J’ai pris le retour…
J’ai pris le retour pour aller
et les oiseaux qui m’ont suivi
ont perdu leur chant
dans le silence des nuages.
C’est sans cortège
que je suis arrivé
et que j’ai poussé cette grille
qui fait toujours grincer le passé.
J’ai vu la maison plus haute qu’avant
mais le soleil n’avait toujours pas
glissé jusqu’à ses vitres
et je savais qu’à l’intérieur l’ombre
serait comme autrefois
la première et la seule à m’étreindre.
Quand tu t’en vas…
Quand tu t’en vas derrière tes yeux,
ce n’est ni pour dormir ni pour oublier.
C’est pour t’égarer dans la nuit où
l’on ne trouve ce qu’on cherche qu’en s’égarant.
Les chemins de l’ombre sont plus nombreux
que ceux du jour, et eux tu les as parcourus
sans jamais rencontrer personne
capable de t’offrir des mots
auxquels tu aurais aimé répondre.
L’ombre, elle, aime que ton silence
réponde au sien.
Silence, donc…
Silence, donc.
Les mots, souvent, sont des yeux fermés
qui regardent la nuit en eux.
Nuit où en secret leur vient
le ciel clair qu'ils ont à offrir
quand ils seront des yeux ouverts
par ceux qui les lisent.
J’ai demandé…
J’ai demandé à l’horizon
qu’il libère les chevaux
qui étaient allés mourir au-delà de lui.
Qu’ils reviennent où je les attends,
avec ce galop de silence
qui est désormais le leur
et ne réveille pas les pierres.
Il y a ici la nuit et l’herbe des rêves
dans un pré où j’irai les caresser
comme quand j’étais enfant,
comme s’ils étaient vivants.
Ils ouvriront vers moi leurs yeux aveugles
qui ne voient que les souvenirs.
Ce furent des jours…
Ce furent des jours,
encore des jours,
et des nuits peut-être
mais vécues entre des parenthèses
légères comme des rideaux
qui s’écartent avant d’avoir rien retenu.
Il s’habitua à vivre sans rêves,
presque sans sommeils
dans le poing toujours serré sur lui de la lumière.
S’il allumait une cigarette,
il n’en regardait que la fumée légère
où sa vie oubliait un instant
qu’elle devenait une pierre.
Jean-François Mathé .Portrait de l'écrivain Jean-François Mathé, Prix du livre en Poitou-Charentes, réalisé par les Yeux d'IZO.© Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes - 2011