Depuis que Tonya et lui s'étaient séparés, il surfait de temps en temps sur le Net à la recherche de sa déesse du sexe. En tant que pro de l'investigation sur la Toile, il n'ignorait pas que ses chances de la retrouver par ce biais étaient quasiment nulles. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Et encore. L'aiguille était vraiment là. Quelque part. En se concentrant et en persévérant, on pouvait la retrouver. Certes, la fille existait mais elle ne se promenait peut-être pas sur Internet. Curieusement, cette incertitude donnait encore plus de sel à sa quête.
Si seulement il lui avait demandé son nom, ses chances se seraient multipliées. Mais à l'époque, songeant qu'elle n'était qu'une rencontre éphémère, il pensait que moins il en saurait d'elle, plus vite il l'oublierait.
Pourquoi voulait-elle rencontrer cet homme s'il lui fallait prendre autant de précautions ? Parce que, malgré ses craintes, cette perspective déclenchait en elle des poussées d'adrénaline… L'inconnu et le mystère qui entourait cette aventure l'excitaient. Si « l'Homme des Cavernes » était aussi lisse et parfait que les vétérinaires avec lesquels elle travaillait, elle n'éprouverait pas ces sensations déroutantes. Elle pourrait envisager un mariage d'amour et un avenir serein, au lieu d'avoir l'impression de s'écarter irrémédiablement du droit chemin et de tous les objectifs qu'elle s'était fixés.
Ils ne s'étaient rencontrés qu'une heure ou deux auparavant, sur cette plage très spéciale qu'elle avait découverte le dernier jour de ses vacances. Seule une force surnaturelle pouvait avoir poussé une jeune fille raisonnable comme elle, Suzanne, originaire de Vancouver, Canada, vers l'aventure de sa vie.
Elle soupira de plaisir en observant les reflets du soleil sur les vagues. Jamais elle n'oublierait cet après-midi. Cet homme. Peut-être aurait-elle aimé connaître son nom, savoir d'où il venait, ce qu'il faisait. Mais de tels détails prosaïques n'avaient pas leur place dans cet enchantement.
Malgré sa puissance impressionnante, il s'était soumis à elle, lui laissant les rênes, et ce pouvoir inattendu était tellement excitant, tellement érotique qu'elle avait parfois l'impression de perdre pied.
Jamais elle n'avait éprouvé une telle sensation. Jusqu'ici, elle pensait avoir un corps sain et solide. Mais sensuel ? Non, pas vraiment.
Et voilà qu'elle n'était plus que volupté. Comme son fabuleux amant. Pour la première fois de sa vie, elle était avec un homme, pas un lycéen ou un étudiant : un homme, un vrai. Auprès duquel elle se sentait femme.
Elles avaient sympathisé quand, après le deuxième cours, elles étaient tombées d'accord sur le fait qu'une conversation autour d'un bon repas bien arrosé était beaucoup plus efficace pour relâcher lés tensions- qu'une heure de contorsions sur un tapis, à essayer de ressembler à un bretzel. Leur peu de points communs conférait à leurs échanges un intérêt particulier, et des liens d'amitié solides s'étaient peu à peu tissés entre elles. Depuis, leurs soirées du lundi étaient devenues sacrées.