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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Si Prosper Mérimée est célèbre pour ses nouvelles, il n'a écrit qu'un seul roman, mais quel roman ! Assez méconnu, « Chronique du règne de Charles IX » fait partie des grands romans historiques du XIXème siècle.
A cette époque, (fin des années 1820) le roman historique est à la mode : Walter Scott a déferlé sur la France : traduction des « Puritains d'Ecosse » (1817), de « Rob Roy » (1818), « Ivanhoé » (1820), « Quentin Durward » (1823) ou « le Talisman » (1825). le roman historique moderne est né en France avec Alfred de VignyCinq-Mars » – 1826). Quand Mérimée décide de se lancer sur ce créneau, il a donc deux auteurs en ligne de mire : Scott et Vigny (et je ne parle pas De Balzac, qui, à la même époque, met en branle « Les Chouans »). Deux conceptions différentes de l'Histoire : tous deux romantiques, ils n'ont pas la même vision de la réalité historique : Walter Scott raconte des destinées individuelles, les grandes figures historiques ne prennent pas beaucoup de place. Chez Vigny, ce sont des personnages réels (Cinq-Mars, de Thou, Richelieu, Louis XIII), qui tiennent la vedette. Pour l'un comme l'autre, la reconstitution historique est importante, puisqu'elle donne le ton et la couleur de l'ouvrage, mais pas essentielle. Mérimée, dans une autre optique, va s'inspirer de ces deux modèles, mais y ajouter une rigueur scientifique, une précision réelle, qui va donner au roman une véritable apparence d'authenticité. Son talent d'écrivain fait le reste.
La « Chronique du règne de Charles IX », comme l'indique le titre, se passe pendant les guerres de religion. Les deux frères de Mergy combattent dans deux camps opposés : Bernard est protestant (huguenot) et Georges catholique (papiste). Comme il est plus facile de compliquer les choses que de les simplifier, Bernard s'amourache d'une catholique. Tout ça sur fond de Saint-Barthélémy. On croise des personnages connus, comme Ambroise Paré, on vibre avec nos héros, on tremble dans les nombreuses scènes d'action : c'est un excellent roman, qui par bien des côtés préfigure Dumas (mieux que le Cinq-Mars de Vigny).
L'originalité de Mérimée, c'est ce regard ironique qu'il porte sur l'Histoire : avec une espèce de dérision, ce voltairien convaincu renvoie dos à dos les deux religions, prône la tolérance et la paix confessionnelle. C'était assez osé, dans cette société de la Restauration réactionnaire et bigote. Il faut sans doute y voir, là-aussi, une manifestation du romantisme, à la fois rebelle et humaniste.
L'analyse de l'auteur qui se lit en parallèle de l'intrigue, est donc une condamnation du fanatisme. Et cette seule réflexion donne au roman historique une autre dimension : le roman peut être autre chose qu'une distraction, un divertissement. C'était en filigrane chez Vigny, c'est un peu plus évident ici. Dumas, lui, reviendra à une notion plus « tous publics », mais les auteurs de romans historiques du XXème siècle (je pense entre autres à Robert Merle) donneront à leurs oeuvres ce même cachet de réflexion, qui invitera le lecteur ou la lectrice à dépasser le seul stade de la lecture, et à se poser des questions, non seulement sur l'Histoire racontée dans le roman, mais sur ses résonnances actuelles.
Le roman historique, de ce point de vue, est idéal : il nous fait voyager dans le temps et dans l'espace, et nous amène, consciemment ou pas, à en tirer des conclusions personnelles tout à fait contemporaines.
Si vous lisez Mérimée, ne vous en tenez pas aux nouvelles (bien que ce soit déjà beaucoup), ce roman-ci vaut largement le détour !
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La première fois qu'on évoqua l'existence de ce roman, qui m'était tout à fait inconnu je dois bien l'admettre, c'est un ami, qui militait alors dans une organisation que je n'ai jamais vraiment apprécié, qui le fit, dans son salon, alors qu'on se faisait une de ses soirées café/cigarette que nous affectionnons régulièrement pour y discuter de tout et de rien. Mais nous aimons y discuter des seules choses qui comptent, alors il y est souvent question de Littérature et d'Histoire. le reste a-t-il réellement de l'importance?

Nous étions en train de discuter, débattre, vivement, mais pour tout dire sincèrement, tomber d'accord, pleinement, sur le rôle joué par les "huit conflits" qui ravagèrent la France et permirent l'accélération de la construction d'un État centralisé et impitoyable, bien avant la Révolution française. Il m'a alors suggéré la lecture de ce roman, avec enthousiasme et sérieux, et l'enthousiasme était -et l'est toujours- bien rare chez lui, ce monarchiste, cet élitiste littéraire. Ce roman devait accréditer la thèse que mon ami défendait, et défend toujours, celle du massacre improvisé, dans la panique. D'une monarchie et d'un Roi dépassé par une situation extraordinaire, au sens premier du terme.

Dans un premier temps je ne fis pas vraiment attention à cette énième référence, à cet énième conseil de lecture. Nous en avons tant échangé qu'il faudrait que je cessa dans l'instant la moindre activité autre que la lecture si je voulais arriver à aller au bout de tous les conseils prodigués, et que je puisse vivre un siècle entier en plus de cela. La seule chose qui me marqua, et même me troubla, était que ce roman soit l'oeuvre de Mérimée. Car en réalité ce fut la surprise qui fut ma première réaction en apprenant que cet auteur avait rédigé autre chose que poésie, nouvelles, pièces et récits de voyage.

Puis, durant plusieurs années, sans raison particulière, j'oublia jusqu'à l'acquisition même de ce roman, comme si de rien était, sans en être aucunement perturbé d'une quelconque façon. J'eu l'occasion, par un total hasard, de le retrouver, que très récemment, peu de temps avant le dernier Noël, dans la course boulimique sans fin entamé au printemps dernier, à l'occasion du "grand confinement" de 2020. Je l'avais acheté il y a deux, peut-être trois ans, par excès de provision, comme souvent lorsqu'il s'agit de livres, mais surtout par peur de manquer, et ce n'est pas vraiment la même chose loin de là. Au milieu d'une de ses razzia qui me saisit régulièrement, et à laquelle je sais comment y échapper. Sans que je n'essaie vraiment pour être sincère.

En m'activant sur ma bibliothèque, pleine raz la gueule d'ouvrages en tout genre, pour enfin obtenir un rangement plus efficace, gagner de la place et accueillir mes quelques dernières folies, je tombais sur cet achat ancien de plusieurs années. Il se trouvait entre un vieil Hemingway annoté et un des chef-d'oeuvres du médecin de Bezons.

Ainsi donc je redécouvris ce roman, cet étrange livre que je n'avais pas encore lu. Intrigué par cette oeuvre unique, et me souvenant assez clairement de la discussion qui m'avait convaincu de l'acquérir, je me décida, en une fraction de secondes, sans grande hésitation, à en entamer la lecture à la première occasion, sans perturber mon petit programme, ma petite liste de livres en attente de lecture.

Tout cela prit quelques mois tout même car j'ai toujours en tête une longue liste de choses à entamer, continuer, finir mais enfin, début mai, j'y étais, j'avais le temps, l'énergie de me lancer dans ce roman si mystérieux.

Pour être sincère, et même s'il me faudra quelques mois, peut-être même quelques années, je ne me suis jamais vraiment remis pour être tout à fait sûr de l'effet de ce roman sur mon esprit, mon coeur, ma sensibilité, je crois pouvoir dire que c'est sans doute l'un des plus grands romans que j'ai pu lire de ma vie. Je ne sais pas encore comment en parler, comme si toutes ses émotions étaient encore bien trop embrouillées, constituant presque une mélasse inintelligible à ma propre intelligence , pour que je sache en parler de manière compréhensible aux oreilles des autres. Ainsi je ne suis toujours pas apte à parler avec recul et lucidité de "Cent ans de solitude". J'espère pouvoir, rapidement parler, transmettre mon ressenti à propos de "Chronique du règne de Charles IX".

Je ne puis toutefois finir cette critique personnelle sans une citation, belle, profonde, cruelle, cynique, écrite avec le talent que seul les écrivains d'autrefois avaient, lorsque ce pays regorgeait de talents jusqu'à la nausée, quand la France était le coeur littéraire indiscutable d'un monde fin et distingué, et le français la langue de la beauté la plus pure qu'il soit donné d'exister.

"- Ton livre, ma Diane, n'est qu'un tissu de mensonges et d'impertinences. C'est le plus sot qui soit jusqu'à ce jour sorti de dessous une presse papiste. Gageons que tu ne l'as pas lu, toi qui m'en parles avec tant d'assurance !
- Non, je ne l'ai pas encore lu, répondit-elle en rougissant un peu ; mais je suis sûre qu'il est plein de raison et de vérité. Je n'en veux pas d'autre preuve que l'acharnement des huguenots à le dépriser.
- Veux-tu, par passe-temps, que, l'Écriture à la main, je te montre… ?
- Oh ! garde-t-en bien, Bernard ! Merci de moi ! je ne lis pas les Écritures, comme font les hérétiques. Je ne veux pas que tu affaiblisses ma croyance. D'ailleurs tu perdrais ton temps. Vous autres huguenots, vous êtes toujours armés d'une science qui désespère. Vous nous la jetez au nez dans la dispute, et les pauvres catholiques, qui n'ont pas lu comme vous Aristote et la Bible, ne savent comment vous répondre.
- Ah ! c'est que vous autres catholiques vous voulez croire à tout prix, sans vous mettre en peine d'examiner si cela est raisonnable ou non. Nous, du moins, nous étudions notre religion avant de la défendre, et surtout avant de vouloir la propager."
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Je suis tombée sur ce livre à Gibert Joseph, alors que je cherchais une lecture historique. Au début peu enthousiaste en considérant le titre (une "chronique" me renvoyant à l'image d'un récit long et ennuyeux), j'ai eu la surprise de constater qu'il s'agissait en réalité d'un roman, somme toute assez agréable.

Assez vite, le lecteur fait la connaissance de Mergy, jeune homme protestant qui souhaite monter sur Paris pour servir l'Amiral de Coligny. Arrivé à la capitale, il retombe par hasard sur son frère aîné, renié par sa famille en raison de sa conversion au catholicisme. Quoi que heureux de se retrouver, les deux jeunes gens sont séparés par la religion, ce qui n'aura de cesse d'être rappelé tout au long du livre, et en constituera même le coeur. En effet, nous sommes alors en 1572, à la veille de la St Barthélémy. Les deux héros se retrouvent pris dans des tensions politiques qui deviennent de plus en plus dangereuses, et les contraignent malgré eux.

A mes yeux, ce roman fut très enrichissant. Ecrit dans un style limpide qui le rend accessible à tout lecteur, les pages défilent sans qu'on ne s'en rende compte. En effet, l'histoire est à la fois simple et prenante. On souhaite savoir comment Mergy va survivre, ou non, à la St Barthélémy. de plus, ce roman a un véritable intérêt historique en ce qu'il dépeint nettement la situation et les évènements de l'année 1572. Il permet à quelqu'un qui s'intéresse à l'Histoire d'en apprendre plus à ce sujet. On pourrait donc dire que ce roman est à la fois agréable, permettant de passer un bon moment de lecture, et instructif historiquement.
Je le recommande donc vivement à quiconque tomberait sur ce livre, qu'il soit connaisseur ou non en Histoire.
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