C'est dans une tension politique, économique et sociale, arrivée à son paroxysme, dans l'Angleterre des 70ies, que
Michaël Mention se téléporte. Généreux, ils nous emmènent dans son sillage.
La période
Thatcher, la chaise musicale conservateurs/travailliste, l'augmentation du chômage et de la délinquance, les émeutes. Un chaos complet qui n'empêche pas la diffusion de
Peter Gabriel, des Stones, de The Cure sur les ondes radio, qui n'empêche pas non plus la projection de Midnight Express d'Alan Parker, ou de Star Wars de
Georges Lucas. La culture persiste sous les derniers nuages de l'industrialisation en perdition.
Dans ce contexte, un psychopathe sévit sur des prostitués dans le triangle Leeds-Bradford-Manchester. Des racoleuses du Yorkshire, nord du pays, qui sont retrouvées la tête défoncée, la gorge tranchée et le ventre lacéré. Une enquête de 6 années qui ébranla le pays et dont les services de police furent dépassés malgré les moyens hallucinants employés. Deux inspecteurs se sont acharnés. Georges Knox, gros bras, tête brûlée, désabusé et son ami Mark Burstyn tout aussi volontaire. le récidiviste qui a constitué un triste palmarès de 13 victimes signe son oeuvre « Jack L'Éventreur » (du nom de celui qui a terrorisé Londres au XIXe siècle et qui n'a jamais été identifié).
Un style particulier qui s'écarte de la course au best-seller, de la masse de livres étiquetés « À lire absolument » « Recommandé par » ou « Prix Belzébuth du meilleur des meilleurs ». L'auteur est de ceux qui se posent, regarde, film et raconte une vérité. Sans insister sur l'enrobage du texte proposé, sur la fioriture j'entends. Un genre étrange où le lecteur doit s'habituer au style. Souvent, le « livre addict » demande de l'effet. Une belle écriture, sans tromperie, du boulot sérieux avec finitions irréprochables pour un résultat agréable à lire. Au final, il ne reste plus qu'à analyser le texte dans son ensemble, le message qui en ressort s'il y en a un. En gros reprendre les éléments qui attirent l'oeil pour une belle chronique avertie. Plus qu'un commentaire ou une impression de lecture. C'est ce qui m'attire dans le livre ici présent. La sensation que je rencontre après cette découverte. Pour la chronique, les pros je vous laisse l'honneur, j'aime rester sur mes impressions.
Confronté à l'histoire, du direct d'il y a plus de trente ans. C'est noir. Une sombre réalité qui se répète. À l'heure actuelle, la musique, le cinéma, le look, les moeurs ont changé. J'aurais pu écrire « évolué », cependant les flash infos réguliers sur l'état du monde me laisse croire le contraire concernant l'évolution des idées, des mentalités. Ce que vit la Grèce ou l'Espagne est un copier-coller de l'Angleterre des années septante. À très peu de choses près.
Le ton de l'ouvrage est surprenant. Ce n'est pas le roman ou le lecteur ressentira constamment ce que vivent le tueur, la victime, l'ambiance « Hitchcockienne ». Non rien à voir. En plus du style journalistique, le plus important sera l'impression de prise de vue d'une caméra comme pour un reportage. C'est la patte de l'auteur. Imagé. Je pense à « The killing », qui est un livre repris d'une série à succès. le volume, l'intégrale, n'est rien de moins que le rassemblement de scénarios. Cela donne un résultat moins concluant que «
Sale temps pour le pays ». Avis purement personnel. le premier, était trop découpé, commercial et celui-ci, juste à bonne dose et réaliste. C'est peut-être deux genres à ne pas comparer ? le lecteur ressentira très fort la passion de
Michaël Mention sur ces 70ies. Certains seront peut-être gênés par l'usage régulier d'anglicisme. Un détail facile à contrer en utilisant « Reverso » sur le net, traduction automatique.
Pour les personnages, seulement deux ressortent plus que les autres. Georges Knox et son collègue Mark Burstyn. Malgré tout, les autres personnages, secondaires, appartiennent à la fresque d'une image chaotique. Même s'il n'y en a que pour Georges en grande partie (le seul dont on peut le plus ressentir l'intelligence émotionnelle hors caméra) et pour le Yorkshire de l'Ouest. Comme les uns dépendent des autres et qu'il y a toujours un ou deux acteurs principaux dans un film, le tout donne un ensemble cohérent.
J'avais dit que Mr Mention nous téléportait dans une autre époque. Au point qu'on le retrouve dans l'histoire à deux reprises au moins.
La première, c'est quand l'inspecteur Cain écrit un roman sur son temps de pause. P132 « C'est déjà assez dur d'écrire et d'y croire ». Ce roman est la bouffée d'oxygène nécessaire pour ne pas perdre pied. C'est le quotidien de l'auteur. Vous retrouverez ce type de message dans «
Maison fondée en 1959 » paru aux Éditions Fantascope. Dans lequel il est question de comprendre ce que vit l'écrivain et d'autres artistes dans leur quotidien. Où souvent, ces métiers sont classés « hobbies » plus qu'autres choses. Un autre détail. le roman de Cain, "Hunderhell" est l'histoire d'un sou marin allemand en 1944. Lien automatique avec le roman de M Mention «
Unter Blechkoller » paru aux Éditions Fantascope. Où il s'agit également d'une histoire de sous marin allemand en 1944, le U-2402.
La deuxième apparition directe cette fois. Amusante. L'auteur intervient en « chair et en os » en tant que journaliste pour le journal "Le Monde".
Pour conclure, c'est un roman noir, un polar, un bout d'histoire. C'est très instructif, bien éclairé, pas trop dense, étonnant. Mon premier vrai Rivages/Noir que je conseille vivement.