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Premier roman de la célèbre tétralogie de Yukio Mishisma, « Neige de printemps » est l'histoire de Kiyoaki le fils unique du marquis et de la marquise Matsugae nouveaux nobles et propriétaires d'un magnifique domaine de quarante hectares situé non loin de Tokyo.
Le marquis a placé son fils dès sa tendre enfance dans une famille aristocratique, les Ayakura, où il a été élevé dans une ambiance de noblesse de cour près de la fantasque et très belle Satoko Ayakura de deux ans son aînée.

Pas encore majeur et maintenant chez ses parents, Kiyoaki a 18 ans en 1912 lorsque s'achève l'ère Meiji, période marquée par la fin de la politique d'isolement volontaire du Japon, et que commence l'ère Taisho perméable à la culture occidentale.

Sans être efféminé, Kiyoaki est d'une exceptionnelle beauté mais ni les études ni les activités sportives ne l'intéressent vraiment, il serait plutôt adepte des songeries languissantes et tient dans un journal intime le détail de ses rêves nocturnes.
Son précepteur depuis six ans, le viril Iinuma, se désole de son peu d'entrain et de ses médiocres résultats scolaires ; même son meilleur ami issu d'un milieu moins fortuné, le studieux Honda, est souvent perplexe face à de tels états d'âme.

Bien que follement épris l'un de l'autre, Kiyoaki et Satoko ont tous les deux une fâcheuse tendance à compliquer les choses. Planifié avec l'aide de l'entremetteuse Tadeshina, la suivante de Satoko, le moindre flirt est si peu spontané qu'il en devient risible.
La puérilité des deux jeunes gens est manifeste et un malentendu prend un jour des proportions démesurées, amplifiées dans le temps par l'orgueil de Kiyoaki.

Mishima, avec son habileté coutumière, transforme en quelques brefs chapitres une relation idyllique à fort potentiel, qui seyait si bien au lecteur, en drame passionnel attisé au fil des semaines par le poids des convenances propres à ce milieu aristocratique.

Les ami(e)s, laissez Yukio Mishima vous prendre par la main pour découvrir la magnificence du domaine Matsugae !
Vous y contemplerez à l'automne les érables majestueux de couleur garance.
Peut-être préférez-vous attendre le printemps et faire un petit tour en barque sur le lac jusqu'à l'îlot situé au centre de la propriété, alors que « les premiers bourgeons poussent à la verticale si bien que le jardin tout entier semble se dresser sur la pointe des pieds » ?
Vous aurez ce jour-là le bonheur d'admirer « la floraison des cerisiers qui s'intercalent entre les pins dans les longues rangées d'arbres de chaque côté de l'avenue qui conduit au portail sur près d'un kilomètre ».

Chacun des cinquante-cinq chapitres est un diamant poétique finement ciselé par un écrivain au sommet de son art. Rassemblés, ils forment une oeuvre romanesque dont la beauté à nulle autre pareille a bouleversé et comblé le vieux lecteur que je suis.

Si ma bibliothèque disposait d'un petit endroit en forme de tabernacle j'y rangerais assurément « Neige de printemps », non sans l'avoir au préalable décoré des huit étoiles du baudrier d'Orion, cette célèbre constellation dont l'astérisme central s'affadit sous une lune radieuse.
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La tétralogie La mer de la fertilité est une oeuvre profonde et marquante, plus qu'il n'y paraît à première vue. Son premier tome, Neige de printemps, est une belle histoire d'amour entre deux jeunes gens de l'aristocratie japonaise, Kiyoaki Matsugae et Satoko Ayakura. Mais le jeune homme est une âme sensible, ignorant des choses de la vie, maladroit, ne sachant comment approcher correctement la jolie demoiselle. Un écart se creuse et c'est trop tard quand chacun comprend son erreur : Satoko est fiancée à un prince de la famille impériale. Les deux jeunes se revoient et ne peuvent résister à la passion qui les anime… avec les conséquences qu'on peut supposer. le roman prend des airs de Roméo et Juliette, en particulier avec la nourrice qui sert d'entremetteuse pendant un moment.

Mais, Neige de printemps n'est pas qu'une belle histoire d'amour. L'auteur Yukio Mishima plonge ses lecteurs dans le Japon de 1910, l'aristocratie avec ses banquets et ses soirées mondaines, les études vie au collège, la religion shinto avec ses temples, ses fêtes et ses cérémonies, puis les geishas jamais très loin. C'est tout un monde qui a été recréé dans les moindres petits détails, je m'y sentais transporté. Mais une rendition réaliste de cet univers n'a pas été faite aux dépens de la poésie. Kiyoaki contemple la beauté qui l'entoure, la nature dans les jardins, le ciel étoilé, etc.

C'est un roman qui trouve pleinement son sens quand on lit le reste de la tétralogie. Kiyoaki Matsugae, à travers son amitié avec Shigekuni Honda mais surtout avec deux princes thaïlandais, se laisse parfois aller à des échanges philosophiques sur le sens de la vie, la religion, l'amour. Il est certain qu'une âme sensible comme la sienne, devant un amour impossible et tragique, cherche à se rattacher, à se tourner vers quelque chose de plus grand. À travers ses échanges et des lectures, il est introduit aux idées issues du bouddhisme, entre autres à la réincarnation. Ce concept est important puisqu'il lit ce tome aux suivants. En effet, à la fin, c'est un Kiyaoki faiblissant, mourrant, qui confie à son meilleur ami : « Je viens d'avoir un rêve. Je te reverrai. Je le sais. Sous la cascade. » (p. 450)

Qui n'aimerait pas une nouvelle chance à l'amour, la possibilité de l'immortalité grâce à la réincarnation ? Cette portée philosophique, spirituelle de Neige de printemps n'est que le début d'une grande fresque.
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Dans ce très beau roman, Mishima raconte l'histoire de Kiyoaki Matsugae, un jeune étudiant japonais issu d'une famille riche mais non aristocrate (cela a son importance), qui n'arrive pas à exprimer ses sentiments auprès des autres. Son mutisme est associé à un orgueil qui l'empêche d'aller vers autrui. Il bouillonne quand on vient vers lui, même quand on est animé des meilleurs intentions. Mishima évoque à mot couvert, avec délicatesse, le conflit intérieur d'un adolescent qui n'arrive pas à grandir dans un milieu confiné.
J'ai trouvé le parallèle avec l'histoire du Japon, judicieux. En effet le récit est à cheval entre deux ères, l'ère Meiji (encore un peu isolationniste et tournée vers la tradition des Samouraïs) et l'ère Taisho (ouverte vers l'occident, on peut dorénavant envisager des études à l'étranger). Vous l'aurez compris, ce parallèle n'est pas anodin. le héros, comme son pays, parviendra-t-il à aller vers l'autre, à passer à l'âge adulte?

L'autre personnage principal est la très belle Satoko Ayakura, issue dune famille aristocrate illustre mais désargentée. Kiyoaki et Satoko ont été élevés ensemble sans qu'il n'y ait de soucis. Mais les 16 ans de l'un et les 18 ans de l'autre vont attiser les passions.

Si vous n'êtes pas gênés par la traduction française d'un texte en anglais lui même traduit du japonais, vous passerez sur les multiples coquilles, voir un ou deux contre sens, et découvrirez un superbe récit au long cours.

Le deuxième tome de la tétralogie ne m'attendra pas longtemps.

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J'en suis averti, la tétralogie dans laquelle je m'engage en lisant Neige de printemps de Mishima est une oeuvre testament. le testament d'un homme qui n'est pourtant ni condamné par la maladie ni en âge suffisamment avancé pour envisager l'échéance ultime prochaine. Mais pourtant, ainsi que l'écrit Marguerite Yourcenar dans l'essai qu'elle a consacré à cet auteur fascinant – Mishima ou la vision du vide – c'est le testament d'un homme qui prépare son "chef-oeuvre" : son suicide rituel.

Cette connaissance de l'acte irréparable est à la fois nuisible et profitable à pareille lecture. En refermant Neige de printemps, le premier tome de la mer de la fertilité, je sais déjà que j'irai au terme de cette splendide oeuvre romanesque en me procurant les trois autres opus d'une tétralogie qui prend des allures de monument. Un monument érigé par celui-là même qu'il rappelle à notre souvenir.

Nuisible la connaissance de ce parcours testamentaire, parce que je sais déjà que mon esprit va inconsciemment chercher au fil des pages les indices du cheminement intellectuel vers une fin décidée. Cette quête inconsciente peut me faire reprocher un voyeurisme morbide. Mais profitable plus encore, je veux m'en défendre, sera cette lecture. D'abord parce que les deux autres ouvrages que j'ai lus de cet auteur – le Pavillon d'or, Confession d'un masque – me donnent la certitude de me confronter au talent pur, ensuite parce que ce chemin sur lequel je m'engage est celui qu'il veut faire parcourir à son lecteur dans une démarche initiatique consciente du but fixé.

Kiyoaki est jeune et beau. Satoko est jeune et belle. Ils sont les héros de Neige de printemps. Ils se savent attirés l'un vers l'autre. Mais ne savent pas encore à quel point l'un est devenu indispensable à l'autre. Ils pensent encore pouvoir jouer de leur libre arbitre et mettre leur amour à l'épreuve des codes moraux de la société aristocratique dans laquelle ils sont nés. Ils ne se rendront pas compte qu'un jour ils auront dépassé le point de non retour.

Il est des fictions tellement bien apprêtées qu'on ne doute plus qu'elles aient été vécues par leur créateur. Des fictions qui mettent tous les sens du lecteur à contribution au point de lui faire vivre les événements, les personnages, au point de le gagner aux émotions de ces derniers. Neige de printemps est d'une esthétique rare. Beauté de la nature, beauté des sentiments, tout est porté par un style épuré, une écriture solennelle, débarrassée des impuretés accumulées par l'usage. Une performance d'auteur qui nous livre un distillat, un absolu de pensée.

D'aucuns pourraient éprouver certaines longueurs dans des épanchements descriptifs. Mais il n'est que de se souvenir que l'auteur est engagé sur un chemin funeste, que chaque regard est un regard d'adieu et qu'il vaut la peine de s'appesantir sur quelques merveilles de la nature quand elle est écrin d'un coeur qui souffre.

J'ai décidé de continuer le chemin avec Mishima, ce marcheur obstiné. Je vais donc me procurer les trois tomes qui pavent la fin de son parcours. Mais j'attendrai que covid veuille bien nous rendre notre liberté pour aller me procurer ces ouvrages dans ma librairie préférée. Je ne veux pas qu'elle baisse le rideau parce que j'aurais été pressé d'accompagner un auteur vers le bout de son chemin. Je ne veux pas qu'un clic de souris éteigne à jamais la vitrine d'un libraire. La vitrine de mon libraire c'est la vie dans la rue, c'est mon ouverture au monde.

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« Neige de printemps » est le premier tome de la quadrilogie-oeuvre testamentaire de Yukio Mishima. Estimant avoir tout écrit dans ces quatre romans, avoir exprimé toutes ses obsessions littéraires, il s'est donné la mort par seppuku dès les dernières lignes du dernier tome achevées.

Lecture difficile et exigeante, car parfois inégale, que cette « Neige de printemps » ! Mais tellement enrichissante une fois terminée. J'ai commencé ce roman il y a environ trois ans, lu une cinquantaine de pages avant de le laisser, non convaincue par la lenteur de ces premières pages (quelques longueurs viennent rendre la lecture un peu plus laborieuse). Mais quelque chose, un goût d'inachevé peut-être, le sentiment de passer à côté d'une oeuvre littéraire majeure, m'a persuadée d'y revenir, et je ne le regrette pas.

« Neige de printemps » narre donc principalement (mais il y a beaucoup d'histoires imbriquées) les amours contrariées de Kiyoaki Matsugae, héritier d'une riche famille de l'aristocratie récente (issue toutefois d'une lignée de samouraïs), et de Satoko Ayakura, provenant quant à elle d'une ancienne famille de la noblesse de Cour, mais assez désargentée. Les liens entre les deux familles sont serrés depuis longtemps, car le marquis Matsugae avait confié l'éducation du jeune Kiyoaki à la famille Ayakura afin qu'il acquière les manières raffinées (cet adjectif reviendra souvent dans le texte) et délicates de la noblesse de Cour. L'on comprend ainsi rapidement la différence de statut et d'éclat entre nouvelle et ancienne aristocratie, dans un contexte sociologique mouvant puisqu'au moment où se déroule le roman (dans les années 1910), le Japon est en pleine transition, entre lent abandon des traditions millénaires et ouverture vers la modernité de l'Occident (l'ère Meiji touche à sa fin).
Amours contrariées car si la relation entre les deux jeunes gens aurait pu trouver à un moment une issue heureuse, elle ne put s'épanouir réellement (si tant est que ce terme convienne) que dans la difficulté et le tragique, en raison principalement du caractère compliqué, introverti (et passablement égoïste) de Kiyoaki Matsugae.

Ce dernier m'a en effet perturbée dans ma lecture, tellement j'ai été souvent en désaccord avec lui : son égoïsme m'a souvent contrariée, étonnée, indignée. Ses actions et pensées ne prennent que pour point de départ et d'arrivée sa petite personne indécise, sans envies, qui ne peut trouver de sens à sa vie, et les autres n'ont qu'à se conformer à lui, jamais l'inverse (tout du moins au début du roman, car il semble évoluer à la fin, tout occupé par la mortification, manière de vivre l'absolu de sa passion). N'importe quelle petite incompréhension, malentendu, tourne avec lui à la plus grande des offenses ! J'ai souvent eu envie d'abandonner le roman tellement il m'énervait…
Mais cet égoïsme, cette aridité des sentiments et des situations, qui ne peuvent souvent aboutir qu'à la mort (par suicide, symbolique ou non), sont en réalité nécessaires car participant au sens que Mishima a voulu donner à son roman (la mer de la fertilité est le nom d'une plaine désertique de la lune, sans air, sans rien, donc sans vie). Pas étonnant dans ce cas que cette histoire d'amour ne mène qu'au gâchis…

Les relations entre les différents personnages sont également compliquées, toujours situées dans une hiérarchie (trait typiquement japonais, c'est vrai), dans des rapports de soumission/domination (je pense particulièrement au personnage d'Iinuma, le jeune précepteur de Kiyoaki, qui n'a pu apprécier ce dernier qu'une fois qu'il a connu la dépravation et donc perdu un certain respect de lui-même ; il m'a d'ailleurs fait penser, par son caractère fuyant et instable, au personnage principal du « Pavillon d'or ») et dans le calcul psychologique. Seule la jeune Satoko, personnage lumineux du roman, se distingue, mais n'échappera pas aux calculs et manipulations dont elle est elle-même incapable, pour sa plus grande perte (le déshonneur).

Enfin, et je garde le meilleur pour la fin, ce roman est un régal d'écriture. On ne peut que s'incliner (même si la version française est une traduction de la version anglaise, elle-même traduction du japonais ; Mishima, comme l'explique très bien l'intéressante préface de l'édition folio - dédiée à la traduction d'une oeuvre -, voulait que toute traduction de son oeuvre soit faite à partir de la version américaine, car elle « rendait parfaitement sa pensée et son style ») devant le caractère grandiose de son écriture, tantôt sensuelle (quel meilleur exemple que la scène de la balade en calèche sous la neige de Kiyoaki et Satoko, qui échangèrent leur premier baiser), tantôt sèche et aride, ou exaltée quand il s'agit de décrire les paysages naturels japonais.
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Autant le dire tout simplement, la tétralogie de "La Mer de fertilité" est un chef d'oeuvre. Même si certains trouveront ce premier livre trop emprunt de sentimentalisme, sa poésie, sa sensibilité et son symbolisme relèvent véritablement du sublime. J'ai avec cette oeuvre (que je relis) une relation de nostalgie bien particulière. Je me rappelle avoir acheté les quatre livres de la tétralogie lorsque j'étais encore étudiant et donc très avare de mes deniers... L'appel des couvertures en noir et blanc représentant des masques japonais a été plus fort que moi. Depuis, La mer de fertilité ne cesse de me nourrir. Cela fait maintenant plus de 30 ans.
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Neige de Printemps est le premier opus de la tétrologie romanesque « la mer de la fertilité » de Yukio Mishima. Et j'ai plongé ! Bonheur de redécouvrir Mishima, auteur à double tranchant.
La beauté, la haine, l'amour, la passion. Tout est ombre et lumière à la fois. Sensualité, soucis de la précision de la ligne, circonspection, introspection, colère, soumission, révolte, flamme et cendre, glacial , brûlant.
le 20 e siècle sera le siècle d'un nouveau combat : la passion. Ce sera là son drame, son duel, son suicide, sa folie, sa grandeur, son horreur.
Passion contre raison. Voilà la tragédie dans laquelle l'homme du 20e siècle devra livrer peut être son dernier combat. Et c'est peut être davantage contre lui même que contre un système qu'il devra lutter.
Bonheur de retrouver les lumières, et les ombres de cet univers, que j'avais pu recevoir à la lecture du palais d'or.
Découverte de ce Japon en ce début du 20e siècle, période qui verra ce pays sortir de l'ère Meji, période d'isolement volontaire et qui s'ouvre au système capitalisme occidental.
Bouleversement donc, bouleversement qui ébranlera une société reposant jusqu'à lors entièrement sur un système féodal. Su le monde est plein de bruit et de fureur il est également un écho.
Les hommes aussi bien que les choses perdurent. Question de racines, aussi bien de culture.
Ni l'amour, ni la beauté, ne meurent. Il en est peut être ainsi de tout ce que nous nommons « valeurs ». Tout réside, tout demeure. Nos haines, nos peurs, nos passions sont elles éternelles ?
La tétralogie, considérée comme le testament littéraire de Mishima, puisqu' achevé le matin même de « son suicide », développe la théorie de la réincarnation.
Seul indice à la lecture de ce premier tome : « Je viens d'avoir un rêve. Je te reverrai. Je le sais. Sous la cascade. ». Tel est la vision du héros principal, le jeune Kiyoaki, vision confiée à son ami Honda.
Hâte de découvrir les « chevaux échappés », deuxième tome de cette belle oeuvre.
Je viens d'avoir cette certitude. Je le lirai. Je le sais. Sous la lumière.
Astrid Shriqui Garain
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Yukio Mishima de son vrai nom Kimitake Hiraoka est un écrivain japonais, né en 1925 qui s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970. Il publia près de quarante romans, aussi bien des romans populaires qui paraissent dans la presse à grand tirage que des oeuvres littéraires raffinées, mais aussi des essais, des nouvelles et des pièces de théâtre. Il a obtenu les trois grands prix littéraires du Japon. Neige de printemps, paru en 1968, est le premier volet d'une tétralogie (La mer de la fertilité) composée de Chevaux échappés, le Temple de l'aube et L'Ange en décomposition.
L'action se déroule au Japon, quelques années après la fin de la guerre russo-japonaise (1904-1905), durant l'ère Meiji entamée en 1868 qui mit en oeuvre de nombreuses réformes comme l'abolition du système de type féodal et l'ordre des samouraïs ou l'adoption de nombreuses institutions occidentales. Dans ce pays en pleine mutation, deux jeunes amants issus des milieux aristocratiques vont vivre un amour tragique. Lui, Kiyoaki Matsugae, appartient à l'aristocratie issue des récentes transformations politiques, alors qu'elle, Satoko Ayakura, vient d'une famille de la noblesse de Cour.
Toute la beauté du roman tient dans son écriture qui mêle des effets contradictoires. Une écriture très moderne dans le ton – peut-être dû au fait que le livre a été écrit en anglais – tout en étant de facture très classique avec une bonne restitution des ambiances romanesques du XIXème siècle. Nous avons ici tous les ingrédients du romantisme européen que nous connaissons bien, des amours qui devraient logiquement s'épanouir mais qu'un destin cruel va anéantir, associés à l'univers japonais faits d'images et de traditions ancestrales typiques, comme l'honneur, si cher à l'écrivain.
Roman d'amour, roman psychologique surtout, Mishima nous offre une belle étude de caractères : que ce soient les deux amants dans leur jeu de séduction fluctuant, que ce soit Honda le témoin et ami sincère de Kiyoaki, ou bien Tadeshina, la gouvernante rusée, sans parler des parents des deux adolescents, coincés dans leurs rôles régis par leur situation sociale, le lecteur se laisse séduire par cette belle histoire. Ajoutons-y des passages superbes de sensualité, avec ces lignes consacrées au premier baiser échangé, ou de beauté pure quand l'écrivain dresse les décors naturels dans lesquels baigne son roman, couleurs des feuillages à l'automne, des paysages…
Le roman s'achève sur un drame tout en entrouvrant une porte mystérieusement optimiste à ce point de la tétralogie, sur les volets suivants…
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Encore une fois j'ai été impressionnée par la qualité d'écriture de Mishima. Et son roman est rempli de magnifiques descriptions. Mishima ne se contente pas de dire : "la jeune fille est triste", il va écrire des phrases sublimes, pleines de métaphores et de réflexions, pour dépeindre ce sentiment.

Ainsi, ses personnages prennent une dimension presque magique, où chaque émotion est décuplée.
J'ai aimé suivre les pensées de Kiyoaki, lycéen qui découvre les tumultes de l'amour.

Au début du roman Kiyoaki est un jeune homme insouciant. Il remplit ses obligations en tant que fils du marquis tout en songeant à l'avenir en compagnie de ses amis.
Finalement, il se retrouve dépassé par les projets de ses parents. Il n'est pas le fiancé de sa chère amie d'enfance, alors il décide d'intervenir et de vivre cette passion secrètement.
Malheureusement, trop ingénus, la situation échappe aux deux amants et un destin séparé les attend.

Cette triste histoire d'amour rappelle le destin de Roméo et Juliette. Mais aussi, ce roman est un témoignage de l'époque même de l'auteur. Mishima nous offre une vue sur le Japon du début du XXe siècle en ne lésinant pas sur la description des us et coutumes de sa société.
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Neige de printemps, par Yukio Mishima. Premier des quatre volets du cycle nommé « La mer de la fertilité », au terme duquel Mishima mit fin à à ses jours par la manière traditionnelle, le seppuku, Neige de Printemps est une histoire d'amour contrariée sur fond de changement d'époque insensible, les résistances s'exprimant toujours vivement.
Enfants d'une aristocratie ancienne pour Satoko, et parvenue, riche et influente pour Kiyoaki, cette dernière établie dans les suites de la guerre russo-japonaise, les deux héros de cette histoire ont été élevés côte à côte, voire ensemble, peu avant la fin de l'ère Meiji (en 1912) dans les environs de Tokyio. Ils arrivent au terme de leur adolescence, Satoko chez elle, Kiyoaki au collège que fréquente aussi son ami Honda. Kiyoaki pense que Satoko est amoureuse de lui, ce qui le rend distant, par réaction. Lui que ses études n'intéressent pas - il n'a pas les ambitions que son père nourrit pour lui - il se contente d'être un (très) beau garçon, rêveur, passif, à la recherche d'un sens à sa vie, et s'amuse à jouer les indifférents vis-à-vis de son amie. Satoko est très belle aussi. Un peu plus âgée, légère, lumineuse, elle est plus libre. Bien sûr, son destin est de se marier.
Insidieuse et quelque peu provocatrice, elle demande à Kiyoaki ce qu'il ferait si elle quittait Tokyo. Flairant un piège, rageur, son coeur limpide tout troublé, Kiyoaki fomente une réponse écrite qu'il regrette aussitôt que son courrier est parti. Satoko qui n'est pas sensée la lire - à la demande de son ami -, la lit et n'en dit rien. Elle l'attire à lui et, sous la neige de printemps, dans un pousse-pousse, ils ont leur premier baiser, d'une grande sensualité. Quand il apprend qu'elle a lu la lettre, il se lance dans un grande et longue bouderie.
La vie continue pour elle : elle est sollicitée par un prince qui veut l'épouser. Kiyoaki et Satoko se retrouvent alors, ils s'aiment follement, mais c'est trop tard. Un drame se noue, prélude à une fin tragique.
Les prises de distance, les manipulations et les stratagèmes, les intrigues où interviennent la suivante de Satoko, Tadeshina, le précepteur de Kiyoaki, Iinuma, ou l'ami Honda, tout cela alimente, infiltre, conditionne la passion charnelle et spirituelle des deux amants. Sur fond d'un Japon bien peu permissif, encore moyenâgeux, notamment dans l'aristocratie où tout est affaire d'honneur - d'argent aussi - une telle idylle ne peut s'épanouir. Pourtant, en ce début d'ère Taisho, une évolution, formelle surtout, se dessine, timidement, soulignée sur plusieurs plans par l'auteur : habitât, habillement, musique, moeurs superficiels, maîtrise de l'anglais… Même si Mishima insiste beaucoup sur les aspects psychologiques des protagonistes du roman, le Japon est toujours là, il balance, encore très traditionnel, avec les légendes et les bases théoriques qui ont fondé le bouddhisme, les fêtes qui célèbrent la nature - jardins, floraison des cerisiers -, l'organisation hiérarchique des rapports humains, etc.
Thème classique (ou romantique), écrit dans un style classique, ”retraduit” en français (à partir d'une traduction américaine), Neige de printemps est une oeuvre magnifique. Bientôt le deuxième volet du cycle…
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