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Marc Restellini (Directeur de publication)
EAN : 9782953054613
240 pages
Pinacothèque de Paris (23/11/2007)
4.57/5   7 notes
Résumé :

Quel est le but de Soutine ? Peut-être de nous laisser confrontés simplement et uniquement à son oeuvre, clé centrale du personnage et de sa vie, seule oeuvre expressionniste en France, si différente de celle des expressionnistes allemands ou autrichiens, faute d'être liée au contexte politique de l'époque. A la différence de Schile, Kirchner, Grosz ou Nolde, Soutine ne dénonce rien ; aucun message politiq... >Voir plus
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Chaïm Soutine, peintre moderne (1893-1943) né à Smilovitchi en Russie impériale.

Je te parlerai ..
(Ou le Cèdre bleu)

Soyons clairs, je n'aime pas tout de Soutine, il y en a une pelletée que j'écarte d'emblée, dédaigneusement : ses villages couchés, tordus, ses viandes, ses sur-épaisseurs de peinture dont je ne suis pas client qu'on appelle vulgairement des croutes, ses désordres intestinaux si j'ose un mauvais jeu de mots... Heureusement qu'il a sauvé ses portraits de ces affreuses tortures à la Bacon que je déteste..

Peintre maudit, on le dit, il le fut je pense, bien que cet attribut me gêne toujours ; il a tiré le diable par la queue, son vivant n'a été qu'une suite de difficultés de tous ordres, mais c'était je pense un brave type qui ne faisait pas de concessions - pourquoi dût-il en faire d'ailleurs -, assez ombrageux, il faut bien le dire. Peut-être quand il peignait, il ne fallait pas trop aller lui demander l'heure ! Il croyait dur en ce qu'il faisait, en solo le plus souvent car la société lui faisait un peu peur. Sa santé n'était pas des meilleures ..d'où un confort existentiel précaire .. En aurait-on fait une brute, plutôt que peintre maudit qui semble classer l'affaire !.. Si l'exigence n'est pas chez un artiste, où est-elle alors ?

Là, je viens à lui, parce que j'ai vu dans la dernière gazette Drouot, en couverture, un magnifique paysage de l'artiste, un arbre comme un cèdre je pense avec des branches bleues qui occupe massivement la toile, un bleu sur bleu. J'ai flasché sur cette peinture et comme j'avais déjà parlé ici de Soutine, je me suis dit je vais en reparler. J'ai flashé aussi sur ce cèdre bleu en souvenir de mon père au Liban, alors en guerre ..et je ne vois pas qu'on l'ait mieux représenté ce Liban. Voilà tout ! Dans l'adhésion qu'on peut avoir pour une peinture, on y plaque autant de soi-même, et se crée un sentiment d'appartenance... Si l'alchimie a des secrets bien gardés, en voilà un qui peut expliquer ..

Une fois mort, - un artiste émigré de plus du pays des frimas à mourir jeune, ce n'est pas MH17 qui me contredira - sa cote monte évidemment, elle atteint aujourd'hui dans le marché de l'art un niveau tout à fait respectable et amplement mérité. D'autres de l'école de Montparnasse ou de Paris comme on voudra n'ont pas forcément suivi cette progression et n'ont pas eu cette chance si je puis dire, mais curieusement ont mené une vie plus décente.. Il en va des vies posthumes comme de l'air du temps.. parfois injuste, parfois cruel, oublieux, capricieux, mais dans le fond est-ce que toute oeuvre était faite pour résister au temps ? Combien d'appelés, combien d'élus ?

J'aime bien aussi ses portraits qui sont nombreux, j'y vois une parenté d'exécution avec Modigliani : ils se côtoyaient. C'est le Montparnasse des années 20. J'ai vu dans son oeuvre aussi des accents expressionnistes ..J'ai vu de visu des peintures de lui à la Pinacothèque qui a fermé depuis. Mon souvenir est un peu lointain. Il faudrait que j'aille me replonger dans l'univers soutinien, en visionner sa production.

En fait ses toiles dont il en torture la représentation devaient lui ressembler, quelqu'un de mal dans sa peau, comme un chien battu. Il voit les humains et les choses faites de leurs mains comme des natures hostiles qu'il rejette parce qu'il ne trouve pas sa place dans ce monde là qui est parfois dur à vivre quand on vient d'ailleurs, de la Russie alors en effervescence révolutionnaire... Bien qu'on ne sache pas grand chose de sa vie antérieure, ce n'était pas le genre expansif et à cultiver ses misères. Heureusement qu'il a sa peinture, serais-je tenté de dire, comme la tortue sa carapace, même si son rythme était en accéléré, et peut ainsi se préserver du règne des bourgeois sans empereur qu'il ne porte pas trop dans son coeur.

Cher Chaïm, j'irai te voir un de ces quatre, on se parlera, je te parlerai de ta nature morte la plus sommaire que je trouve admirable, des glaïeuls rouges sur fond sombre, presque noir, peut-être que j'aurai plus de choses à dire que ce coup de coeur dans ma vie doublé d'un sens plus intime, un jour qui m'a fait forte impression !.. On aurait dû quand même te donner une part du gateau. Les temps sont ingrats !..PG 7 12 2022
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