je garde mes jardins
leurs statues sans tête
qui ont toutes
un même visage de ciel
je garde mes jardins
leur neige où j’écris
sans tourner de page
mes mains sont ici
les ailes de l’oiseau
que je leur invente
pour qu’elles me quittent
et me reviennent
tout ce que je jette
au fond de mes puits
remonte en eau claire
je dors sous mes ombres
d’un sommeil sans clé
et sa porte bat
pour que je respire
au centre et autour
des jardin gardés
drapeau pour vent d'ouest
tout un pan de ciel claque
au-dessus du coteau
j'ai l'oeil au corbeau
qui appelle mes arbres
je le vise mais
je tuerai le temps
avant de l'atteindre
je veux qu'il tombe
comme les mauvais souvenirs
dans la neige d'avant ma mémoire
(p.60)
Un ciel à fond plat glisse sur le fleuve. Le matin gris
n’a rien tranché entre la nuit et le jour. Et je me suis
réveillé sans renaître, cueilli dès le premier de mes pas
par une grande main de brume qui m’emporte de rue
en rue. Des murs longés surgiras-tu, qui que tu sois,
vivant visage ? Je te retiendrai dans mes mains, loin
de ton corps qui marche dans une chambre à petits
bruits d’os et d’horloge.
Jean-François Mathé .Portrait de l'écrivain Jean-François Mathé, Prix du livre en Poitou-Charentes, réalisé par les Yeux d'IZO.© Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes - 2011