Depuis le congès de Tours, l'ambiance s'est considérablement dégradée pour l'équipe Lapie-Teyssedou-Fau. Tous trois subissent un harcèlement continu de la part de l'équipe Guyau. Leur travail est entravé ou remis en cause, leurs rendez-vous sabotés: "Qauand on partait négocier quelque chose dans un ministère , il y avait un coup de téléphone avant notre arrivée... Les dialogues à l'intérieur de la FNSEA sont impossibles, réduits à des enguelades continuelles ; l'ambiance est de plus en plus invivable: "On n'était plus dans le débat, on butait sur du sectarisme. "
Miche Fau évoque, encore blessé, l'ingratitude de Guyau qu'il avait fait élire au poste de secrétaire général du CNJA avec la voix de Teyssedou quand lui, Fau, présidait le CNJA...Il lui a fallu des années pour se remettre de l'inhumanité de ces relations : "Quand vous arrivez, le matin au petit déjeuner et que le directeur ne vous dit pas bonjour, que le secrétaire général n'est pas au courant de ce que fait le président... Beaucoup nous ont reproché d'être partis ; mais les gens n'imaginent pas ce qu'on a vécu! Fallait le vivre! C'est odieux."Les ragots vont en effet bon train: "On nous en a mis, sur le dos!On disait que j'étais le porteur d'eau de Teyssedou pour qu'il soit calife à la place de Guyau. Ou l'inverse suivant les jours. L'amitié qui lie les trois hommes les fait tenir. Ni Fau, ni Lapie ne répondront aux sollicitations visant à les désolidariser de Teyssedou. L'esprit vif et brillant de ce dernier témoigne d'une domination intellectuelle insupportable pour l'ego du président Guyau qui voit en lui un conccurent possible.
Enfin ils sont contre les subventions qui orientent ou soutiennent la production( prime pour faire du maîs, du tournesol, etc.). De leur point de vue,il s'agit de concurrence déloyale à leur égard. De leur part, c'est en fait, auchoix, pure hypocrisie ou simple figure de rhétorique : les fermiers américains sont autant, voire plus subventionnés que les paysans européens, mais pas au même moment de leur activité! Chez eux, les aides ne sont pas liées directement à la production , comme en Europe....
Les farmers ne sont pas subventionnés pour semer un type de céréale, ils ne bénéficient pas de prix garantis, mais d'un "prix espéré"(target price) en fonction duquel ils souscrivent une assurance sur leur récolte. ETle gouvernement américain subventionne les assurances...Il faut compter avec les achats massifs du gouvernement pour l'aide alimentaire mondiale. Enfin, le maintien du dollar à des taux artificiellement bas favorise les exportations de l'oncle Sam.
Théorie que vont développer Claude Servolin et Jean Weil dans une France sans paysans. Les "trois agricultures" y sont définies à la fois par les caractéristiques de leur exercice géographique, par leur type de production et par leur profil économique. La première agriculture est celle "d'une minorité prépondérante " et spécialisée du Bassin parisien( céréales, betteraves) et du Languedoc( vignes, riziculture). La deuxième englobe les régions laitières ( Ouest, Est, Sud-Est). Le reste du pays porte des zones mixtes entre ces trois catégories.
Le cordon n'est pas définitivement coupé avec la FNSEA. Les enguelades avec les copains et voisins "réformistes" qui choisissent de rester dans le syndicalisme majoritaire et dans la Coopération vont maintenir une "passerelle" entre les hommes et entre les idées. Nombreux sont ceux qui pensent qu'une"position de gauche" est plus forte quand elle est portée par une tendance minoritaire à l'intérieur du syndicat , que si elle est devenue ultra-minoritaire à l'extérieur. Encore faut-il pouvoir exister en tant que minorité à l'intérieur du syndicat , ce qui n'est guère possible-ou très difficile à vivre-dans une structure aussi peu démocratique que l'appareil de la FNSEA.
En pourcentage, la ligne contestatrice a recueilli 43 % des suffrages , mais le scrutin a été faussé par l'inscription au dernier moment de délégués n'existant que sur le papier , grâce à l'apparition de cotisations acquitées à la dernière minute et accord des mandats supplémentaires, notamment à des jeunes du Bassin parisien, du nord de la France, des Pyrénées-Atlantiques (département de Louis Lauga, président régional aligné sur Paris). On voit alors un département comme la Seine-et-Marne totaliser plus de cotisants et donc plus de votes qu'il n'y a de jeunes agriculteurs dans tout le département!...
DÉBAT ALIMENTATION ET AGRICULTURE avec Corinne ROYER, Gilles LUNEAU, Denis LAIRON, Gilles PEROLE