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4,04

sur 687 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ultra ému et bouleversé d'avoir retrouvé la plume iconique de Mauvignier dans ce roman.

Le sujet est lourd : la guerre d'Algérie et les traumatismes endurés par les hommes qui s'y sont battus.
Les mots et les pensées sont hachés, virevoltants, écrasants.

Pesant et poignant !
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« ….on ne sait pas ce que c'est qu'une histoire tant qu'on n'a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes, nos fantômes qui s'accumulent et forment les pierres d'une drôle de maison dans laquelle on s'enferme tout seul, chacun dans sa maison, et quelles fenêtres, combien de fenêtres? » (P. 272)

C'est l'anniversaire de Marie-Jeanne. Bernard, ou « Feu de bois » pour les copains, a l'habitude de taper tout le monde pour avoir de l'argent. Mais aujourd'hui il lui offre une broche en or nacré.

Comment l'a-t-il achetée? Est-ce l'argent de sa mère qu'il aurait pris avant qu'elle parte en maison de retraite?

Chefraoui se présente à la gendarmerie. En rentrant chez lui il a trouvé la mobylette de Feu de Bois. Mais celui-ci, surpris par la femme de Chefraoui a pris la fuite. Il s'en était pris au chien qui l'a mordu.

Bernard était, quant à lui, parti 28 mois vers les Djebels, comme des milliers d'autres pour faire la guerre en Algérie. Rares sont ceux qui en sont revenus sans aucune attitude raciste à l'égard de ces Algériens!

« Ce que c'est qu'être mineur, dépendant des parents, pas bon à voter mais déjà bon pour les djebels.«

Ils n'avaient pas 21 ans mais étaient bons pour le casse-pipe…Quelque soit la guerre !

Un racisme banal, entre ces soldats appelés français qui, en partant faire la guerre d'Algérie, ont sacrifié leur jeunesse, ont perdu des copains et les Arabes, arrivés en France, à l'issue de cette guerre.

Venus pour travailler sur les chantiers, dans les mines, dans les champs..

Je n'avais pas quinze ans mais je me souviens parfaitement de cette période ! Pourtant je n'habitais que dans une petite ville, dans laquelle ces algériens étaient facilement reconnaissables. Et rares. Mais ce racisme était dans l'air du temps. Normal

Chefraoui était venu travailler, à la mairie, il avait quitté l'Algérie, seul, sans femme ni enfants. Mais personne n'avait voulu qu'il soit le représentant du personnel de la mairie !

Relations entre deux hommes, deux conceptions que tout oppose, et rappel de cette période, des descentes dans les villages du Maghreb, des exactions, du racisme ordinaire.

« ..tu sais, on pleure dans la nuit parce qu'un jour on est marqué à vie par des images tellement atroces qu'on ne sait pas se les dire à soi-même. » …..ceux qui ne l'ont pas vécu ne peuvent se l'imaginer… Personnellement je me souviens de réveils brutaux, de cris, d'amis chez qui j'avais dormi..

Toujours hantés mais à jamais secrets.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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L'histoire d'hommes cabossés par la guerre d'Algérie, même quarante ans après.

La lecture, c'est avant tout une question de rythme. On n'accroche à un livre que si l'on parvient à se mettre au même pas que l'auteur. Ni plus vite ni plus lentement, sous peine de décrocher, tel un embrayage qui n'aurait pas été passé au bon moment.

Le rythme de Laurent Mauvignier, c'est du lent, du très lent. Des phrases interminables, des accumulations d'idées et de pensées éparses que tout auteur sensé séparerait par des points ou des points-virgules.

On a l'impression d'un feston, d'une ligne de « e » tracés en pleins et déliés sur un cahier d'écolier : on avance, on recule, on avance, on recule, mais au final on progresse – lentement - vers le bout de la ligne. Ou alors un bâton balloté par les vagues, qui sans cesse s'approche puis repart vers le large, mais échoue peu à peu sur le sable.

C'est vrai, c'est un style magnifique.

Pourtant, j'ai eu du mal à me mettre à cette lenteur. Surtout la première moitié du livre ; cent-vingt pages où il ne se passe rien que le geste d'un homme qui offre une broche à sa soeur, même si c'est superbement étudié psychologiquement, c'est long.

La deuxième moitié est plus « active » : la guerre ! Cette fois, la lenteur du texte donne au contraire le temps de s'imprégner parfaitement de l'ambiance de l'attente, de la tension, de la peur. Il en résulte une lecture complètement immersive, qui vous prend aux tripes et vous marque profondément (y compris les passages - détaillés - des horreurs).

Au final, je reste avec un bilan mitigé. Un très grand auteur, c'est indéniable, avec un style très fort, des émotions aussi très fortes. Et malgré tout, des lenteurs parfois exaspérantes…

Lien : https://marc-torres.fr/
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L'écriture de Laurent Mauvignier est très fluide ; j'ai eu l'impression de ne lire qu'une seule et même phrase (il faut dire que j'ai dévoré le livre !). On dirait qu'on ne sort jamais de cette salle ou Solange fête son anniversaire et où son frère, Bernard, devenu "Feu de bois", lui fait un cadeau inattendu, extrêmement cher, qui va bouleverser la fête.
Et pourtant le récit se déplace, par la voix du cousin Rabut, jusqu'en Algérie, où ces appelés furent envoyés pour "ramener la paix" et pour leur malheur.
Même si on n'a pas toutes les réponses, une fois le livre refermé (que sont devenus Reine, Mireille et ses enfants, Chefraoui et sa famille, et leur chien...), l'écriture et le talent de l'auteur vous happent et vous transportent, vous entraînent dans le traumatisme de ces jeunes hommes envoyés malgré eux sur le théâtre de l'horreur, la guerre... et ce, même s'ils ne la trouvaient pas juste, cette guerre.
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Très beau roman. le style choisit (avec une intégration des dialogues dans la narration, sans distinction syntaxique) s'accorde parfaitement au récit et à l'histoire de ces hommes à jamais marqués par leur participation aux événements d'Algérie. J'ai personnellement trouvé ça riche et lancinant.
Je recommande.
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J'ai déjà lu quelques romans qui évoquent « La guerre d'Algérie », tel que l'excellent « L'art de perdre » d'Alice Zeniter, mais sans véritablement m'intéresser à ce sujet plus étroitement lié à l'histoire de la France qu'à celle de la Belgique. Mais bon, les critiques étant dithyrambiques et le père de Laurent Mauvignier étant lui-même un ancien d'Algérie s'étant suicidé, je me suis finalement attaqué à ce roman qui raconte certes cette guerre, mais à hauteur d'hommes.

D'ailleurs, Laurent Mauvinier n'en parle pas vraiment de cette page sombre de l'histoire de la France car personne ne veut en parler…même pas ses personnages. Pourtant, Bernard et d'autres jeunes ont été appelés durant la guerre d'Algérie, y ont participé en tant que bourreaux, tueurs, violeurs, victimes, voire juste témoins impuissants face à l'imbécilité des hommes. Mais bon, ils sont vieux maintenant et même si l'Algérie hante encore leurs cauchemars, nourrit encore leurs regrets, s'invite parfois même au coeur de non-dits que l'on passe au plus vite sous silence, ils ressassent leurs pensées… Jusqu'au jour où…

Bernard a d'ailleurs quitté sa femme et ses enfants, tourné le dos à sa famille, ruminant son passé dans la solitude et noyant ses regrets dans l'alcool. Pourtant, lors de l'anniversaire de sa soeur Solange, la seule qui le comprend encore un peu, un incident met subitement le feu aux poudres. Les vieilles rancoeurs familiales font irruption et le passé ressurgit…

Au fil des pages, Laurent Mauvignier délivre les pensées de ces hommes abimés par les ravages de la guerre d'Algérie. D'un style hachuré, il partage des phrases inachevés, sans ponctuation distinctive, des mots qui se bousculent et tentent de refaire surface, un silence qui ponctue les non-dits d'une honte révélatrice. le lecteur, lui, colle son oreille aux pages du livre, filtre les pensées et les mots qui remontent à la surface, se fait progressivement une idée du drame vécu, mais gardé sous silence, entrevoit progressivement tous les traumas enfouis au fond des mémoires. Au-delà du silence, les voix étouffées au fond de gorges nouées deviennent subitement assourdissantes, la porte de la guerre d'Algérie vient de s'entrouvrir…
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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bookapax, très influente, m'a donné envie de lire Laurent Mauvignier. N'ayant pas trouvé "Histoires de la nuit" qu'elle avait adoré, je me suis penchée sur le seul que j'ai trouvé chez mon libraire; « Des hommes ».

Quels hommes ? Des hommes français, conscrits, appelés en Algérie pour y mener une guerre qu'ils ne saisissent pas, ne comprennent pas. Ils y vont parce qu'ailleurs, plus haut, quelques-uns ont décidé qu'il en allait de leur devoir de citoyens français. Ils y vont obligés et ils découvrent une terre qui ne leur appartient pas, ne leur appartiendra jamais. Cette terre, ils ne la connaissent pas ; ces habitants, ils ne les rencontrent pas. L'Algérie est pour eux un service militaire dont il voudrait vite se débarrasser, une énigme qui, toute leur vie, les torturera. Pourquoi ? Pourquoi cette guerre ? Pourquoi cette horreur ? Oui, pourquoi ? Ces hommes sont marqués, à vie, et ils ne peuvent en parler, jamais. Pour dire quoi ? A qui ? La guerre d'Algérie est devenue une guerre des mots. 

Le roman, par son thème, sa conscience politique aiguisée, son intelligence, m'a intéressé. Il montre la lâcheté d'un pays qui fait de la participation à la guerre d'Algérie un devoir de citoyens mais qui, une fois la guerre finie, les oublie. Pourquoi ? Pourquoi faut-il taire cette guerre ? Parce qu'elle est une honte ? Parce qu'elle est une perte ? La guerre d'Algérie est un trou dans L Histoire, un charnier meurtrier, une fosse commune qui entasse des morts par milliers, portés par la mémoire défaillante de toutes celles et ceux qui ont connu ou participé à cette guerre d'humiliés. Et ce poids pèse. Il assomme. Laurent Mauvignier raconte, avec efficacité, des hommes qui se sentent humiliés.

Bémols dans ce roman, j'ai eu quelques difficultés avec l'écriture et la trame de l'histoire. En voulant retranscrire tel quel le « parler » de ces campagnards, l'auteur a alourdit son texte difficile à digérer. C'est un parti pris que certains apprécieront peut-être mais qui a gâté quelque peu ma lecture. Quant à cet incident, minime, qui a enclenché le défilé des souvenirs, je n'y ai pas cru. Disons plutôt que je ne l'ai pas compris.
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Lu à sa sortie en 2009, j'ai eu envie de relire ce roman après avoir vu le film de Lucas Belvaux.
Je ne suis pas une inconditionnelle de Laurent Mauvignier et pourtant j'ai apprécié cette histoire.

L'auteur a su lever avec sensibilité le voile qu'on a déposé sur la guerre d'Algérie. Son héros, c'est Bernard, dit Feu-de-Bois, soixante ans et l'amertume, la rancoeur comme refrain de sa vie. Il boit pour oublier, il se néglige, est asocial. Seule Solange sa soeur semble le comprendre. Pourtant, lorsqu'elle invite famille et amis à la fête qui célèbre son départ à la retraite, Bernard va « déconner » une fois de plus et bousiller la fête ;
Pourtant, Bernard a eu une vie normale avec un travail, une épouse et deux enfants. A présent, il rumine son passé dans la solitude.
Peu à peu va s'entrouvrir cette porte qui nous mène à l'Algérie de 1960, et cette guerre sale qu'on ne veut pas nommer et oublier. Les traumatismes de Bernard, les morts laissés là-bas le hantent au point qu'il exhume des photos d'enfants algériens plutôt que ses propres gosses. Que s'est-il donc passé en 1960 ?
L'auteur sait à merveille explorer les traumatismes du passé, faire resurgir ces souvenirs qu'on voudrait laisser enfouis au fond de sa mémoire. Il ne juge pas, non, simplement il raconte et dénonce la barbarie d'une guerre sans nom, les non-dits et l'oubli collectif d'une société qui refuse la vérité.
Beaucoup de retenue et d'émotion dans ce roman le style est exigeant pour un sujet qui ne l'est pas moins.
Un roman bouleversant.

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Appelés durant la guerre d'Algérie, deux cousins d'une petite ville de l'Est de la France, reviendront brisés.
Quarante années plus tard, au cours d'une fête d'anniversaire, Bernard, le paria va raconter ce qu'il n'a jamais pu dire.

Histoire familiale, histoire de France, loin du roman national qui a longtemps nommé pudiquement “évènement” une guerre terrible, “Des hommes” nous plonge dans la France figée de la deuxième moitié du XXème siècle.
Raconter une guerre et ses blessures à hauteur d'hommes, c'était le pari de Laurent Mauvinier dont le père, un ancien d'Algérie s'est suicidé.
Un livre dont la relecture vient à point nommé après la remise du rapport sur la guerre d'Algérie à Emmanuel Macron par Benjamin Stora.
Il faut rappeler au moment où sort son adaptation pas trés réussie sur grand écran par Lucas Belvaux à quel le livre de Mauvinier est vraiment bon, très littéraire mais aussi très documenté historiquement...
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Nouveau tour de magie pour Mauvignier, qui fait entendre la voix de la « grande muette ». Elle ne peut parler (malgré ses récents écarts) mais n'en pense pas moins. Or les corps et les esprits trouvent toujours le moyen d'exprimer ce qu'ils ont vu, fait, vécu ou ressenti par les cauchemars, l'agressivité latente, la tristesse, les pensées ressassées… Et si un auteur est capable de nous faire lire dans ces pensées, c'est bien Mauvignier. Il nous livre ici celles Des hommes revenus en miettes de ces grandes vacances qu'on leur a imposées au « club bled ».


C'est lors de l'anniversaire de Solange qu'une toute petite étincelle met le feu aux poudres : au moment où son frère Bernard lui offre son cadeau, les critiques fusent, Bernard s'énerve et dépasse les bornes, devient agressif, commet l'impardonnable envers la seule victime que de vieilles haines et des réflexes passés désignent du fond de ses tripes devenues incontrôlables : l'Arabe. le passé ressurgit : aux vieilles querelles de famille s'ajoutent les réminiscences de la grande Histoire, d'une guerre intriquée dans l'histoire personnelle et intime de chacun.


L'Algérie a ajouté aux non-dits familiaux les récits interdits et impossibles des « événements ». Des horreurs indicibles : napalm, gégène, raids dans les villages, missions ratées, compagnons décimés… Nous avons tous entendu les rescapés se désoler d'avoir dû faire « là-bas » ce que l'on reproche tant aux Allemands d'avoir fait chez nous en 45. Entendu les cauchemars, vu les ombres et les pleurs dans les yeux de ces générations maudites, qui ont subi deux guerres dont l'une en victime, et l'autre en bourreau, au point de ressentir comme personne le mal qu'ils ont été contraints d'infliger. Les regrets pèsent, les actes demeurent, les souvenirs les dévorent mais rien ne doit filtrer, rien n'est raconté. Jusqu'au jour où…


Dans ce roman, l'auteur « délivre » littéralement les pensées de l'un Des hommes revenus abimés de la guerre d'Algérie, témoignage d'un inévitable dérapage programmé. Une fois de plus, l'écriture de Mauvignier m'a happée. Sa capacité à dépecer le moment présent, le décrypter à l'aune des pensées de son narrateur ; Ses phrases tantôt longues, tantôt déstructurées comme des dialogues interrompus par d'autres pensées, d'autres moments. Les mots qui se bousculent puis ne sortent plus, ceux attendus mais jamais dits, ceux trop lourds que l'on étouffe et qui nous le rendent, ayant toute la place pour grossir dans ce silence assourdissant, jusqu'à ne plus pouvoir être contenus et devoir s'exprimer, par tout moyen.


Un bémol : J'aurais aimé connaître les tenants et aboutissants de tous les sujets ouverts par l'altercation. Pour certains d'entre eux, il me restera des silences et des non-dits. Juste retour des choses. Toute l'histoire tient en la justesse de ce que Mauvignier dépeint, la manière dont les personnages apparaissent sous le dessin des mots, des phrases parfois à peine esquissées puis empêchées ou abandonnées. Ce qui n'arrivera pas à cette lecture, très prenante. Merci à Paroles pour la découverte !

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