Ce roman est le troisième de la tétralogie nommée « Mer de la fertilité », écrite par Mishima peu avant sa mort volontaire par seppuku. Il est en continuité avec les deux romans précédents. le héros central est cette fois Shigekuni Honda.
Honda fut le grand ami de Kiyoaki Matsugae dans le premier tome, « Neige de printemps ». Ce dernier, mort à 20 ans d'une infection, après avoir vécu un amour passionnel mais contrarié avec une jeune fille promise à un prince, avait promis de revoir un jour Honda avant de mourir. Dans le deuxième tome qui commence en 1932, Honda est juge à la Cour d'appel d'Osaka. Venu voir un jeune champion de kendo, Isao, il remarque sur le torse de celui-ci les mêmes marques qu'avait Kiyoaki. il est sûr qu'il y a là un phénomène de réincarnation. Isao est un idéaliste, partisan d'un Japon traditionnel, impérial, fermé à la modernité et condamnant le capitalisme corrupteur. Il fomentera des actions violentes et échouera. Honda troquera sa toge de juge pour une robe d'avocat pour le défendre. Tel un samouraï, son modèle, Isao ira au bout de sa pureté et se suicidera par seppuku.
Dans ce troisième opus, Honda se trouve à Bangkok, capitale du royaume de Siam, future Thaïlande, à défendre les intérêts d'une société nippone. On est en 1941, le Japon est en guerre et connaîtra la défaite et l'occupation américaine à l'issue du conflit mondial. Bangkok, c'est les tropiques, chaleur, humidité, forêts, nonchalance... également de très beaux temples. Il part pour un voyage initiatique en Inde dont il reviendra ébranlé, notamment après avoir vu Bénarès, le Gange, les pèlerins, les bûchers. de retour à Bangkok, il rencontre Ying Chan, princesse de sept ans, qu'on dit folle, et qui est la fille d'un prince siamois qu'Honda et Kiyoaki avaient connu au Japon où il était étudiant. Ying Chan dit dans une crise être la réincarnation d'un Japonais.
S'ensuivent des pages et des pages sur l'hindouisme, le bouddhisme, le samsâra et la réincarnation, le karma et la conscience alaya. Il faut s'accrocher : complexité des concepts ? problèmes de traduction ?
En 1952, Honda est un vieil homme de cinquante sept ans ! Ying Chan est devenue une jeune et séduisante étudiante depuis peu installée à Tokyo. Devenu riche, Honda abandonne son cabinet d'avocat et fait construire une villa avec piscine pour voir Ying Chan nue et vérifier qu'elle a ou non la marque de Kiyoaki et d'Isao. Fantasque, instable, elle semble se moquer de ce pauvre Honda, devenu un amoureux transi, qui finira tout de même, voyeur honteux, par apercevoir les marques cutanées identiques à celles de Kiyoaki et Isao. Tout comme eux, la princesse Ying Chan mourra à vingt ans, mordue par un cobra.
Après les thèmes de la sensualité, de l'amour, puis de la pureté originelle du Japon et de la révolte dans ses précédents romans, Mishima s'attaque à celui de la religion qui semble gagner son combat contre la rationalité de son héros vieillissant, chez qui s'installe par ailleurs une sorte de désordre mental. Au passage, il fétichise le Mont Fuji et dresse une galerie de portraits qu'il traite en observateur peu délicat, poursuivant sa peinture critique d'un Japon qu'il voit évoluer au fil des années vers une nation occidentalisée et s'éloignant de ses valeurs, ce qu'il semble condamner douloureusement.
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