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sur 161 notes
Invité par l 'Institut français de Brazzaville d 'animer des conférences , l 'auteur saisira cette occasion pour joindre
l 'utile à l 'agréable et ainsi revoir sa famille , son pays qu il a quitté depuis vint-trois ans et surtout revoir sa chère ville natale de Pointe-Noire là où il a passé son enfance et son adolescence .
Durant son absence ,bien de l 'eau a coulé sous les ponts du pays et beaucoup d 'événements y eurent lieu .En
1960 , le pays accéda à l 'indépendance .Peu de temps
des violences éclatèrent entre les Nordistes et les Sudistes
pour le contrôle de la manne pétrolière .Les premiers soutenus par les Français et les autres par les Américains
Arriva ensuite , l ' ère socialiste .Le président Marien Ngouabi est assassiné .Une période trouble et violente pour un pays nouvellement indépendant .
Durant son absence ,Maman Pauline est décédée suivie dix ans plus tard par Papa Roger .L 'auteur n 'assista pas aux obsèques ni de l 'une ni de l 'autre pour la simple raison qu 'au Congo la tradition voudrait que les enfants
regardent le défunt et leur parlent dans l 'oreille .Cette tradition est traumatisante pour l 'enfant ce qui explique
sa phobie de ne pas s 'approcher d 'eux .
C 'est l 'occasion pour l 'auteur de revoir ses cousins , ses
cousine , ses tantes et ses oncles .
l''auteur aura l 'occasion de se rendre aux anciens établissements où il a étudié à Pointe-Noire .
Les gens viennent le saluer et lui parler car l 'auteur du
fait de sa réussite sociale est devenue la fierté de ses
compatriotes .
Ce roman est un livre de souvenirs chers à l 'auteur .La nostalgie est omniprésente et on relève l 'amour qu 'il éprouve pour les différents lieux qui représentent des jalons de sa vie d 'enfant et d 'adolescent
Un retour vers le passé ou une introspection .

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Après vingt-trois ans d'absence, Alain Mabanckou revient au Congo pour écrire un livre sur sa famille.

Quelques années plus tôt, quand ses parents sont morts, il n'a pas fait le voyage — pas par manque d'amour, mais plutôt par phobie des cadavres. Cette peur remonte à l'enfance, quand la tradition voulait qu'on expose les défunts afin que chacun, même les enfants, leur disent adieu en leur parlant à l'oreille. Aujourd'hui, invité par l'Institut français pour des conférences, il va rencontrer des membres de sa famille, des amis et des Congolais. C'est l'occasion de se retourner sur son passé d'enfant et d'adolescent ponténégrin.

Il redécouvre la ville de Pointe-Noire : la basse ville, le bord de mer, son ancien lycée. Les gens le reconnaissent et lui racontent ce qui s'est passé pendant son absence. En 1960, le pays a acquis son indépendance. le contrôle du pétrole a entrainé deux guerres civiles qui ont opposé les Nordistes et les Sudistes soutenus, les uns par les français, les autres par les américains. Puis il y a eu la période marxiste avec Marien Ngouabi et Denis Sassou Nguesso. Et aujourd'hui, après un exil en France et des élections très contestées, Sassou est revenu au pouvoir.

Au-delà de l'histoire politique, Lumières de Pointe-Noire est un roman qui parle de l'Afrique traditionnelle, de la mort et du rapport aux morts. Alain Mabanckou revient sur les croyances, les coutumes et les superstitions de son pays. Quand il retrouve sa famille, chacun attend de lui qu'il donne un cadeau. Il ne doit pas regarder l'hôpital, ni visiter ceux qui y sont, car cela porte malheur. Sur la parcelle de sa mère, deux chaises vides sont disposées, une cousine lui chuchote à l'oreille : « c'est ton père et ta mère qui sont assis sur ces deux chaises ».

L'auteur a illustré son roman avec des photos. Et symboliquement, les personnages photographiés semblent ne pas prendre la vie (et la mort) au sérieux.

Alain Mabanckou n'est pas allé sur la tombe de ses parents. Ce n'était plus nécessaire puisqu'ils se sont retrouvés pendant ce voyage, « ils sont venus vers lui ».
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A sa maman Pauline, à sa ville lumière. Après avoir évoqué ses souvenirs avec Papa Roger en regardant survoler des cigognes à l'âme éternelle, je retrouve mon ami Alain. On s'est croisé, tu m'as souri, je t'ai écouté, j'étais enchanté, alors je te considère comme un ami, tu étais trop occupé, une file s'était amassée derrière moi, attendant que tu leur dédicaces ton dernier roman, une foule en délire surchauffés presque comme contre le combat entre Mohamed Ali et Georges Foreman au Stade du 20 Mai à Kinshasa. Tu étais donc bien occupé, comme quand tu rentres au pays après un voyage vers l'Europe et les Amériques de plus de 25 ans. Sinon, penses-tu, je t'aurais invité à boire une bière, derrière la Boite à Livres, et je t'aurais écouté pendant des heures et des heures, évoqué le quartier Trois-Cents de ta ville Pointe-noire et ses lumières dans la nuit noire illuminée juste par quelques étoiles et quelques sourires de ces filles et de ce grand écrivain que je suis et bois du regard avec mon verre cassé.

Tu as rarement l'occasion de revenir, même pour les funérailles de maman Pauline tu t'es abstenue, le coeur déchiré, c'est donc l'occasion de revoir tes tantes et tes oncles, tes cousins et maintenant tes neveux, la famille est toujours aussi grande et vit dans des parcelles aussi petites. Mais la chaleur des souvenirs en ferait presque oublier le soleil de Santa Monica et ses corps huilés. Ici c'est l'huile d'arachide que tu sens, de grandes marmites de poulet qui se mijotent dans des cuisines et des mamas en pagnes. Ici c'est la poussière des rues qui se soulève sous les sandales des enfants qui courent, comme le sable de la plage de Santa Monica emporté par les roues des gros quatre-quatre aux vitres teintées. Maman Pauline n'y est plus mais son âme y est restée. Elle te regarde, et te guide à travers les souvenirs qui te restent de ta ville d'enfance, ta ville avant que tu ne débarques en France. Tu retrouves ainsi ce vieux cinéma Rex, transformé en église ou en mosquée. Tu retournes à ton lycée Karl-Marx, bien sûr les professeurs ont changé, les tiens sont retraités ou décédés. Il y a même une plaque qui t'y est dédié. Car tu es devenu un homme important, plus même qu'un président. Tu es là pour faire survivre ton quartier, ta ville, ton pays. Tes souvenirs deviennent nos souvenirs, j'ai l'impression d'avoir partagé quelques intimités avec toi, je te suivrai d'ailleurs où tu voudras, surtout si tu voudras boire une bière avec Robinette.

Dans la poussière de Pointe-noire, j'y suis et je vois ses lumières, ses culs que j'admire sous la lune - oups ses sourires devrais-je dire sinon tu vas rire -, et dans la fureur d'un Black Bazar, j'y retournerais encore, l'air hagard mais certainement pas par hasard. Mon ami Alain, une nouvelle fois, tu m'as marabouté... comme Killian M'bappé.
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Pointe-Noire Congo vingt -trois ans qu'il est parti! Invité par le centre culturel français à Pointe-Noire Alain Mabanckou revient au Congo; sa mère Maman Pauline est décédée en 1995, son père adoptif Papa Roger 10 ans plus tard.
Il va brutalement reprendre contact avec la ville de son enfance, avec sa famille les 8 enfants de Papa Roger et leurs cousins et descendance. Il arpente les rues essayant de retrouver souvenirs et fragrances enfouis au fin fond de sa mémoire.
Un récit intimiste , un chant d'amour, un effort de mémoire et de transmission.Je ne sais si découvrir l'oeuvre d'Alain Mabanckou à travers ces lignes était le mieux mais j'ai été subjuguée par son écriture et je me suis promise de partir bien vite à la découverte des romans précédents..
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J'ai bien aimé ce retour aux origines de l'auteur, plus de 20 ans après son départ d'Afrique. On ressent toute l'émotion d'un homme qui retrouve ses racines , son enfance, des conditions de vie qui lui sont devenues étrangères, le fantôme de sa mère, le dénuement omniprésent. Il n'appartient plus vraiment à ce pays, et pourtant... il se retrouve dans ces gamins qui sont heureux de jouer en tongs avec un pneu dans la poussière.
Un beau récit sur l'enfance et le deuil ainsi qu'une description haute en couleurs de Pointe-Noire.
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Il a bien cru qu'il n'y retournerait jamais. Mais après 23 ans d'absence, il est revenu, pendant un mois, sur les terres de son enfance et de sa jeunesse. Toute l'oeuvre d'Alain Mabanckou est en grande partie autobiographique mais Lumières de Pointe-Noire l'est encore davantage. Un vrai récit sur les racines qui, cette fois, ne se pare pas des artifices de la fiction. Quoique. Avec l'écrivain d'origine congolaise, toute scène s'évade peu ou prou du réalisme et semble appartenir plus au registre du roman que du documentaire. Il est donc de retour, l'auteur de Verre cassé et il revoit les personnages, certains ont inspiré ses livres, et les lieux qui l'ont formé à la vie. Tout a changé et pourtant il retrouve des atmosphères qui lui sont familières comme s'il n'était jamais parti. C'est un film qui se déroule sous les yeux de l'auteur, chaque chapitre en porte un titre, avec des flashbacks qui remontent à loin, quand Mabanckou était un petit africain. Les portraits se succèdent, celui de la mère, dont il n'a pas assisté aux obsèques et dont il ne visitera pas la tombe, en premier lieu. Les morts et les vivants se côtoient naturellement et apparaissent tour à tour dans ce livre cocasse, nostalgique, ironique et généreux. L'émotion est là, bien sûr, mais l'auteur la tient en laisse dans un style plus sobre et moins concassé que d'habitude. C'est son livre le plus personnel, celui des souvenirs enfouis et de la constante fuite du temps.
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Ce livre est probablement l'oeuvre la plus intimiste d'Alain Mabanckou qui ici ne se cache pas derrière ses personnages.
Il profite d'une invitation à Pointe Noire pour retrouver de la famille (au sens large) laissée en arrière vingt trois plus tôt.

On se plonge dans son enfance, sa famille, et en même temps dans les contes et légendes africains, qui permettent de comprendre la culture et l'éducation africaine. Notamment la place de la femme, de la mère dans la société, la place de l'enfant unique qu'il était, pestiféré car responsable du malheur de ses parents pour avoir ‘'fermé à clé le ventre de sa mère''. En même temps, cet enfant unique est censé avoir des dons. L'enfant qu'il était dit qu'il les cherchait, mais on peut dire aujourd'hui qu'il s'en est trouvé un, le pouvoir de son écriture, les évocations qui se cachent derrière chaque histoire racontée. Remarquez en passant la puissance de cet incipit, qui nous plonge immédiatement dans le vif du sujet.

Ce livre, c'est un retour dans le passé, à travers les petits cailloux du souvenir qui permettent de reconstituer le chemin parcouru. Ces souvenirs ne sont pas totalement inconnus, du moins pour les lecteurs de Demain j'aurai vingt ans. Un enfant était le narrateur du roman, et cet enfant avait le vécu d'Alain Mabanckou. Ce roman criait de vérité, tandis que ce récit autobiographique est peuplé d'histoires.

C'est donc un récit comme un exutoire, les chapitres rappellent des films. Cela doit lui permettre de se libérer des fantômes du passé, depuis la mort de ses parents. Il n'est pas nécessaire de se rendre sur la tombe d'un proche pour s'en souvenir, le cadre de vie est imprégné des personnes qu'on aime.

A lire pour mieux comprendre ce qui a forgé une oeuvre prolixe.

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Ce livre autobiographique ne m'a guère emballé et pour tout dire je m'y suis fort ennuyée. D'abord, l'écriture très plate,m'a plus fait penser à un compte-rendu qu'à un récit. D'autre part les remarques concernant les traditions africaines sont noyées dans un ensemble de souvenirs personnels qui n'intéressent pas forcément le lecteur lambda. N'est pas Pagnol qui veut et le récit des souvenirs d'enfance demande à mon avis moins de lourdeur.
L'auteur donne à chacun de ses chapîtres le titre d'un film ou d'un livre (notamment ceux de Pagnol !) et sans doute se croit-il drôle. C'est loupé.
Bref j'ai lu des récits sur la vie en Afrique infiniment supérieurs à celui-là, qui, concernant sans doute surtout son auteur, ne m'a interpellé d'aucune manière.
Dommage, j'aurai aimé en apprendre plus sur la vie au Congo.
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Qu'il est frustrant d'aborder l'oeuvre d'un auteur par un livre comme Lumières sur Pointe-Noire… Il s'agit d'un récit autobiographique, auto-sublimé, auto-décrypté, auto-complimenté, auto-commenté… L'auteur le dit lui-même, Lumières sur Pointe-Noire est une clé de lecture pour son oeuvre entière, pour sa vie aussi.

Mais si l'écriture y est envoûtante, si les images, les parfums, les sons y sont palpables, nets, intenses, le lecteur souffre d'un dangereux manque de liberté lorsqu'il aborde ce texte.

Impossible, d'abord, de laisser son imaginaire travailler les figures des personnages, puisque chacun de ceux que le lecteur serait amené à croquer pour lui-même sont donnés en photographie à la fin des chapitres.

Il n'y a aucune place pour le code, ou le non-dit, l'écriture est peut-être douce mais le récit est grossier. C'est un reportage que nous donne à voir Alain Mabanckou, avec toute la violence des images que cela implique. Non pas que ces visages soient dérangeants, mais seulement parce qu'ils nous forcent à réduire à néant notre travail de lecteur. L'auteur nous dicte chacun de nos mouvements. Il nous dit comment il faut penser, comment il faut imaginer, quand il faut être triste, ou quand il faut avoir pitié. Ce manque de modestie n'est pas seulement déroutant, il dégoute.

L'auteur le dit aussi, il est rentré au Congo pour écrire un livre. Qu'il ressente le besoin de recharger sa batterie d'écrivain ne pose a priori aucun problème. Ce qui dérange, c'est qu'il cherche à le cacher derrière un acte de deuil.

Avec sa famille, il semble honnête cependant. La distance froide qui le sépare aujourd'hui de ceux qui ont partagé son enfance est à peine voilée. Il semble vouloir nous présenter les personnes qui ont inspirées les personnages de ses romans. Et pourtant, comme victime de sa propre fiction, il parvient difficilement à nous masquer sa propre déception. Et pour combler ce manque, il agrémente son récit de légendes, de gris-gris, de fruits exotiques et de souvenirs, car au moins, les souvenirs, eux on peut les saupoudrer de fiction sous couvert des années.

Pièce centrale de son oeuvre, sa mère. le deuil est grossier, et il sonne faux. Qui sommes-nous pour juger ? Certes, mais en nous ouvrant la porte de ses souvenirs, l'auteur prend le risque de partager son deuil avec le lecteur. Or pour ma part, je ne peux accepter ce rôle de légitimation. Tout d'abord parce qu'il nous est imposé : nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter que le portrait de cette femme dans sa chambre d'hôtel représente sa mère, et que son geste final l'autorise à rentrer, serein. Peu nous importe, finalement, qu'il n'ait pas envie d'aller sur la tombe de ses parents. Alors pourquoi ressent-il tant le besoin de s'en justifier ? le portrait de cette femme, dans sa chambre, était là depuis le début –et il nous précise même que depuis des années, il n'a jamais quitté cet emplacement. Alors, comment s'empêcher de penser qu'arrivé à la fin de son voyage, comme arrivé à la fin de son livre, l'évidence lui ai apparue, terrible : il a oublié son deuil. Alors tout à coup, il tombe sur ce visage, nous en parle, nous dit que c'était elle, que ça ne pouvait être qu'elle. Forcés d'y croire, lui-même y compris, il ferme la chambre de son hôtel, l'air satisfait. Il peut cocher la case « maman » après avoir coché la case « livre » et la case « cousins ».

C'est cette prétention qui enveloppe le texte qui, malheureusement empiète sur la beauté de l'écriture de Mabanckou dans Lumières sur Pointe-Noire.

Ce récit est donc bien plus un reportage qu'un roman. Il s'agit bien plus d'un scénario que d'un morceau de littérature… de quoi décevoir ses plus fervents lecteurs, et rebuter ses potentiels nouveaux adeptes…
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Alain Mabanckou Lumières de Pointe -Noire – Seuil –( 19,50€- 282 pages)

Alain Mabanckou aura attendu vingt-trois ans pour effectuer son « retour au bercail », sorte de pèlerinage , à l'instar de Dany Laferrière dans l'Enigme du retour.
Invité par l'Institut français de Brazzaville, en 2012, l'auteur en profitera pour retrouver des ponténégrins et renouer avec ses proches tout en alimentant le terreau pour le livre qui retracera ce séjour. le récit alterne passé et présent, conjugue la veine autobiographique et une fresque qui capte la vie dans les rues, les bars et la foule anonyme, sorte d'état des lieux du Congo.
L'auteur nous ouvre des pans plus intimes en insérant des photos de son album familial en fin de chapitre.
Le roman débute par une confession d'autant plus touchante qu'il s'agit de révéler pourquoi l'auteur avait choisi d'occulter ( en 1995) la disparition de sa mère: « atermoyer le deuil ».

Tout en brossant un sincère portrait de Pauline Kengué , figure féminine déjà évoquée dans de précédents romans. Il met en exergue les qualités de business woman « chevronnée ». Sa maturité précoce lui permit de percevoir ce que sa mère lui taisait. Avec émotion et gravité il se remémore son enfance, leur relation filiale et leur ultime tête à tête. Les dernières paroles de cette mère, pétrie d'abnégation, sont à jamais gravées : «  Mon petit,ne me déçois pas », « Deviens celui que tu voudras devenir... »et scellent une douloureuse et poignante séparation. Les références culturelles s'infiltrent dans la description de la « bicoque » digne d'un roman de Sepulveda ou Hemingway. Alain Mabanckou témoigne de son attachement viscéral au « patrimoine familial ».
Son enfance a été baignée de légendes rattachées à la lune,( « l'oeil céleste», fête du Sacrifice) et de prophéties, de croyances ( présence d'un corbeau) qui lui ont laissé de profondes empreintes, tant il fut rempli d'effroi à la vue de Massengo, cet épouvantail ou d'un corbillard.

Autour de Pauline, gravite une famille exponentielle. Parmi cette fratrie,un bataillon de cousins, on croisera les figures les plus marquantes. Son géniteur ayant déserté, Papa Roger sera son père de substitution, autodidacte qui lui inculqua le goût des mots, la curiosité, l'ouverture d'esprit. Il l'initia à la lecture de la presse, « lectures du monde » et à l'usage du dictionnaire pour enrichir son vocabulaire (apocryphe).Il développa son appétence pour« la fragrance de la pomme verte ». Pathétique sa rencontre avec «  mère Teresa », qui veilla sur sa croissance et qui n'est plus qu' « une loque humaine », en état de déliquescence. Avec Grand Poupy, « tombeur de ces dames », il revisite ses frasques amoureuses. Yaya Gaston sème le trouble, grisé d'être un personnage de roman.
Il est impressionné par « ces petits anges »qui lui collent aux basques et veulent une photo avec lui.

Alain Mabanckou convoque aussi les disparus « personnages ensevelis dans les ténèbres » et les ressuscite en évoquant des tranches de vie ( chasse nocturne). Il découvre le sens des chaises vides.

Le narrateur est perçu différemment selon les personnes croisées. Quand on a renié sa famille depuis des décennies, on doit s'attendre à prendre des claques et recevoir un tombereau de reproches. Pour certains il est le « grand frère », pour d'autres « petit frère », ou encore « l'Américain ». Pour les plus jeunes de sa fratrie, il est « une apparition, une ombre... »
Il incarne l'écrivain que beaucoup rêvent de devenir,celui qui vit chez les Blancs,qui passe à la télé. Pour Grand Poupy il était devenu « un affabulateur public ». On devine un fossé entre lui-même et les autochtones, devenu un étranger, dans leurs échanges. N'est-il pas « déconnecté de la réalité »?
Le cinéma Rex marqua l'enfance de l'auteur au point de donner aux chapitres de la seconde partie des titres de films, traduisant les références cinématographiques de l'auteur.

En parallèle s'esquisse la façon dont le narrateur a engrangé ses connaissances au fil de sa scolarité, fréquentant très tôt la bibliothèque. Il prit plaisir à mystifier ses camarades en leur contant ses fictions. Il reste imprégné par ses cours de philosophie qui lui forgèrent l'indépendance d'esprit.

L'auteur sait alterner gravité et scènes plus légères, matinées d'humour comme les leçons de drague, l'incident du kundia. Avec auto dérision , il revient sur sa naïveté quant à sa lecture dans l'ordre alphabétique. Avec tendresse il évoque sa confusion quand il découvrit que sa mère lisait le journal à l'envers, elle qui se sentait exclue de la complicité de son fils et Papa Roger.


Alain Mabanckou radiographie la vie congolaise: port de l'uniforme dans les écoles, levée
des couleurs et hymne national, pénurie de médecins qualifiés, rejet de l'anglais, méfiance des Blancs. Il aborde la religion ( catholicisme supplanté par l'église pentecôtiste), la prostitution.
Il ne partage pas la vision d ' « un paradis de misère », au contraire il nous conduit vers « les points de lumière » que savent débusquer les enfants. Pour eux le bonheur se niche dans un pneu, des tongs, l'imaginaire prend la relève. L'auteur souligne l'esprit solidaire,l'euphorie collective.

En filigrane défilent le passé colonial une nation marquée par les stigmates de « la traite négrière » , les conflits nordistes/sudistes,la guerre civile,jusqu'à son indépendance en 1960.

Avant de s'envoler pour Paris, l'auteur, « oiseau migrateur » confie ce qu'il n'a pas fait, aurait dû faire. Une pointe de nostalgie accompagne ses adieux à sa « concubine », car il subodore comme C.M. Cluny qu' « il y a des lieux que l'on pressent ne jamais revoir, des êtres ne jamais revoir ».

Alain Mabanckou signe un roman touchant dans lequel il tente de s'amender après avoir été taraudé par tant de culpabilité et d'ingratitude. Voilà «  l'oubli, l'indifférence réparés », mais peut-être achetés par ses enveloppes laissées discrètement à ses proches. Récit ponctué d'anecdotes, de souvenirs immarcescibles servi par une écriture épurée, une plume « corrodée par le sel des regrets ». Un livre-mémoire, empreint de tendresse, d'amour, de déférence.
Une bel hommage d'un fils à sa mère. Inutile d'attendre d'être à la lettre M pour découvrir cet auteur couronné en 2012 par le prix de l'Académie française.
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