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3,71

sur 646 notes
Il est des romans étiquetés «  polars » qui dansent autour des codes habituels de ce genre en les épurant a minima pour les envelopper d'une atmosphère étrange et inquiétante qui happe le lecteur dès les premières pages.

Il faut dire que cela commence comme une légende au fin fond du Québec, à la frontière du Maine, sur les rivages du lac Boundary, la légende d'un trappeur solitaire qui y avait trouvé refuge pour fuir la conscription de la Deuxième guerre mondiale puis s'était suicidé lorsqu'une femme trop belle pour lui s'était refusée à lui. Les enfants aiment invoquer son esprit pour jouer à se faire peur comme aiment à le faire les enfants. Mais voilà que ses pièges ours semblent ressurgir de la terre noire de la forêt, une adolescente est retrouvée morte, déchirée par un de ces pièges. Puis une deuxième. Comme une malédiction posthume pour détruire la beauté de la jeunesse. Nous sommes en 1967.

C'est peut-être la première fois que je lis un polar en ne m'intéressant pas à l'intrigue de l'enquête à proprement parler : il y a bien une traque de l'assassin, des interrogatoires, une autopsie, des suspects, mais la tension n'est pas crée par une multiplication de rebondissements et de fausses pistes. L'essentiel réside ailleurs car ces crimes tendent un miroir à la population qui les subit. Et c'est cela qui est formidablement désossé, les lignes de fracture que créent les meurtres des jeunes filles lorsqu'il déchire la langueur du Summer of love, leurs répercussions sur la communauté au sein de laquelle tout le monde se connaît et qui héberge le meurtrier.

En alternant les chapitres menés par un narrateur omniscient ou par la jeune Andrée qui se souvient à la première personne, l'auteure sait puissamment dire la montée des tensions, la méfiance qui s'insinue, la colère, la tristesse, la peur qui remplacent la sidération initiale. L'acuité psychologique dont fait montre l'auteure est remarquable. le lecteur est comme envahi par les pensées de chacun, témoins, victimes, enquêteurs, assassin. Un flot d'émotions jaillit des pages et m'a habitée durant toute la lecture.

Cette intensité naît de la force d'évocation de l'écriture, d'une richesse incroyable qui célèbre la francophonie en la mariant à des anglicismes et des québécismes qui jaillissent et régalent. Cette explosion des frontières linguistiques est une véritable performance stylistique tant la langue est virtuose, sensuelle et sensorielle. de nombreux passages m'ont éblouie et donnée des frissons, aussi bien lors des descriptions quasi impressionnistes de la nature, lacustre ou forestière, que lorsque Andrée A. Michaud se place au chevet des âmes. Comme lorsqu'elle se penche sur celle d'une voisine de l'adolescente tuée dont son mari à retrouver le corps :

« Celle-ci avait confirmé que son mari s'absentait souvent de longues heures pour revenir l'haleine chargée d'odeurs de gomme d'épinette, les yeux remplis de lueurs prises à l'eau des ruisseaux ou à l'oeil des bêtes tapies dans l'obscurité verte des sous-bois. Elle ne connaissait pas la véritable origine de ces lueurs, ne comprenait pas que l'eau froide puisse se transformer en lumière au coin d'un oeil, mais elle pouvait décrire le goût amer de la forêt, qui demeurait longtemps dans sa bouche après que son mari, à coups de langue lumineuse, avait tenté de lui inoculer cette essence contenant la beauté des arbres. Elle n'avait cependant rien pour leur apprendre sur Zaza Mulligan, sinon que son corps fantomatique marchait depuis la veille au côté de celui de son mari, qui lui avait parlé de la jambe déchirée de Zaza, mais surtout de sa chevelure, de cette trainée de lumière éteinte dans l'ombre verte. C'est ce qu'avait d'abord vu Ménard en s'écartant du sentier, une longue chevelure rousse, ne comprenant pas bien ce qu'était cet enchevêtrement soyeux. Il avait ressenti un violent coup au sternum en l'apercevant, pareil à ceux qui lui transperçaient la poitrine quand sa petite Marie lui échappait pour traverser la rue. »

J'ai été hypnotisée même si j'ai parfois décroché dans le dernier tiers à cause de quelques longueurs et d'une révélation de l'identité du coupable qui ne m'a pas convaincue.

Un polar d'atmosphère atypique et puissant par la force d'évocation qu'il distille, porté par une plume rare et superbe.
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La nuit était trop belle, les étoiles trop lumineuses en cet été flamboyant de 1967 pour que Zaza rentre chez elle aussitôt après quitté son amie de toujours, Sissy. Fredonnant, insouciante, enivrée, elle marche sans but, profitant de cet instant. Une fois engagée dans Otter Trail, non loin du chalet familial, elle entend un léger craquement derrière elle. Puis un second, un peu plus fort. Prenant soudainement peur, elle demande qui est là. Aucune réponse mais une ombre furtive. Une main qui s'empare d'elle et des cris dans la nuit.. le corps de Zaza Mulligan est retrouvé seulement deux jours plus tard par un riverain, Gilles Ménard, très choqué par cette découverte. La jambe sectionnée par un vieux piège à ours. le lac de Boundary Pound étant à la frontière entre le Canada et les États-Unis, l'enquête est tout de même confiée à Stan Michaud, l'inspecteur en chef de la police du Maine, et de son assistant, Jim Cusack, d'autant que la victime est de nationalité américaine. Très vite, ils concluent à un tragique accident. Dès lors, l'été, à Bondrée, perdra de ses saveurs, de ses couleurs, de son insouciance, d'autant qu'un nouveau drame ne va pas tarder à surgir...

C'est l'été, une période de certaine insouciance et légèreté. L'on fredonne "Lucy in the sky with diamonds". C'est près du lac de Poundary, près de la frontière américaine, que plusieurs familles, aussi bien canadiennes qu'américaines, viennent profiter de ces jours d'été, entre baignades, barbecues ou parties de pêche... Les adolescents, eux, jouissent de leur nouvelle liberté. Parmi eux, Zaza Mulligan et Sissy Morgan, deux amies, à la vie à la mort. La blonde et la rousse, inséparables, un brin provocantes parfois ou désinvoltes. À la mort aussi dramatique qu'incompréhensible de Zaza, toute la communauté de Bondrée s'en trouve bouleversée, vacille et doute fortement. Y aurait-il un tueur parmi tous ces vacanciers ? Aux questionnements et aux tâtonnements de l'inspecteur Stan Michaud s'intercalent les pensées d'une jeune narratrice, Andrée, adolescente admirative de Zaza et Sissy. Outre cette enquête policière finement menée, Andrée A. Michaud installe une atmosphère dense, pesante, un brin onirique et comme hors-du-temps. Aux expressions québécoises, mélangeant français et anglais, la plume acérée, descriptive, parfois poétique de l'auteur se révèle dépaysante.
Un roman d'atmosphère captivant...
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Eté 1967. Boundary Pound fait le bonheur des vacanciers. du soleil, un lac entouré d'une forêt profonde. Nature et farniente, chasse et pêche, confitures et barbecues. Ils s'appellent Duchamp ou McBain, Larue ou Latimer, viennent du Maine ou du Québec et partagent tous la douceur de vivre de ce lieu paradisiaque. Les femmes préparent des tartes, les enfants barbotent et les maris arrivent pour le week-end pour un repos bien mérité. Andrée est encore une enfant même si elle se donne des airs de grande et rêve de s'immiscer dans le duo formé par Zaza Mulligan et Sissi Morgan. Une blonde, l'autre rousse, deux gamines tout juste sorties de l'adolescence qui exhibent leurs longues jambes, chantent les Beatles à tue-tête, cigarettes fines au bec. Andrée les admire, les femmes leur jettent des regards réprobateurs et les hommes tentent de cacher la convoitise honteuse qu'elles allument dans leurs yeux. Rien de grave, rien de bien méchant. Mais tout bascule le jour où Zaza disparaît jusqu'à ce qu'un promeneur la retrouve dans les bois. Morte, la jambe coincée dans un piège à ours, elle s'est vidée de son sang. L'enquête menée par Stan Muchaud et son adjoint Jim Cusack conclut à un accident. Mais la quiétude de l'été a disparu avec Zaza. On s'inquiète, on organise des battues pour déloger les pièges, on déterre les histoires du passé. Celle de Pierre Landry, un déserteur qui voulait échapper à la seconde guerre mondiale et s'est réfugié dans les bois de Boundary. Un trappeur, un ermite, un sauvage, mort d'amour pour les beaux yeux d'une estivante qui ne l'aimait pas en retour. Son fantôme a-t-il tendu un piège à Zaza ? Quand une deuxième jeune fille disparaît, le doute n'est plus permis. Ce n'est pas un fantôme qui lui a rasé la tête et coupé la jambe...Michaud revient et cherche un meurtrier.

Quel magnifique roman ! Grâce à sa plume alerte et sensuelle, sa langue colorée mixant anglais et français, Andrée Michaud nous emmène avec elle au bord de ce lac qui marque la frontière entre Canada et Maine, dans les petits chalets habités par les familles d'estivants, au coeur de la forêt profonde qui l'entoure et contribue au mystère des lieux. C'est dans ce décor bucolique qui invite au farniente ou à l'exploration de la nature qu'elle instille discrètement un parfum de drame. Malgré les enfants qui s'ébattent dans les eaux du lac, les femmes qui confectionnent à tour de bras tartes et confitures, les hommes bienheureux qui viennent goûter ici au repos du guerrier, il y a quelque chose de pourri à Boundary, une odeur de mort qui vient peut-être de la triste histoire de Peter Landry...A la suite de ses personnages si attachants, du flic surmené, hanté par une affaire non résolue et profondément humain, à la petite Andrée qui fait une entrée fracassante dans l'âge adulte, jusqu'à ces mères autoritaires et protectrices dignes représentantes de la bonne ménagère des années 60, on parcourt les sentiers de Boundary, on profite de la chaleur estivale et puis on craint le pire, on cherche un coupable, on voit voler en éclat la douce langueur d'un dernier été au bord du lac.
Bref, plus qu'un polar c'est un roman d'atmosphère, extrêmement bien écrit, aux personnages marquants, dans un décor dépaysant. Un coup de coeur.
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Eté 1967, Summer of love, au bord du lac de Boundary Pound, cerné de forêts profondes, à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis.
Bondrée, pour les intimes.
Endroit propice aux légendes tressées autour du personnage d'un trappeur dont certains se souviennent et qui flanque le frisson à tout le monde...
Le lieu de villégiature fait le plein de vacanciers canadiens et américains, qui reviennent année après année. Ils ne se fréquentent pas forcément, mais ils se connaissent tous.

Parmi eux, les Mulligan et les Morgan, dont les filles, Zaza et Sissy, deux amies fusionnelles, laissent derrière elles un sillage d'attirance sexuelle chez bien des hommes et de jalousie chez bien des femmes.

Et les Duchamp, qui viennent aussi chaque année avec leurs trois enfants, Bob, Andrée et Millie.

Une nuit, Zaza disparaît. Elle est retrouvée morte, dans une clairière, la jambe prise dans un vieux piège à ours.
L'inspecteur Michaud conclut à un accident.
Mais trois semaines après, une autre jeune fille est engloutie à son tour dans le crépuscule...

Que l'on accompagne Andrée Duchamp dans ses vacances adolescentes bouleversées par la disparition de Zaza puis par l'angoisse grandissante parmi les vacanciers, ou bien l'inspecteur Michaud venu du Maine enquêter sur cet "accident", les personnages sont bien campés, les caractères finement évoqués.

Zaza et Sissy font écho aux Zaza-et-Sissy que nous avons tous pu croiser.
Les vedettes de la villégiature.
Tout le monde les connaît. Tout le monde a un avis sur elles. Tout le monde les regarde.
Elles fascinent Andrée, litteldole so cut, Sissy, à qui elles donnent des gommes ballounes.
Deux jeunes filles qui se jouent du désir qu'elles éveillent chez les hommes, qui se fichent que les femmes en prennent ombrage, riant au nez de tous ces bien-pensants qui les toisent de haut.
Deux jeunes filles insouciantes et libres.
Pas si chanceuses qu'on veut le croire, ni si bien-aimées non plus.
Plutôt délaissées par leurs parents, gâtées à hauteur de leur désintérêt pour elles et qui ne comptent que l'une sur l'autre.
Dont le souvenir égratignera la mauvaise conscience de tous ceux qui en pensent tant de mal... révélant malgré elles le meilleur et le pire en chacun.

La plume d'Andrée A. Michaud a une force d'évocation remarquable. Elle enveloppe la narration de bribes de conversation en anglais, tics de langage, expressions québecoises, jurons, passant d'une langue à l'autre dans la même phrase si naturellement qu'on croit l'entendre.
Tous ces voisins prennent vie, les anglophones, les francophones. La lumière scintille en poudre d'or sur le lac. La forêt se pare du chatoiement de toutes ses nuances d'émeraude. Les journées vibrent dans une chaleur harassante avant la déferlante d'orage. Mais une inquiétude pesante rampe autour de Bondrée... Elle monte avec le crépuscule, soir après soir, semaine après semaine, retombe un peu, un court répit, pour assurer ensuite davantage son emprise sur la communauté...

A l'aise dans la peau d'une adolescente comme dans celle d'un inspecteur au bord de rendre son insigne, hanté par les fantômes d'affaires abominables, l'auteur tisse subtilement la toile de cet été 67, où viennent se prendre jeunes filles, illusions, enfance, tranquillité et innocence...
Tout y est juste, le ton, les préoccupations, les descriptions, les relations familiales, amicales, de voisinage.
Tout peut réveiller un souvenir enfoui en soi, qui dit les incertitudes de l'adolescence, les odeurs de barbecue, les voix appelant les enfants dans le soir d'été, la ligne rose vif au-dessus des cîmes suivant l'engloutissement du soleil, les mères, les pères, leur regard sur leurs enfants, leur absence aussi...
Au fil des pages, l'ambiance se tend, une sourde anxiété fait place à l'angoisse, l'air devient irrespirable.

J'ai été très impressionnée par la maîtrise, la profondeur, la finesse d'observation d'Andrée A. Michaud, sa délicatesse et sa poésie.
Bondrée est pour moi un grand roman, j'en ai suivi chaque méandre avec délectation.

Encore une découverte que je dois à la lecture commune polar,
merci !
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Au fin fond du Canada, dans une région qui s'appelle « Bondrée », quelques familles se sont regroupées comme chaque année pour passer l'été au bord d'un lac. Trois adolescentes profitent de leurs vacances, insouciantes, Zaza et Sissy, que l'on pourrait prendre pour des jumelles car elles sont inséparables et Frenchie, dernière arrivée qui s'est liée au duo de délurées. Elles ne se doutent pas que dans la forêt environnante, un être sanguinaire et malfaisant rode…
Tout l'intérêt du roman d'Andrée Michaud réside dans l'atmosphère pesante qu'elle a parfaitement su recréer autour des meurtres perpétrés par un psychopathe. Même la nature participe à cette tragédie, une forêt primaire, des montagnes et un lac.
« Bondrée » est un polar à la Hitchcock où le lecteur est gardé à distance de l'intrigue et l'auteur lui lâche les éléments au compte-goutte derrière un voile opaque, un peu comme dans un cauchemar. Rien n'est dit ouvertement, tout est centré sur l'ambiance de cette région qui va s'avérer hostile, et sur les caractères des personnages, des gens simples, des ermites, des gueules cassées de la vie.
Il manque mal grès tout la pression crescendo d'une enquête qui livre ses éléments, des pistes élaborées pour accompagner ou perdre le lecteur. L'auteur a trop axé son récit sur la psychologie de ses personnages ce qui affaiblit la tension narrative. Il y a tous les éléments d'un très bon polar mais trop dilués dans un flot de détails sur le caractère des protagonistes.
« Bondrée » est une enquête hors des sentiers battus de ce type de littérature où le venin envahit lentement le corps de cette histoire.
Editions Rivages / noir, 380 pages.
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Superbe...
Il y a les romans policiers , et puis les romans policiers excellemment écrits..
Andrée A Michaud réussit à raconter une très bonne histoire, avec un climat particulier et un vocabulaire très riche et ciselé.
Dans la forêt de Boundary Pond , il y a un lac ; on surnomme cet endroit : Bondrée .
C'est un endroit qui sent bon les vacances, la nature et la paix...
Des chalets disséminés, suffisamment éloignés pour que chacun se sente indépendant. Des enfants qui se baladent en totale sécurité et des parents qui peuvent souffler...
Mais l' été 1967, deux adolescentes se sentent un peu trop " en liberté", maquillées, n'ayant peur de rien, effrontées et bruyantes, elles font parler d'elles et pas en bien. Andrée, une gamine, les admire et aimerait intégrer le duo, mais elle est trop jeune et naïve. alors, elle se contente d'observer...
Et ce qu'elle verra cette année là, sonnera le glas de son insouciance et son enfance.
L'une des adolescentes, disparaît..
Et l'enquête peut commencer , menée par la police du Maine, on est à cheval entre les USA et le Canada. Et tout au long du roman, on percevra cette double culture. Parfois l'auteur, sans crier gare, passera du français- canadien à l'anglais, ce qui donne une couleur singulière au roman, un charme fou. ( Les expressions Québécoises sont savoureuses ).
Trois cultures, trois personnages phares : celui du traducteur qui fait partie des résidents et qui se retrouve dans l'enquête , sans le vouloir, témoin tenu au secret.
Puis le chef de la police habité par des "cas boomerangs" , des enquêtes qui se rappellent à vous , à n'importe quel moment. Un flic hanté qui porte le même nom de famille que l'auteure, et un personnage de gamine qui porte son prénom...
Trois personnes qui pourraient être l'auteur , laquelle se souviendrait d'un fait divers qui aurait percuté son enfance...
Parce qu'il y a de ça dans ce roman, une ambiance particulière, lancinante, qui rappelle des souvenirs, des mauvais rêves...
Comme un caillou qu'on jetterait dans l'eau trouble de Bondrée et qui ferait des ronds de plus en plus grands. Car la fin de l'été 1967 ne ressemblera pas au début...
Cela fait une semaine que j'ai fini ce roman, et les ronds dans l'eau continuent dans ma tête...j'y pense encore . Je l'ai prêté, histoire qu'il fasse encore des petits ronds ailleurs...

Un suspens poétique et raffiné : un coup de coeur...

Challenge Mauvais Genres
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Chaque livre a son atmosphère, dans Bondrée, elle est envoûtante, voire hypnotique. le type d'atmosphère qui vous colle à la peau et ne vous lâche pas avant longtemps.
Un lac entouré de grandes forêts entre le Québec et le Maine, des estivants , deux jeunes filles, Zaza et Sissy qui découvrent le pouvoir de leur jeunesse, de leur corps, le plaisir de la première cigarette ...
Après la mort de Zaza qui bouleverse tout ce petit monde, la thèse de l'accident va être mise à mal avec une deuxième mort qui va plonger alors les habitants et estivants dans une peur, une angoisse, une colère.
En tant que lecteur, nous vivons à travers les personnages ces différents sentiments. Andrée A. Michaud nous décrit avec soin la psychologie des personnages à tel point que leurs réflexions deviennent nôtres et leurs émotions presque palpables.
Le choix de mélanger le français avec quelques phrases en anglais m'a un peu déstabilisée au début mais très vite, je me suis habituée à ce style et même apprécié.
C'est un livre qui m'a été conseillé par ma libraire et je suis ravie de l'avoir écoutée !
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Bondrée c'est un roman policier qui parle aux gens, qui parle à l'enfance, qui vous emmène dans les recoins enfouis de votre tête avec une touche énorme de poésie. Vous cherchez un tueur, vous y trouverez l'âme pleine de boomerangs d'un policier, les senteurs des confitures, l'amour d'une fratrie, les réflexes protecteurs des mères et même un peu plus. J'ai beaucoup aimé ce roman parce qu'Andrée A. Michaud sait autant faire parler les adultes que les enfants. Sous ce dernier aspect, j'ai eu l'impression de retrouver une part de l'esprit de Scout chez la Punaise. Et puis ce livre c'est aussi un parler qui mêle anglais et français, « une langue métissée, une langue bâtarde incapable de trouver sa juste place » avec des expressions qui sentent bon le lointain, le tout accentué par le lieu où se déroule l'histoire. Bondrée, Boundary, cette terre, qui relie les Etats-Unis au Canada, « apatride, un no man's land englobant un lac, Boundary Pond, et une montagne que les chasseurs ont rebaptisée Moose Trap, le Piège de l'orignal ». Un no man's land où se promène des girls qui partagent une amitié indéfectible, du genre de celle qui lie Anna et Francesca D'acier, des beautés devenues proies des fantasmes. L'écriture est charnelle, profonde, intelligente et je ne peux que conseiller fortement ce roman.
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1967.
C'est l'été, les vacances. Et dans la forêt de Bondrée, vaste région boisée située dans le Maine près de la frontière canadienne, résonnent les voix de Zaza Mulligan et de Sissy Morvan. Elles sont jeunes, belles, ont les jambes démesurément longues et bronzées. Elles chantent « Lucy in the sky with diamonds », rient. Elles ont la vie devant elles...

La forêt de Bondrée est un endroit magique, loin des villes et de la fureur de vivre. Tout y est simple et naturel. On se promène. On se baigne. On observe la faune et la flore. On y côtoie Canadiens et Américains. On y parle français et anglais. Tous les estivants se connaissent plus ou moins. C'est un petit coin de paradis pour chacun où voisins, parents, amis aiment à se ressourcer.
Mais lorsque Zaza Mulligan est retrouvée déchiquetée par un piège à ours, il y plane un sentiment de mal-être qui trouble profondément chaque vacancier. Comment un lieu si charmant peut-il encore receler de pareils pièges ? Quel accident absurde !
Et lorsque son inséparable amie, Sissy Morvan, est à son tour retrouvée morte dans les mêmes conditions, tout le monde comprend qu'un tueur fou règne au sein de cette forêt...

« Mais il était trop tard et personne ne saurait jamais si Zaza et Sissy étaient pourries à l'os, destinées à devenir ce qu'on appelait des bitches et des vieilles bitches. Alors on leur en voulait presque d'être mortes et de provoquer ces examens de conscience où on prenait la mesure de sa banalité et de sa mesquinerie, de l'aisance avec laquelle on parvenait à juger et à condamner sans d'abord se regarder bien en face dans le miroir. »


Voici un roman noir très marquant. Très marquant d'abord par son écriture très littéraire, au vocabulaire riche et soutenu, où les descriptions sont de véritables tableaux, où les sentiments et émotions sont minutieusement rapportés et traduits, où la langue même est un délicieux mélange de français et d'anglais.

Très marquant aussi par sa construction qui ne comporte aucun dialogue, mais dont la narration est celle de deux personnes. Celle de la romancière d'abord qui cerne admirablement la communauté et les policiers responsables de l'enquête en leur apportant crédibilité et précision. Celle ensuite d'une fillette de douze ans, grande admiratrice des deux jeunes filles, qui par son regard enfantin et joueur apporte de la fraîcheur, mais qui peu à peu va perdre sa spontanéité et être propulsée dans le monde des adultes face aux évènements tragiques qui se déroulent sous ses yeux.
« Ce n'est qu'au cours de cet été, quand les événements se sont précipités et que mes repères ont commencé à vaciller que j'ai compris que ces peurs enfouies au coeur de toute enfance refont instantanément surface lorsque vous constatez que la stabilité du monde repose sur des assises qu'un simple coup de vent mauvais peut emporter. »

Marquant enfin par les légendes qui continuent de courir sur Bondrée et laissent planer le doute jusqu'à la fin du roman.

Un roman que j'ai adoré par son atmosphère envoûtante, sa description d'une nature foisonnante, ses personnages richement observés et en particulier celui de l'inspecteur Michaud, policier bourru au professionnalisme à l'ancienne, attaché à des valeurs humaines profondes et entouré de ses fantômes.
Une auteure canadienne à découvrir, un roman à lire !
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C'était un été, celui ou Lucy se promenait dans le ciel avec des diamants en guise d'étoiles. C'était à Boundary, un no man's land perdu entre la frontière du Maine et celle du Québec. Un lac, des cabanes en bois, une chaleur moite, et l'insouciance de l'époque. Tout le monde se connait, vient ici pour quelques semaines de vacances, ou trapper le castor. Des provisions de sirop d'érable, de bières et de whisky pour tenir le choc, celui d'un retour à la nature, celui qu'on ne souhaite jamais vivre. C'était l'été 67 et je sifflote un air de Procol Harum en descendant vers le lac de Bondrée.

Avec des senteurs de pin et d'érables, j'écoute le chant des grenouilles qui croassent aux abords d'un lac. Croa-Croa me susurrent-elles, rien d'érotique dans leurs mots, plutôt genre fais gaffe toé avec tes gros sabots poussiéreux à ne pas m'écraser les cuisses. Alors je pourrais me croire dans un petit coin de paradis, quelques crisses par ci, quelques câlisses par là, histoire de me rappeler que je suis du bon côté de la frontière, et pourtant… oui parce qu'il y a un pourtant à tout image d'Épinal même collée au sirop d'érable, une petite fille vient d'être retrouvée, aux abords d'une clairière, morte, sauvagement mutilée. Une bête sauvage ? ou un monstre humain. Un piège à ours rouillé à ses pieds - ou du moins dans sa jambe déchiquetée. Faut-il poser des pièges à bête humaine pour survivre dans cette contrée ?

Un flic lessivé par la vie, par la poussière et par les horreurs de son taf… Faut-il le rappeler… Lorsqu'on voit le corps d'une gamine… Puis une seconde, aux abords d'un même coin. Là, on ne parle plus accident d'un vieux piège laissé à l'abandon, mais bien d'un second meurtre. Toujours aussi sauvages, les hommes perdus dans cette luxuriante forêt aux odeurs de pins et de champignons. C'est là que j'entre en scène, dans un polar nature-writing, car tout aussi prenant soit l'histoire, celle-ci, sombre et sans guère d'espoir, est servie par une magnifique plume, aussi belle que celle d'un lagopède à queue blanche, aussi envoûtante qu'un slow de Procol Harum, qu'une mélodie inspirée par J.S. Bach. Je tourne les pages, pour l'ambiance sublimante de ces mots aux détours d'un coin de forêt perdue dans un no man's land, aux abords d'un lac, à Bondrée, un été 1967, l'été où de jeunes filles insouciantes sifflotent A Whiter Shade of Pale en faisant voler leur mini-mini jupes en poil de castor.

C'est quand que la neige viendra lessiver tous les mauvais esprits de cette contrée et que les aurores boréales illumineront les âmes perdues dans le ciel ?
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