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4,04

sur 687 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Bernard surnommé Feu de Bois traîne une existence d'exclu alcoolique et sale dans le village français de sa jeunesse où vit aussi toute sa famille. Il est revenu seul au village après avoir fondé une famille avec Mireille à Paris, à son retour d'Algérie. Nul ne sait ce que sont devenus sa femme et ses senfants.



Un après-midi d'hiver , il surprend tout le monde en offrant à sa soeur Solange, un cadeau d'anniversaire, un cadeau de valeur que tous perçoivent comme une provocation de la part d'un tel va-nu-pieds.







"Après tout ce qu'on a fait pour toi.

Et qui aura parlé en premier de la Vieille. Qui aura dit : la mère.

T'es allé dépouiller la Vieille.

Et Solange lâchant d'un souffle,

Ça suffit,

Reprenant,

Taisez-vous." (p 36)


L'écriture, étrange par sa mise en page, ces phrases comme restées suspendues, fait peu à peu émerger l'être humain sous sa rebutante carapace. Longtemps enfouis et pourtant si présents qu'ils provoquent chaque nuit les insomnies de Rabut, le cousin de Bernard, les souvenirs échappent peu à peu au cahot : en 1960, le départ pour l'Algérie et puis cette guerre :

"comment on avait renoncé à croire aussi que l'Algérie, c'était la guerre, parce que la guerre se fait avec des gars en face alors que nous, et puis parce que la guerre c'est fait pour être gagné alors que là, et puis parce que la guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types bien et que les types bien là il n'y en avait pas, c'étaient des hommes, c'est tout, et aussi parce que les vieux disaient c'était pas Verdun, qu'est ce qu'on nous a emmerdés avec Verdun, ça une saloperie de Verdun, combien de temps ça va durer encore, Verdun, et les autres après qui ont sauvé l'honneur et tout et tout alors que nous, parce que moi, avait raconté Février, tu vois, moi, j'ai même pas essayé de raconter parce qu'en revenant, il n'y avait rien pour moi..." (p 229)

Aussi impossible à taire qu'inutile à dire, le souvenir tourmente les hommes et les photos ensoleillées ne disent rien de la peur, des horreurs, de l'ignominie et de l'impossibilité de s'en remettre tout à fait.

Entre un "Après-midi" (premier chapitre) et un "Matin" d'hiver (dernier chapitre), Laurent Mauvignier plonge son lecteur au coeur des consciences, magma d'où émerge le passé des appelés, des fellagas, des harkis, des colons.

Un livre à lire, pour comprendre un peu...

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De ces choses qui marquent une vie, que l'on ne peut oublier, ni partager. J'ai été sensible à la solitude de Feu-de-Bois et aux jugements faciles que les autres n'hésitent pas à porter sur lui, sans rien connaître de sa vie. Une promptitude à juger si courante dans notre société sans indulgence.
( compt.: film passé à la télé le 18 mars 2024 avec Depardieu dans. le rôle de Feu de bois).
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Ultra ému et bouleversé d'avoir retrouvé la plume iconique de Mauvignier dans ce roman.

Le sujet est lourd : la guerre d'Algérie et les traumatismes endurés par les hommes qui s'y sont battus.
Les mots et les pensées sont hachés, virevoltants, écrasants.

Pesant et poignant !
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Ce n'est pas le énième livre sur la guerre d'Algérie mais sur la violence qui est faite à des hommes. A ces hommes dont le grand-père a fait 14-18, dont on dit du père qu'il a résisté, à cette génération dont on va dire de leur guerre indicible, pas avouée, pas montrée : « C'était pas Verdun, votre affaire"
Ce n'est pas non plus un livre qui nous expliquera la guerre d'Algérie, non ce n'est pas un livre qui donnera des réponses, ces phrases lâchées sont comme de la matière triturée pour mieux montrer les hésitations, les gestes, les corps en mouvement, la violence des corps, du silence, des souvenirs, du temps qui passe et de ce qui ne passe pas.

Ce n'est pas un roman psychologique, on entre dans la caboche des types pris malgré eux dans un conflit commencé depuis longtemps par ralentis, accélérations, colères, abattements. On est dans l'énergie d'une oralité, c'est toujours la même voix mais ce n'est pas vraiment une personne qui parle : c'est comme un rythme, un battement. On est en apnée, à l'intérieur, on est mis à la place. On part de la déchéance de "Feu-de-bois" et on remonte son histoire de personnage plutôt antipathique mais pas seulement détruit par la guerre, par son histoire aussi : plus on est contraint, moins on fait ce qu'on a rêvé. Cette difficulté terrible à être, ce n'est pas seulement la guerre qui la révèle, c'est aussi le frottement des rêves à la réalité. La rencontre, à Oran, de Bernard et Mireille, plus qu'une rencontre amoureuse, est une occasion. Une occasion pour lui de ne jamais retourner à la campagne qu'il hait et pour elle d'aller à Paris !

Derrière les mots, L. Mauvignier nous fait retrouver les sensations : la chaleur sur la peau, l'odeur de la sueur, de la peur, l'expérience d'avoir un fusil dans les mains, la nuit, et que quelqu'un qui ne sait rien de la guerre d'Algérie, comprenne. On a, hélas, tous en tête des images de guerre, de soldats faisant irruption dans un village écrasé de soleil. Mais c'est quoi avoir 20 ans et voir quelque chose d'insupportable ? . Dans l'hallucinant récit de leur guerre, on ne voit presque jamais la scène se faire mais le résultat. Il n'est pas question de tout dire, mais de rendre la fulgurance, la sidération.
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Laurent Mauvignier nous offre ici un ouvrage fort bâti à l'aide d'un style et de mots percutants. Beaucoup de phrases courtes mais puissantes en termes d'évocation. Il nous présente ici des personnages amputés d'une partie de leur être qui se livrent à nous, sous l'effet de l'alcool et d'insomnies cauchemardesques, pour exprimer leur détresse. Pour se libérer de blessures intérieures qui pourtant ne se refermeront jamais.Pour se libérer des fantômes qui hantent leur esprit. Traumatismes générés chez de jeunes appelés du contingent par un conflit qu'ils ne comprenaient pas et au cours duquel la sauvagerie des combattants s'est substituée aux règles de l'art de la guerre et au coeur duquel, non volontaires, ils était jetés en pâture à des rebelles. En Algérie.

Un ensemble de réalités qu'il faut admettre sur le plan humain, qu'il faut comprendre pour saisir ce que ces jeunes âgés de 20 ans entre 1954 et 1962 ont pu ressentir en termes de déchirements intérieurs. Eux qui n'étaient pas faits pour la guerre, ni pour la politique. Eux qui ne saisissaient pas que des pieds-noirs et harkis qui s'étaient battus pour la France libre puissent attendre un retour de leur part par rapport à leur propre engagement.

Malgré des idées fondamentalement différentes de celles de l'auteur sur un conflit qui m'a personnellement touché puisque moi-même pied-noir, j'ai réellement apprécié cet ouvrage où courage et lâcheté se côtoient. Mais où la fragilité des être face à l'horreur est parfaitement mise en avant. A lire !
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Ce roman m'a vraiment marquée.
L'écriture d'abord, qui accroche dès les premières pages. Très vite une tension et une émotion s'instaurent. Tout tourne autour du personnage de "Feu-de-Bois" ou Bernard, que l'auteur réussit à rendre très vite à la fois misérable et touchant, mais surtout pris dans des histoires qui le dépassent . A l'occasion d'un esclandre lors d'un repas de famille, remontent des souvenirs d'enfance et surtout les souvenirs de la guerre d'Algérie, vus à travers l'oeil de son cousin, Rabut, qui l'a toujours côtoyé.
Au-delà de cette histoire de famille, on a un témoignage fort de la "galère " d'une génération, envoyée au front en y cherchant désespérément un sens. Témoignage aussi de la guerre qui ne passe pas, qui, même une fois terminée, se poursuit au creux des cerveaux des hommes, sans trouver d'issue.
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Déroutant en début de lecture pour aboutir à un roman qui décrit très bien les affres et séquelles que laisse une guerre même si celle-ci n'avait pas de nom, puisqu'il s'agit de l'Algérie.
On ne sort pas indemne ni d'une telle guerre ni de ce roman.
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J'avais apprécié "Continuer"aussi en voyant Des hommes en version livre de poche, ai-je acheté ce roman du même auteur. Il est vrai que son nom court depuis quelque temps sur les ondes à l'occasion de la sortie en librairie, précisément le 3 septembre 2020, de son tout dernier roman : Histoires de la nuit.

En route donc pour "Des hommes". On commence la lecture dans un troquet d'une petite ville du Nord où Solange, soeur de Bernard, fête son soixantième anniversaire. Bernard, marginal, bourru, taiseux, souvent saoul et perpétuellement fauché, défie sa famille et les amis de sa soeur en offrant à cette dernière un bijou hors de prix. Son geste est incompris et son cadeau source de suspicion. D'où vient cet argent ? le ton monte, des rancoeurs anciennes et tenaces conduisent inéluctablement à l'explosion d'une violence d'autant plus terrible et dramatique qu'elle a couvé pendant quarante ans.

de même qu'Alice Zeniter avec "L'art de perdre" nous a permis de mieux comprendre le contexte particulier des relations entre les Français et les Algériens, de même Laurent Mauvignier nous fait pénétrer dans l'absurdité de la guerre qui oppose des hommes à d'autres hommes (et non pas comme autrefois des soldats à des soldats). Il rapproche en passant le sale travail que l'on imposait aux jeunes militaires français à celui qui fut assigné à l'occupant allemand en France. Notre regard sur les années soixante s'en trouve décalé.
Mais d'où vient le sombre et amer ressentiment de Bernard ?

Sans doute de la guerre d'Algérie et du traumatisme qu'elle a causé à tant de jeunes appelés (dont Bernard et son cousin Rabut). Mais, avant la guerre, il y avait déjà eu un drame familial : Reine, la soeur de Solange et de Bernard, est morte "en laissant un enfant sans père ni mère". La guerre, la soeur morte et la mère qui lui a pris tout l'argent qu'il avait gagné avant de faire son service militaire : les secrets se sont superposés et ont enfermé Bernard dans son hostilité envers le monde entier.

Dans un style époustouflant, flamboyant, envoûtant et très persuasif, Laurent Mauvignier nous décrit la violence du ressentiment incoercible et celle du traumatisme post-guerre qui sévit chez tant et tant de rescapés, qu'ils aient été de 14-18 ou qu'ils soient du Vietnam, d'Algérie ou d'ailleurs.

En apprenant que Laurent Mauvignier est né après les accords d'Évian, on ne peut qu'être en admiration devant son travail de recherche documentaire qui pourra convaincre bien plus qu'un grand reportage. Mais ce roman est avant tout un questionnement sur l'incommunicabilité pathologique qui peut résulter des non-dits entre les membres d'une même famille.
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L'écriture de Laurent Mauvignier est très fluide ; j'ai eu l'impression de ne lire qu'une seule et même phrase (il faut dire que j'ai dévoré le livre !). On dirait qu'on ne sort jamais de cette salle ou Solange fête son anniversaire et où son frère, Bernard, devenu "Feu de bois", lui fait un cadeau inattendu, extrêmement cher, qui va bouleverser la fête.
Et pourtant le récit se déplace, par la voix du cousin Rabut, jusqu'en Algérie, où ces appelés furent envoyés pour "ramener la paix" et pour leur malheur.
Même si on n'a pas toutes les réponses, une fois le livre refermé (que sont devenus Reine, Mireille et ses enfants, Chefraoui et sa famille, et leur chien...), l'écriture et le talent de l'auteur vous happent et vous transportent, vous entraînent dans le traumatisme de ces jeunes hommes envoyés malgré eux sur le théâtre de l'horreur, la guerre... et ce, même s'ils ne la trouvaient pas juste, cette guerre.
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Une écriture puissante, un sens du détail et une précision dans ces personnages qui ne trouveront jamais le repos de l'esprit après les terribles événements d'Algérie. Des Hommes coupe le souffle et laisse à penser sur les guerres et leurs impacts irréversibles sur les combattants. Un très bel ouvrage.
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