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Honda se rend en Thaïlande lors d'un voyage d'affaires et, à Bangkok, il rencontre une jeune princesse, Ying Chan, qui, selon sa famille, souffre d'une certaine forme de maladie mentale, car elle insiste sur le fait qu'elle n'est pas du tout thaïlandaise, mais japonaise. Honda considère cela comme une indication que la princesse pourrait en fait être la réincarnation de Kioyaki et Isao.

Pour le confirmer, il cherche des occasions d'observer la princesse nue afin de rechercher trois grains de beauté révélateurs qui devraient apparaître sur le côté gauche de son corps, ce qui se transforme en obsession voyeuriste, unir le sexe et la mort, les deux faces d'une même médaille.

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A la fin du tome 3, je reste mitigée entre la fascination pour le grand écrivain, capable de fouiller, ciseler, décortiquer les plus fines nuances et plus sombres méandres de l'âme humaine, les beautés d'une floraison, les raffinements d'une lumière, d'un jardin ou d'un paysage, les lumineux emballements de la passion, l'implacable fatalité… tout en narrant le Japon ancestral, héroïque ou quotidien, puis battu en brèche, puis américanisé et modernisé, tout en gardant entremêlées les diverses strates de ses états antérieurs. Ça c'est pour l'ampleur, l'espace, la richesse et la maîtrise du roman, qui laissent béat d'admiration. Mais il y a le revers, par moment, je me plains d'un écrivain prolifique, qui (se regarde) écrire les complexités de la pensée et de l'action des jeunes anarchistes de droite, (cf Chevaux échappés, tome 2) nostalgiques du culte de l'empereur et des dieux (c'est pareil) : le complot d'Isao Iinuma raconté par le menu est quand même indigeste, même s'il met en scène l'étrange personnage d'isao, dont Honda se persuade qu'il est la réincarnation de Kiyoaki, l'amoureux de Neige de printemps, un Isao forcené de pureté et de fidélité à ses idéaux. Un sorte de diamant inaccessible à rien d'humain, farouchement corseté dans ses valeurs et fidèle à lui-même. J'avais quand même hâte qu'il parvienne à conclure. le dernier tiers (arrestation, prison, procès et final) reprend de la vigueur et de la grandeur.
De même la première partie du tome 3 (Le Temple de l'aube) laisse complètement désemparé devant ce foisonnement de concepts, quand Honda accomplit son voyage en Inde, avant l'entrée en guerre du Japon. Même si les descriptions de Bénarès sont magistrales, saisissantes et dantesques, il reste toutes les spéculations sur les avatars de la pensée hindouiste et bouddhiste pour cerner la vérité de la réincarnation. Pour un esprit occidental moyen, c'est totalement abscons, et je me suis contentée de survoler cet océan d'érudition, me disant au passage que j'étais là pour lire un roman, et pas une compile philosophico-religieuse. Bref. La deuxième partie change du tout au tout, on retrouve Honda et son esprit analytique curieusement entaché de croyances irrationnelles, embarqué dans une quête étrange fixée sur la personne de Ying Chan, la princesse Thai, 2ème réincarnation de Kiyoaki. On est dans le Japon d'après-guerre, une ère d'enrichissement, de modernité (et de vulgarité ?). le personnage de Honda, avocat riche et arrivé, révèle sous ses dehors de grand bourgeois prospère une nature calculatrice et perverse. Il est dénué d'illusion sur lui même comme sur le genre humain, empreint de l'aridité de la lucidité et du pessimisme et toujours en quête de l'inaccessible réalité de la mort et de la réincarnation. On a envie de deviner Mishima à l'arrière-plan.
Je commence L'Ange en décomposition. Séquence inaugurale : l'observation de la mer, du soleil et l'étrange personnage de Toru Yasunaga, 16 ans, celui qui guette, « l'oeil qui n'a rien à faire que de chercher à voir »… « tout à fait convaincu qu'il n'appartenait pas à ce monde ». On devine le 3ème sujet de réincarnation.
Honda a 76 ans -20 ans plus tard, donc - et se plaît à la compagnie de sa vieille complice, la brillante Keiko : ils sont « devenus de parfaits compagnons de vieillesse »… J'attends avec curiosité et impatience les circonvolutions que va prendre l'affaire.
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Ce tome tire un peu plus la veine perverse (légere hein, ne pensez pas que-. Part belle aussi aux réflexions religieuses et philosophiques, bouddhisme, hindouisme, liens avec l'Occident, tout ce qui se tisse pour découvrir ou comprendre la transmigration, la réincarnation, qui est de fait le noeud de la tétralogie. On meurt, et puis quoi, on vit brillamment ou non, on se poursuit, on se cherche, on passe le temps, on fait semblant, on est, on naît, on renaît, dans cette mer de fertilité. Ou tout se crée, tout semble possible, mouvant. Tout cela vu et conté essentiellement à travers les yeux de cet homme qui prend de l'âge et qui lui n'a pas de descendance directe. Et qui se poursuit, se cherche, passe le temps, fait semblant, est, en espérant enfin naître et peut-être renaître, ou faire renaître son passé, dans cette illusion du temps.
L'écriture de Mishima, sa façon de tissuler (faire un tissu, j'veux dire) de tant d'éléments éparses et frères, le fait qu'il aille loin sans pourtant être illisible ou choquant bêtement, cette ligne qui part en tous sens, sans se perdre, ou en se perdant reste proche d'un sens...tout ça c'est brillant, juste brillant.
(S'il est Un Auteur Japonais, ce n'est pas du tout chez Murakami qu'il faut le chercher, visez Mishima.)
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Cette fois-ci le personnage principal des deux premiers romans semble se réincarner dans une princesse Thaï, dans deux époque différentes. Tout d'abord, la princesse est une enfant, pendant la Seconde Guerre Mondiale, et semble faire des références assez précises au passé de Kiyoaki-Isao lors d'un voyage de Honda en Thaïlande, auprès de la famille royale. Ce passage est agrémenté d'une réflexion très théorique sur le bouddhisme. Puis la princesse grandit et voyage au Japon. Elle semble avoir oublié ses prémonitions d'antan, et Honda, devenu vieux, tente de s'en approcher, non sans un certain désir et une certaine perversion, notamment afin de vérifier si elle est pourvue des trois grains de beauté sous la poitrine, à l'instar de ses deux prédécesseurs, Kiyoaki et Isao. La fin contient un grand retournement de situation. Je ne vous surprendrai pas en vous apprenant qu'elle est tragique.
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Comme tout un chacun, et plus que tout autre peut-être eu égard à ses intentions – n'oublions pas qu'il est avec cet ouvrage sur le troisième opus de son oeuvre testament laquelle en comporte quatre – l'auteur de la Mer de la fertilité est confronté à la perpétuation de la vie. Avec lui point de quête d'éternité dans l'au-delà, de place auprès de Dieu ainsi que peuvent nous le promettre quelques religions monothéistes en perte de vitesse en ce troisième millénaire, il ne peut donc être question que de transmigration de l'âme, de réincarnation. le seul point qui accorderait peut être les différentes croyances quant au sort réservé après la mort est la vertu du comportement de la personne de son vivant. Cette vertu s'exprimant parfois non pas en dévotion ou actions charitables, mais en pureté d'intention laquelle peut fort bien comporter l'élimination d'autrui, s'il est convaincu de corruption par les vices inhérents à la nature humaine.

Nul doute que Mishima décèle dans la perpétuation qu'il applique à ses héros, une voie pour son propre avenir dont il semble avoir décrété l'échéance. Marguerite Yourcenar qui s'est intéressée à cet écrivain dans Mishima ou la vision du vide trace dans son oeuvre les indices qui témoigneraient de son intention. Elle y voit un artisan en préméditation de son chef-d'oeuvre : sa fin spectaculaire selon le rituel samouraï.

Isao le fervent nationaliste du tome deux de la tétralogie, Chevaux échappés, était la réincarnation de Kiyoaki, l'amoureux éperdu de Neige de printemps, le premier tome. Les dernières lignes de chacun de ces ouvrages faisant disparaître leur héros, Honda leur survivant est le témoin attesteur de leur réincarnation. Dans ce troisième opus, la transmigration des âmes ne connaissant ni frontière ni race, c'est la princesse siamoise Ying Chan qui se dit elle-même réincarnation d'Isao. Honda s'en convainc et cherche sur son corps par ses indiscrétions équivoques le signe qui confirmera le fait.

Le temple de l'aube est un ouvrage quelque peu déroutant. Autant une première partie voit son héros en quête de la réalité de la réincarnation, allant la en chercher les preuves jusqu'à Bénarès en Inde, le sanctuaire de l'hindouisme, autant la seconde plonge son héros, Honda, dans la déviance comportementale du notable respecté qu'il est, faisant de lui un voyeur des ébats sexuels de quelques couples occasionnels dont il a lui-même favorisé le rapprochement. Il s'en expliquera auprès de son épouse, Rié, qui le surprendra dans cette posture condamnable.

Il y a toujours dans le texte de Mishima cette communion avec la nature qui s'exprime par de longues tirades contemplatives, lesquelles trouvent leurs prolongements dans la poésie mise dans la bouche de l'une ou de l'autre de ses personnages. Tirades qui peuvent distraire le lecteur du fil directeur de l'ouvrage d'autant que certaines allégories sont assez poussives et terre à terre. Mais le chemin est tracé et Mishima y ramène ce dernier avec l'obsession du but à atteindre que le quatrième opus au titre annonciateur, l'Ange en décomposition, ne devrait pas manquer pas à mon sens de nous révéler.

Dans ma perception de lecteur peu averti des croyances religieuses qui ont cours en extrême orient, je situe ce troisième opus au creux de la vague de la tétralogie. Je l'ai trouvé déséquilibré, pénalisé par cette dichotomie comportementale chez Honda en ces deux parties de l'ouvrage. Une première tout orientée vers une quête de spiritualité, parfois absconse à mon entendement, l'autre vers la recherche de preuve physique sur le corps de la princesse qui rabaisse son protagoniste en une trivialité coupable en complète rupture avec la qualité du personnage. Mais cette perception est affaire de culture personnelle et ne me retiens pas de m'engager sur le quatrième volet de la tétralogie. Je garde à l'esprit le cheminement intellectuel mortifère que fomente son auteur. Il se donnera la mort au bout de ce chemin. Et comme Marguerite Yourcenar, je tente de comprendre cette démarche sacrificielle dans ces textes, de déceler les traces de ce poison qui lentement fait son oeuvre.
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Ce troisième volet le temple de l'aube (de la saga La mer de la fertilité) de l'écrivain japonais Yukio Mishima est hyper long, trop centré sur de la politique... Personnellement, je l'ai trouvé ennuyeux et j'ai eu beaucoup de mal à arriver simplement au quinzième chapitre.
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« le temple de l'aube » est un pur chef d'oeuvre balayant instantanément toutes les réticences que j'ai pu exprimer pour les deux premiers tomes de « La mer de la fertilité ».

Très différents des deux premiers volumes, notamment du second nationaliste et morbide, « le temple de l'aube » élève incroyablement les débats pour développer une réflexion philosophique ultra poussée sur les théories hindouiste liée à la réincarnation.

Cette partie riche et métaphysique est néanmoins la plus ardue à décrypter mais bénéficie des descriptions hallucinantes du voyage de Honda en Inde et de l'éveil spirituel qui en découle.

Mais « le temple de l'aube » n'est pas qu'un livre introspectif sur le bouddhisme hindou, il contient plusieurs niveaux de lectures, notamment la poursuite obsessionnelle d'un homme vieillissant découvrant une passion dévorante pour une jeune adolescente de noble nature, et par essence inaccessible.

Face à ce mur naturel et social, le vieil homme va développer un monde intérieur de fantasmes et de pulsions voyeuristes qui contribuera du fait de sa quête sans fin à le tenir en éveil.

Fantastique sur le fond, « le temple de l'aube » l'est également dans la forme, avec la beauté colorée et misérable de l'Inde ou à un niveau moindre de la Thaïlande mais également par son incroyable teneur érotique.

Bien que homosexuel, Mishima décrit à la perfection les fantasmes pulsionnels d'un homme autour d'une jeune femme à la peau bistrée et au corps parfait.

Difficile, riche, complexe et divin sur le plan du style, « le temple de l'aube » est un monument de la littérature et sans doute l'un des meilleurs livres de Mishima.

Il sera sans doute difficile de faire mieux voir aussi bien...
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Bonjour !

Le temple de l'aube est le 3ème et avant dernier roman du grand cycle de Mishima sur la réincarnation : la mer de la fertilité.

On y retrouve Honda, désormais âgé de 46 ans au début de l'histoire, mis en présence lors d'un voyage d'affaires en Thaïlande à ce qu'il pense à nouveau être la réincarnation de son vieil ami.

Avant de rentrer au Japon, il décide de rejoindre l'Inde et est alors subjugué par ce qu'il y voit: les pèlerins, le Gange, Benarès, les temples.

A son retour, il se plonge dans l'étude des textes anciens sur la transmigration.

Bien des années plus tard, il sera à nouveau mis en rapport avec l'avatar de son ami, qui apparaît cette fois sous les traits d'une jeune princesse thaïe : Ying Chan

Le roman diffère des précédents par la longue période pendant laquelle se déroule l'histoire : une dizaine d'années, entre 1941 et 1952, entrecoupées d'ellipses.

Honda devient désormais le véritable héros du cycle, lui qui vieillit alors que son ami reste éternellement jeune.
Son évolution est a ce titre particulièrement intéressante.

La richesse thématique de ce roman est ébouriffante: religion, vieillesse, sexualité. C'est d'ailleurs la première fois que cette dernière apparaît de façon si claire et si crue dans la tétralogie.

Pourtant "le temple de l'aube" n'est pas exempt de défauts.
Le plus important d'entre eux est l'enchaînement, dans la première moitié du roman, des pages relatives aux théories bouddhistes, dont le fameux "samsara".

Impossible alors de ne pas décrocher. On lit en espérant que cela se termine. Au point d'envisager l'arrêt de la lecture pour quelque chose de plus ludique.

J'aurais également aimé que le contexte historique soit beaucoup plus creusé. Plutôt que simplement évoqué et un peu balayé par l'intermédiaire d'une ellipse.

L'écriture de Mishima reste toujours aussi belle, cela ne fait aucun doute. Peut-être parfois au détriment d'autre chose de plus "consistant". Mais c'est aussi le point fort de l'auteur.

Il n'en reste pas moins que ce livre est incroyablement riche mais la lecture peut s'avérer, à certains moments, assez éprouvante.

Bonne lecture!
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Le temple de l'aube est la partie la plus composite et la plus contrastée de la tétralogie. Il est scindé en deux parties principales de 200 pages chacune, aux climats très différents, mais qui se nourrissent l'une l'autre. La première partie est exotique (Marguerite Yourcenar dit sévèrement dans "Mishima ou la vision du vide" que c'est un peu trop "touristique" avec une réflexion sur le bouddhisme trop littérale comme si l'auteur voulait s'en débarrasser une fois pour toute sans se l'approprier véritablement). Honda en déplacement d'affaire à Bangkok fait la connaissance de la jeune princesse Chantrapa (ou Ying Chan surnommée "Clair de lune") qui lui apparaît comme la nouvelle réincarnation potentielle de Kiyoaki et Isao, ainsi que le rêve d'Isao l'avait suggéré dans Chevaux échappés.

Cette révélation entraîne chez Honda le désir d'approfondir ses connaissances sur le bouddhisme et la réincarnation en allant puiser à leurs sources au cours d'un voyage en Inde après avoir quitté la Thaïlande. Nous assistons donc successivement à des descriptions extrêmement belles de la ville de Bangkok avec le Wat Arun (Le temple de l'aube) ou le palais impérial puis les spectaculaires fêtes sanglantes de Calcutta dédiées à la déesse Kali, les rites funéraires de Bénarès dans un climat de fin du monde, l'ascension vers les grottes d'Ajanta...

Ce sont certes des sites emblématiques et touristiques mais la description qu'en fait Mishima atteint des moments de fulgurance inoubliables même si j'aurais aimé m'attarder un peu plus longuement dans chacun de ces lieux envoûtants.

Puis survient la partie la plus contestée par Yourcenar qui concerne l'explication par Honda de ses recherches sur les origines et les variantes du concept de Samsara et de conscience Alaya. Elle occupe une trentaine de pages (des chapitres 13 à 19) qui sont assez ardues et abstraites, peut-être trop littéralement théoriques, mais qui ont beaucoup d'importance pour comprendre le cheminement de pensée de Honda dans la seconde partie puis dans L'ange en décomposition. C'est assez impressionnant et déroutant mais j'avoue y avoir éprouvé du plaisir parce que cela m'a donné des clés non seulement pour La mer de la fertilité (le titre, l'image de la cascade choisie par Quarto...) mais aussi pour mieux appréhender le cinéma d'Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee notamment). Les plus réfractaires pourront zapper sans problème ces trente pages mais ça serait dommage...

Enfin nous voilà dans la seconde partie qui se déroule au Japon dans un Tokyo dévasté par la guerre ainsi que dans les environs du Mont Fuji entre le quartier résidentiel de Gotemba et le sanctuaire Shinto de Sengen.

C'est une partie extraordinaire qui n'est pas sans évoquer Marcel Proust par cette façon de suggérer les ravages du temps qui passe (un incroyable Tokyo en ruine et une apparition qui m'a rappelé les descriptions de la Berma vieillissante), les impasses de la vie conjugale, le regard ironique porté sur l'aristocratie locale dans des scènes de réceptions mémorables et délectables. Il y a une grande cruauté dans cette vision pessimiste et dépressive de l'humanité qui n'en est pas moins aussi lucide et désenchantée que perverse. Il y a des séquences érotiques d'une grande intensité et d'une puissante volupté jusque dans le voyeurisme. Et il y a surtout cette quête insatisfaite et illusoire de la beauté (celle de la sublime Ying Chen) qui apparaît peut-être comme la mort elle-même. le final est très spectaculaire.

On est aspiré par un vide sidéral et la manière dont il décrit la personnalité de Honda comme celle de son épouse est d'une grande richesse psychologique. Chaque personnage a du relief (formidable Keiko) et le regard porté sur eux sans concession. Mishima montre la fin d'un monde, de la beauté des traditions ancestrales qu'il avait sublimées dans Neige de Printemps, du couple (quelle violence morale entre Honda et Rié!!), des illusions. L'occidentalisation est presque perçue comme une déchéance (et le bref portrait des occidentaux est assez méprisant. Celui des japonais n'est pas beaucoup plus reluisant). Mais paradoxalement il en ressort un attachement déchirant à ces lieux et à ces personnages qui sont emportés par le temps mais sublimés par sa plume unique. Avec l'idée que peut-être la pensée bouddhiste permettrait de dépasser la souffrance et le dégoût de soi. Honda y parviendra-t-il à la fin de sa vie dans L'ange en décomposition? En tout cas Mishima s'est suicidé après avoir achevé son oeuvre...
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Ce roman est le troisième de la tétralogie nommée « Mer de la fertilité », écrite par Mishima peu avant sa mort volontaire par seppuku. Il est en continuité avec les deux romans précédents. le héros central est cette fois Shigekuni Honda.
Honda fut le grand ami de Kiyoaki Matsugae dans le premier tome, « Neige de printemps ». Ce dernier, mort à 20 ans d'une infection, après avoir vécu un amour passionnel mais contrarié avec une jeune fille promise à un prince, avait promis de revoir un jour Honda avant de mourir. Dans le deuxième tome qui commence en 1932, Honda est juge à la Cour d'appel d'Osaka. Venu voir un jeune champion de kendo, Isao, il remarque sur le torse de celui-ci les mêmes marques qu'avait Kiyoaki. il est sûr qu'il y a là un phénomène de réincarnation. Isao est un idéaliste, partisan d'un Japon traditionnel, impérial, fermé à la modernité et condamnant le capitalisme corrupteur. Il fomentera des actions violentes et échouera. Honda troquera sa toge de juge pour une robe d'avocat pour le défendre. Tel un samouraï, son modèle, Isao ira au bout de sa pureté et se suicidera par seppuku.
Dans ce troisième opus, Honda se trouve à Bangkok, capitale du royaume de Siam, future Thaïlande, à défendre les intérêts d'une société nippone. On est en 1941, le Japon est en guerre et connaîtra la défaite et l'occupation américaine à l'issue du conflit mondial. Bangkok, c'est les tropiques, chaleur, humidité, forêts, nonchalance... également de très beaux temples. Il part pour un voyage initiatique en Inde dont il reviendra ébranlé, notamment après avoir vu Bénarès, le Gange, les pèlerins, les bûchers. de retour à Bangkok, il rencontre Ying Chan, princesse de sept ans, qu'on dit folle, et qui est la fille d'un prince siamois qu'Honda et Kiyoaki avaient connu au Japon où il était étudiant. Ying Chan dit dans une crise être la réincarnation d'un Japonais.
S'ensuivent des pages et des pages sur l'hindouisme, le bouddhisme, le samsâra et la réincarnation, le karma et la conscience alaya. Il faut s'accrocher : complexité des concepts ? problèmes de traduction ?
En 1952, Honda est un vieil homme de cinquante sept ans ! Ying Chan est devenue une jeune et séduisante étudiante depuis peu installée à Tokyo. Devenu riche, Honda abandonne son cabinet d'avocat et fait construire une villa avec piscine pour voir Ying Chan nue et vérifier qu'elle a ou non la marque de Kiyoaki et d'Isao. Fantasque, instable, elle semble se moquer de ce pauvre Honda, devenu un amoureux transi, qui finira tout de même, voyeur honteux, par apercevoir les marques cutanées identiques à celles de Kiyoaki et Isao. Tout comme eux, la princesse Ying Chan mourra à vingt ans, mordue par un cobra.
Après les thèmes de la sensualité, de l'amour, puis de la pureté originelle du Japon et de la révolte dans ses précédents romans, Mishima s'attaque à celui de la religion qui semble gagner son combat contre la rationalité de son héros vieillissant, chez qui s'installe par ailleurs une sorte de désordre mental. Au passage, il fétichise le Mont Fuji et dresse une galerie de portraits qu'il traite en observateur peu délicat, poursuivant sa peinture critique d'un Japon qu'il voit évoluer au fil des années vers une nation occidentalisée et s'éloignant de ses valeurs, ce qu'il semble condamner douloureusement.
Lien : https://lireecrireediter.ove..
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