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Une expérience de lecture, comme j'aime parfois en découvrir, ce livre « L'alphabet de flammes » de Ben Marcus. Comment cet écrivain américain a-t-il eu cette idée, comment a-t-il pu inventer pareille histoire ? Une épidémie dans laquelle la parole, les mots, seraient mortels. Une épidémie de langage.
Je me plais à imaginer Ben Marcus inspiré par la musique, peut-être par ce titre « Enjoy the silence », du groupe Depeche Mode (chanté plus délicieusement par Moriarty). Oui, rappelez-vous, si je traduis les paroles en français, cela donne :
Les mots comme violence brise le silence
Viennent s'écraser dans mon petit monde
Douloureux pour moi ils me transpercent
Ne peux-tu pas comprendre oh ma petite fille
Tout ce que j'ai toujours voulu, tout ce dont j'ai toujours eu besoin
Se trouve ici dans mes bras
Les mots sont vraiment inutiles
Ils ne peuvent faire que du mal.

Les mots, ceux des enfants, comme sources de douleur, voilà donc l'idée de départ. Non seulement sources de douleur mais carrément mortels. Une épidémie dévastatrice qui pousse peu à peu tous les parents à fuir leurs enfants. Seule la fuite est la solution à moins de les tuer, de leur coudre les lèvres ou de mourir en continuant à les écouter…Finalement tous les mots, même ceux des adultes, mêmes ceux écrits, voire mimés par gestes, deviendront mortels de sorte que le monde sera vide de toute parole, de tout écrit, de toute communication, un monde dans lequel les « sans-paroles » fuiront et s'isoleront. Les enfants, seuls à être immunisés, ont été laissés en quarantaine, séquestrés, et encerclés par une barrière de répulsif vocal vomi par des haut-parleurs ceinturant les zones interdites. Impossibles aux éventuels parents nostalgiques de les approcher sans mourir.

« La toxicité d'Esther avait alors atteint sa haute floraison, et il n'était plus possible de demeurer à proximité de notre fille, étant donné les haut-le-coeur, la fièvre du langage, la marée jaune sous la peau de ma femme, pour ne rien dire des meurtrissures autour de ma bouche ».

Nous suivons l'expérience et les pensées de Samuel, juif sylvestre (Juif pratiquant son culte dans la forêt, dans des cabanes faisant office de synagogues privées). Marié à Claire et père d'une fille de 15 ans, Esther. Dans une première partie il nous raconte comment lui et sa femme ont tenté de survivre à leur domicile avec leur fille, terrible adolescente que l'on aimerait fuir avec ou sans pandémie d'ailleurs tant elle est insupportable. Lors de leur fuite, Samuel va perdre Claire de sorte que cette fuite sera solitaire, effroyablement solitaire. Dans une seconde partie, il nous partage ces recherches visant à trouver un alphabet, une écriture, qui ne soit pas meurtrière au sein d'une sorte d'institut mais ceci sans pouvoir lire, sans pouvoir se relire, sans rien dire, sans mimer…c'est juste hallucinant. Ce livre est hallucinant de trouvailles et d'inventivité !

Ce qui frappe dans ce roman, au-delà de l'histoire, est tout d'abord son niveau de réalisme, tout est analysé avec un réalisme vertigineux. La pandémie est racontée dans ses moindres détails tant en termes de symptômes, depuis les premiers symptômes vagues jusqu'aux dégradations physiques les plus extrêmes, qu'en termes de questionnement quant aux causes possibles du fléau (avant de comprendre la cause véritable), ou encore en terme de stratégies déployées pour tenter de rester au domicile familial coûte que coûte, médicaments et barrières acoustiques de toute sorte étant essayés. En vain.
« Sur nos étagères, il nous restait encore à installer les petits haut-parleurs qui vaporiseraient de fins embruns sonores dans la pièce, une barrière acoustique qui échouerait à couvrir le langage d'Esther ».

Malgré la gravité du sujet, le livre est ensuite truffé d'humour, un humour un peu cynique, notamment sur la famille et l'adolescence, sur le couple : « Au lit, Marta et moi étions tous deux impassibles et d'une extrême inexpressivité faciale ; c'était comme si nous nous opposions dans une course au lavage de carreaux

Parfois un humour d'une noirceur totale : « Un vieil homme arriva sur l'estrade, la tête enveloppée dans de la peau de testicules. Lorsqu'il la frotta et cligna des yeux face aux spots, je vis qu'il ne s'agissait que de son visage pris d'un terrible affaissement couleur caramel. Je ne cherchai pas à comprendre quel type d'expérience, ou quel type de vie, l'avait conduit à posséder un tel visage. Derrière lui avançait un pied à perfusion grinçant. C'est un enfant qui, y étant attaché, le poussait ».

Enfin, une inventivité à la fois réjouissante et étrange colore ce livre au point d'en devenir par moment poétique. J'ai adoré cet aspect-là. Les inventions de Samuel pour fabriquer des médicaments ou trouver un nouvel alphabet sont incroyables.

Le livre a un double message, religieux d'une part, philosophique d'autre part.

Religieux car en effet, la religion, juive, y est très présente, il fourmille d'allusions bibliques. Vous y découvrirez d'ailleurs, je l'ai évoqué précédemment, ce que sont les juifs sylvestres. Cela ressemble à une secte. Je n'ai pas tout compris, je dois avouer, le message qu'a voulu faire passer l'auteur quant à cette pratique du culte juif dans la forêt, si ce n'est que toute pratique religieuse doit être secrète, discrète et tue. Ne rien en dire. Au-delà de cette pratique, je crois avoir compris que cette pandémie constitue une punition divine : l'alphabet entier renferme le nom de dieu, qui ne doit pas être prononcé ou écrit, or en parlant, en écrivant, tout fait référence à dieu, celui-ci s'écrit dans n'importe quel arrangement de lettres. Donc le langage est par définition interdit. « Notre temps dans le langage touche à sa fin ». Ce qui se passe est la punition de Dieu qui frappe son peuple d'aphasie. Cela était prévu dans la Bible « Et ils furent tués avec leurs propres noms…méfiez-vous de vos noms car il est le premier venin ».

Au-delà de ces réflexions religieuses, somme toute assez complexes et à côté desquelles je suis certainement un peu passée, ce qui constitue à la fois un bémol et aussi une réjouissance (pouvoir le relire pour en comprendre davantage), le message philosophique sur le sens de la parole et des mots, sur l'impossibilité de la communication, sur la toxicité du langage m'a vraiment plu.
Ce livre est une ode au silence, qui peut apparaitre comme un soulagement, « le silence forcé était un soulagement. Puisque tout échange verbal était proscrit, nous ne pouvions pas être en désaccord, nous ne pouvions pas déformer ce que l'autre disait avoir entendu. Il n'y avait rien à débattre, rien à dire ; ainsi nous pouvions continuer à partager cette expérience sans que la parole ne vienne jamais l'avilir ». le silence peut aussi permettre de sacraliser un sentiment, de ne pas l'amoindrir ou le déformer en essayant de le mettre en mots. Ce livre est un pamphlet contre la parole, la parole meurtrière, la parole blessante, la parole inutile. La parole toxique. Vénéneuse.

« L'un des enfants s'arrêta sur le trottoir d'en face. Il avait attrapé quelqu'un et maintenant il allait attaquer. Il se baissa, les mains en porte-voix, et se mit à crier. Il aligna des mots bruyants, les projeta entre ses mains comme s'il vidait le magasin de sa tête devenue arme à feu ».

Ben Marcus, il faut dire, est apparemment adepte de l'écriture expérimentale, écriture dans laquelle le langage et la syntaxe dévient des structures que nous connaissons. Il enseigne à Columbia la « creative writing ». Pas étonnant donc que le questionnement sur le langage et les mots soit au centre de son livre.

L'ensemble de ces éléments donne un livre unique et rare, à l'ambiance à la fois oppressante mais aussi curieusement légère, une gravité en apesanteur. Un peu à l'image de ces ballons de fumée, petites poches de vapeur que Samuel perce à l'aide d'une paille à jus de fruit quand il a besoin d'une petite dose pour ne pas mourir. Grave et léger à la fois. Une étrangeté un peu à la David Lynch. Un grand merci à toi @bobfutur, tes livres surprenants ont le don à chaque fois de me cueillir !
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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
ceci est un cri…
je ne sais pas… peut-être pour attirer votre attention…
désolé, je vous ai tourmenté…
(d')après ce livre, je vous aurais sans doute terrassé…
quand le langage tue… littéralement…
…et je n'ai même pas fait exprès de lire ceci après « Le Silence » …et pourtant…
...
Ben Marcus, vous connaissez ? La nouvelle génération d'écrivains américains parle de lui comme d'un génie (dixit George Saunders), et vous ?
On connait les éloges forcés, les panégyriques tarifés, mais là…
Jugez plutôt:
...
« Ben Marcus est de la plus rare espèce d'écrivain : celle qui est nécessaire. Il est devenu impossible d'imaginer le monde littéraire — et le monde tout court — sans son audacieuse, époustouflante et déchirante écriture. »
Jonathan Safran Foer
...
« Ben Marcus est l'un des rares inventeurs de notre langage littéraire. »
Jonathan Lethem
...
« Des échos de Ballard dans ce narrateur malsainement sain, des échos de Kafka dans ce terrible don pour la métaphore, des échos de David Lynch, William Burroughs, Robert Walser, Bruno Schulz et Mary Shelley. Un monde d'échos d'où le génie de Ben Marcus réussit à arracher quelque chose de nouveau et d'inédit. J'ai lu « L'Alphabet de flammes », jusque tard dans la nuit, tournant les pages avec ferveur, je me sentais comme en présence d'un classique. »
Michael Chabon
...
J'arrête là, ça commence à ressembler à du SPAM… la culture française n'aimant pas trop ces exclamations… le génie, c'est l'exception… c'est sous-entendre que les autres n'en sont pas… c'est terriblement inactuel, à l'heure de la bienveillance…
Ou bien on est un génie pour quelques jours, voir quelques semaines, le temps de passer à un autre…
Bref le génie énerve, on le coince dans un coin de la cour et on le bat. Ou pire, on l'ignore…
Moi, j'ai le sentiment que ce Ben Marcus n'a aucune envie de tout cela… de ce marketing énervant… je rebondis d'un mur à l'autre en écrivant tout ceci… Je ne sais pas bien quoi vous dire pour le faire sortir de ce ridicule anonymat…
...
Après « Le Silence selon Jane Dark », sans doute ma plus grosse claque de 2020, ce second livre va encore plus loin, avec une langue plus sobre, moins « expérimentale », et une histoire moins cryptique, diablement efficace (je vous laisse apprécier le résumé ci-dessus). Si vous avez des enfants, c'est encore mieux… (ce qui n'est pas mon cas)
...
Ce livre est une surprise à chaque nouvelle ligne, tout en suivant un schéma rigoureux. Ce n'est pas du « n'importe quoi », du frisson pour intellectuel blasé, sevré de cut-up ou d'Oulipo… c'est juste de la pure invention… malgré la quantité de références que chacun pourrait convoquer.
...
C'est juste énorme…
...
…et me fait découvrir ces belles Editions du Sous-Sol, au catalogue varié et apparemment fort soigné…
...
Pas d'explication à son non-retour dans l'écurie Claro / Lot49 … Quelqu'un ?
...
Donc je termine par un autre cri, en restant poli :
LISEZ-LE BORDEL
...

...
ha oui, zut, il me faut probablement en dire un peu plus pour appâter les rétifs réticents… les relativistes anti-autoritaristes… j'ai mal dormi…
...
Vous y apprendrez enfin le secret des Juifs Sylvestres, comment réussir un gâteau d'anniversaire à sa connasse de fille (l'important, c'est la fumée), la seconde vie de vos mousses d'isolation, et plein d'autres trucs que vous comprendrez sans doute mieux que moi.
...
bisous
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J'ai lu ce roman l'année dernière. Il a laissé une trace remarquable dans un tiroir de ma petite cervelle. Trop riches en réflexions pour mon niveau intellectuel, je n'ai jamais pu trouver les mots pour exprimer mon ressenti à l'aboutissement de ma lecture. D'ailleurs, dans ce roman, il ne faut pas les dire, les mots. Il ne faut pas non-plus prononcer les phrases. Puis petit à petit, ne pas communiquer du tout : la survie en dépens.


Alors pourquoi je m'exprime aujourd'hui sur ce roman? Et bien parce que je viens de visionner un film, qui s'appelle Pontypool et qui fait écho (avec moins de fond, c'est un film de série B) au roman de Ben Marcus. Et puis, il existe cette série (que je n'ai pas encore regardé) Hot Skull où un virus s'en prend au langage.
Et cela m'intrigue.
Qu'est-ce que c'est que cette mouvance, où les mots provoquent des épidémies, où des virus contagieux s'en prennent à la parole, à la communication?
Pontypool est également basé sur un roman (de Tony Burgess, dont j'espère un jour une traduction vu que mon anglais est aussi bon que ma capacité à écrire un truc fluide).
Les mots deviennent des virus. Comment des mots peuvent-ils soudainement devenir un virus, qui se répand par l'écoute ou par prononciation? Imaginez le cauchemar de ne plus pouvoir communiquer avec les gens que l'on aime sous peine de les rendre fous ou de les tuer? Imaginez-vous responsable d'un foyer endémique à cause de ce que l'on a longtemps assigné, le Propre de l'Homme?

Pour plus de contenance, je vous invite à lire la critique de HordeDuContrevent. En fait, je vous encourage à lire ce roman.

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La part des flammes est un roman d'une intelligence diabolique et déroutante. Sous les allures apocalyptiques d'un roman d'anticipation, Ben Marcus y met en scène la fin d'une humanité malade de son langage mais aussi de sa vie intérieure sans porte de sortie. Une très belle découverte que ce roman reconnu mais, sans doute, peu lu.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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A la lecture du pitch de ce roman, je ne savais pas trop quoi attendre. Quelle surprise pour ce livre qui m'a cueillit comme rarement !



Bien des adultes dépérissent dans la monde. Et personne ne sait pourquoi. Mais le temps avance et on commence à comprendre : ce sont les paroles des enfants. Elles sont devenus toxiques et bientôt, il n'y a plus qu'une solution pour les parents : fuir et laisser leurs enfants...



En voilà une histoire qui, si elle se produisait, serait particulièrement horrible non ? Et bien non seulement Ben Marcus va ici la lancer, mais il va la développer autant qu'il le peut en suivant un couple, qui aiment leur fille, Esther, mais qui vont devoir la fuir, tout en espérant trouver un reméde pour pouvoir un jour la retrouver. Et si, à priori, tout cela ne semble pas devoir surprendre, l'auteur méne une réflexion intéressante sur le langage, et sur sa force, sur son importance dans notre société. Car en faisant de cet état une épidémie, puis une véritable pandémie, il transforme vraiment son histoire. Alors son style peut parfois dérouter, le rythme du roman n'étant pas aussi rapide, ni fluide, que ne le laisse penser le nombre de chapitres (57 !, divisé en 3 parties), et votre appréciation dépendra de la facilité que vous aurez à vous plonger dans le roman. Si vous acceptez le côté "intimiste" de l'histoire (qui se concentre essentiellement sur une famille donc), il devient difficile de lâcher le livre. Il n'est pas vraiment nécessaire pour l'auteur de remonter dans le passé de ses personnages pour les faire vivre. Leurs réactions du moment nous fait comprendre qui ils sont. Alors, j'ai parfois été déstabilisé par ce roman, mais je le conseille sans réserve et vais me hâter de découvrir les autres histoires de Ben Marcus !
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Je cherchais un tout autre livre et je suis tombée sur celui-là: couverture attirante, avec ses flammes de couleurs, un titre qui forcément m'intrigue, moi qui m'intéresse aux langages. La quatrième de couverture ensuite: "Ben Marcus est l'un des rares inventeurs de notre langage littéraire", et enfin le résumé: "Entendre la parole des enfants est devenu mortel"! Bref, je ne pouvais pas ne pas le lire...

Malheureusement, et malgré tous mes efforts et ma bonne volonté, je suis passé par beaucoup de phases de déception, jusqu'à la fin - que je ne dévoilerai pas, bien sûr- qui m'a carrément donné envie de laisser tomber, ce que je n'ai pas fait vu qu'il ne restait qu'une dizaine de pages.

-les points positifs: effectivement il y a une recherche stylistique, certaines phrases très évocatrices, un vocabulaire très riche, et une grande imagination.
-Petit-à-petit, tous les adultes d'une région des Etats-Unis tombent malades, se putrifient, se liquéfient se beaucoup d'autres choses par la seule voix de leurs enfants, tandis que ceux-ci s'organisent en bandes pour terrifier les adultes en les agressant verbalement. Ils n'ont, au final, d'autres solutions que de s'enfuir en abandonnant enfants et maisons. En deuxième partie, Ben Marcus prend beaucoup de plaisir à faire jouer, manipuler, découper, coller, transformer toutes les langues rares de civilisations actuelles ou oubliées. Il y a là quelques bons passages.

-les points négatifs: dès le début, j'ai eu des difficultés à saisir la chronologie des faits. Il y a des alles-retours temporels très mal définis, j'ai dû revenir en arrière de temps en temps pour comprendre où j'en étais.
-tout au long du livre, il n'est question que de corps qui saignent, sèchent, se désquament, rétrécissent, et souvent laissent s'écouler un liquide non-identifié. L'auteur prend apparamment beaucoup de plaisir à ces descriptions, ainsi qu'à celles de l'auditor, un objet très étrange, pesque humain, qui sert aux retransmissions radiophoniques, et celles plus générales du centre où le héros se retrouve en deuxième partie. Mais trop de détails tue le détail, c'est bien connu! En tout cas, bien souvent, à cause de cette surabondance, je n'y comprenais rien. J'ai eu beaucoup de mal à visualiser les scènes. Ceci dit, peut-être cela vient-il de la traduction...
-Les personnages: la mère et la fille sont à peine ébauchés, impossibles de s'identifier à elles. Les personnages manquent cruellement de psychologie, ils ne sont que des objets servant aux fins de l'histoire.
Enfin, la fin est bâclée, on dirait que l'auteur ne sait pas vraiment comment terminer alors il prend divers chemins, change également de style -tout-à-coup il s'adresse directement au lecteur, vingt pages avant la fin - et finalement, je comprends ses doutes, cette fin ne sert pas à grand-chose...

J'aurais adoré aimer ce nouveau roman et avoir le plaisir de découvrir un auteur émergent. Je pense que ce Ben Marcus pourrait en effet écrire un récit captivant, mais j'ai l'impression très frustrante d'être passée à côté d'un récit qui aurait pu être très beau s'il m'avait permis de le pénétrer.
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Une épidémie aussi étrange que redoutable frappe la société des Hommes, plus précisément celle des adultes, devenus allergiques à la parole des enfants. Une allergie dont les spectaculaires symptômes -rétrécissement et rigidification de la face, fatigue extrême rendant le moindre geste presque insurmontable, aphasie provoquée par la croissance d'un durillon sous la langue- aboutissent, en l'absence de soustraction à ce qui la déclenche, à la mort. La nature elle-même -arbres, oiseaux- semble prise d'une léthargie maladive, asséchée par une soudaine abondance de sel.

Malgré la progression galopante de la maladie, les autorités font dans un premier temps preuve de déni, minimisant l'ampleur du fléau, jusqu'à ce que la réalité les rattrape. En un tragique renversement de situation, les parents doivent bientôt quitter -le terme "fuir" est d'ailleurs plus adapté- leurs enfants, maintenus en quarantaine dans des quartiers dont ils sont devenus la terreur.

Le narrateur témoigne de sa propre expérience et de celle de sa famille, en nous immergeant, sans préambule, au coeur de la crise, nous laissant dans l'ignorance de sa genèse. D'une manière générale, le contexte et l'identité même de ce narrateur gardent un caractère imprécis. Si l'on sait que les événements se déroulent aux Etats-Unis, l'époque, les éléments politiques, sociaux ou historiques s'y rattachant sont passés sous silence.

Au moment où débute le récit, la femme du héros, Claire, est à un stade avancé de la maladie. Pendant qu'Esther, leur fille adolescente, exprime un dégoût haineux pour l'état de fatigue croissant de ses parents, et a de plus en plus de mal à ne pas rejeter totalement les manifestations désespérées de l'attention maternelle, il s'occupe inlassablement de son épouse, expérimente de vains traitements concoctés selon les consignes qu'il reçoit par l'intermédiaire d'un obscur réseau de transmissions souterrain qui lui permet en temps normal de suivre de mystérieux offices religieux. Car le couple est de ces des juifs reconstructionnistes -également désignés comme "juifs sylvestres"-, dont la méthode de dévotion, entièrement secrète, consiste à écouter les messages obscurs de leur rabbin au travers de câbles enfouis sous le sol d'une cabane dissimulée dans la forêt. Pratique qui intéresse fortement un certain LeBov, pseudo expert ayant tiré avantage de la situation pour asseoir une notoriété teintée de mystère, avançant des théories douteuses sur les causes de la contamination, et qui est persuadé que les messages reçus par les juifs des forêts recèlent une solution pour affronter la crise...

Ben Marcus nous engage ainsi dans des questionnements qui ne trouveront pour la plupart aucune réponse et des problématiques orphelines de résolution, et on peut par moments se demander si certaines des énigmes qu'il superpose à son intrigue étaient vraiment nécessaires. Mais là n'est pas, après tout, l'important. La grande force de "L'alphabet de flammes" réside principalement dans l'atmosphère dont il nous enveloppe, nous plombant d'une lente mais pesante sensation de délitement, nous faisant assister à l'insidieuse apocalypse d'une civilisation qui s'éteindrait de trop de paroles, sans avoir compris la source de son mal. Car à quoi tient la nocivité du langage : aux mots ou à leur signification ? Sont-ce les non-dits ou les mensonges, l'écoute ou l'entendement que l'humanité ne peut plus supporter ?

La manière dont l'auteur aborde la relation à l'enfant, à nos enfants, en désacralisant leur innocence, en instillant perversion et volonté de malveillance dans leurs actes et leurs comportements, participe grandement à entretenir le sentiment d'oppression horrifiée que fait surgir la lecture. D'autant plus que s'ils sont poussés à l'extrême, ces comportements -condamnation d'une curiosité parentale jugée comme intrusive, mépris des rituels instaurés dans l'enfance- ne sont pas, et cela contribue à renforcer le malaise, sans rappeler ceux de tout adolescent en quête d'émancipation, la maladresse parfois brutale à laquelle les pousse la difficulté à trouver l'équilibre entre indépendance et besoin affectif se transformant ici en rejet violent et totalement assumé.

Il se dégage de "L'alphabet de flammes" une noirceur et une mélancolie intenses, et pourtant... le combat acharné du narrateur pour sauver sa famille et maintenir le lien corrompu mais indéfectible qui l'unit aux siens, son amour pour eux ne faiblissant jamais, permet la persistance d'une lueur d'espoir, même si elle est ténue et presque invisible...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Un livre qui aurait pu être bon mais qui s'est avéré une déception.
Roman d'anticipation questionnant le langage, nous sommes en réalité plongés dans une bouillie confuse.
La faute à mon sens vient d'une mauvaise traduction. En effet plusieurs incohérences dans le récit, un manque de repères géographiques ou chronologiques et des phrases lourdes, trop lourdes.
Une fin bâclée et floue qui résume un livre, ou du moins une traduction, manquée.
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Je suis tombé complètement par hasard sur ce roman. Je déambulais dans les rayons de la médiathèque à la recherche d'un autre ouvrage et la tranche colorée de celui-ci a immédiatement attiré mon regard. Je l'ai alors emprunté sans trop savoir à quoi m'attendre, le résumé étant prometteur et les commentaires élogieux aposés en quatrième de couverture ne faisant que confirmer cette impression.
Je dirais que c'était pour moi une expérience en demi-teinte. Ni mauvaise ni exceptionnelle. La première moitié du roman était franchement chouette. La suite extrêmement décevante.
Les adultes sont devenus allergiques à la parole des enfants. le moindre dialogue, la moindre phrase, le moindre mot agresse leur peau, touche leurs organes et fait dépérir leur corps. L'exposition à la source de ces maux étant presque inévitable, la mort guette. En l'absence de traitement, les parents n'ont d'autre solution que d'abandonner leur foyer et se réfugier loin de leurs enfants. C'est sur cette base que Sam nous narre son histoire et, accompagné de son épouse Claire dont l'état ne fait que décroître, quitte sa fille Esther.
Tout cela est très engageant même si l'on commence à s'habituer aux romans mettant en scène d'étranges épidémies qui ne frappent qu'une portion de la population et déchirent des familles.
J'ai bien apprécié la première partie du roman, celle qui met en scène l'apparition de la maladie, les premiers symptômes, la cruauté des enfants qui s'acharnent sur les adultes, l'indifférence totale d'Esther vis-à-vis de la santé de ses parents et le départ inévitable. Cette sensation de tension grandissante était vraiment plaisante (et oppressante, bien sûr). La deuxième partie, en revanche, m'a moins convaincu. J'ai vite éprouvé une certaine lassitude devant les expérimentations menées par Sam et LeBov contées à travers des chapitres affreusement répétitifs. Je crois même n'avoir rien compris à toutes ces démarches tant le récit devenait aussi brouillon que les motivations du narrateur. Sam a conscience que ce qu'il fait ne servira sans doute à rien et il nous raconte pendant vingt chapitres comment il s'acharne à faire ces choses qui ne serviront à rien. Doit-on en conclure que ces chapitres ne servent à rien ?
La troisième partie, quant à elle, m'a plutôt surpris et je ne suis pas certain d'avoir apprécié la conclusion.

Globalement, l'idée est originale et la plume est bonne. J'ai beaucoup apprécié le concept de nocivité du langage entraînant la nécessité de vivre dans un monde silencieux. C'est un thème qui prête à la réflexion : oui, une simple parole peut tuer. Mais ce n'est (malheureusement ?) pas vraiment une problématique soulevée par ce roman. Il est sans doute possible de rejeter la faute sur une traduction parfois inégale. Mais la lecture de dizaines de commentaires anglophones m'a conforté dans l'idée que c'est simplement la deuxième partie du roman qui part en cacahuète (avec une note moyenne de 2,88/5 sur Goodreads !).
Un concept de base riche en promesses qui ne sont malheureusement pas honorées.
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À la croisée d'Orwell et de Vian, l'auteur questionne de manière inattendue la langue et le genre même du roman.
Lien : http://feedity.com/hop.aspx?..
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