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3,84

sur 459 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce roman que j'avais emporté en vacances au Québec dans la collection de poche 10/18 et qui m'avait été conseillé par une amie.
Pascal Mercier nous fait entrer dans ce roman puissant dès les premières lignes et moi qui en général ne vais pas trop vers les livres volumineux, là, j'ai eu du mal à le lâcher.

En Suisse, la vie tranquille, peu palpitante et très bien réglée d'un très érudit professeur de langues anciennes va être bouleversée par un événement qui met en scène une femme portugaise au desespoir.

Gregorius assiste à une scène qui va être le point de départ d'une enquête qui le mènera à la découverte d'un poète portugais à la vie emplie de lumière, sorte de long cheminement vers une prise de conscience de sa propre existence.

Le lecteur est tenu en haleine dans un savant mouvement oscillatoire des allers et retours et du je veux/je ne veux pas du héros myope dont les yeux se décillent grâce à de nouvelles lunettes, mais aussi grâce à sa progression dans la connaissance de l'Autre.

J'ai aimé que ce spécialiste des langues mortes, ce Suisse à la vie calme et régulière comme une horloge plaque tout pour se passionner pour la langue portugaise, langue qui devient un personnage à part entière dans ce roman.

J'ai aussi apprécié que bien qu'à Berne il soit aimé pour ses compétences par ses collègues et étudiants, il réponde quand même à ce besoin impérieux de comprendre en se lançant à corps perdu dans une enquête pleine d'imprévus et qui le transforme lui aussi.

Sa déambulation dans Lisbonne qui le fait cheminer au gré de l'enquête m'a semblé, sinon comme un prétexte, du moins comme un moyen pour progresser vers la connaissance de lui-même et de ses rapports à l'amitié et à l'amour.
Lien : https://www.emmacollages.com..
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Le livre du portugais Amadeu de Prado, découvert par hasard, va bouleverser la vie du professeur Raimond Gregorius. Au milieu d'un cours de latin, soudain il se lève et s'en va. Il prend le premier train de nuit pour Lisbonne, fasciné par le texte et la personnalité de cet écrivain penseur qui aspirait à être, selon le titre de son livre, un « orfèvre des mots », c'est-à-dire non seulement quelqu'un qui peut mettre en mots de lumière les interrogations que tout homme se pose, mais aussi celui qui pourrait les formuler de telle sorte que la réponse brillerait au travers de ces mots, univoque et indiscutable.
L'enquête menée par Gregorius l'entraîne dans une ronde de personnages qui ont connu Amadeu. Leurs témoignages vont petit à petit cerner ce personnage qui suscita tant d'amour.
Parallèlement à ses trajets dans la Lisbonne de Prado, Gregorius accomplit un parcours intime qui le ramènera là d'où il est venu, mais complètement transformé.

Le projet  d'Amadeu se heurte à des difficultés insurmontables : Alors qu'il projette de recréer une langue originelle dans laquelle tout apparaîtrait dans sa prime limpidité, cet homme d'une lucidité remarquable ne réalisera qu'en toute fin de vie l'ambivalence dont tout ce qui est humain est imbibé.
Quant au très érudit Gregorius, la découverte et l'apprentissage du portugais symbolise l'accès à une nouvelle lucidité. Car, si Grégorius est expert en langues mortes, ce n'est que dans cette langue vivante qu'il réapprend enfin à vivre.
Ce roman ample et superbe est écrit dans un style d'une très grande pureté et d'un classicisme bien entendu. Chaque phrase y est un enchantement tant pour la profondeur de son propos que pour l'aisance avec laquelle elle coule en traduisant nos expériences les plus intimes.
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Pascal Mercier,philosophe et écrivain suisse de langue allemande est mort le 27 juin dernier
TRAIN DE NUIT publié en Allemagne en 2004 a été traduit et publié en France en 2008.

Comprendre un autre pour se connaître soi-même.....
Il est des livres qui sont une nourriture pour l'esprit comme pour l'âme, un aliment intellectuel et spirituel . TRAIN DE NUIT POU LISBONNE en est un ! C'est un roman dense, riche, alliant délicatesse de l'écriture et gravité du sujet.
A la lecture d'un ouvrage du poète portugais Amadeu de Prado, découvert fortuitement et qui semble écrit pour lui , Raimund Grégorius, professeur de langues anciennes à Berne prend le premier train pour Lisbonne.

Un roman qui présente plusieurs niveaux de lecture ; il peut se lire à la fois comme
- une enquête-promenade érudite dans Lisbonne et dans l'histoire contemporaine tourmentée du Portugal
- un mélange de deux histoires qui s'imbriquent, qui proposent les portraits croisés de Grégorius et de Amadeu de Prado, personnages opposés qui finissent par se fondre, Grégorius mettant ses pas dans ceux de Prado, se dépouillant progressivement de ses habitudes antérieures pour s'identifier à lui. - une réflexion sur l'écriture, « On n'est pas vraiment lucide quand on n'écrit pas ,on n'a aucune idée de qui l'on est sans parler de qui l'on n'est pas ….. Les choses n'existent vraiment que lorsqu'elles sont saisies par les mots » doublée d' une analyse des effets intérieurs de la poésie « On sentait qu'elle vous remuait, vous changeait, contribuait à donner à votre vie une forme, une coloration, une mélodie »

Mais ce à quoi j'ai été particulièrement sensible, c'est à la réflexion sur les rapports entre le contenu d'une vie et l'attitude face à la mort «  La peur que notre vie reste incomplète, une oeuvre inachevée, la conscience de ne plus pouvoir devenir celui qu'on s'était fixé comme but . »

Un roman qui exige l'attention soutenue qu'impliquent les thèmes de l'éthique et de la connaissance de soi. En effet, le récit de l'enquête est régulièrement interrompu par des fragments de l'oeuvre de Amadeu de Prado sur la mort, la colère, le Verbe et par une analyse de ceux-ci.

Un roman plein de lucidité car bien que révélant le comportement humaniste de Amadeu de Prado, il ne passe pas sous silence ses failles ou ses faiblesses .

S'il est possible, comme le découvre Grégorius, que le meilleur chemin pour s'assurer de soi-même passe par la connaissance et la compréhension d'un autre, il est également possible que, pour un lecteur, la connaissance de soi passe par la rencontre avec un livre tel que celui-ci, roman magistral, plein d'âme, qui montre comment l'écriture est seule capable de répondre aux questionnements de l'être humain .
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Obscur professeur de langues anciennes dans un lycée de Berne, Raimund Gregorius croise un jour une femme portugaise prête à se jeter à la rivière. Ils échangent quelques mots et Gregorius est fasciné par la sonorité de cette langue. Il décide de l'apprendre, se rend à la librairie espagnole de la ville et tombe sur un livre laissé de côté par une cliente, hasard déclencheur de cette épopée, écrit par un certain Amadeu Prado et qui comporte nombre de réflexions philosophico-poétiques dans lequel Gregorius se retrouve et va devenir sa raison de vivre désormais. Car il n'aura de cesse de s'enquérir sur cet auteur méconnu, amoureux des mots et médecin de son état.
Dès lors nous avons à faire à deux textes : la narration des quêtes successives de Gregorius qui passe par tous les témoins de l'existence de Prado avec en filigrane l'histoire de la dictature de Salazar et celle du livre ou des lettres glanées de Prado. Concentré d'une vie comète d'un homme d'une intelligence et d'une droiture exceptionnelles, Gregorius s'enfonce avec délice, abandonnant ses cours au lycée et sa vie bien réglée, pour découvrir à travers Prado, la ville de Lisbonne et un changement d'existence radical. C'est écrit comme une enquête et les indices sont à découvrir dans les textes mêmes de Prado. On change de langue comme de langage, les langues mortes enseignées par Gregorius (latin, grec, hébreu ancien) deviennent langue vivante pour ne pas dire langue de vie. On y croise la soeur, Adriana, infirmière dévouée à son frère qui lui sauva la vie, Maria João son amour platonique d'enfance, cet ancien résistant torturé sous la dictature, aux mains déformées et joueur d'échecs hors-pair et d'autres personnages qui restituent le puzzle vital.
Les textes de Prado parlent de tout ce qui peut constituer une vie d'homme, ses rapports au père, à la religion, au temps qui passe, à l'amitié et à l'amour - toujours très exclusifs – et jusqu'au serment d'Hippocrate puisque Prado sauve la vie d'un tortionnaire notoire. L'homme était sans concessions mais justement ses écrits expriment clairement ses doutes, sa fragilité et ont une odeur d'universel qui subjuguent et entraînent le lecteur. de Berne à Lisbonne, le voyage se poursuit au fond de l'âme humaine – et ce n'est pas pompeusement que je l'écris – car tout se qui le ronge devient réflexion profonde sur le sens de la vie, une sorte de mise en mots choisis de la philosophie existentielle, matière enseignée par Pascal Mercier lui-même. Pour bien montrer jusqu' où va le voyage de Gregorius voici un extrait parmi d'autres où la poésie épouse l'absurde des situations:

"Gregorius lut l'histoire de la Création. Lui, Mundus, lisait dans un lycée portugais en ruine, à une femme des quatre-vingts ans qu'il ne connaissait pas hier encore et qui ne savait pas un mot d'hébreu, l'histoire de la Création. C'était ce qu'il avait fait de plus fou. Il le savourait comme il n'avait encore jamais rien savouré."
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J'ai été complètement transporté par cette lecture, sans aucun doute une de mes plus belles expériences littéraires des derniers temps. Une lecture immersive, parcourue de moments, nombreux et intenses, de suspension contemplative et métaphysique, de communion intuitive, directe et intime avec le mystère du fonctionnement de l'esprit humain.
TRAIN DE NUIT POUR LISBONNE raconte la fascination inconditionnelle et irrépressible, provoquée par la rencontre d'une femme et d'une langue, le portugais, suivie de près par celle d'un étrange livre composé de fragments empreints de poésie et de réflexions personnelles d'un médecin portugais, Amadeu Inácio de Almeida Prado. Ce qui conduira l'austère professeur de langues anciennes Raimund Gregorius à quitter impulsivement sa ville, Berne, ainsi que sa vie jusque-là réglée comme une horloge de son pays natal, et à partir pour Lisbonne sur les traces de l'auteur lisboète dont l'oeuvre lui semble s'adresser directement à lui, Gregorius, et questionner en profondeur le sens de son existence étriquée.
Oeuvre de fiction écrite par un philosophe, d'une plume sensible, d'une beauté délicatement mélancolique, et aussi magistralement réussie donc, de mon point de vue, en tant que méditation autour de la subjectivité humaine, une question y semble omniprésente, implicitement ou explicitement, à chaque passage, à chaque étape de l'enquête qui sera menée à Lisbonne par le professeur bernois: «Quand quelqu'un est-il véritablement "soi-même"?».
«Etre soi-même» : jamais auparavant dans l'histoire des mentalités, cette expression n'aura occupé autant de place et revêtu une importance telle que dans nos sociétés occidentales modernes. le génial Oscar Wilde en traduisait déjà l'émergence progressive dans la conscience collective à la fin du dix-neuvième siècle par l'intermédiaire d'une de ses célèbres tirades : «Sois toi-même, tous les autres sont déjà pris» ! Imputable au départ à une dilution des codes sociaux traditionnels et à un affranchissement progressif des individus vis-à-vis de leurs classes sociales d'origine et d'appartenance dont les prémices sont repérables dès la deuxième moitié du dix-neuvième siècle (voir à ce propos l'excellente analyse de journaux intimes de l'époque victorienne dans l'essai de Peter Gay, «L'Education des Sens»), l'importance de savoir qui on est, en tant qu'individu et en dehors de la place que notre éducation et notre entourage nous auront assignée, ne va cesser de prendre de l'ampleur dans la mentalité occidentale, pour aboutir enfin, de nos jours, à une véritable injonction adressée à la subjectivé de tout un chacun : il faut être «soi-même» pour réussir sa vie ! L'avènement de ce nouveau désir d'expérimenter le sentiment d'être soi se transformera ainsi, avec le temps, en une quête essentielle de l'homme moderne dont la philosophie, l'art et la littérature vont s'emparer définitivement dès le début du vingtième-siècle.
Libération des diktats sociaux et du joug séculaire exercé par des impératifs extérieurs et étrangers à la volonté intime, révolution sans doute nécessaire et justifiée après des siècles d'assujettissement de l'être, l'affirmation de l'individualité comme une valeur absolue, en soi, amènera néanmoins la subjectivité des temps modernes à une entreprise non-dépourvue d'embûches, à une quête qui peut devenir quelque peu paradoxale et où, pour ainsi dire, le périmètre du sujet ne cesserait de s'élargir alors que le centre risquerait lui constamment de se déplacer, amenant par moments le sentiment de ne se situer en fin de compte nulle part...Quête devenue illusoire d'un sujet « en soi », en quelque sorte immanent et libre de toute contrainte ou regard extérieurs, risquant de conduire in fine à un sentiment de vide, de morcellement, ou bien à une autarcie farouche, narcissique et également trompeuse, voire à la déréliction ou à la folie.
Comment savoir alors si l'on est en train de chercher vraiment à être soi-même ? Ou si l'on est en train de vivre la vie qu'on aura véritablement choisi de vivre ? Tout ne serait au fond que contingences et hasard ? Comment dire tout l'ineffable d'une existence ? Nos vies, individuellement, ne seraient que des «formations fugitives de sable mouvant, nées d'un coup de vent, détruites par le prochain, des formations de fugacité, emportées par le vent avant même de s'être formées» ? Et des rencontres véritables entre des individualités seraient-elles envisageables, ou «ne serait-il pas vrai que ce ne sont pas les hommes qui se rencontrent, mais seulement les ombres projetées par leurs imaginations» ?
TRAIN DE NUIT POUR LISBONNE est traversé par le fantôme de Fernando Pessoa. Un extrait du «Livre de l'Intranquillité » est d'ailleurs cité en exergue par l'auteur («Chacun de nous est plusieurs à soi tout seul, est nombreux, est une prolifération de soi-mêmes. C'est pourquoi l'être qui dédaigne l'air ambiant n'est pas le même qui le savoure ou qui en souffre. Il y a des gens d'espèces bien différentes dans la vaste colonie de notre être, qui pensent et sentent différemment»). L'«intranquillité » semble également avoir inspiré les fragments autobiographiques laissés par Amadeu, médecin et néanmoins poète dans l'âme. Gregorius s'en fera un hétéronyme et un guide. En essayant de s'approprier Amadeu («Je voudrais savoir comment c'était d'être lui»), Gregorius cherchera en réalité à s'appréhender lui-même, son être profond et sa vie, mais d'un point de vue extérieur, comme un autre. Juger soi-même comme un autre. Aimer l'étranger comme soi-même. Aimer soi-même comme un étranger, ainsi que le préconisait également cette autre acrobate de l'âme, Simone Weil, dans l'épatant «La Pesanteur et la Grâce».
Campé essentiellement dans les décors d'une Lisbonne emblématique de la mélancolie et de la «saudade» portugaises, bercé par une langue où le déploiement du verbe «être» («ser» et «estar») rappellant de manière subliminaire la permanence et l'impermanence de soi et se prêtant à des jeux poétiques et métaphysiques que l'oeuvre d'un Fernando Pessoa aura portés à de sommets inégalés, TRAIN DE NUIT POUR LISBONNE propose en réalité un voyage initiatique à l'intérieur de nous-même, de cet immense espace imaginaire que nous habitons et que nous essayons, parfois vainement, de peupler de personnages rassurants dont nous nous sommes parés pour faire face à l'inconsistance de notre être profond et à l'éphémère de nos existences.
«A imaginação, o nosso último santuário» («L'imagination, notre dernier sanctuaire») avait-il l'habitude de dire Amadeu. L'imagination et l'intimité, c'était, à côté de la langue, les deux seuls sanctuaires qu'il admettait»(...) La curiosité apparaît comme un luxe rare sur un fond habituel. Rester ferme et pouvoir jouer avec l'ouvert, à chaque instant, ce serait un art.»
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Un professeur suisse, spécialiste des langues anciennes, décide du jour au lendemain de. sauter dans le premier train de nuit pour Lisbonne après avoir croisé la route d'une inconnue d'origine portugaise, candidate au suicide sur le pont de Kirchenfeld à Berne, et récupéré le livre qu'elle a perdu.
Symbolique du pont entre hier et demain, symbolique de l'étranger qui ouvre la voie d'un univers occulte et du train « de nuit », véhicule du mystère et de la découverte….
On l'aura compris, ce livre est un voyage. Au Portugal évidemment (arpenter Lisbonne est un vrai bonheur virtuel !), mais surtout un voyage intérieur où, à travers la vie et les écrits d'Amadeu de Prado, médecin portugais, intellectuel surdoué, résistant aux sbires de Salazar, Gregorius, notre érudit suisse va se poser les questions existentielles et essentielles auxquelles tout homme de raison et de sentiment se trouve confronté : l'amour, le courage, l'amitié, la famille, l'enseignement, l'engagement personnel, la justice, etc..
Au gré de ses pérégrinations et de son enquête, Gregorius croise, entre autres, la soeur, le maître à penser, le meilleur ami, la femme de coeur, personnages tourmentés et attachants qui, par leurs témoignages et leurs confidences, ressuscitent l'histoire, l'époque et la personnalité d'un homme secret, exigeant, pétri de doutes et de certitudes, terriblement humain.
C est un livre dense, un mets de gourmet aux ingrédients subtils qu'il faut identifier au gré de la dégustation, lentement, à petites doses.
Dire que je me suis régalée est un euphémisme. Par sa profondeur de vue, sa construction et la trace qu'il inscrit dans ma mémoire, ce livre mérite largement un cinq étoiles !
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Je voudrais vous parler de ce roman, Train de nuit pour Lisbonne, que j'ai beaucoup aimé. Il a été écrit par Pascal Mercier, écrivain et philosophe suisse.
Il n'est pas facile d'entrer dans ce livre, d'une écriture dense, parfois complexe, exigeante.
Et pourtant, le propos est d'une magnifique humanité. Je rajouterai même, d'une générosité qui s'exprime dans l'intention des mots, des personnages, de leurs destins.
Tout débute avec les premières pages où nous faisons connaissance avec Raimund Gregorius, professeur de langues anciennes proche de la retraite, qui enseigne dans une université de Berne, en Suisse. Nous allons le suivre dans son itinéraire improbable qui le mène de Berne à Lisbonne, mais surtout au plus près de lui-même. Train de nuit pour Lisbonne, c'est un aller simple en terre intérieure.
Mais ce n'est pas l'essentiel.
Comment imaginer que ce professeur au costume un peu poussiéreux, puisse un jour tout abandonner derrière lui, au prétexte d'une double rencontre, celle d'une femme prête à se jeter d'un pont et quelques heures plus tard celle d'un livre, écrit par un médecin portugais, Amadeu de Prado..., les deux événements étant bien entendu liés ? Pourtant il le fait. Au milieu du cours de latin qu'il enseigne, il se lève de son siège, laisse ses élèves derrière lui, il s'en va, il prend un train une nuit pour Lisbonne...
Ce qui est improbable, ce n'est pas tant de partir sur un coup de tête, mais c'est justement que ce soit cet homme, Gregorius, dont l'existence est réglée comme du papier à musique, qui le fasse.
Par-delà le texte parfois très complexe, nous entrons très vite dans l'humanité des personnages et de l'histoire que Raimund Gregorius vient révéler, comme un catalyseur, tirer le fil d'une histoire où des personnages presque oubliés, surgissent parce que Raimund Gregorius est venu les réveiller là-bas à Lisbonne, dans leur silence mutique.
Nous découvrons Lisbonne comme une ville secrète, théâtre de souvenirs convoquant des personnages douloureux, mais tout aussi généreux, hantés par les blessures qui les hantent, nous découvrons le temps de la dictature portugaise, pas si ancienne finalement, c'est une époque qui paraît relative récente adossée à l'Histoire européenne, tout à côté de nos portes...
Nous découvrons des lieux, des êtres quasiment demeurés immobiles depuis lors...
Ce texte mêle une trame romanesque qui nous agrippe et nous entraîne dans la beauté mélancolique de Lisbonne, mais aussi dans l'histoire de ce jeune médecin engagé dans la Résistance contre Salazar, ce qu'il a laissé comme témoignage après lui...
Le chemin d'Amadeu de Prado est confronté aux questionnements et aux contradictions qui peuvent déchirer un être voué à l'écoute de l'âme humaine. La vie d'un ennemi tortionnaire qui envoie des milliers d'innocents dans les geôles a-t-elle le même poids qu'un tout autre patient ordinaire, lorsqu'on est médecin ? Comment être un enfant lorsque son père est juge sous le régime d'une dictature, comment grandir alors dans l'innocence et l'insouciance, à quoi peut-on dès lors accrocher ses rêves si ce n'est aux propres rêves des autres ?
Le chemin de Raimund Gregorius, quant à lui, devient une errance, une déambulation magnifique et tourmentée dans les lieux du passé, dans un dédale de pages où sont invités à venir vers lui des fantômes dont certains sont parfois encore vivants.
À quoi tient la transformation d'un homme empesé par le conformisme et les habitudes si bien apprises ? À quoi tiennent l'éveil et l'envol ? L'arrachement à notre quotidien...
À quoi tiennent nos ailes prêtes à surgir au moindre ciel tendu vers nous... Au moindre train...
Peut-être que tout ce livre pourrait se résumer à cette seule phrase prise dans le récit : « Je ne voudrais pas vivre dans un monde sans cathédrales. J'ai besoin de leur beauté et de leur noblesse. J'ai besoin du saint recueillement des hommes qui prient. Pourtant je n'ai pas moins besoin de liberté et d'hostilité envers toute cruauté. Et que personne ne me force à choisir ».
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Ce roman est un véritable coup de coeur pour moi ! Si je devais résumer ma critique en 2 mots : "Lisez-le !"
Moi qui pensais lire un "simple" roman de voyage, peut-être un peu poétique, peut-être un peu aventureux… mais j'ai lu un roman qui a parlé à mon âme !
De questions existentielles à retour sur son passé, d'interrogations philosophiques à découvertes sur les mécanismes de l'esprit, des motivations qui poussent à agir ou à renoncer… Cet ouvrage pousse à chaque page ou presque à se poser des questions sur la vie, sa vie, sur la nature humaine et les relations plus ou moins artificielles entre les êtres, sur la notion de liberté… Il invite à l'introspection.
En tout cas il fait véritablement réfléchir, tout en subtilité.
Ajoutez à cela un personnage principal terriblement attachant, le voyage à Lisbonne comme si vous y étiez, et une narration sans aucune fausse note. le roman est magnifiquement construit, et pourtant sans artificialité ni lourdeur.
Un roman qui demande de la concentration car je pense qu'il peut être lu à différents degrés. La langue est riche, le propos exigeant. Ce n'est pas un vulgaire roman de développement personnel comme on en voit de plus en plus fleurir chez les éditeurs aujourd'hui (sans tellement de tri je trouve), l'écriture est de qualité, il y de la substance à retirer de chaque page.
Les considérations philosophiques méritent d'être observées, comprises, digérées. Rarement un livre m'avait autant appris, autant apporté sur le plan personnel.
Un des plus beaux livres que j'ai lus.
À lire. Définitivement.
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Quelle riche et inspirante histoire! Finir l'année sur un tel roman ne peut être qu'un signe de renouveau pour celle qui commence.
Pour peu que l'on entre en sympathie avec Raimund Gregorius, solitaire entre deux âges confortablement enfermé dans les murs des langues anciennes qu'il enseigne et qui fait un jour à Berne la rencontre d'une femme, puis d'un livre qui vont changer sa vie, ce roman puissant et profond devient pour le lecteur une invitation au voyage dans lequel il va lui-même être entrainé.

Aux voyages plus exactement : voyage dans l'espace d'abord, gagné que l'on est par l'envie de se lever et tout quitter comme Gregorius pour prendre des trains dans la nuit jusqu'à Lisbonne, et parcourir au petit matin cette ville magnifiquement évoquée; voyage dans le temps aussi, à la découverte d'Amadeu de Prado, médecin portugais engagé dans la résistance à la dictature de Salazar et auteur du livre qui a bouleversé Gregorius; enfin et surtout, voyage vers la connaissance de soi, porté par les mots puissants et inflexibles d'Amadeu s'interrogeant sans relâche sur l'âme, l'identité, le poids de l'héritage familial, et qui vont amener notre professeur à une véritable renaissance à lui-même à travers ses rencontres et pérégrinations.

Gros coup de coeur pour ce livre qui est un envoutement salutaire, servi avec délicatesse et profondeur par la plume très littéraire d'un professeur de philosophie.
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Pascal Mercier, auteur germanophone et professeur de philosophie. Pourquoi ce livre ? Un ami m'en avait parlé avec émotion m'avouant qu'il était le plus beau livre qu'il n'avait jamais lu. Comment ne pas être interpellé ?

Raimund Grégorius, professeur passionné de lettres anciennes dans un lycée de Berne voit sa vie basculer lors de sa rencontre avec une jeune femme portugaise éperdue sous la pluie. Un premier détonateur suivi quelques heures plus tard de la découverte dans une librairie d'un livre écrit par un auteur portugais mystérieux. Un enchaînement qui vont le conduire à prendre le train de nuit pour Lisbonne, abandonnant tout derrière lui.

Autant vous dire que j'ai plongé à coeur et à corps perdu, parsemant le livre d'une multitude de papiers, cornant certaines pages. Je n'aurai pas pu écrire un billet plus tôt, j'avais besoin de m'en détacher un peu. C'est un essai philosophique sous forme romancé. Une révélation sur soi à travers un cheminement qui est celui de Grégorius qui s'est lancé sur les traces de l'auteur inconnu : Amadeu Prado. Au fur et à mesure que Grégorius avance dans la connaissance de l'auteur et la traduction de son livre, il apprend à mieux se connaitre.

Les personnages rencontrés par Grégorius éclairent un pan de la personnalité de Amadeu ainsi que les étapes de sa vie qui l'ont conduit à s'intéresser à des sujets aussi variés que la religion, le langage, la vie, ...
Lien : http://depuislecadredemafene..
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