'agace toujours un peu quand j'ai le sentiment qu'un auteur écrit telle chose pour plaire et pour vendre, ou pour se situer dans son époque parce que cela agrée tant des critiques qui voudraient avoir déniché, on ne sait pour quel profit, des écrivains « représentatifs de leur temps ».

C'est d'ailleurs le paradoxe du livre, sa faille essentielle à mon avis, qui est que tout ce qui touche à la psychologie fine et individuelle, à la création d'une identité, au récit de fiction en somme, est contestable ; tout ce qui, en-dehors des faits strictement historiques et vérifiables, relève du choix et de la création d'un auteur, est douteux et bancal. On a l'impression d'un écrivain qui suivrait l'histoire véridique d'un officier, qui, retraçant scrupuleusement une partie de l'histoire de sa vie, visiterait les lieux que ce dernier a vus, qui s'efforcerait de rendre compte le mieux possible de toutes les conversations auxquelles il a probablement participé, de toutes les actions dont il a été l'acteur ou le témoin, mais qui, incapable de composer quelque chose de neuf, je veux dire de « fabriquer de la fiction », en resterait à cette exactitude plausible et circonstanciée – d'où l'impression exacerbée de documentaire. Car Aue, dans sa dimension de personnage, n'est pas vraisemblable ; il ne l'est presque jamais : il n'a pas de volonté, n'agit pas à proprement parler – tout le roman se construit comme un ensemble d'ordres qu'il reçoit et auxquesl il s'efforce de répondre seulement du mieux possible –, et chaque fois que Littell doit faire oeuvre d'imagination ou d'intrigue, cela tombe comme une bizarrerie ou une outrance. le peu que l'auteur extrapole de son personnage en-dehors de ce que tous les SS typiques devaient être à peu près – j'entends avec leurs convictions, leurs doutes et leurs comportement indissociablement humains – sont ces rêves ennuyeux et vulgaires, la passion d'un personnage pour sa soeur qu'il rêve toujours d'enculer, ses rancunes d'adulte d'avoir été quitté par elle pour son mari, ses aspirations aux rapports brefs et violents, et puis, vers la fin du livre, toute une relation d'actes incompréhensibles et inqualifiables, volontairement déviants pour faire sensation, et qui commencent à faire – et c'est fort dommage – de Aue un grave névrosé, un pur détraqué, jusqu'à ce délire idiot où, récompensé par Hitler qui s'est retiré dernièrement dans son bunker, il mord carrément le Führer au visage pendant que celui-ci lui épingle une médaille, parce qu'il le trouve petit, fatigué et malodorant (je ne crains pas même de dévoiler cette fin tant il est évident qu'on ne lit pas ce roman pour y parvenir) – le tout généralement plongé dans une sorte d'indifférence vague où la pensée est rapportée comme une sorte d'épuisement.

Et il en va ainsi de tous les personnages nettement fictifs du roman : ce ne sont à peu près que des silhouettes déformées, exagérées, inhumaines, en particulier ce Mandelbrod, sorte de cacique SS obèse et flatulent, incarnation stéréotypée d'une espèce de mafia nazie, parlant à demi par énigmes, toujours accompagné d'au moins une de ses trois servantes indissociables en uniforme ; ou bien ces deux policiers qui interviennent contre Aue dans la seconde moitié du roman, apparaissant presque toujours en des lieux et à des moments invraisemblables, dont les interrogatoires, aux répliques exactement complétées comme s'ils n'étaient qu'un même homme, opérés avec le traditionnel carnet d'enquêteurs d'où il ressortent au débotté et comme par magie les moindres renseignements dont ils ont besoin, prouvent nettement qu'ils ne sont pas dissociés dans l'esprit de l'auteur, et font, à cause de cela, penser à des caricatures de Dupond et Dupont, jouant de toute évidence les rôles de pures utilités interchangeables et tout à fait ridicules, au point qu'il ne vaut pas même d'indiquer ici leurs noms, qu'on confond et qu'on oublie aussitôt.

Littell, comme beaucoup d'auteurs aujourd'hui, ne sait pas finir un livre : il lui faudrait une capacité à imaginer des faits éloquents pour être un grand romancier, il n'a que celle de retranscrire avec exactitude et effets ce qu'il se représente, ce qui n'est déjà pas si mal. C'est d'ailleurs un défaut récurrent dans notre société de la création, avec tant de moyens, de ne savoir inventer des idées – comme il apparaît avec tant d'évidence en général quand on écoute une chanson moderne ou qu'on regarde un film contemporain.

Quant au titre, je n'y ai rien compris jusqu'à la fin, et la dernière phrase où il figure inopinément me semble un pur prétexte à faire l'original et le plaisant au moyen d'un paradoxe (le titre des parties, également, m'est une énigme ; je crois qu'il y a là du cuistre et du précieux qui insiste, mais c'est peut-être seulement parce que je n'ai pas saisi). J'ai supposé que ce titre était une référence pédante, incompréhensible à la plupart, aux Érinyes, ces déesses grecques de la vengeance, mais c'est une hypothèse bien frivole et qui repose sur peu d'éléments : il faut enfin que je m'en aille consulter un peu des ressources extérieures pour me faire expliquer ces choses, pourtant il faut bien entendre que si moi je n'ai pas compris, la référence est certainement inaccessible pour la ma
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Compliquer à lire, Histoire noir et dérangeante mais tellement passionnant et prennant, je l'ai entrain depuis sa sortie (j'ai honte) mais je ne désespére pas le finir malgré sa complexité.
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Je donne dès le départ aux Bienveillantes la palme très personnelle de la couverture la plus hideuse. Je reconnais la difficulté de résumer le livre par une image, mais j'aurais aimé quelque chose de plus inspiré que ce détail en gros plan d'une oeuvre d'art que j'imagine moderne.

Or donc, Les Bienveillantes sont un vrai succès commercial. Les chiffres de vente sont énormes, comme si tous les ménages français avaient acheté un exemplaire du roman. Bien évidemment, beaucoup de monde l'a acheté, donc peu de monde l'a lu. Car un Goncourt, ça se montre, ça ne se lit pas.

Je vous pitche : Max Aue est un SS plutôt éduqué qui se débat entre son homosexualité et son amour incestueux pour sa soeur tandis que sa carrière le promène sur différentes lieux iconiques de la guerre où il fait son travail : rédiger des rapports.

Le roman est dense. 1400 pages qui mitraillent à tout vent et qui touchent beaucoup de thèmes. Bien évidemment, c'est avant tout le point de vue d'un SS sur la guerre, mais étrangement, ce n'est pas (au début du moins) un boucher. Même si son travail est de trouver des solutions pour accélérer le massacre, il émet des réserves sur certaines pratiques. Sa haine des juifs est mitigée, il reconnait la logique de leur élimination mais n'est pas prêt à tout pour y arriver. Mais les rapports qu'il rédige sont remplis d'une inhumanité qui ne laisse aucun doute sur sa folie institutionnelle. Si Max Aue ressemble par moment plus à un étudiant du Quartier Latin qu'au SS allememand moyen, la guerre va vite le faire rentrer dans les rangs et achever de le transformer en monstre, jusqu'à d'étranges épisodes psychotiques qui laissent le lecteur sur l'impression que cette autobiographie est parfois bien mensongère.

La vie à Berlin, la campagne d'Ukraine, le siège de Stalingrad, la visite des camps, un petit passage en France... Max Aue va partout, survie à tout et rencontre tout le monde. Par moment, on a l'impression que l'auteur "en beurre un peu épais". Mais pour une fois que le point de vue est allemand, on se laisse aller à une certaine indulgence quand à l'invraissemblance du récit. (et cet aspect burlesque de l'enquête qui le vise). Car ce qui est mis en scène est tout sauf glorieux. Si au début les victoires et les espoirs allemands sont énormes, la réalité politique et morale est elle toujours aussi médiocre. Les protagonistes sont constamment plongés dans des petites luttes stratégiques pour prendre du galon, mettre en difficulté un collègue et s'attirer les faveurs d'un plus haut gradé. C'est l'arrivisme qui semble être la cause première de la défaite.

Évidemment, c'est étrange de lire un roman de 1400 pages sans avoir une once de sympathie pour le personnage principal. Autant la littérature ou la télévision nous offrent parfois des salopards qu'on aime détester, autant là, Max Aue est haïssable, malgré ses faiblesses qui humanisent son portrait de bourreau. On sait à l'avance qu'il perdra son combat, sa froideur analytique sur les problèmes de gestion des juifs est insultante à souhait, sa vie privée le conduit de plus en plus loin dans un amour dénaturé... et pourtant, les pages défilent. Fascination malsaine, j'en conviens aisément. Mais curiosité, envie d'être de l'autre côté du miroir pour une fois, d'échapper à cette autre forme de propagande que sont les éternelles histoires de resistance héroïque ou d'opérations militaires homériques avec des alliés nobles et bons contre des nazis forcément dotés de tous les défauts du monde.

Une partie de ma curiosité était de savoir comment Max Aue allait, une fois la défaite consommée, échapper à ses responsabilités. C'est hélas un aspect de l'histoire que l'auteur esquive totalement. Il s'en sort, point barre. Je comprends difficilement comment, mais il survit à tout ça, malgré ses psychoses pourtant très envahissantes et meurtrières.

Autre chose qui m'a rebuté : le language. Accumulation de titre en allemand, de sigles plus ou moins obscures, de citations non traduites... Entrer dans le récit est très difficile, car la narration débute de manière très directe en plongeant le lecteur sous une tonne d'informations. Je dois avouer que bon nombre de protagonistes étaient pour moi indifférentiables, et les arguties linguistiques sur les dialectes du Caucase étaient parfaitement incompréhensibles pour ma petite personne.

Bref, un livre bourré de défauts et de qualité. Une fois le livre terminé, il faut aller lire sa page sur Wikipédia. Vous y retrouverez toutes les accusations plus ou moins fondées, les hésitations morales, les critiques les plus acerbes (j'adore en particulier les critiques concernant le niveau littéraire du roman. Jonathan Littell est américain de naissance, alors il est possible qu'il ait glissé quelques anglicismes dans son manuscrit. Mais de là à le condamner au bûcher... Au passage, le premier livre de Littell était un roman cyberpunk). À lire certains critiques, le simple fait que je me sois intéressé à cette lecture démontre que je suis un petit nazi moderne. Je comprends parfaitement l'inconfort des survivants de la Shoah vis à vis de ce genre de roman. Je comprends même très bien Claude Lanzmann quand il dit que "La fiction est la transgression la plus grave dans une histoire pareille." Mais à l'heure où des gens comme Robert Faurisson sont encore applaudis, je pense que c'est se tromper d'ennemi que d'attaquer ces Bienveillantes.
Lien : http://hu-mu.blogspot.com/20..
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Ca faisait longtemps que je n'avais plus posté dans cette section, pour cause, moins de temps pour lire et il faut dire aussi que ce n'est pas un petit bouquin.
Je dois avouer que j'avais une certaine appréhension avant de commencer ce livre, mon premier goncourt .
Par où commencer, ce n'est déjà pour moi pas un art que de faire des critiques, mais sur ce livre, je dois dire que je ne me sens pas à l'aise.
Ce que j'ai aimé :
Le soucis du détail dans son texte, les discussions entre les différents protagonistes,...
Ce que j'ai moins aimé :
Tous les termes sur les grades, j'ai trouvé ça un peu lourd, je ne suis d'ailleurs pas allé me référer au lexique (trop fastidieux), j'ai donc essayé de me faire une idée de la hiérarchie allemande, même problème pour les différents départements ou organisations.
Ce qui pourrait choquer :
Le langage parfois cru du Dr. Aue sur ces moeurs assez spéciales pourraient heurter certain esprits.
En finalité, je l'ai trouvé assez bien, certain passages plus lents mais dans l'ensemble un bon livre.
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Roman qu'il faut avoir lu car il ne peut laisser indifférent.
Apologie ou critique du national socialisme ?
Liberté individuelle et destin collectif .
Le côté obscur qui est en chacun de nous.
De grands thèmes forts bien abordés dans un style alerte. On pourrait croire que l'auteur est vraiment le personnage central de ce roman de plus de 900 pages.
Dommage cependant que les explications sur l'organisation de l'Allemagne soit décrit de manière beaucoup trop longue et avec d'innombrables abréviations.
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Roman très long, Les bienveillantes est un recueil de mémoires d'un officier SS dans le monde de la guerre, du nazisme, de l'Europe occupée, des civils persécutés. Comme Dante, l'auteur nous fait traverser cet Enfer, en nous livrant ses réflexions, et découvrant sa personnalité atypique et un peu fantasque. Évidemment, on a trouvé ce roman bien trop long pour ce qu'il contient, et on ne voit pas où l'auteur veut en venir. le personnage ère sans but dans l'Europe, avec ce désagréable sentiment de ne pas savoir quoi penser de son parcours. Mais c'est une fresque assez crue, donc assez prenante de cet Enfer horrible.
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