il y a des rues qui n'existent
que de nuit dans la ville
ce sont elles qui flanchent
en brusques pentes
comme des trous d'air
où le coeur sursaute et semble
abandonner le corps
au seul poids de sa mort
aux fenêtres on ferme
les visages avant les volets
mais on n'éteint jamais
le sang ou la lampe
qui les transperce
(p.39)
qui saurait arrêter ceux qui vont
d’ombre en ombre au-dedans d’eux-mêmes
regards pour rien vers nous
comme des poches vides retournées
et le silence de leurs pas
comme s’ils disposaient pour eux seuls
d’un trottoir de neige
leurs visages aux vitres
appuyés retirés
transparence du verre et de leur nom
là où le vent n’a pas trouvé d’arbre
c’est l’un d’eux qui tremble
d’une émotion de feuillage
matins où l'on vieillit
plus lourdement
du double poids de soi
et de son image
comme si le miroir
avait versé dans le visage
l'eau qui portait son reflet
qui saurait après cela
marcher sans appuyer ses pas
et ne laisser de son passage
qu'un bruit de pluie
dans les branches
(p.30)
Jean-François Mathé .Portrait de l'écrivain Jean-François Mathé, Prix du livre en Poitou-Charentes, réalisé par les Yeux d'IZO.© Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes - 2011