Dans l'éventail de la littérature capverdienne traduite en français, ce roman incarne l'emblème de l'île de Santo Antão, la plus verte et mystérieuse, souvent couverte de brume, remplie de contes et de légendes…
Mais rien de merveilleux ici, au contraire : une chronique de la difficile vie d'agriculteur, arrachant à la terre sèche le peu qu'elle puisse donner, attendant la pluie comme un improbable Godot : ces haricots et ce maïs, doit-on les semer ou bien finir par les manger ?
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Le roman se divise en deux parties, d'abord parmi les paysans de la Ribeira do Norte, leur vie de tous les jours, pleine de doutes malgré les espérances, avec ces conversations sur le temps qu'il fait revêtant une réelle importance, où chaque membre de la famille apporte sa pierre à l'édifice de la survie.
On suivra ensuite un fils renégat, parti vivre dans les montagnes caché parmi les pierres, détroussant masqué les rares voyageurs encore chargés de vivres, et les étranges rapports humains qui pourront lui advenir.
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C'est très triste, tout simplement.
La vie d'avant le « confort moderne » avait ici, à Santo Antão, un caractère beaucoup plus tragique.
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La reforestation des montagnes a aussi permis de réduire considérablement les effets délétères de ce vent chargé de sable venant du Grand Désert, loin là-bas sur le Continent ; cette Terre finalement étrangère pour nous autres insulaires, hybridation physique et mentale avec la lointaine Europe, l'Afrique étant au moins aussi étrangère.
Pourtant cette illusion de modernité, de sécurité, ne devrait pas faire oublier la perte de cultures et de savoirs anciens aujourd'hui à l'oeuvre. le béton remplace partout la pierre, et les architectes — comme une majorité de ce que devrait être « l'élite » intellectuelle du pays — feraient rougir de honte un troupeau d'ânes bâtés.
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La littérature capverdienne n'est aujourd'hui plus qu'un souvenir.
il reste bien quelques oeuvres anciennes à traduire : les écrivains ne servent plus qu'à illustrer les billets de banques (bien qu'on les remplace par d'autres artistes à mesure que l'on modernise leur impression) ou à nommer les écoles, un livre ne servant forcément qu'à étudier ou à prier.
Elle a pourtant connu son heure de gloire…
Les éditions Sépia ont fortement contribué à sa diffusion (ainsi que Chandeigne et
Actes Sud époque
Hubert Nyssen ) ; ce petit laïus à l'occasion de la lecture de son dernier roman traduit…