Beaucoup s’attachent à ce passage pour exploiter la tristesse du Seigneur comme la preuve d’une infirmité innée dès le principe, et non pas prise pour un temps ; ils voudraient détourner les mots de leur sens naturel. Pour moi, non seulement je ne vois pas qu’il y ait sujet de l’excuser, mais nulle part je n’admire davantage sa tendresse et sa majesté : son bienfait eût été moindre s’il n’avait pris mes sentiments. C’est donc pour moi qu’il s’est affligé, n’ayant pour lui nul sujet d’affliction ; et mettant de côté la jouissance de sa divinité éternelle, il se laisse atteindre par la lassitude de mon infirmité. Il a pris ma tristesse, pour me prodiguer sa joie ; sur nos pas il est descendu jusqu’à l’angoisse de la mort, voulant sur ses pas, nous rappeler à la vie. Je n’hésite donc pas à parler de tristesse, puisque je prêche la croix. C’est qu’il n’a pas pris de l’incarnation l’apparence, mais la réalité ; il devait donc aussi prendre la douleur, afin de triompher de la tristesse, et non de l’écarter : on ne saurait être loué pour son courage si l’on a connu des blessures que l’étourdissement sans la douleur.
Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, sort de l?oubli un étrange personnage : Ambroise de Milan. Dans « La Trace et l?aura »(Editions du Seuil), il raconte la vie d?Ambroise, écrivain, poète, évêque du IVème siècle, qui fut le maître de Saint-Augustin.
Dans ce livre passionnant, Patrick Boucheron retrace plus de dix siècles d?histoire.