Ivresse de brocart

Ivresse de brocart, ivresse d'argent.

Au début du XXiéme siècle, à la fin de l'ère Meiji en 1912, le Japon est déjà un grand pays moderne. Bien que le pouvoir impérial soit instauré et soutenu par les grandes entreprises et banques , précurseurs du Japon moderne, le Japon traditionnel, symbolisé par ses samurais, membres de la classe guerrière qui dirigea le Japon féodal durant près de 700 ans, persiste.

Nagayuki est le yoshi ( enfant d'une famille pauvre donné en adoption à une famille riche ) du père Hayato, descendant d'une lignée de samurai. Adopté à douze ans.,élevé strictement dans les préceptes samouraïs il épouse sa fille, Tomiko. Brillant diplômé d'université , il est sollicité par de grandes entreprises pour leurs succursales aux Etats-Unis, ce à quoi le beau-père s'oppose, considérant ces emplois peu digne d'un fils de samurai. Mais quasiment ruiné il "l'encourage" quand même à partir, sans sa fille. Car, à l'époque partir aux États Unis est symbol de futur gloire et succès,.... on retourne au pays " couvert d'or et vêtu de brocart".......Nagayuki doit obéir au père....et surtout ne pas revenir " sans or ni brocart"......réussira-t-il ???
La modernité courbant l'échine aux valeurs ancestrales, dont les durs préceptes samouraïs conservent encore fortement leurs priorités ; La condition de la femme qui ne peut faire des études, soumise à l'autorité du père et du mari se débatant pour s'émanciper; Les milliers de femmes qui embarquent pour les E.U. par le biais de mariages arrangés (ref:" Certains n'avaient jamais vu la mer " Julie Otsuka); le sort des japonais immigrés, qui partent dans l'espoir des beaux lendemains au pays où " l'argent jonche les rues" , se retrouvant dans des tâches ingrats,sous-payés,sous-estimés, mal-traités ( kimins).... composent l'épaisse toile de fond de l'histoire de Nagayuki et Tomiko. Triste récit d'une femme prise dans les filets d'une société machiste régit par des codes d'honneur et de principe ( là aussi deux poids, deux mesures), où la clémence et la tolérance n'ont aucune place.

Un trés beau livre publié en 1997 et apparemment introuvable,mais.... je crois que vous pouvez le télécharger gratuitement sur le site "fr.booksinphiladelphia.xyzivresse_de_brocart ".
Je remercie Tynn dont la critique m'a fait croiser le chemin de cet élégant livre et dont la couverture me plait aussi, beaucoup.

Si votre chemin croise un jour cet élégant livre d'Actes Sud à la couverture en estampe japonaise, prenez le temps de le lire et donnez lui une nouvelle chance. Il ne mérite pas l'indifférence des lecteurs peu nombreux sur Babelio, en dépit de la belle note qu'il affiche.

Hisako Matsubara offre un magnifique portrait de femme cultivée, écartelée entre la tradition et la modernité de la société japonaise en ce début de 20ème siècle. On peut imaginer que l'auteur a trouvé dans son propre parcours matière pour créer ce personnage. Elle même fille de moine shintô, née en 1935, elle fait de brillantes études de théologie, littérature et philosophie, et travaille comme éditeur et auteur aux États Unis et en Europe.

Une réussite bien différente que celle de Tomiko, qui croit voir un avenir brillant dans la réussite professionnelle de son époux et dans son bonheur conjugal, dans un Japon qui s'ouvre au monde, et qui offre des opportunités à l'étranger. Mais c'est sans compter avec le respect des traditions et l'implacable puissante tutélaire des aînés.

J'ai beaucoup aimé ce roman, touchée par ce destin dramatique de femme entre deux cultures et deux époques. Un entre-deux impossible à surmonter pour son émancipation et pour son bonheur en couple, et qui la laisse sur le bord du chemin.

Jeune marié à Tomiko et fraîchement diplômé, Nagayuki semble promis, en ce début du XXème siècle, à un brillant avenir. Mais c'est sans compter sur les idées très arrêtées et d'un autre âge de son beau-père. Pour devenir un homme, affirme ce dernier, il lui faudra conquérir tous les échelons, partir faire fortune en Amérique et revenir "couvert de brocart". Nagayuki se soumet et part.
Au grand désespoir de Tomiko qui reste, esseulée, auprès de son père. le roman développe le thème des espoirs déçus. Nagayuki ne fait pas fortune et peine à survivre dans son nouveau pays. On sent en toile de fond de l'intrigue la lutte entre un Japon éternel figé dans ses traditions, à l'image du père, et un Japon tourné vers l'occident et ses progrès en marche.

Hayato, un riche samourai, adopte Nagayuki, qu'il éduque conformément aux enseignements ancestraux. Quelques années plus tard, Nagayuki qui a réussi brillamment ses études, revient dans sa belle-famille avec son épouse Tomiko, la fille du Hayato. Nous sommes dans une période cruciale de l'histoire du Japon. le pays commence à se moderniser petit à petit. L'Amérique et la promesse d'une vie meilleure se profilent à l'horizon.
Hayato dont l'honneur interdit de parler argent, perd tous ses biens et envoie son beau-fils pour travailler à l'étranger. Commence ainsi une longue attente pour Tomiko qui est restée auprès de son père.
J'ai beaucoup aimé ce livre qui arrive à captiver toute notre attention, malgré que l'action se passe lentement. Avec un mélange réussi de lyrisme et d'ironie, Hisako Matsubara raconte tout sur la mentalité de l'époque et les difficultés des jeunes à s'opposer aux anciens. Tomiko et son époux, Nagayuki en sont la preuve.
Une belle découverte.

Une belle jeune fille, un beau jeune homme, une belle histoire commence.
Un père englué dans le glorieux passé de ses ancêtres samourais, aveuglé par des siècles de tradition qui sont autant de prétextes pour cacher son attachement à un train de vie opulent. Les jeunes, pourtant tournés vers une Japon moderne, seront vite rattrapés par le poids des conventions et tradition séculaire.
Passionnant au niveau culturel !