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sur 2842 notes
Lire ce livre, ce roman, fut pour moi comme plonger dans le passé inconnu de ma mère. C'est baroque, le roman qui lui succède dans mes lectures est, Notre Dame Des Fleurs de Genet, un roman qui frappe par l'inexistence de la femme (Tintin de Hergé ?) autrement par que par la mère monstrueuse qui abandonne son enfant.

Thérèse Desqueyroux est une femme brillante, lumineuse, d'un charme mystérieux qui se situe hors de la dialectique de la beauté et de la laideur. Cette femme, comme beaucoup de personnes humaines, aurait pu être un phare pour notre humanité. Mais les us et coutumes, les moeurs, les règles, d'avant les années 60 (voir 70 – et la porte n'est pas complétement ouverte même en 2021) vont enfermer cette femme, comme on enferme sans scrupule les femmes dans le roman Un de Baumugnes, Provence de Jean Giono.

Comment peut-on passer à coté de ces romans ? L'écriture de François Mauriac est une merveille, des mots qui se posent sur le plancher du sens comme des plumes sorties d'un édredon agité et percé, et qui révèlent alors toutes les imperfections du sol, du terrain, du milieu. Lisant, je pensais à ce que les années 50 et 60 avaient fait à ma mère. Un homme, mâle, blanc, médecin de son état décide d'abuser d'elle. Elle est enceinte et c'est elle que l'on doit cacher, faire accoucher de mon frère au loin. Elle eut la vie qu'elle eut par la faute des imperfections et les noirceurs révélées par les duvets d'oies de l'édredon secoué se déposant sur nos vies.

Et je découvre Mauriac, j'ai 60 ans (59, mais bon) je vois et je lis bien tard ce qui aurait peut-être pu me donner des clefs pour comprendre la personne humaine, la femme, la mère qu'était ma mère. Bien sur qu'elle s'ennuyait. Bien sur qu'elle était romanesque. Comment en aurait-il pu être autrement ? Elle avait des ailes majestueuses et fortes, cependant la bonne société lui interdisait de voler. Et le patriarcat dominant lui dévorait ses ailes et l'accusait d'agoniser bruyamment.

Merci François Mauriac de m'avoir offert cette clef, à vous lire j'ai plongé dans les avenirs échoués de ma mère. Lire Mauriac aujourd'hui c'est redonné du sens aujourd'hui, là ou il fut détourné.

Et, cher Babelio, je vous parlerais de Giono, conteur de monde paysan d'avant 60, et puis je vous parlerais de ce Genet que je relis 45 ans après.
Lien : https://tsuvadra.blog/2021/1..
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Thérèse Desqueyroux est une femme prise au piège de son mariage et ce sont ses démons et tourments intérieurs que François Mauriac nous fait découvrir.
Elle étouffe auprès de son mari qu'elle déteste profondément ... jusqu'à vouloir sa mort.
Acquittée par la justice, elle est punie par sa famille, mari et parents la condamnent pour son crime.
Un roman marquant par l'écriture de Mauriac qui sait nous faire ressentir l'atmosphère étouffante de cette société toute en apparences.
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Avec Thérèse Desqueyroux, François Mauriac explorait le grand thème de la lente mort de l'âme et de l'esprit. Douloureux sujet qui était déjà au coeur des « Trois soeurs » de Tchekov ou de « Mme Bovary » de Gustave Flaubert, par exemple.
Mariages de convenance et de raison, désespoir hantaient toutes ces oeuvres. L'inéluctable, lent et sûr tourment de la province, l'ennui rongeait ces héroïnes littéraires, reflets de tant de femmes emmurées vivantes. Relâchement moral, folie par perte de sens et criminalité par glissement vont dominer Thérèse, elle-même victime d'un assassinat conjugal par asphyxie.
En 1927, Mauriac disséquait donc l'effondrement d'une âme mais aussi celui d'une société bourgeoise et conformiste qui ne disparaitra véritablement que longtemps après en France.
La structure de ce chef d'oeuvre, allie la finesse de l'étude psychologique de ce « monstre » à sa mise en relief par une nature tour à tour étouffante (la chaleur, les landes et l'incendie), ou glaciale (la pluie, les vents). Les rites (les constantes chasses au fusil ou au filet, les fêtes religieuses et les messes) accentuant encore l'isolement de Thérèse.
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Vu le nombre de babeliots qui ont lu ce livre, je ne vais pas encore décrire l'histoire mais je donne quelques informations complémentaires.

François Mauriac s'inspira pour l'histoire de Thérèse Desqueyroux de l'affaire Canaby, appelée aussi affaire des Chartrons.
Henriette-Blanche Canaby fut accusée en 1905 d'avoir voulu empoisonner son mari, Émile Canaby, courtier en vins bordelais alors endetté.
François Mauriac assista au procès en cour d'assises de la Gironde le 25 mai 1906, au cours duquel elle fut condamnée pour faux et usage de faux (fausses ordonnances pour se procurer auprès de pharmaciens de l'aconitine et de la digitaline, sans compter l'arsenic qui entrait dans la composition de la liqueur de Fowler qu'elle donnait à son mari en grande quantité).
Son époux témoigna en sa faveur pour sauver les apparences de ce couple de la bourgeoisie bordelaise qui faisait ménage à trois avec Pierre Rabot, un riche rentier. Ainsi, malgré le mobile possible d'Henriette-Blanche Canaby (toucher une forte indemnité au titre de l'assurance-vie souscrite par son mari et refaire sa vie avec son amant) et sa culpabilité criminelle assez évidente, l'accusation de tentative d'empoisonnement fût rejetée et l'épouse fut condamnée à 100 francs d'amende et 15 mois de prison, peine qu'elle n'effectuera pas en totalité.

Voilà, nous sommes dans la bourgeoisie, dans les mariages arrangés pour augmenter les terrains, les maisons, les bourses. Il faut respecter coûte que coûte les conventions, le protocole, faire bonne mine et laver son linge sale en famille. Thérèse rêvant d'une autre vie est bel et bien coincée dans la sienne. Lors de ma lecture, j'ai pensé à Madame Bovary car il y a ce côté femme qui aime la vie, qui a soif de l'embrasser avec passion avec son amant et qui est prête à tout faire voler en éclat pour déchirer ce corsetage de l'époque.

Lecture terminée en juin 2019 / le Livre de Poche - Prix : 5,10 €.
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François Mauriac (1885-1970), un des maitres du roman, a publié celui-ci en 1927. C'est dire qu'il nous permet de mieux comprendre la société française de cette époque, peu avant la grande crise économique mondiale. L'action se passe dans les Landes, comme beaucoup de romans de Mauriac, né à Bordeaux, et s'inspire directement d'un fait-divers réel que Mauriac avait suivi en Cour d'Assises en 1905.
Le roman commence par où beaucoup d'autres se terminent :
L'avocat cria «non-lieu» en s'adressant à Thérèse (accusée d'avoir empoisonné son mari). le père de Thérèse commenta: «Après la déposition de mon gendre, c'était couru... du moment que de son propre aveu, il ne comptait jamais les gouttes... Tout de même, l'explication qu'elle a donnée: cet inconnu qui lui remet une ordonnance... Je lui avais assez dit ‘Mais malheureuse, trouve autre chose» «Ce qu'il (le père) appelle l'honneur de son nom était sauf ; d'ici les élections sénatoriales, nul ne se souviendrait plus de cette histoire». Voilà pour le chapitre I.
Les sept chapitres suivants voient Thérèse rentrer chez son mari, dans le domaine landais d'Argelouse: une heure de voiture, puis un train qui s'arrête à toutes les gares, et enfin dix kilomètres en carriole, et toutes ses pensées en cours de route. Quoi dire à son mari. Avouer pour être pardonnée? Faire semblant de rien? «Quelles seront les premières paroles de Bernard dont le faux témoignage l'a sauvée»? Elle se demande aussi pourquoi elle l'a épousé, pourquoi elle a voulu l'empoisonner, et revit son mariage:
«Ce fut horrible... Thérèse sut plier son corps à ces feintes». Elle se rappelle que Bernard s'était offusqué d'un spectacle de music-hall: «Dire que les étrangers voient ça. Quelle honte»! «Thérèse admirait que cet homme pudique fût le même dont il lui faudrait subir, dans moins d'une heure, les patientes inventions de l'ombre... j'ai toujours vu Bernard s'enfoncer dans le plaisir – et moi, je faisais la morte... Elle sentit contre elle ce grand corps brûlant ; elle le repoussa et, pour n'en plus subir le feu, s'étendit sur l'extrême bord de la couche ; mais après quelques minutes, il roula de nouveau vers elle... cherchant sa proie accoutumée».
Après ce long monologue intérieur, récapitulatif de sa vie conjugale, elle arrive chez elle au chapitre IX et entend la sentence: «Vous n'avez qu'à écouter, à recevoir les ordres – à vous conformer à mes décisions irrévocables... Vos repas vous seront servis par Balionte dans votre chambre. L'accès de toutes les autres pièces vous demeure interdit... le dimanche, nous assisterons ensemble à la grand-messe... Il faut qu'on vous voie à mon bras». Il faut sauver les apparences.
Un temps suffisant se passe, c'est-à-dire jusqu'au mariage de sa demi-soeur, après, il n'y a plus d'événements familiaux et il la dispense de la messe. Faute et châtiment. On ne peut que rapprocher Mauriac de Dostoïevski.
Thérèse ne quitte plus son lit, dépérit, attend la mort et l'entourage le remarque. Bernard l'installe à Paris. «Elle riait seule comme une bienheureuse. Elle farda ses joues et ses lèvres avec minutie, puis ayant gagné la rue, marcha au hasard» (dernières lignes du roman). Dans l'introduction, Mauriac écrit «Sur ce trottoir où je t'abandonne, j'ai l'espérance que tu n'es pas seule». Mauriac a écrit une suite en 1935 : La Fin de la nuit. Quinze ans après, Thérèse est libre, mais pas épanouie, et vit modestement, «enfermée dans la prison de son acte». Elle se ruine pour le mariage de sa fille, est vaguemant amoureuse du fiancé de celle-ci, et revient vivre dans l'ancienne demeure conjugale, n'ayant plus la force que de faire le bien. On retrouve aussi Thérèse épisodiquement dans «Ce qui est perdu» et dans deux nouvelles.
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Thérèse Desqueyroux s'apprête à rentrer dans la propriété où l'attend son mari. Elle a tenté de l'assassiner, il le sait, mais il n'y aura pas de prison pour Thérèse, du moins pas officielle : ici les apparences sont plus importantes à sauver que la justice.
Voilà un roman très court, qui aborde néanmoins une multitude de sujets : condition de la femme au début du XXème siècle, mode de vie chez les bourgeois, quête d'identité, maternité...
Je n'ai pas pu accabler totalement Thérèse, malgré son geste, parce que la vie à laquelle elle était destinée me révulse. Une vie sans amour, sans passions, à garder en soi tout ce que l'on est, sans pouvoir le partager avec quiconque.
Une vie pour rien.
Un court roman, qui passionne et interroge sur soi-même et sa vie intérieure.
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Thérèse, jeune fille, part pour Argelouse où elle doit épouser Bernard Desqueyroux. Elle n'est pas plus attirée que ça par lui mais la propriété de ses parents est proche de celle des Desqueyroux, il est donc normal qu'elle épouse le fils.
Le jour des noces arrive et ensuite la lune de miel avec le voyage de noces. Très vite Thérèse est enceinte. Bernard est très fier, Thérèse porte en elle l'héritier mais elle, elle ne le voit pas comme ça et très vite un plan diabolique va naître dans sa tête.
Le livre commence par l'ouverture du procès de Thérèse ce qui est un peu compliqué car on ne comprend pas pourquoi elle est jugée, c'est petit à petit, au fil de la lecture, qu'on commence à comprendre l'acte que Thérèse a posé. Face à un mariage "arrangé" on ne peut que ressentir la détresse de Thérèse face à un homme qu'elle n'aime pas mais qu'elle a épousé pour faire plaisir à ses parents. Pour elle il n'y avait que ce geste à faire.
Par rapport à sa grossesse, on sent aussi qu'il n'y a aucun attachement entre Thérèse et ce bébé à naître, pour elle, c'est comme si elle portait un "déchet" en elle.

Challenge 15 Nobels : 9/15
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On ne lit plus assez les écrivains qu'on dit "secondaires" et qui ne le sont pas du tout. Ils valent des oeuvres classiques, mais au temps où les voix de leurs auteurs se faisaient entendre, les prix littéraires n'avaient pas la même audience qu'aujourd'hui et on était baignés de beaux textes.

Relisant "Thérèse Desqueyroux" trente ans plus tard, je suis surprise par la qualité de ce roman puissant, auquel j'ai été plus sensible qu'à "Madame Bovary".

Tout d'abord, le style de Mauriac est une splendeur.

Les deux oeuvres mettent en scène avec beaucoup d'attention et de lucidité le désespoir affolé de deux femmes prises dans dans les rets d'un mariage bourgeois avec un être trop différent, dans un milieu provincial étriqué.

On assiste à leur lent étouffement, jusqu'à ce que peu à peu se mette en place la tragédie qui les perd.

Des héroïnes pas particulièrement malmenées, ce qui fait ressortir d'autant mieux les structures de l'oppression sociale consistant, dans la bourgeoisie, à écraser les êtres sous leur fonction (épouses, mères) sans tenir compte de leurs qualités propres, de leur intelligence, de leurs goûts, sans parler d'une éventuelle carrière. Eternelles secondes que leurs facultés auraient permis de prendre en main leur vie si elles n'en avaient été empêchées par le poids de moeurs conservatrices où seule compte la famille, ou plutôt le clan.

Condamnées à l'oisiveté, aux ruminations, à la dépression.

J'ai davantage de sympathie pour Thérèse, que je comprends mieux, que pour Emma : est-ce parce qu'elle est plus contemporaine, ou moins frivole ? Mais la frivolité aussi est un symptôme, on comble le vide comme on peut.

Inutile de dire que j'ai davantage d'affection aussi pour Charles Bovary, mari aimant, que pour le Bernard de Thérèse dont la vie est par choix aussi stérile que celle qu'on impose à son épouse, et dont le coeur se tait : manger, chasser, chasser, manger. Lui n'a aucune excuse à sa médiocrité, c'est un tiède, contrairement à Charles Bovary : être homme et riche ne suffit pas, il faut un peu de flamme en plus.

Une faible lueur éclaire cependant la fin du roman.
Voici :

"Au moment de se séparer d'elle, il ne pouvait se défendre d'une tristesse dont il n'eût jamais convenu (...)
- Thérèse, je voulais vous demander... Je voudrais savoir... Est-ce que parce que vous me détestiez ? Parce que je vous faisais horreur ? (...)
Thérèse jeta sur cet homme nouveau un regard complaisant, presque maternel :
- Ne savez-vous pas que c'est à cause de vos pins ? Oui, j'ai voulu posséder seule vos pins.
Il haussa les épaules :
- Je ne le crois plus, si je l'avais cru."




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Dans la brume du petit matin, Thérèse Desqueyroux redescend prudemment les marches du Palais de Justice de Bordeaux. Elle entend son avocat souffler à son père la décision juridictionnelle qui la concerne : "Non-lieu". Ouf ! papa n'aura pas à subir la notoriété d'un procès. Les élections approchent et il serait fâcheux de perdre la députation avec une publicité inutile. Après tout, personne n'a été blessé ... Mais pour Thérèse débute l'instruction d'un nouveau procès. Celui de la morale et celui que s'apprête à lui livrer son mari, celui là même qu'elle a essayé d'empoisonner ! Sur le chemin qui la ramène chez elle, en calèche puis en train, puis encore en calèche, à travers les routes boueuses, longeant les plaines humides et les sombres forêts de pins, Thérèse va préparer sa défense.
Dans un long monologue dont François Mauriac a le secret, l'un de ces récits intérieurs qui font la profondeur de son nid de vipère, elle retrace pas à pas cette histoire tragique, ce nauffrage de la vie d'une femme de campagne au début du XXe siècle.
Sa filiation avec les Emma Bovary, Anna Karénine et Miss Dalloway est évidente. Malgré son geste on ne peut totalement lui en vouloir, car nous comprenons ses frustrations, ses désillusions, le désenchantement de l'enfant qui courait autrefois dans un chemin qu'il traverse aujourd'hui la tête baissée et rongée de chagrin. .
Un très grand roman de François Mauriac qui aborde, outre bien évidemment le thème de la déliquescence du lien conjugal, des thèmes assez variés : la désillusion de l'âge adulte comparé aux souvenirs d'enfance, la fugacité du temps, la relativité et le caractère éphémère du bonheur. Un livre plutôt pessimiste donc, sans concession pour les vieilles familles de campagnes et leurs traditions qu'il execre, au rang desquelles la chasse, le catéchisme et la structuration familiale.
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Alors que mes camarades de classe avaient du mal à apprécier ‘Thérèse Desqueyrou' en qualifiant l'héroïne d'idiote, j'ai été profondément touché par ce roman dès ma première lecture, quand j'étais plus jeune. Ce livre m'a appris qu'il faut savoir saisir la complexité des personnages, surtout celui de Thérèse, et prendre le temps de la comprendre, de la ressentir. Malgré les apparences, Thérèse est une héroïne profondément attachante, dont la douleur et le vide intérieur m'ont bouleversé. Les sentiments sont merveilleusement retranscrits dans ce récit, faisant écho à une gamme d'émotions complexes et poignantes. ‘Thérèse Desqueyrou' est bien plus qu'un simple roman, c'est une exploration profonde de l'âme humaine, un voyage émotionnel qui laisse une marque indélébile dans le coeur de ses lecteurs. C'est un livre que je recommande vivement à tous, car il mérite d'être lu au moins une fois dans sa vie pour sa puissante portée émotionnelle et sa capacité à nous faire réfléchir sur la nature humaine.
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