AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,73

sur 2859 notes
Mauriac n'a pas son pareil pour décrire les monstres.
Mais ces derniers ne sont pas toujours ceux que l'on pense.

Selon moi, l'auteur atteint ici le summum de sa subtilité psychologique pour dénoncer l'ignominie de la bonne pensée, et de notre société irréprochable sous tous rapports.

Le récit n'a pas pris une ride et il est plus d'actualité que jamais.
Un vrai Mauriac enragé.
Commenter  J’apprécie          170
On m'avait souvent parlé de ce roman de François Mauriac. Et jusqu'à récemment je n'avais pas pris le temps de le lire. Et voilà...c'est fait ! Et j'ai beaucoup aimé. François Mauriac écrit sur une femme avec une écriture profonde, délicate et recherchée ce qui rend Thérèse, personnage complexe et pas très aimable initialement, vulnérable, incomprise, tourmentée. Humaine ! Par ailleurs, François Mauriac décrit avec une grande justesse la condition des Femmes qui étaient vouées à des mariages arrangés : le mari, soit elles tombaient bien, soit elles tombaient mal, la belle-famille notamment la belle-mère (ici je dirai vulgairement la belle-doche tant elle est insupportable et détestable), les intérêts financiers et fonciers etc...etc...François Mauriac crée un personnage féminin fort, mal née dans son époque, avide de liberté, émancipée par l'esprit mais prisonnière dans la vie. Toutes ces qualités font que malgré l'acte grave de Thérèse, malgré sa désinvolture, son arrogance mal placée et sa suffisance intérieure, son mépris intellectuel pour les autres, on ne peut pas la blâmer et on peut que mépriser comme elle Bernard son mari et la belle-famille. Ah oui...mépris jusqu'au père ! Aujourd'hui Thérèse aurait fait sa vie comme elle l'entend.

Le seul bémol : les monologues de Thérèse m'ont par moments échappés.
Commenter  J’apprécie          163
Comme pour L'étranger de Camus, on peut se demander ce qui est jugé ici. La tentative d'empoisonnement ou la mauvaise pub faite à la famille par ladite tentative?
La vie de Thérèse n'est pas rose, coincée dans une famille très "Tradition, tradition", alors qu'elle voudrait qu'on la laisse respirer, qu'on lui donne de l'air. Encore une à qui on n'a pas dit que le mariage est un piège et que l'amour, ça compte.
De mon point de vue, Mauriac décrit vraiment bien les états d'âmes, les attentes et les déceptions de cette femme, qui sera abandonnée de tous. C'est un texte dont l'écriture n'a pas vieilli, qui se lit toujours aussi bien.
Un vrai classique.
Commenter  J’apprécie          160
A une époque où les mariages arrangés permettaient aux familles bourgeoises d'associer leurs fortunes et leurs terres, Thérèse Desqueyroux décide de se caser avec un héritier. Personne ne l'y oblige, mais elle n'est amoureuse d'aucun autre homme et sa connaissance de la société dans laquelle elle évolue lui donne le sentiment que c'est son devoir. Sauf que très vite, Thérèse s'ennuie dans les rôles exclusifs d'épouse et de mère, qui lui sont alors imposés par la société en dépit de ses envies et ambitions ; Elle regarde, jours après jours, l'homme qu'elle a épousé avec de plus en plus de distance, d'oeil critique. Elle continue de le chérir en apparence mais s'en détache de plus en plus, jusqu'à avoir du mal à supporter sa présence.


Du coup, quand le médecin lui prescrit de petites doses d'arsenic dont, étourdi, il ne suit pas toujours la posologie, le doute s'immisce en Thérèse, qui entrevoit une délivrance. Devrait-elle lui faire remarquer son surdosage… ? Ou alors vérifier si ça le rend vraiment malade en en rajoutant volontairement…? de non-assistance à personne en danger, Thérèse osera-t-elle passer à tentative d'assassinat ? Lorsqu'elle en sera accusée devant la Cour (par cette même société qui encourage ces mariages arrangés), c'est le témoignage de son mari, désireux d'éviter le scandale et de protéger sa fille, qui la sauvera. Mais encore lui reste-t-il à l'affronter : Comment va-t-il réagir face l'épouse qui a attenté à sa vie ? A-t-elle en réserve une explication convaincante à son geste, et qu'a-t-elle fait exactement ? Y a-t-il eu un élément déclencheur ? Pour le savoir, Thérèse rembobine sa vie depuis l'enfance, lorsqu'elle a rencontré la soeur de son mari…


« Où est le commencement de nos actes ? Notre destin, quand nous voulons l'isoler, ressemble à ces plantes qu'il est impossible d'arracher avec toutes leurs racines. »


*****

C'est en voyant la vie de Thérèse défiler sous nos yeux au rythme de ses pensées, que nous entrevoyons les diverses raisons qui ont contribué à sa descente aux enfers. Une certaine idée du devoir, une héroïne qui étouffe littéralement et aspire à autre chose, un mari qui ne lui correspond pas et en vient à lui répugner… Alors qu'à cette époque, on ne divorce pas ! Les réputations des protagonistes ainsi que celles de leurs familles en souffriraient. Thérèse s'arrange donc avec sa conscience… Jusqu'au jour où un événement la fait réfléchir, la fait rêver de liberté, lui donne des ailes ; et accélère ses décisions.


Le personnage de Thérèse fut pour moi peu attachant car j'ai eu du mal à m'identifier à elle, en partie parce que personne ne l'a forcée à choisir cette vie, à part un sens du devoir et des conventions sociales en trop lente évolution. Et si je comprends en revanche qu'elle ait pu se sentir piégée, étouffée dans cette vie qui finalement ne lui correspond pas, la narration extérieure a mis de la distance entre moi et les pensées de cette femme indépendante et peu empathique. du coup, à côté de son mari qui la traite plutôt bien, elle paraît plus froide et calculatrice – il est vrai que la place des femmes dans la société ne lui a guère laissé le loisir de se montrer sous son meilleur jour. Il faut dire également qu'on l'écoute juste après le procès, alors qu'elle doit être comme anesthésiée par tout ce qu'elle vient de vivre et essaye de réfléchir avec du recul.


C'est en tous cas avec une belle écriture et en très peu de pages que François MAURIAC parvient à nous faire pénétrer dans l'ambiance pesante de cette société moralisatrice et plutôt faite pour les hommes. Il décrit aussi une société bourgeoise qui étouffe sous les conventions et cherche à les contourner un peu désespérément par tous les moyens (que ce soit Thérèse ou, vous le verrez, son mari lorsqu'elle revient à la maison !). Ainsi, deux problématiques s'affrontent dans ce roman : Jusqu'où peut-on aller pour se sentir libre ? Et jusqu'où est-on prêt à aller pour sauvegarder les apparences, à une époque où elles ont tant d'importance… ?


"Mais Thérèse avait obéi peut-être à un sentiment plus obscur qu'elle s'efforce de mettre au jour : peut-être cherchait-elle moins dans le mariage une domination, une possession, qu'un refuge. Ce qui l'y avait précipitée, n'était-ce pas une panique ? Petite fille pratique, enfant ménagère, elle avait hâte d'avoir pris son rang, trouvé sa place définitive ; elle voulait être rassurée contre elle ne savait quel péril. Jamais elle ne parut si raisonnable qu'à l'époque de ses fiançailles : elle s'incrustait dans un bloc familial, "elle se casait" ; elle entrait dans un ordre. Elle se sauvait."


Un court classique agréable à lire, dont la belle plume et l'efficacité ont compensé mon manque d'attachement au personnage.


Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
Commenter  J’apprécie          160
Les grands thèmes de l'univers de Mauriac sont rassemblés dans ce chef d'oeuvre : le poids oppressant des conventions et de la famille bourgeoise, l'opacité de l'âme, la quête de l'authenticité et de la pureté dans un environnement qui les rend impossibles.
Riche en symboles, sondant au plus près les mouvements de la conscience par une construction très élaborée, ce classique donne à voir le style de l'écrivain dans toute sa somptuosité.
Commenter  J’apprécie          160
Thérèse Desqueyroux/François Mauriac
Relisez ce grand classique du roman : vous y trouverez une source inépuisable de réflexion. C'est un roman noir et sinistre qui se vit au coeur de la forêt landaise dans une ambiance délétère. Paru en 1927, il fut et reste considéré comme un des chefs d'oeuvre de la littérature. Inspiré d'un fait divers, il fut sous-titré : « Itinéraire d'une femme libre ».
Tandis qu'elle revient du tribunal, libre, Thérèse se remémore…
Elle n'a jamais connu sa mère. Son père misogyne notoire fut absent. Il se plaisait à dire : « Toutes des hystériques quand elles ne sont pas des idiotes », en parlant des femmes.
Deux personnages s'affrontent dans un terrible silence seulement troublé par le vent dans la cime des pins du hameau d'Argelouse. Thérèse Larroque et Bernard Desqueyroux, attachés viscéralement à la terre, se sont unis pour une mésalliance sous la pression familiale.
« le silence d'Argelouse ! Les gens qui ne connaissent pas cette lande perdue ne savent pas ce qu'est le silence : il cerne la maison, comme solidifié dans cette masse épaisse de forêt où rien ne vit, hors parfois une chouette hululante… »
« La propriété est l'unique bien de ce monde et rien ne vaut de vivre que de posséder la terre. » Telle est la devise de ces êtres qui ne connaissent pas d'autre amour que celui de la terre. D'ailleurs Thérèse s'adressant à Bernard ne disait-elle pas : « Bernard, avec ta peur de la mort ! N'éprouves-tu jamais, comme moi, le sentiment profond de ton inutilité ? Non ? Ne penses-tu pas que la vie des gens de notre espèce ressemble déjà terriblement à la mort ? » Clairvoyance de Thérèse qui va être gagnée peu à peu par la haine de cet homme médiocre et falot, une sorte d'imbécile heureux sûr de lui et autosatisfait.
La rencontre de Thérèse et de Jean Azévédo va bouleverser la mise et ouvrir les yeux de Thérèse. « Ici, vous êtes condamnée au mensonge jusqu'à la mort », lui dit-il. Et de poursuivre : « Regardez cette immense et uniforme surface de gel où toutes les âmes ici sont prises ; parfois une crevasse découvre l'eau noire ; quelqu'un s'est débattu, a disparu ; la croûte se reforme…car chacun ici, comme ailleurs, naît avec sa loi propre ; ici comme ailleurs, chaque destinée est particulière ; et pourtant il faut se soumettre à ce morne destin commun ; quelques-uns résistent : d'où ces drames sur lesquels les familles font silence. »
La lande et son silence suinte l'ennui et Thérèse sombre dans la mélancolie d'autant qu'elle est enceinte : « Je perdais le sentiment de mon existence individuelle. Je n'étais que le sarment ; aux yeux de la famille, le fruit attaché à mes entrailles comptait seul. »
À la naissance de la petite Marie, Thérèse refuse de perdre toute existence individuelle comme les autres femmes de la famille qui ont un enfant. Elle ne peut faire don de sa personne à l'espèce. Elle voit bien la beauté de cet effacement, de cet anéantissement même, mais ce n'est pas pour elle.
La désunion est latente et pesante : « Avaient-ils seulement (Thérèse et Bernard) un vocabulaire commun ? Ils donnaient aux mots essentiels un sens différent. »
Peu à peu Thérèse dans son ennui, sa solitude et sa haine va être aspirée par le crime. Il traduit sa révolte contre un ordre tyrannique et dépersonnalisant.
Est-elle pour autant un monstre ? En tout cas, elle est le modèle de toutes les victimes de la solitude sexuelle, disait Mauriac lui-même.
Inoubliable relecture ce jour de ce bref roman. Chef d'oeuvre.

Commenter  J’apprécie          150
Voilà bien longtemps que je voulais lire ce livre dont mon père m'a beaucoup parlé, celui qui lui a fait aimer la lecture, mais bizarrement je ne l'avais jamais fait. Voilà donc un oubli réparé.
J'ai donc plongé dans le monde froid et noir de Thérèse. On la découvre à la sortie de son procès, alors qu'elle vient d'être acquittée et qu'elle se prépare à rentrer chez elle pour retrouver son mari. Pendant le voyage, elle essaie de démêler les événements et les sentiments qui l'ont amenée à ce procès pour empoisonnement à l'encontre de son mari. Ce qui fait peur dans cette auto-analyse, c'est la froideur avec laquelle la jeune femme dissèque la situation. Aucun sentiment ne transparaît sinon l'indifférence.
Une fois rentrée chez elle, prête à parler à son mari, Thérèse se heurte à la dureté de celui-ci qui lui impose une nouvelle vie pour sauver les apparences. Et cette vie se résume à un mot: la séquestration. Thérèse doit garder la chambre, surveillée par un couple payé par son mari. Celui-ci ne réalisera les dégâts qu'à son retour quelques mois plus tard. Il décide alors de lui rendre la liberté mais en gardant l'apparence d'un couple marié.
Ce roman marque par son ambiance glaciale où les sentiments ne sont jamais vraiment exprimés par souci des apparences. L'introspection de Thérèse est elle aussi froide et mécanique.
Commenter  J’apprécie          151
Je l'ai lu il y a longtemps, ce roman, en fin de secondaire, et j'ai pris beaucoup de plaisir à sa relecture. Je craignais qu'il ne soit vieilli, mais pas du tout, du moins à mes yeux. Bien sûr, il a été publié en 1927, à l'époque les jeunes femmes passent de la tutelle de leur père à celle de leur mari et il faut le lire ainsi, dans ce contexte social. Désolée pour ceux qui ne l'ont pas lu, je vais sans doute dévoiler des éléments importants de l'intrigue.

C'est un roman très court, 140 pages environ, où les choix narratifs et le traitement du temps son très intéressants. Dans la majeure partie du texte, un narrateur externe raconte la fin de journée et la longue soirée où Thérèse Desqueyroux vient de bénéficier d'un non-lieu pour la tentative d'empoisonnement de son mari Bernard et où elle rentre à Argelouse, en train et en carriole, pour retrouver son mari dans la maison familiale. Durant ce voyage interminable, Thérèse se souvient de sa propre histoire et dresse la confession qu'elle veut adresser à son mari. Jeune femme éduquée, intelligente, sans doute plus que les autres de son milieu, singulière – ne serait-ce que par les cigarettes qu'elle enchaîne régulièrement – elle a suivi les conventions de son milieu et a épousé Bernard Desqueyroux, lui apportant des pinèdes et des sources de revenus assez importantes. Très vite, elle va se lasser de cet homme aux goûts un peu frustes. Elle n'a pas non plus l'instinct maternel, sa jeune belle-soeur Anne semble avoir un meilleur contact avec sa propre fille. Une après-midi de canicule et d'incendie, elle saisit l'occasion d'empoisonner peu à peu Bernard à l'arsenic. Elle le fait apparemment sans affect particulier, avec détachement. Quand elle rentre à Argelouse, Bernard lui signifie sa décision : certes il a témoigné de telle sorte que le scandale soit étouffé mais il ne veut plus rien avoir d'intime avec Thérèse, qu'il garde pourtant sous surveillance étroite. Quelques pages pour narrer l'enfermement physique et mental de la jeune femme et quelques pages encore pour comprendre comment elle en sort.

Un roman très court donc, très ramassé, dont le personnage féminin est omniprésent et complexe, sans doute parce qu'elle ne comprend pas clairement elle-même ses propres aspirations ni comment les réaliser sans passer par le modèle tout fait proposé aux femmes de son milieu et de sa génération. J'ai lu dans la postface que Thérèse Desqueyroux est sans doute homosexuelle et qu'elle n'a même pas conscience de cette orientation sexuelle (on est dans les année 1920, rappelons-le). J'avoue que cette « explication » ne m'a même pas effleuré l'esprit mais c'est vrai qu'en contrepoint du couple formé par Thérèse et Bernard, il y a Anne, la soeur de Bernard, à qui Thérèse était très liée avant son mariage, et Jean Azévedo, un jeune homme dont Anne s'est entichée avec passion et que sa famille refuse de la voir épouser sous peine de mésalliance.

Pour me souvenir un peu du Mystère Frontenac, lu aussi en secondaire, je croyais que la religion tenait une grande place aussi dans ce roman , mais en fait pas vraiment, sinon que Thérèse n'a aucun scrupule, on la sent athée, elle suit simplement les convenances de sa belle-famille, en pressentant dans la solitude du jeune prêtre de la paroisse la même solitude que la sienne, le même enchaînement.

J'ai vraiment apprécié ma relecture et le style de l'auteur, son intelligence romanesque, son art de faire sentir l'enfermement intime de Thérèse en le liant à la nature environnante.
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
Commenter  J’apprécie          150
Comme souvent chez Mauriac ce qui frappe en premier dans sa lecture outre la langue magnifique utilisée c'est ce côté étouffant et ces relations humaines faites d'hypocrisie et de valeurs bourgeoises que l'on pourrait et espérer croire d'un autre temps mais qui sont encore souvent bien présentes dans notre société.
François Mauriac nous décrit dans le moindre détail presque avec amour cette société bourgeoise de l'entre deux-guerres sur le déclin, cloitrée dans ses préjugés et certitudes.Dans ce roman les protagonistes ont tous une caractéristique commune : un égoïsme monstre. Pas un seul ne pense "nous" mais toujours "je" .
C'est également récit profondément féministe que ce roman François Mauriac plaidant contre le mépris des femmes considérées à cette époque comme des enfants à qui il faut tenir la bride et incapable de gérer leur vie.
Classique parmi les classiques sa lecture est toujours un plaisir .
Commenter  J’apprécie          150
"Au fond de cette calèche cahotante, sur cette route frayée dans l'épaisseur nocturne des pins, une jeune femme démasquée caresse doucement avec la main droite sa face de brûlée vive"...

...Voilà comment François Mauriac, par la magie de ces petites phrases qui démontrent à quel point Thérèse Desqueyroux fut chère à son coeur, et à quel point il fut touchée par sa vulnérabilité, parvient à nous attacher à une empoisonneuse. Comme si lui-même s'était à son insu laissé séduire par son propre personnage.
Mais qui est Thérèse ? Il serait injuste de la limiter au résultat de l'inspiration que fit naître chez l'auteur la vision de Blanche Canaby -au procès de laquelle il assiste- dans une salle de Cour d'assises : à partir de l'image marquante de cette femme accusée d'avoir voulu empoisonner son mari, François Mauriac imagine sans doute l'un des plus émouvants portraits de femmes de la littérature (enfin, c'est en tous cas mon avis).


Le récit s'ouvre sur la sortie de Thérèse du tribunal, et le cri de victoire de son avocat à son père, venu la chercher : "non lieu !" le père est soulagé, cette sordide histoire risquait de compromettre sa carrière politique. Lors du trajet à pieds qui leur permet de rejoindre la calèche qui ramènera Thérèse au sein du foyer conjugal, les deux hommes échangent des considérations sur l'affaire comme si elle n'était pas là, nous laissant augurer de l'immense solitude qui entoure la jeune femme, impression que ne démentira pas la suite du roman.


Sur le chemin du retour, elle s'illusionne, pleine de bonne volonté, sur un nouveau départ aux côtés de ce Bernard Desqueyroux qui ne lui ressemble pas. Elle s'imagine lui confier en toute sincérité les chemins tortueux qui l'ont amenée à augmenter la posologie de son traitement médicamenteux, au risque de provoquer sa mort... Pour cela, elle se laisse aller à ses souvenirs, remonte jusqu'à l'enfance, y tâtonnant à la recherche d'indices expliquant la femme qu'elle est devenue.
Thérèse a toujours été différente. Adolescente issue d'une famille de riches propriétaires terriens aux idées progressistes, Thérèse fut une élève intelligente, exigeant d'elle-même une certaine supériorité spirituelle. Et c'est avec un peu de condescendance qu'elle considérait la candeur et la bienveillance de son amie Anne de la Trave, rendues faciles par la force de sa ferveur religieuse.


A l'aune de sa vie de mère et d'épouse, son enfance lui apparaît comme un paradis...


Car la chute de Thérèse a commencé avec le mariage. Une union convenue, une histoire de transmission de patrimoine, avec le demi-frère d'Anne. Cela aurait pu être pire : Bernard est un homme instruit, sans doute un peu moins rustre que ces hommes de Landes à l'âme simple, qui ne se posent guère de questions hormis celles touchant à la terre, à la chasse et au domaine, davantage attachés à leurs pins qu'à leurs épouses... Mais l'incompréhension entre les deux époux est pourtant totale. La complexité psychologique de sa femme est pour Bernard un mystère inapprochable et incongru.

L'ampleur du fossé qui les sépare est confirmé à Thérèse par sa rencontre avec Jean Azevedo.

Anne, sa belle-soeur, s'est éprise de ce dernier, au grand dam de ses proches : il est hors de question que ce juif, certes riche mais dont la rumeur prétend qu'il porte dans son sang la tare tuberculeuse de sa famille, intègre le clan Desqueyroux. On demande à Thérèse d'intervenir, elle seule saura convaincre son amie de toujours.
Thérèse découvre alors en Jean Azevedo un jeune homme brillant, ambitieux, qui lui fait entrevoir la possibilité d'une autre vie... elle réalise qu'il existe des chemins hors des sentiers battus tracés à son intention, des ailleurs où peut-être, elle pourrait laisser s'épanouir cette différence qu'elle sent, de façon presque inconsciente, en elle. Il n'est pas question, entre ces deux-là, d'amour ni d'attirance sexuelle (Jean repartira d'ailleurs bien vite à Paris, indifférent aux émois suscité par son passage) : c'est juste qu'une porte a été entrouverte devant Thérèse, et son impuissance à la franchir la rend malade de désespoir. Un désespoir sourd, invisible aux yeux du monde. Elle-même appréhende difficilement ce qu'elle attend exactement de l'existence. le mal-être qui la ronge est profond mais insidieux, sa conviction de n'être pas faite pour cette vie de mère au foyer est à peine consciente.
Thérèse est une prisonnière, dont le refus de se plier aux rôles de mère et d'épouse que lui imposent les carcans d'une société patriarcale la font considérer comme un monstre. Son geste -cet empoisonnement lent, pratiqué de manière presque anodine- est davantage un réflexe de survie, une tentative naïve et instinctive pour se libérer, que le résultat d'une volonté délibérée.

Ses aspirations paraîtraient aujourd'hui bien naturelles, même banales. le drame de Thérèse Desqueyroux, c'est finalement d'être un esprit libre et moderne, dans un milieu et à une époque où la femme n'est considérée que comme un instrument de perpétuation...


Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
Commenter  J’apprécie          151




Lecteurs (14268) Voir plus



Quiz Voir plus

Thérèse Desqueyroux - François Mauriac

En quelle année a été publié le roman ?

1907
1917
1927
1937

10 questions
135 lecteurs ont répondu
Thème : Thérèse Desqueyroux de François MauriacCréer un quiz sur ce livre

{* *}