Quel plaisir de se plonger dans un chef d'oeuvre de rhétorique, et de voir la manière dont on se défendait devant les tribunaux de la Grèce antique. En un temps où la maitrise du langage et de son usage pour convaincre constituait une des bases de l'éducation, que l'on gagnerait à retrouver aujourd'hui, à notre époque où une partie de notre jeunesse, faute d'avoir développer ce type de capacité, en est réduite à user de ses poings au lieu de développer des arguments par la parole.
Et ce ne sont pas les seules réflexions dont ces textes nous offrent l'occasion, s'agissant d'une époque où la démocratie était dans une situation d'instabilité permanente, et venait à peine d'être rétablie après un épisode de dictature oligarchique.
L'introduction est vraiment passionnante dans sa description du contexte social et politique de ce temps dont une meilleure connaissance serait de nature à enrichir la pensée et peut-être l'action de nos gouvernants d'aujourd'hui. À la fois sur le danger des dérives de la démagogie dans une société démocratique, et sur l'usage que des tyrans sont amenés à faire de dérivatifs pour détourner l'attention du peuple sur leurs échecs, comme ces pogromes anti-métèques (Lysias était un métèque).
La seule lecture de l'introduction à ce texte vaut bien des chroniques des pages "débats" de nos journaux.
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Lysias se présente comme une victime des Trente. Son frère Polémarque a d'abord été arrêté et exécuté. Ruiné et persécuté en tant que métèque, Lysias décide donc d'intenter un procès à Eratosthène qu'il juge responsable de la mort de son frère. Ce discours de Lysias est d'une grande force. Il semble d'ailleurs l'avoir prononcé lui-même à la différence de ces autres discours écrits pour ses clients. Lysias cherche ici à faire naître une certaine émotion, en présentant sans retenue et sans nuances sa douleur face à la perte de son frère. Mais les jurés du procès ont préféré soutenir un semblant de paix civile en acquittant Eratosthène. Un très beau texte antique mêlant le politique et l'intime.
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Les crimes de ces hommes sont si graves et si nombreux que, voulût-on mentir, on ne saurait proférer contre eux d'accusations plus graves que les faits, et qu'à s'en tenir à la réalité on ne peut tout dire : fatalement, ou bien la force manquera à l'accusateur, ou bien le temps lui fera défaut.